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PALÉONTOLOGIE
PALÉONTOLOGIE

La paléontologie (des mots grecs palaios , ancien, et onta , les choses qui sont), terme créé en 1834 par H. de Blainville, a pour objet l’étude des êtres qui ont vécu à la surface du globe terrestre avant les temps actuels. Ces êtres sont connus grâce aux fossiles (du latin fossilis , qu’on tire de la terre) qui représentent leurs restes ou leurs traces conservées dans les formations géologiques antérieures à notre époque.

Exposés à l’air libre après leur mort, les corps des êtres vivants, animaux ou végétaux, ne tardent pas à se désagréger, à se décomposer et à disparaître complètement. Pour qu’ils puissent se conserver, ils doivent être soustraits à l’action des agents atmosphériques, c’est-à-dire enfouis dans des sédiments et y subir l’action d’un ensemble de phénomènes qui constituent la fossilisation [cf. FOSSILES ET FOSSILISATION].

La paléontologie comprend la paléontologie animale , ou paléozoologie , qui traite des animaux (elle prend le nom de paléontologie humaine quand il s’agit de l’homme), et la paléontologie végétale , ou paléobotanique , qui concerne les végétaux.

L’une et l’autre ont fourni de multiples preuves du renouvellement des faunes et des flores au cours des âges, par suite de la disparition, puis de l’apparition de certaines espèces. La paléontologie démontre ainsi l’évolution du monde vivant [cf. ÉVOLUTION].

La conséquence majeure de ce phénomène est que les fossiles (beaucoup d’entre eux du moins) ont permis aux géologues de dater les sédiments qui les contiennent. Comme différentes espèces animales et végétales se sont succédé au cours des temps, les fossiles jouent le même rôle que celui des monnaies antiques pour l’archéologue. «Les fossiles, a-t-on dit, sont les médailles de la création.» On peut encore les comparer aux chiffres de la pagination d’un livre dont les feuillets sont les couches sédimentaires. La chronologie ainsi obtenue est relative et sera certainement remplacée par une chronologie absolue, établie selon des méthodes physiques, qui permettra d’évaluer la durée de l’histoire de la Terre et de ses périodes successives en années, siècles ou millénaires. L’essentiel est que les fossiles permettent de dater des dépôts sédimentaires les uns par rapport aux autres: ils sont indispensables à la stratigraphie .

Certains d’entre eux n’ont qu’un intérêt stratigraphique limité, car ils ont peu varié au cours du temps; en revanche, ils caractérisent souvent un «milieu» particulier, littoral par exemple, et permettent de reconnaître l’existence de «faciès» pétrographiques révélant des conditions spéciales de sédimentation. La reconstitution des «milieux» de vie est délicate; il est en effet nécessaire de transposer dans le passé les phénomènes actuellement observés dans la nature [cf. UNIFORMITARISME], en en corrigeant parfois les données physico-chimiques. Ainsi prend peu à peu naissance une nouvelle branche de la paléontologie, la paléoécologie , qui s’intéresse aux ensembles fossiles et s’efforce d’en reconstituer les conditions écologiques, comme s’il s’agissait d’associations d’organismes actuels; les organismes marins, en particulier les Invertébrés, en sont le matériel de choix (cf. PALÉOÉCOLOGIE). Ainsi va se constituer une histoire des associations animales et végétales, depuis les premiers fossiles jusqu’à aujourd’hui, qui sera aussi une voie d’approche de l’étude de l’évolution.

1. Histoire de la paléontologie

La signification des fossiles

Les restes d’animaux invertébrés sont répandus dans toutes les roches sédimentaires: les ossements de Vertébrés, beaucoup moins fréquents, se trouvent aussi dans toutes les roches sédimentaires, mais les formes terrestres sont en principe confinées dans les dépôts lacustres ou fluviatiles. Leur existence semble avoir été constatée de toute antiquité, mais pendant longtemps on n’en comprit point la nature, ou plutôt les opinions furent divisées quant à leur interprétation.

L’Antiquité ne s’est guère occupée de fossiles. Strabon rapporte que Xanthus (env. 500 ans av. J.-C.) prétendait avoir trouvé, en des endroits fort éloignés de la mer, des espèces de conques, des moules et des pétoncles pétrifiés. Il était persuadé que ces terres alors émergées avaient été autrefois recouvertes par la mer. Empédocle (Ve s. av. J.-C.), ayant observé en Sicile des os d’hippopotame fossilisés, les a considérés comme des restes de géants disparus, interprétation qui se retrouve dans plusieurs auteurs latins et se poursuit jusque dans les Temps modernes. D’autres auteurs, grecs ou latins, parlent des fossiles, mais toujours de façon vague et sans en chercher la signification véritable.

Pendant tout le Moyen Âge et la plus grande partie des Temps modernes, on émet des opinions contradictoires sur les fossiles, tenus pour des monuments de l’histoire du monde ou de simples jeux de la nature.

Avicenne, le représentant le plus éminent de la science arabe, les regarde comme des ébauches d’êtres vivants; Albert le Grand admet que des restes de plantes ou d’animaux peuvent être transformés en pierre sous l’influence d’agents pétrifiants. Léonard de Vinci (1452-1519) déclare que les coquilles fossilisées ont vécu sur le lieu même que la mer occupait autrefois. «Un potier de terre, qui ne savait ni latin ni grec, fut le premier, dit Fontenelle, qui, vers la fin du XVIe siècle, osa dire dans Paris, et à la face de tous les docteurs, que les coquilles fossiles étaient de véritables coquilles déposées autrefois par la mer dans les lieux où elle se trouvait alors, que des animaux, et surtout des poissons, avaient donné aux pierres figurées toutes leurs différentes figures; et il défia hardiment toute l’école d’Aristote d’attaquer ses preuves.» Ce potier était Bernard Palissy, (1510-1590), «aussi grand physicien que la nature seule en puisse former un».

Les vues générales de Palissy trouvent quelques adeptes au XVIIe siècle. Le Danois Nicolas Stenon (1638-1687) s’en inspire pour jeter les bases de la stratigraphie; Robert Hooke (1635-1703), en Angleterre, pense que les fossiles peuvent révéler le passé de la Terre; Leibniz (1646-1716), dans son livre Protogée , décrit des pétrifications et déclare que les fossiles ne sont pas des jeux de la nature, mais les restes d’anciens êtres vivants: «Dans des temps très reculés, les mers qui nous avoisinent ont eu des animaux et des coquillages qu’on n’y trouve plus aujourd’hui [...] Dans les grands changements que le globe a subis, un grand nombre de formes animales ont été transformées.»

