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ARC DE TRIOMPHE
ARC DE TRIOMPHE

Un arc de triomphe est une structure architectonique composée de deux pylônes reliés par une voûte en plein cintre; elle supporte par son intermédiaire un attique, base rectangulaire massive qui elle-même porte des statues. L’arc comprend en outre des colonnes plaquées contre les pylônes qui soutiennent un entablement passant au-dessus de la baie. La présence des colonnes distingue l’arc du fornix , forme primitive qui apparaît dès le IIe siècle avant J.-C., tandis que l’arc lui-même naît en 29 avant J.-C.

Sur certains arcs de grande dimension, les pylônes sont percés de baies plus basses que la baie centrale: ce sont des arcs à trois baies. Quatre arcs à une seule baie reliés entre eux perpendiculairement de manière à former un carré donnent naissance à l’arc quadrifront ou tétrapyle , couramment appelé aussi janus. Ces formes sont seules classiques; en particulier les passages formés de deux baies accolées, que l’on trouve par exemple dans les portes de villes, ne doivent pas être considérés comme des arcs.

Origine et évolution des portes magiques

La signification de l’arc de triomphe s’explique par la plus ancienne religion romaine de la guerre; à l’issue des campagnes, on faisait passer les guerriers sous une porte magique, pour les décharger des énergies destructrices qu’ils portaient en eux et qui auraient été dangereuses pour leurs compatriotes. Ces portes étaient placées soit à l’entrée de la ville, soit à l’entrée du forum. Il existe dans la plus ancienne Rome plusieurs variétés de ces portes magiques. À partir du IIe siècle avant J.-C., certaines d’entre elles, les fornices – arcs de petites dimensions dépourvus de colonnes –, tendent à devenir des monuments triomphaux; on place sur leur attique les images des généraux vainqueurs, qui se trouvent ainsi élevés au-dessus de l’humanité commune. Contrairement à ce qu’on a longtemps cru, il n’y a donc pas lieu de chercher l’origine de l’arc de triomphe dans l’art hellénistique. Même à l’époque impériale, d’ailleurs, il y aura très peu d’arcs de triomphe en Orient.

Le décor de l’arc de triomphe est déterminé d’abord par la position des colonnes. Dans la formule la plus simple (arc d’Auguste à Suse), il n’y a que quatre colonnes placées aux angles externes du monument ou se détachant sur la masse des pylônes; dans la plus courante, chaque face du pylône est associée à deux colonnes, qui peuvent être soit engagées (ex. arc d’Auguste à Aoste), soit détachées en avant de la masse; l’entablement supporte souvent un fronton. Le dédoublement de l’attique, qu’on observe à l’arc d’Orange, est tout à fait exceptionnel.

Même les arcs les plus modestes portaient des statues sur leur attique; ces statues, faites de bronze, ont toujours disparu. On a réussi cependant à identifier quelques fragments de celle qui couronnait l’arc de Caracalla à Volubilis (Maroc). Le thème le plus fréquent de ces groupes culminaux était la représentation de l’empereur sur son char de triomphe, encadré, le plus souvent, par des statues de prisonniers et des trophées. D’autres statues pouvaient être logées dans des niches creusées dans la masse des pilastres. Un nombre relativement petit d’arcs de triomphe particulièrement somptueux portent un décor en relief placé soit sur la frise, soit sur les pylônes, soit encore le long des passages internes, ou sur les faces verticales de l’attique.

Les grands arcs impériaux

Voici, dans l’ordre chronologique, quelques arcs particulièrement remarquables.

L’arc d’Auguste au forum romain est le premier des arcs de triomphe proprement dits; construit en 29 avant J.-C. pour commémorer la victoire d’Actium, il fut complètement transformé dix ans plus tard, en souvenir de la restitution par les Parthes des enseignes de Crassus. Enjambant la Voie sacrée entre le temple de Castor et celui du Divus Julius, il se composait, dans son second état, d’un arc à baie unique, flanqué de deux portes à linteau droit; cette formule ne sera jamais reprise. Le monument est entièrement détruit, mais on en a retrouvé assez d’éléments pour que G. Gatti ait pu le restituer graphiquement; le décor comportait en particulier des Victoires en vol dans les écoinçons de la baie, motif qui se retrouvera sur la plupart des arcs postérieurs. Sous les passages latéraux, on pouvait lire les Fastes de la République.

L’arc d’Auguste à Rimini est le plus ancien arc de triomphe conservé (27 av. J.-C.).

L’arc de Suse (9-8 av. J.-C.) porte une frise exécutée en style primitiviste par un sculpteur local; elle commémore l’alliance du roi Cottius avec Rome.

