ATMAN
La notion d’ tman est une des notions clés de la pensée indienne, une des plus anciennement attestées aussi. Sa signification première a sans doute été celle de «souffle vital» (en allemand: Atem ). Eu égard à son usage comme pronom réfléchi, à l’accusatif, en sanskrit, l’habitude s’est prise de la rendre par «Soi» (en anglais: Self ; en allemand: Selbst ). Sa grande originalité, par rapport aux conceptions grecques et occidentales en général, est de revêtir, au moins dans certains contextes, une signification à la fois personnelle et transpersonnelle ou cosmique, comme si l’âme individuelle pouvait être en même temps l’âme du monde. À travers toute l’histoire de la philosophie indienne, elle a constitué une pomme de discorde entre doctrines brahmaniques, qui toutes l’admettent, et doctrines bouddhiques, qui la rejettent unanimement.
Le terme tman est présent dès le ブg-Veda , où il désigne une sorte de principe de vie supérieur aux autres éléments constitutifs de la personne – sens, organes spécialisés, membres – et coordonnant leur activité. Dans les couches plus récentes de la littérature védique – les Br hma ユa et les ra ユyaka notamment –, il est posé comme l’élément essentiel de la personne, «tronc» par opposition aux bras et aux jambes sur le plan anatomique, mais surtout «souffle central» sur le plan fonctionnel. Mais c’est avec les Upani ルad – spécialement les deux plus anciennes, la B リhad ra ユyaka et la Ch ndogya – que la notion acquiert sa portée proprement philosophique. La démarche décisive – d’une extrême audace spéculative – a consisté à imaginer que ce principe hégémonique au centre de la personne pouvait entrer en coïncidence partielle avec le principe invisible, ou brahman , présidant à l’ordre cosmique, ou même venir s’identifier à lui. D’où la célèbre équation tman = brahman , qui est impliquée par des formules telles que tat tvam asi («Tu es Cela», Ch ndogya Upani ルad , VI, 8, 7) ou aha ュ brahm smi («Je suis brahman , B リhad ra ユyaka , I, 4, 10).
Nous ignorons les circonstances précises dans lesquelles a pu s’opérer cette percée. Il est permis, toutefois, de conjecturer qu’elle s’est amorcée au croisement de deux lignes distinctes de réflexion. La première procède de tout un fonds d’expériences extatiques archaïques – peut-être d’origine chamanique – qui donneront plus tard naissance au yoga classique de Patañjali mais qui, à date ancienne, ont pour la première fois révélé aux «sages» ( リルi ) des Upani ルad la présence en l’homme d’un principe inconditionné, transcendant le temps et l’espace. La seconde, directement issue de la réflexion des Br hma ユa sur le sacrifice et sa fonction médiatrice, a dégagé l’idée d’une correspondance structurelle entre le microcosme (l’organisme humain) et le macrocosme: à tout élément de l’un correspondrait un élément de l’autre, par exemple au soleil les yeux, à la voûte céleste le crâne, etc. À partir de telles prémisses prend sens l’idée d’une homologie, voire d’une identité concrète des centres directeurs du microcosme et du macrocosme.
Cette «découverte» qui, en plaçant l’homme au niveau même de la totalité cosmique, l’arrache à la finitude et à la contingence, constitue la grande innovation, de portée métaphysique et sotériologique à la fois, des Upani ルad . Ces spéculations seront reprises et prolongées de diverses manières dans les systèmes brahmaniques classiques. Nombre d’entre eux, cependant, demeurent comme en retrait par rapport aux intuitions upanishadiques, dans la mesure où ils tendent à faire de l’ tman une sorte d’âme, immortelle certes, mais circonscrite à la personnalité individuelle et se présentant comme «agent» (kart リ ), sujet connaissant (jñ t リ ), et sujet jouissant (bhokt リ ). L’ tman ne possède cependant ces pouvoirs, y compris la conscience, qu’en puissance. Il a besoin du corps et des organes pour les actualiser, de sorte que la délivrance de la transmigration se traduit pour lui par un état négatif de non-souffrance où il est aussi inerte et inconscient qu’une pierre. Ce sont surtout ces systèmes (Ny ya-Vai ごe ルika, M 稜m ュs ) que vise la polémique bouddhiste liée à la doctrine de l’insubstantialité du Moi. Mais le véritable héritier de la pensée upanishadique est le Ved nta. Ici l’ tman se présente sous la forme d’un principe à la fois immanent et transcendant, dont le contact avec l’expérience sensible n’est qu’illusoire, produit qu’il est «par la fausse croyance que le corps et les organes sont «moi» ou «à moi» (face="EU Acute" えa face="EU Updot" 臘kara). Cet tman est unique à travers la diversité apparente des êtres et demeure non concerné par les vicissitudes de leur histoire personnelle, y compris la transmigration. Tout l’effort de la spéculation – et de la pratique méditative – vise alors à rendre intuitive, donc effective, cette identité virtuelle au brahman par laquelle il se définit.
● atman Mot sanskrit désignant dans l'hindouisme le principe essentiel, le souffle vital à partir duquel s'organise tout être vivant.
⇒ATMA, ATMAN, subst.
RELIG., dans la philos. relig. des hindous. Âme émanée de la grande âme universelle à laquelle elle se réunit si elle est pure :
• Je ne pouvais détacher ma vue des yeux de mon cher ange; le feu changeant de leurs prunelles me fascinait; j'y surprenais des reflets de lumières inconnues, des lueurs singulièrement lointaines qui me paraissaient émaner de l'atma des adeptes; un mystique printemps s'épanouissait dans mon âme aux rayons d'un adorable soleil spirituel.
MILOSZ, L'Amoureuse initiation, 1910, p. 56.
ÉTYMOL. ET HIST. — 1838 (Ac. Compl. 1842).
Empr. à l'hindi « âme suprême, principe de vie », vieil-indien « souffle, âme », v. IEW, p. 345.
STAT. — Fréq. abs. littér. :1.
BBG. — Foi t. 1 1968. — MASSON 1970.
atman [atmɑ̃] n. m.
ÉTYM. 1757; var. de hetman.
❖
♦ Hist. Chef élu des cosaques d'Ukraine. ⇒ Hetman. Chef des armées, en Pologne et en Lituanie, du XVe à la fin du XVIIIe siècle. — Var. : ataman.
Encyclopédie Universelle. 2012.