En France, les conceptions de Palissy n’ont pas de succès; l’étude des fossiles ne fait aucun progrès au cours du XVIIe siècle et pendant la plus grande partie du XVIIIe, époque à laquelle se développe le goût des collections. On leur attribue parfois des dénominations leur supposant des vertus cachées: les «archées», les «raisons séminales». Voltaire se range aux côtés de ceux qui voient dans les fossiles de simples jeux de la nature. Il déclare, s’appuyant sur les raisonnements de la «saine physique», que les fossiles du Mont-Cenis tombèrent du manteau des pèlerins de Syrie et que les poissons pétrifiés sont des débris de leurs repas.

Peu à peu, cependant, les recherches de Buffon et de quelques autres naturalistes vont dissiper ces incohérences; la nature des fossiles n’est plus mise en discussion.

Les espèces disparues

Toutefois, une notion capitale manque pour que puisse se créer une paléontologie véritable: la notion d’espèce disparue , ou d’espèce perdue comme on disait alors. Le problème est de savoir si ces êtres organisés, dont les débris apparaissent partout, sont les analogues de ceux qui vivent aujourd’hui, soit sur les lieux mêmes où l’on trouve leurs restes, soit ailleurs. Buffon, dans la Théorie de la Terre , publiée en 1749, puis dans Les Époques de la nature (1778), développe l’idée «qu’il y a eu des espèces perdues, c’est-à-dire des animaux qui ont autrefois existé et qui n’existent plus». Mais il s’en tient à ces considérations générales et ne peut aller plus loin: il lui manquait l’anatomie comparée. C’est à Cuvier que revient le mérite d’avoir fixé les méthodes d’étude des fossiles et précisé les buts de cette science.

Le 1er pluviôse an IV, jour de la séance d’ouverture de l’Institut national, Cuvier lit son mémoire sur les espèces d’éléphants fossiles. Il démontre que ceux-ci sont différents des espèces actuelles et constituent une espèce éteinte. Il ajoute que ce qu’il vient d’établir pour l’éléphant le sera bientôt pour le rhinocéros, l’ours, le cerf, tous représentés par des formes distinctes des formes vivantes. Et il termine ainsi: «Qu’on se demande pourquoi l’on trouve tant de dépouilles d’animaux inconnus, tandis qu’on n’en trouve aucune dont on puisse dire qu’elle appartient aux espèces que nous connaissons et l’on verra combien il est probable qu’elles ont toutes appartenu à des êtres détruits par quelques révolutions du globe, à des êtres dont ceux qui existent aujourd’hui ont rempli la place.»

L’idée d’animaux disparus depuis longtemps et entièrement distincts des types actuels est ainsi démontrée. L’étude des êtres découverts dans les formations géologiques devient une science authentique. Alors s’ouvre la dernière phase de l’histoire de la paléontologie.

On cherche ensuite quels sont les rapports entre les restes fossilisés et les couches géologiques. Tous ces animaux dont l’espèce est perdue ne vivaient point à une même époque, mais il y eut plusieurs populations successivement créées et détruites. La vie a eu ses phases de développement, ses progrès, ses échecs, ses reprises: une histoire. La paléontologie n’est donc pas la simple description des fossiles, c’est la reconstitution de l’histoire de la vie.

L’œuvre de Lamarck complète celle de Cuvier. Botaniste jusqu’à l’âge de cinquante ans, il devient zoologiste et crée la systématique des animaux inférieurs. Dans l’Histoire des animaux sans vertèbres (1815-1822), tous les fossiles alors connus sont intercalés parmi les formes actuelles. Dans sa Philosophie zoologique (1809), Lamarck affirme que les vivants descendent les uns des autres par voie de transformation et qu’il faut retrouver leurs généalogies.

Indiquons encore les travaux du Suisse L. Agassiz, de l’Allemand H. von Meyer, des Anglais R. Owen et T. Huxley. En France, E. Lartet découvre les premiers singes fossiles et fonde la paléontologie humaine, P. Gervais publie sa Zoologie et paléontologie françaises (1848-1850), ouvrage aux descriptions sobres et précises. A. Milne-Edwards compose ses importants volumes sur les oiseaux fossiles.

Avec Cuvier, la paléontologie animale est surtout une branche de l’anatomie comparée; A. d’Orbigny la considère comme une discipline de la géologie. On peut la comprendre d’une troisième manière: en utilisant l’anatomie pour déterminer les fossiles, la géologie pour les placer dans l’ordre chronologique et leur milieu, et, combinant les données ainsi acquises, on reconstitue l’histoire du monde animé. Albert Gaudry (1827-1908) doit être regardé comme l’un des principaux fondateurs de cette paléontologie historique. Dès 1862, dans son ouvrage classique sur les animaux fossiles de l’Attique (1862-1867), il commence à établir les relations généalogiques de nombreux Mammifères fossiles et actuels. Plus tard, dans Les Enchaînements du monde animal dans les temps géologiques (1878-1890), il dresse un tableau saisissant de l’évolution des formes organiques à toutes les époques. Il écrit plusieurs mémoires sur les Mammifères du Tertiaire et étudie les Reptiles des temps secondaires.

Adolphe Brongniart (son père, Alexandre, fut le collaborateur de Cuvier) peut être tenu pour le fondateur de la paléontologie végétale par son mémoire Sur la classification et la distribution des végétaux fossiles (1822) et son Histoire des végétaux fossiles (1828). Il est bientôt suivi dans cette voie par J. Lindley et J. Hutton en Angleterre, H. R. Goeppert en Allemagne, et A. K. J. Corda en Autriche. Cette étude est poursuivie par G. de Saporta, B. Renault, R. Zeiller, P. Bertrand... en France; W. C. Williamson, D. H. Scott... en Angleterre. Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, la paléontologie n’a cessé de progresser, jusqu’à nos jours, en France et dans de très nombreux pays. Citons notamment les Suisses L. Rutimeyer et Stehlin, l’Anglais D. M. S. Watson, le Russe W. Kovalewski (connu par ses travaux sur les Mammifères fossiles), l’Allemand K. A. von Zittel (auteur d’un Traité de paléontologie ), les Américains O. C. Marsh (qui contribua plus que tout autre à faire connaître les Reptiles Dinosauriens), E. D. Cope (qui fit revivre les idées lamarckiennes) ou encore H. F. Osborn.