Les arcs de Glanum (15 av. J.-C. env.) et de Carpentras (début de l’ère chrétienne), le tétrapyle de Cavaillon constituent, avec plusieurs monuments détruits, le groupe provençal, dont le représentant le plus récent est l’arc d’Orange, dédié à Tibère en 26-27 après J.-C. C’est le plus ancien des arcs à trois baies; il est remarquable à la fois par son architecture baroque et par son très riche décor sculpté. Il évoque les combats menés en 21 après J.-C. contre les révoltés gaulois de Sacrovie par la IIe légion, dont les vétérans avaient peuplé la colonie d’Orange; scènes de batailles et monceaux d’armes s’inspirent des sculptures pergaméniennes.

L’arc de Titus sur la Velia est le seul conservé des nombreux arcs flaviens de Rome. Construit après la mort de cet empereur, en 80, il célèbre son apothéose et rappelle sa victoire sur les Juifs. Les panneaux du passage interne, qui représentent le triomphe de Titus, offrent l’exemple le plus remarquable de l’imitation en sculpture de la perspective picturale.

L’arc de Bénévent fut construit à l’occasion du départ de Trajan pour la guerre contre les Parthes, en 114; la composition d’ensemble est analogue à celle de l’arc de Titus, mais les pylônes, la frise, l’attique et les parois du passage interne portent un riche décor sculpté évoquant, semble-t-il, l’ensemble du programme politique de Trajan. Ce décor dut être achevé après la mort du prince, en 117.

L’arc de Septime Sévère au forum romain, construit en 205 pour commémorer la victoire sur les Parthes, possède trois baies; au-dessus des passages latéraux, quatre grands panneaux sculptés illustrent la campagne de Mésopotamie: ces panneaux, reproductions de peintures qui avaient été exposées lors du retour de l’empereur, sont divisés chacun en deux registres qui figurent deux phases successives des combats livrés sur un même site. Résolument non classique, le style vise avant tout à exprimer la puissance impitoyable de l’armée romaine. La même tendance explique la lourdeur des figures de Victoires placées dans les écoinçons du passage médian; elles sont accompagnées de petits génies figurant les Saisons pour signifier que la puissance victorieuse de l’empereur est identique aux énergies qui assurent la bonne marche de la nature. Une idée analogue est à l’origine des figures de fleuves dans les écoinçons des passages secondaires (on les retrouve également sur d’autres arcs).

Le tétrapyle de Septime Sévère à Leptis Magna en Tripolitaine est, en dehors du tétrapyle de Marc Aurèle à Tripoli et de l’arc de Caracalla à Volubilis, le seul des très nombreux arcs africains qui soit décoré de reliefs; les principaux de ceux-ci se trouvaient à l’attique; ils représentent le cortège triomphal de l’empereur et de ses fils, et des scènes religieuses, dans un style très éloigné du classicisme, qui a généralement été rapporté à des artistes d’origine orientale, mais que nous attribuons plutôt à des Africains.

L’arc de Constantin à Rome, devant le Colisée, construit pour célébrer la victoire de cet empereur sur Maxence en 312, est peut-être le plus célèbre des arcs de triomphe romains; c’est un arc à trois baies dont la structure est proche de celle de l’arc de Septime Sévère; le décor se compose, d’une part, de reliefs illustrant la campagne d’Italie de Constantin, d’autre part, d’éléments empruntés à des monuments de Trajan, d’Hadrien et de Marc Aurèle, remployés non par paresse ou par impuissance artistique, mais parce qu’ils évoquaient les vertus que chaque empereur pratiquait à son tour et qui justifiaient son pouvoir.

Postérité médiévale et moderne

Dans l’art chrétien, l’arc de triomphe donne naissance à l’arc triomphal situé à l’entrée du chœur des églises: la transition est particulièrement visible à Sainte-Marie-Majeure. À partir de la Renaissance, les arcs romains seront souvent imités, notamment en France sous Louis XIV (porte Saint-Denis, de Blondel, 1672; porte Saint-Martin, de Bullet, 1674), et surtout sous le premier Empire: l’arc du Carrousel, de Percier et Fontaine (1808), est une transposition de l’arc de Constantin; l’arc de l’Étoile, de Chalgrin, se distingue par ses dimensions colossales. Évidemment, ces monuments, s’ils ressemblent extérieurement à ceux de l’Antiquité, ne possèdent plus la signification religieuse de l’arc romain qui symbolisait l’harmonie entre la Providence et l’empereur cosmocrate.

Encyclopédie Universelle. 2012.