ISOLATIONNISME
ISOLATIONNISME
Ligne de conduite suivie dans les relations extérieures par un État qui entend ne pas participer à la vie politique internationale en dehors des affaires par lesquelles il s’estime être directement concerné, l’isolationnisme semble se borner essentiellement aux questions politiques et n’exclut nullement les relations avec d’autres États dans d’autres domaines. En formulant, dès 1796, le principe d’isolationnisme en tant que règle de conduite de la politique extérieure des États-Unis, George Washington déclara en effet: «Notre principale règle de conduite en face des nations étrangères doit être d’étendre nos relations commerciales avec elles tout en ayant aussi peu de rapports politiques que possible.» Toutefois, si à la fin du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe siècle la mise en pratique de ce principe de conduite était possible, l’importance prise par l’économie et son imbrication toujours plus grande dans la politique internationale font qu’une telle distinction semblerait difficile à justifier à l’époque actuelle.
Par ailleurs, ses tenants américains n’attribuaient à l’isolationnisme qu’une valeur relative et excluaient avant tout les affaires européennes. Ainsi, la «doctrine» énoncée par le président Monroe dans son message du 2 décembre 1823 au Congrès des États-Unis formule des principes isolationnistes visant à protéger l’Amérique contre les puissances européennes, et affirme que toute tentative de l’Europe pour étendre son propre système à une nouvelle portion de l’hémisphère occidental est dangereuse pour la paix et la sécurité des États-Unis. Par la suite, la politique d’intervention en Extrême-Orient n’a pas été non plus jugée incompatible avec l’isolationnisme.
L’isolationnisme en tant que règle de conduite dans les affaires extérieures a été préconisé aux États-Unis par John Adams, dès 1775. Il resta un phénomène essentiellement américain et connut deux périodes. La première et principale période d’isolationnisme commence à la fin du XVIIIe siècle avec les premières formulations du principe et dure une centaine d’années. Au cours du XIXe siècle, le gouvernement de Washington est et veut être absent de la scène politique internationale située essentiellement en Europe, bien que son opinion publique l’ait, dans certaines circonstances, poussé à l’intervention (guerre de libération de la Grèce, 1827; guerre d’indépendance de la Hongrie, 1849). Après l’occupation de la totalité du territoire américain, les États-Unis se tournent davantage vers l’extérieur et, avec la guerre hispano-américaine, rejoignent le rang des puissances impérialistes (1898). Le début du XXe siècle voit le gouvernement américain participer de plus en plus aux événements mondiaux (médiation dans la guerre russo-japonaise, 1905; conférence d’Algésiras, 1906; conférence de la paix, La Haye, 1907). L’entrée en guerre, en avril 1917, contre l’Allemagne aux côtés des Alliés constitue la rupture entière avec l’abstention des alliances préconisée naguère par Washington.
Toutefois, la fin de la Première Guerre mondiale a amené une réaction de l’opinion publique américaine dans le sens d’un retour à l’isolationnisme. Le 20 novembre 1919, le Sénat américain refuse d’approuver le traité de Versailles, qui comporte non seulement les clauses de la paix avec l’Allemagne mais aussi le pacte de la Société des Nations. C’est ainsi que commence la seconde période de l’isolationnisme américain, bien plus courte que la première puisqu’elle ne dure qu’une vingtaine d’années. Les États-Unis ne font pas partie de la Société des Nations — celle-ci ne s’en remettra jamais tout à fait — et cherchent à revenir à une liberté d’action dont une partie de l’opinion publique, groupée en particulier au sein du parti républicain (sénateurs Borah et Lodge), garde la nostalgie. La présidence de Harding en est l’apogée. Toutefois, le gouvernement encourage en même temps les investissements américains à l’étranger, et dans l’ensemble les relations économiques avec des pays étrangers deviennent trop serrées pour que les États-Unis puissent véritablement se désintéresser de la politique internationale. En fait, au cours des années trente, l’isolationnisme se transforme en une politique de non-engagement (loi de neutralité, 1935-1937), qui ne peut d’ailleurs se maintenir elle-même que quelques années. L’entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale en 1941 semble marquer définitivement la fin de l’isolationnisme. À partir de la Conférence de Yalta, les États-Unis pratiquent résolument une politique mondiale de présence et d’engagement; les velléités isolationnistes qui se manifestent sporadiquement dans l’opinion publique américaine semblent irréalistes et vouées à l’échec.
isolationnisme [ izɔlasjɔnism ] n. m. ♦ Politique d'isolement. Isolationnisme économique (⇒ protectionnisme) . « la doctrine de Monroë, l'isolationnisme, le mépris de l'Europe » (Sartre).
● isolationnisme nom masculin (américain isolationism) Politique extérieure d'un État désireux de ne pas prendre part aux affaires internationales. (Cette attitude a caractérisé, de 1823 [doctrine Monroe] à la fin du XIXe s., la politique étrangère des États-Unis, qui se désintéressaient de l'Europe et refusaient toute ingérence de celle-ci dans les affaires américaines. Cette attitude prévalut de nouveau entre les deux guerres mondiales.)
isolationnisme
n. m. POLIT Attitude, doctrine d'un pays qui se refuse à participer aux affaires internationales.
⇒ISOLATIONNISME, subst. masc.
Doctrine, politique d'isolement d'une nation et, particulièrement, des États-Unis à l'égard de l'Europe à certains moments de son histoire. Isolationnisme américain; isolationnisme atomique, nucléaire; politique d'isolationnisme. 1940 c'est la période de l'isolationnisme militant des Américains (L. RIOUX ds Arts Loisirs, 8 mars 1967, p. 14, col. 3) :
• ... l'isolationnisme des États-Unis est, d'après le président [Roosevelt], une grande erreur révolue. Mais, passant d'un extrême à l'autre, c'est un système permanent d'intervention qu'il entend instituer de par la loi internationale.
DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 237.
— P. anal. Les Mormons renforcent leur isolationnisme religieux en groupant l'habitat, en entourant leurs terres d'une clôture commune (MEYNIER, Paysages agraires, 1958, p. 45).
Prononc. et Orth. : []. MAUROIS, Journal, 1946, p. 110 : -onisme. Cf. -isme. Étymol. et Hist. 1941 (France, 11 déc., col. 1 ds Fonds BARBIER). Empr. à l'anglo-amér. isolationism attesté dep. 1922 (cf. NED Suppl.2 et Americanisms 1966) et dér. de l'angl. isolation (v. isolationniste).
isolationnisme [izɔlɑsjɔnism] n. m.
ÉTYM. 1931; angl. des États-Unis isolationism, 1922, de isolation « isolement », d'après isolationist. → Isolationniste.
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♦ Politique d'isolement (3.).
0 Il y a la doctrine de Monroë, l'isolationnisme, le mépris de l'Europe, et puis il y a l'attachement sentimental de chaque Américain pour son pays d'origine (…)
Sartre, Situations III, p. 128.
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DÉR. V. Isolationniste.
Encyclopédie Universelle. 2012.