Avec les grandes explorations au Spitzberg, au Groenland, en Asie centrale, en Afrique centrale, en Afrique du Sud et en Amérique du Sud, le domaine de la paléontologie s’est considérablement agrandi: des mondes entiers ont été rendus à la lumière du jour, et la perspective sur l’histoire de la vie a été considérablement élargie.

La notion d’évolution

L’élément historique joue un rôle prédominant en paléontologie. Il prend toute sa force et sa signification avec la doctrine de l’évolution. Voici ce qu’écrit Georges Cuvier: «Nous admirons la force par laquelle l’esprit humain a mesuré les mouvements du globe que la nature semblait pour jamais avoir soustrait à notre vue; le génie et la science ont franchi les limites de l’espace; quelques observations développées par le raisonnement ont dévoilé le mécanisme du monde. N’y aurait-il pas aussi quelque gloire pour l’homme à savoir franchir les limites du temps, et à retrouver, au moyen de quelques observations, l’histoire de ce monde et une succession d’événements qui ont précédé la naissance d’un genre humain?»

Cuvier a parfaitement vu que la vie revêt une forme historique, mais il rejette la notion de mutabilité des espèces: «Pourquoi les races actuelles, me dira-t-on, ne serait-elles pas des modifications de ces races anciennes que l’on trouve parmi les fossiles, modifications qui auraient été produites par les circonstances locales et le changement de climat, et portées à cette différence extrême par la longue succession des années? [...] À quoi on peut répondre, ajoute-t-il, que si les espèces avaient changé par degrés on devrait trouver traces de ces changements; entre les faunes qui s’étaient succédé sur la Terre, on devrait trouver des intermédiaires, et jusqu’à présent cela n’est point arrivé.» Effectivement, la croyance à la mutabilité des espèces ne s’imposera que lorsque ces formes intermédiaires auront été trouvées. Le développement des recherches paléontologiques, la multiplication des fouilles en Europe, en Asie, en Amérique du Nord, font surgir du sol ces formes intermédiaires que réclamait Cuvier et dont l’existence entraîne chez tous les paléontologistes la conviction que les liens généalogiques ont uni les êtres des périodes passées à ceux de l’époque actuelle.

Le paléontologiste se trouve cependant dans une position singulière en face du problème de l’évolution, ou plus exactement il est le seul à pouvoir en mesurer l’authentique signification scientifique, à pouvoir la saisir dans sa dimension vraie. «On ne peut rien comprendre à cette grande dérive du monde vivant, écrit François Meyer, si on ne décide pas de saisir d’emblée la réalité évolutive là où précisément elle peut apparaître, c’est-à-dire avant tout dans les archives paléontologiques qui ont recueilli les traces positives de l’épopée de la vie, tout au long des temps géologiques. Ce n’est pas dans les limites du laboratoire et de l’expérimentation que l’on peut se faire une idée de l’évolution qui soit à la mesure de ce phénomène dont l’ordre de grandeur n’est rien moins que cosmique. Il faut en particulier s’habituer à penser l’évolution dans l’immense cadre temporel qui est le sien et qui se chiffre en milliards d’années.»

Quelques groupes d’Invertébrés représentés dans certains gisements par des séries évolutives assez complètes, permettent d’interpréter leur histoire en termes de génétique des populations. Ce n’est pas toutefois par cette voie qu’on saisira les phénomènes majeurs de l’évolution. Certes, il n’y a pas lieu de conserver la distinction tout à fait artificielle entre microévolution et macroévolution, la première aboutissant à l’apparition des espèces nouvelles, et la seconde, par des processus encore ignorés, aux embranchements. En réalité, génétique et paléontologie se placent à des niveaux différents. La première s’enferme, par nécessités méthodologiques, dans des données spatiales et temporelles étroites; la seconde est confrontée avec les phénomènes majeurs de l’évolution, car, comme il est dit plus haut, elle étudie celle-ci dans un cadre temporel qui se chiffre en milliards d’années. «Bien souvent, écrit F. Meyer, lorsque le problème de l’évolution est abordé et discuté par les biologistes, particulièrement par des généticiens ou des spécialistes attachés aux mécanismes élémentaires de l’évolution, les phénomènes qui devraient sauter aux yeux dans l’évolution de la vie passent inaperçus ou sont mis en doute. À vouloir maintenir le regard à un certain niveau, on se rend incapable de voir ce qui pourtant apparaît à un autre niveau défini.» Ainsi, en utilisant le vocabulaire des physiciens, une observation attachée au niveau microscopique des phénomènes ne peut prétendre connaître ce qui apparaît au niveau macroscopique de l’observation.

2. Paléozoologie

Comme au temps de Cuvier, le paléontologiste demeure toujours un «antiquaire d’une espèce nouvelle». Il doit apprendre à restaurer les monuments des révolutions passées et à en déchiffrer le sens, à recueillir et à rapprocher dans leur ordre primitif des ossements presque toujours isolés, épars, souvent mutilés, brisés ou réduits en fragments. Pour dissiper ces embarras, le paléontologiste utilise un principe que lui fournit l’anatomie comparée, le principe de la corrélation des organes , au moyen duquel chaque être pourrait être reconnu par chaque fragment de chacune de ses parties: «Tout être organisé, disait Cuvier, forme un ensemble, un système unique et clos, dont les parties se correspondent mutuellement et concourent à une même action définitive par une réaction réciproque. Aucune de ces parties ne peut changer sans que les autres changent aussi, et, par conséquent, chacune d’elles, prise séparément, indique et donne toutes les autres.» À ce principe doit être ajouté le principe des connexions : un organe est toujours dans un rapport constant de situation avec tel autre organe donné, lequel, à son tour, est dans un rapport constant de situation avec un autre, de sorte que la situation peut servir à reconnaître l’organe, sous quelque forme qu’il se présente.

Pour le paléontologiste, corrélations et connexions sont complémentaires. Le principe des corrélations, par voie de synthèse, permet de retrouver l’animal tout entier à l’aide d’une de ses parties; celui des connexions rend possible de situer l’animal dans la série dont il est un anneau et de ramener les différences à l’identité. L’évolution n’est pas créatrice parce qu’elle fait apparaître des organes nouveaux, mais parce qu’elle assemble d’une manière nouvelle des organes anciens. C’est ce que la paléontologie établit, du moins tout au long de la phase accessible de l’histoire des Vertébrés; elle devient une paléoanatomie, elle-même subdivisée en branches secondaires, par exemple la paléoneurologie [cf. OSTRACODERMES] ou la paléohistologie [cf. OS].

La paléohistologie , ou étude microscopique du tissu osseux des Vertébrés fossiles, nous éclaire du point de vue mécanique sur le comportement, l’allure de quelques grands animaux terrestres comme les Dinosauriens; du point de vue physiologique, elle nous permet de reconstituer l’histoire d’un phénomène particulièrement important comme l’homéothermie, qui semble apparaître dans nombre de formes reptiliennes.

La paléoneurologie peut se définir, au sens large, comme l’histoire du système nerveux; elle se réduira le plus souvent à l’étude de l’encéphale. Le paléontologiste doit en effet partir, pour ses reconstitutions, du squelette, et seul, dans l’ensemble du système nerveux, l’encéphale soutient avec le squelette des rapports suffisamment étroits pour qu’on puisse en obtenir, par moulage de la cavité cérébrale, une image d’ailleurs souvent imprécise.

C’est sans doute à Cuvier qu’il faut attribuer les premières recherches sur l’encéphale des Mammifères disparus.

Vers la fin du siècle dernier, le paléontologiste américain Marsh crut pouvoir déduire de ses observations paléontologiques les «lois» de l’évolution du cerveau. Tentative prématurée, mais qui, par les oppositions qu’elle devait soulever, contribua néanmoins au développement de nos connaissances sur l’histoire paléontologique du cerveau.

À peu près au même moment, mais dans une perspective différente, Albert Gaudry reprend, en France, les mêmes problèmes. Il admet, tout d’abord, que les progrès de l’intelligence sont liés, dans une certaine mesure, au développement de la substance nerveuse. Et, suivant à travers les âges géologiques les modifications progressives de l’encéphale, il tente de retracer l’histoire de l’intelligence.

En 1928, Tilly Edinger publie un recensement de tous les moulages endocrâniens alors connus et, en 1948, elle donne une étude détaillée de l’évolution du cerveau des Équidés, retraçant la manière dont ce cerveau s’est transformé au cours d’une histoire d’environ 50 millions d’années.

Puis E. Stensiö (1963) fait connaître les moulages endocrâniens de nombre de Vertébrés inférieurs de l’ère primaire.

En France, C. Dechaseaux a montré, dans son ouvrage Cerveaux d’animaux disparus. Essai de paléoneurologie (1962), les aspects variés de l’histoire paléontologique du cerveau, en soulignant l’intérêt de l’étude de l’encéphale dans les problèmes d’adaptation: adaptation au milieu aérien, au milieu marin, etc.

La paléoneurologie est maintenant devenue une discipline autonome qui, par l’importance de son objet, nous éclaire sur la nature profonde du phénomène évolutif.

Dans ce chapitre consacré aux disciplines connexes de la paléontologie, nous ne dirons qu’un mot de ce que l’on peut appeler la paléobiochimie , car cette méthode d’investigation des substances organiques conservées dans les fossiles est du domaine de la biochimie et non pas de la paléontologie. Les résultats obtenus ont contribué à renouveler les problèmes de systématique et de phylogenèse.

La classification des animaux

Les systèmes de la nature

Depuis Aristote, un des buts de la science de la nature a été de ranger les êtres vivants en groupes hiérarchisés, inclus les uns dans les autres. Une telle tendance et un tel besoin de l’esprit se manifestent, au XVIIIe siècle, dans l’œuvre des botanistes, en particulier de Linné qui, sortant d’ailleurs des limites du monde végétal, entreprit d’édifier un système général de la nature. Il y eut des réticences et même des oppositions, dont la plus marquée, comme la plus vive, vint de Buffon. Celui-ci voit dans les classifications non point un tableau de la nature, comme le prétendait Linné, mais un moyen d’aider la mémoire. À côté de ce rôle purement utilitaire, elles offrent de graves inconvénients pour qui ne sait pas les considérer avec un esprit suffisamment critique. Elles soumettent la nature à des lois arbitraires, elles veulent la diviser là où elle est indivisible, elles prétendent «mesurer ses forces par notre faible imagination». C’est en outre une singulière prétention que de vouloir que la partie juge du tout. Notre esprit n’est qu’une portion de la nature: «Comme nous ne connaissons nous-mêmes qu’une voie pour arriver à un but, nous nous persuadons que la nature fait et opère par des mêmes moyens et par des opérations semblables.» Enfin, la classification accentue ce désaccord entre les procédés de notre esprit et le mode d’action du monde en substituant, pour caractériser les êtres organisés, la définition à la description. Mais Buffon formule une autre objection, objection profonde et qui ouvre déjà la voie à la systématique actuelle. Il ne peut concevoir la classification que sous forme génétique: or ranger, par exemple, l’âne et le cheval dans une même famille, c’est admettre implicitement qu’ils ont originairement la même souche, qu’ils n’ont pas toujours été des animaux différents. Point de vue lourd de conséquences. Car si l’on admet que l’âne est de la famille du cheval, on devra dire également que le singe est de la famille de l’homme et, par suite, qu’ils dérivent l’un et l’autre d’une souche commune. «Les naturalistes qui établissent si légèrement des familles dans les animaux et les végétaux ne paraissent pas avoir senti tout l’étendue de ces conséquences...»

Puis vint Cuvier, qui va développer, dans son grand ouvrage, Le Règne animal distribué d’après son organisation (1816), les principes directeurs de la classification. Cuvier part de l’idée de discontinuité. Il cherche dans l’anatomie la base d’une distribution naturelle des êtres, et pose le principe des caractères dominateurs. Il rejette, d’après ces principes, l’unité de plan du règne animal proclamée par E. Geoffroy Saint-Hilaire, et admet quatre plans fondamentaux d’organisation: celui des Vertébrés, celui des Mollusques, celui des Articulés et celui des Rayonnés. Quant à l’espèce, elle se définit par l’interfécondité.

Les classifications «verticales»

Cuvier et ses prédécesseurs proposaient dans leurs systèmes de la nature de présenter le tableau des relations logiques qui unissent les espèces entre elles. Mais, peu à peu, des doctrines nouvelles se font jour, qui tendent à voir non plus dans l’ordre immuable du monde, mais dans l’histoire et la genèse des êtres, l’objet suprême des sciences de la nature. La doctrine de l’évolution allait, au moins sur le plan théorique, imposer cette manière de voir; mais c’est l’apport paléontologique qui va permettre de dresser un tableau des êtres vivants indiquant leur filiation [cf. PHYLOGENÈSE]. On matérialise le plus souvent ces rapports de parenté par des arbres généalogiques dont l’examen ne peut manquer de soulever des critiques. La tentative la plus satisfaisante est celle de Lucien Cuénot, dont on trouvera le schéma classique dans l’article théories de l’ÉVOLUTION. Sur un axe en forme de Y, il insère les principaux clades (terme qu’il préfère à celui d’embranchement), comme les bourgeons ou les feuilles sur les branches; ils sont séparés par des intervalles plus ou moins grands qui correspondent, d’une manière symbolique, aux degrés d’affinités des types de structures successifs.

La base du Y s’enfonce dans la région toujours obscure de la distinction du vivant et de l’inerte. L’association cellulaire donne ensuite naissance aux premiers Métazoaires, simples colonies comme les Spongiaires, puis pourvus d’une cavité cœlentérique, chez les Cœlentérés. Le point de bifurcation du Y est marqué par la transformation de l’état cœlentérique en état cœlomate, avec formation d’un intestin autonome. Sur l’une des branches du Y, nous placerons les Échinodermes, les deux petits clades des Ptérobranches et des Graptolithes; au-dessus, il conviendrait de mettre les Tuniciers et les Céphalocordés (Amphioxus); enfin vient l’immense clade des Vertébrés. L’autre branche du Y, tout à fait indépendante de la précédente, offre un grand nombre de types de structures: Brachiopodes, Bryozoaires, Annélides, Mollusques, et l’immense variété des Arthropodes. Un tel arbre met en évidence le passage, dans divers clades, de la vie aquatique à la vie aérienne.

Nous ne retrouvons plus l’opposition entre Vertébrés et Invertébrés, proclamée en particulier par Lamarck et combattue par Cuvier. Celui-ci avait constaté que la division du règne animal en Vertébrés et Invertébrés présentait un défaut de symétrie, qu’il n’y avait pas là deux groupes équivalents du point de vue de la systématique. Les animaux sans vertèbres ne forment point une série aussi régulière que ceux qui en possèdent; ils offrent une plus grande diversité. Pour Cuvier, les quatre embranchements: Rayonnés, Mollusques, Articulés, Vertébrés, ont même valeur.

Toutefois, dans la recherche paléontologique, l’embranchement des Vertébrés tient une place à part, non seulement du point de vue méthodologique, mais par l’apport de son étude aux grands problèmes biologiques. Et nous allons voir maintenant l’image renouvelée que la paléontologie nous donne de sa phylogénie.

Une bifurcation majeure correspond à l’absence de mâchoires (Agnathes) ou à leur présence (Gnasthostomes). Il y a là deux séries absolument indépendantes. La sortie des eaux (car jusque vers la fin des temps dévoniens tous les Vertébrés étaient aquatiques) se ferait de deux manières indépendantes. Les Poissons Crossoptérygiens du groupe des Porolépiformes auraient donné naissance aux Urodèles (salamandres, tritons, etc.); ceux du groupe des Ostéolépiformes ressemblent en revanche étroitement aux Anoures. Il y a donc diphylétisme des Amphibiens (cf. AMPHIBIENS, fig. 12). Mais les Anoures sont proches des Stégocéphales dont dérivent l’ensemble des Reptiles et, par l’intermédiaire de ceux-ci, les Oiseaux et les Mammifères. Nous retrouvons ainsi une singulière dissymétrie: d’un côté, la branche des Urodèles, pauvre en formes et sans potentialités évolutives; de l’autre, la puissante arborescence des grands groupes de Vertébrés terrestres: Reptiles, Oiseaux, Mammifères (cf. règne ANIMAL, tableau).

Dès que leur histoire nous est accessible, les formes rangées sous le nom de Reptiles correspondent à deux séries distinctes: l’une, la série des Sauropsidés, qui culmine dans les Oiseaux; l’autre, la série des Théropsidés, dont les Mammifères constituent le terme ultime. Il est possible d’ailleurs, comme le suggèrent des découvertes récentes, que le stade structural mammalien ait apparu de façon indépendante sur plusieurs lignées de Théropsidès; les Mammifères seraient polyphylétiques.

Validité des hypothèses

Expérimenter, c’est vérifier; c’est donc constater des faits qu’on a produits ou prédits. En physique et en chimie, on peut produire les faits; en paléontologie, on les prédit, non pas en anticipant sur l’avenir, mais en redécouvrant le passé. Si l’expérience est la vérification d’une hypothèse, la paléontologie, dans une certaine mesure, est une science expérimentale.

Le paléontologiste prédisant, par une déduction tirée de l’anatomie comparée, qu’il trouvera, à une certaine période de l’histoire de la Terre, dans les couches géologiques, les structures ancestrales d’un type déterminé ressemble à l’astronome prédisant, par le calcul, l’existence et l’emplacement d’une planète que le télescope permettra de découvrir. Ainsi prend tout son sens l’expression de P. de Saint-Seine: «Les fossiles viennent au rendez-vous du calcul.»

En voici un exemple. La colonne vertébrale des Amphibiens Anoures, dont les représentants les plus connus sont les crapauds et les grenouilles, ne comprend jamais plus de neuf vertèbres et se termine par un os allongé, l’urostyle. Celui-ci doit résulter de la fusion de vertèbres, comme le suggèrent la présence, sur la plus grande partie de sa longueur, de foramens donnant passage aux nerfs spinaux, et parfois la persistance d’apophyses transverses. On peut prédire qu’on trouvera un représentant d’une phase très ancienne de l’histoire des Anoures dont la colonne vertébrale comportera, à la place de l’urostyle, une suite de vertèbres distinctes. Comme la structure actuelle se trouve réalisée dès la fin des temps jurassiques, c’est bien antérieurement, vers les débuts de l’ère secondaire, ou à la fin de l’ère primaire, que l’on peut s’attendre à trouver la disposition originelle prévue par l’anatomie comparée. Effectivement, le genre Protobatrachus , découvert dans le Trias inférieur de Madagascar, est pourvu d’une colonne vertébrale constituée, comme celle des autres Vertébrés, d’une suite de vertèbres distinctes, à la place de l’urostyle.

3. Paléobotanique

La plupart des végétaux fossiles ont été conservés grâce à la lignine, la plus abondante des substances organiques créées par la vie. Les nombreux végétaux vasculaires fossiles connus sont postérieurs à la base du Dévonien inférieur. Ils datent donc au plus de 450 millions d’années. Toutefois, les premières traces de vie végétale remontent au Précambrien inférieur, époque encore plus reculée: les organismes signalés par Pflug en 1966 dans les quartzites d’Isua (sud-ouest du Groenland) remontent à 漣 3 800 millions d’années, mais ce gisement est parfois discuté.

L’évolution des plantes s’étale ainsi sur une énorme durée. On conçoit alors que l’étude limitée aux espèces vivantes ne concerne qu’une infime portion du règne végétal placée aux extrémités de phylums ayant résisté aux agressions sélectives des milieux successifs. Cette portion est insuffisante pour donner une image valable et cohérente de la phylogénie des plantes. Il faut nécessairement avoir recours aux végétaux fossiles.

Ceux-ci, souvent très fragmentaires, peuvent être étudiés sous des aspects différents: morphologiques, chimiques, écologiques, stratigraphiques, géographiques, climatologiques, systématiques, etc. La paléobotanique est donc liée à de nombreuses spécialités de la biologie végétale et des sciences de la Terre.

Fossilisation des végétaux

Un débris végétal, même très ancien, peut être intact et avoir le même aspect qu’un végétal actuel, avec ses structures lignifiées et ses épidermes cutinisés. Il n’y a donc aucun rapport entre le degré de transformation au cours de sa fossilisation et l’âge du fossile.

Le reste végétal apparaît parfois sous la forme d’empreintes laissées sur une roche sans trace de substance organique; mais des feuilles ou des rameaux très anciens peuvent être parfaitement conservés, par exemple sous des argiles imperméables, de sorte que l’on peut mettre ces restes en herbier. La paroi cellulaire constituée de cellulose, de lignine et de cutine peut s’enrichir de substances variées telles que le silicium, le calcium, le fer ou le cuivre. Ainsi renforcées et devenues encore plus imperméables, les membranes conservent les contenus cellulaires avec leurs oléorésines et même leur noyau.

Dans d’autres cas, les cavités habituelles de l’organisme, comme les lacunes médullaires, se remplissent de sédiments constituant un moulage qui épouse les reliefs internes de la plante (moulages médullaires de Calamites ). Dans des sédiments calcaires comme les travertins, la disparition complète de la matière organique d’une plante ne laisse que des cavités vides; leur remplissage par du plâtre ou des substances plastiques, puis la dissolution de la roche encaissante avec un acide, permettent de retrouver la morphologie de la plante.

À ces divers modes de conservation correspondent des procédés différents d’observation: par exemple, constitution avec une substance plastique de répliques de feuilles ou de structures qui impriment leurs reliefs; transfert d’un organe conservé dans un schiste sur une lame de verre; observation macroscopique d’organes fossiles mis en herbier; réalisation de lames minces permettant l’observation microscopique des tissus de végétaux silicifiés sciés avec un disque diamanté et polis sur des tours à l’aide d’abrasifs de plus en plus fins.

Méthode d’étude des végétaux fossiles

En paléobotanique, il est essentiel d’avoir toujours présente à l’esprit la notion de genres et d’espèces morphographiques et de ne pas la confondre avec la conception linnéenne du genre et de l’espèce appliquée aux végétaux vivants du fait de l’état souvent très fragmentaire du matériel fossile. On doit distinguer, surtout en présence des flores anciennes, des genres particuliers correspondant aux différentes sortes de fragments rencontrés à l’état fossile, souvent en rapport avec les organes disjoints de la même plante. On est alors conduit à créer une systématique particulière avec des genres de feuilles, de bois secondaires, de graines, de racines.

L’un des buts essentiels visés par les paléobotanistes est de raccorder les organes décrits séparément, mais qui ont nécessairement appartenu à une même espèce linnéenne, donc de rechercher les connexions qui démontrent une continuité organique. Ainsi, à ses débuts, le genre Calamites désignait un moulage médullaire fossile courant dans les terrains du Carbonifère; à la suite de la découverte de nouvelles connexions, on a conclu que des feuillages décrits séparément sous des noms particuliers (Annularia , Asterophyllites ) appartenaient à la même plante; puis ce fut le tour des racines, des strobiles, des structures, des spores. En fin de compte, le genre Calamites , après avoir eu une signification morphographique, est devenu une plante connue dans toutes ses parties. Ajoutons que certaines sphérules du Précambrien âgées de près d’un milliard d’années réagissent parfois positivement à la réaction de Schiff, caractéristique des aldéhydes (et des glucides).

Considéré d’emblée avec une signification linnéenne, un genre morphographique devient une sources d’erreurs graves, car il entraîne un certain nombre de suppositions fausses. Il faudrait admettre, par exemple, qu’à telle tige bien définie correspond toujours une même sorte de feuille, ce qui supposerait un synchronisme rigoureux dans l’évolution des caractères. Or cela est faux: il y a toujours dans les végétaux un hétérochronisme évident dans l’évolution des caractères [cf. LYCOPHYTES].

Par exemple, les connexions ont prouvé que des feuilles de Paléozoïque désignées sous le nom d’Annularia [cf. ARTHROPHYTES], représentant une étape évolutive précise, peuvent être portées par des tiges primitives (Paracalamites ), ou peu évoluées (Mesocalamites ), ou encore par des tiges très évoluées (Calamites ); d’où la nécessité de tenir compte de la véritable signification morphographique des noms de genres utilisés.

Grandes étapes de la paléobotanique

Tout échantillon a un intérêt et mérite qu’on s’y attarde, qu’il soit entièrement nouveau ou qu’il se présente comme un spécimen mieux conservé d’une espèce déjà connue. De multiples échantillons sont donc minutieusement décrits et datés, localisés stratigraphiquement en précisant toujours s’il s’agit de fragment récolté in situ (autochtone) dans les sédiments, ou de fragment résultant d’un déplacement ultérieur par le vent, par flottage ou par remaniement du fossile (allochtone). Si les catalogues ainsi dressés représentent un travail considérable, souvent sans grand intérêt, l’expérience prouve qu’un tel «travail de routine» débouche parfois sur des conclusions inattendues, bouleversant tout ce qui semblait pourtant bien établi par l’étude des végétaux vivants. Une connaissance préalable des formes fossiles éclaire considérablement celle que l’on peut avoir du monde actuel, ce qui tend à prouver que les deux disciplines sont absolument inséparables.

Ainsi B. Renault mit en évidence, avec A. Brongniart, la chambre pollinique des ovules de Cordaites et prouva que la fécondation était produite par des anthérozoïdes mobiles, bien avant que ces phénomènes ne fussent observés chez le Ginkgo biloba et les Cycadées actuelles par les savants japonais Ikeno et Hirase.

De même, le Metasequoia était connu depuis quelque temps à l’état fossile (Shigeru Miki, 1941), avant que l’espèce ne fût trouvée par Hu et Cheng (1948) dans une vallée humide de la Chine, où elle était en voie de disparition.

L’une des découvertes les plus importantes de la paléobotanique est certainement celle des Ptéridospermaphytes, c’est-à-dire des «Fougères à graines». La continuité organique de frondes de «Fougères» et d’ovules de Spermaphytes a révélé un groupe nouveau, absolument insoupçonnable par l’étude exclusive des végétaux vivants. Cet embranchement disparu, décelé à la fin du siècle dernier et de mieux en mieux connu, se situe entre celui des Filicophytes et celui des Cycadophytes.

Plus récemment, la découverte d’une continuité organique entre une structure connue sous le nom d’Archaeopteris et rangée dans les Filicophytes hétérosporées et une structure rappelant les Conifères connue sous le nom de Callixylon établit un chaînon précisant l’origine des Conifères, longtemps restée énigmatique. Ce groupe de Filicophytes, les Progymnospermopsides, établit une transition entre les Cryptogames vasculaires primitifs et les Spermaphytes de l’embranchement des Coniférophytes.

Des groupes entiers disparus ont été décrits. Ainsi, pas à pas, les lacunes de la phylogénie sont comblées, et l’on perçoit, souvent avec une certitude très grande, les détails de la magnifique évolution du règne végétal.

La connaissance des végétaux disparus impose des comparaisons avec les végétaux actuels; elle permet de supputer les flores et les milieux écologiques contemporains. Mais une similitude morphologique implique-t-elle des propriétés physiologiques semblables? Outre les données de l’anatomie comparée (présence de tissus aérifères, par exemple, chez les plantes des terrains marécageux), on a pu, dans certains cas, comparer le chimisme des plantes fossiles à celui des plantes actuelles correspondantes. Ainsi les chromatogrammes en phase gazeuse d’un Equisetites du Trias (env. 220 Ma), dont la structure était conservée, et d’Equisetum actuel présentent les mêmes pics de glucides correspondant à des molécules en C23, C25, C27 et C29. Si une telle investigation, étendue aux autres composés organiques, montre la même similitude, il faut en conclure que dans ce phylum particulier le chimisme n’a pas changé entre le Trias et l’époque actuelle. On peut alors affirmer un certain actualisme chez le fossile et supposer que la physiologie est restée également constante et que, parallèlement, les exigences écologiques n’ont pas varié.

On conçoit qu’il serait particulièrement dangereux que les biologistes ne tiennent aucun compte de ce paramètre irremplaçable qu’est le temps géologique. C’est pourquoi il faut voir dans la paléobotanique une science plus jeune, plus féconde, plus vivante que jamais, absolument indispensable pour comprendre et résoudre les grands problèmes de la biologie végétale.

4. Paléontologie et géologie

Histoire des idées

L’histoire des fossiles et l’histoire de la Terre sont étroitement mêlées, comme nous allons le voir en retraçant l’évolution des idées sur les rapports de l’une et de l’autre.

L’abbé Giraud-Soulavie peut être considéré comme le véritable fondateur de la paléontologie stratigraphique. Dans son ouvrage sur l’Histoire naturelle de la France méridionale (1780-1783), il établit le principe fondamental de la stratigraphie fondée sur la superposition des couches, et souligne que les fossiles sont distribués «par couches de divers âges et non par lieux géographiques». Un peu après, en Angleterre, William Smith proclamait que «les couches terrestres peuvent être identifiées par les fossiles qu’elles contiennent».

D’une manière plus profonde, Cuvier (1769-1832) écrivait dans son célèbre Discours sur les révolutions de la surface du globe : «C’est aux fossiles seuls qu’est due la naissance de la théorie de la Terre; sans eux, l’on n’aurait peut-être jamais songé qu’il y ait eu dans la formation du globe des époques successives, et une série d’opérations différentes. Eux seuls, en effet, donnent la certitude que le globe n’a pas toujours eu la même enveloppe, par la certitude où l’on est qu’ils ont dû vivre à la surface avant d’être ensevelis dans la profondeur [...] s’il n’y avait que des terrains sans fossiles, personne ne pourrait soutenir que ces terrains n’ont pas été formés tous ensemble.»

Alcide d’Orbigny (1802-1837) reprend, en les exagérant, certaines vues théoriques de Cuvier, mais il montre aux géologues que l’étude des fossiles est la vraie méthode chronologique. «La première notion à obtenir dans l’étude paléontologique, écrivait-il, c’est la date.» Cette méthode l’a conduit à établir une classification des terrains secondaires fondée sur des fossiles, et dont la nomenclature n’a encore subi que peu de modifications.

Ces thèses des naturalistes fixistes de la première moitié du XIXe siècle furent aisément transposées en langage transformiste.

Dans son ouvrage, Essai de paléontologie philosophique , publié en 1896, Albert Gaudry déclarait: «Personne ne nie plus aujourd’hui que c’est surtout par le secours des fossiles qu’il est possible de déterminer l’âge des terrains. Il est admis que chacun d’eux renferme un certain nombre de fossiles auxquels on donne le nom de fossiles caractéristiques . Pourquoi sont-ils caractéristiques d’une époque plutôt que d’une autre? Nul autrefois ne le savait... Mais si la paléontologie nous fait assister à une évolution régulière du monde animé, il est évident que le stade de développement des fossiles doit correspondre à leur âge géologique; nous comprenons alors pourquoi tels fossiles se rencontrent à tel niveau. Les géologues qui nous apportent des os de Vertébrés pour que nous leur disions l’âge du terrain d’où ils proviennent, savent que notre premier soin n’est pas de regarder s’ils appartiennent à quelques-unes des nombreuses espèces déjà connues, mais nous cherchons à quel stade d’évolution ils se trouvent, parce que les stades d’évolution, qui marquent les changements de l’organisation, marquent en même temps les principales divisions des temps géologiques. Voici deux gisements différents: je constate que dans l’un les animaux indiquent un état d’évolution moins avancé que dans l’autre; j’en conclus que le premier est d’une époque plus ancienne.»

Ainsi s’est substituée à la méthode lithologique, dans l’établissement d’une chronologie, la méthode paléontologique fondée sur la notion de fossiles caractéristiques, c’est-à-dire étroitement liés à un niveau stratigraphique.

Quand on suit, dans le sens horizontal, une couche géologique déterminée, ou bien l’on constate qu’elle conserve, sur une grande étendue, les mêmes caractères paléontologiques et lithologiques, ou bien on la voit passer latéralement à des couches de nature lithologique différente et renfermant des fossiles autres que les fossiles observés au départ. C’est sur une telle constatation qu’est fondée la conception de faciès , définie au siècle dernier par le géologue suisse Gressly.

Le phénomène de migration joue un rôle très important dans le cas des faunes marines comme dans celui des faunes terrestres, et il a certainement de grandes conséquences sur la question des synchronismes à longue distance. Le temps nécessaire au déplacement, par exemple, fait que deux formations renfermant les mêmes fossiles ne sont pas forcément synchroniques, mais homotaxes , suivant l’expression de T. Huxley. La succession des formations en un point donné ne peut avoir qu’une valeur régionale. Toutefois, l’utilisation de certains groupes de fossiles permet de remédier à cet inconvénient.

Albert Oppel montra dès 1856 le grand parti que l’on peut tirer des Ammonites dans l’établissement des parallélismes à grande distance. Il établit que les trente-trois zones distinguées grâce à ces fossiles par Queenstedt, dans les terrains jurassiques du Wurtemberg, s’observaient aussi en Allemagne du Nord, et Angleterre et en France. Ultérieurement, ces zones, ou tout au moins certaines d’entre elles, ont été retrouvées aux Indes et à Madagascar.

Cette importance des Ammonites comme fossiles caractéristiques tient très probablement au fait que leur migration se faisait au stade larvaire, que les larves étaient planctoniques, ce qui favorisait leur dispersion.

Les Ammonoïdes se rencontrent depuis le début du Dévonien jusqu’à la fin des temps crétacés; ils fournissent pour cette durée considérable d’excellents fossiles caractéristiques. Pour les premières périodes de l’ère primaire, on a établi des zones d’après la succession des Trilobites, et, au Silurien surtout, d’après les Graptolithes; pour les terrains marins du début de l’ère tertiaire, on utilise principalement les Foraminifères, et pour les formations continentales de l’ensemble de cette ère, les Mammifères.

Hiérarchie des divisions

À partir de la fin des temps précambriens, l’histoire de la Terre est divisée en plusieurs grandes ères (Primaire, Secondaire, Tertiaire, Quaternaire) que caractérise le développement de tels ou tels groupes d’animaux, et que séparent généralement de grands changements paléogéographiques.

Les géologues divisent les ères en périodes , et celles-ci en époques . L’ensemble des terrains formés pendant une époque se nomme étage géologique; l’ensemble des étages correspondant à une période se nomme un système ; l’ensemble des systèmes correspondant à une ère se nomme un groupe . Ainsi les expressions «groupe» et «ère», «système» et «période», «étage» et «époque» ne sont pas synonymes, les premières désignant des terrains, les secondes s’appliquant aux durées pendant lesquelles ces terrains se sont formés.

Nous allons indiquer sommairement les caractères paléontologiques de chacune de ces grandes ères en lesquelles on divise l’histoire de la Terre.

Les temps précambriens sont marqués par l’apparition de la vie sur le globe.

L’ère primaire, ou Paléozoïque , est caractérisée au point de vue paléobotanique par l’abondance des Cryptogames vasculaires, qui comprennent des Fougères, des Équisétinées, des Lycopodinées géantes, auprès desquelles croissaient des Ptéridospermées, groupe qui fait transition entre les Cryptogames et les Phanérogames Gymnospermes. Celles-ci sont représentées par des Cycadées et des Conifères. On ne connaît encore aucune Angiosperme dans les terrains paléozoïques.

Un grand nombre de familles, d’ordres et même de classes d’animaux caractérisent l’ère primaire. Les Graptolithes, proches des Ptérobranches, sont surtout abondants au début de l’ère. Les Échinodermes Cystidés et Blastoïdés n’ont jamais été rencontrés que dans les terrains primaires. Les Conulaires, parmi les Mollusques, sont exclusivement paléozoïques. Deux autres groupes prennent un grand développement et donnent véritablement au monde des Invertébrés primaires sa physionomie: les Brachiopodes, et surtout les Trilobites. On dit parfois que l’ère primaire est l’«ère des Trilobites».

Nous connaissons des restes de Vertébrés dès le début des temps primaires (Ordovicien). Ce sont des formes très spéciales du groupe des Ostracodermes, à forte armure dermique et sans mâchoires. Ces premiers représentants des Vertébrés sont déjà très éloignés de la souche originelle. Il y avait aussi de véritables Poissons, aux corps revêtus d’écailles: Ganoïdes.

Les Amphibiens nous apparaissent à la fin des temps dévoniens; ils appartiennent tous à l’ordre des Stégocéphales, animaux puissamment protégés; les plus anciens Reptiles datent du Carbonifère, Oiseaux et Mammifères sont encore complètement inconnus.

L’ère secondaire, ou Mésozoïque , est caractérisée, au point de vue de la flore, par la disparition de la plupart des grandes Cryptogames paléozoïques. Les Fougères et les Équisétinées ne sont plus guère représentées que par des genres très voisins des genres actuels. Parmi les Gymnospermes, les Cordaïtes disparaissent peu à peu. Le nombre des Cycadées et des Conifères augmente, au point de constituer le fond principal de la végétation. Le Crétacé est marqué d’abord par la présence soudaine, ensuite par le développement des Phanérogames Angiospermes.

Nous voyons apparaître ou se développer un certain nombre de groupes d’animaux invertébrés qui vivent encore actuellement: de nouveaux types de Foraminifères, les Cœlentérés Hexacoralliaires, les Oursins irréguliers. Au même moment, quelques formes de Brachiopodes, aujourd’hui très réduites, atteignent leur apogée: les Rhynchonelles et les Térébratules. Les Lamellibranches et les Gastéropodes se multiplient en se diversifiant. Ce sont surtout certains groupes de Céphalopodes disparus qui caractérisent les terrains secondaires. De même que l’ère primaire est, pour les Invertébrés, l’ère des Trilobites, l’ère secondaire est l’«ère des Ammonites et des Bélemnites».

Parmi les Vertébrés, les Poissons prennent un grand développement. Aux Ganoïdes primaires se substituent peu à peu les Téléostéens, c’est-à-dire le groupe qui constitue la plus grande partie de la faune ichthyologique actuelle.

Les Amphibiens Stégocéphales et les Reptiles Théromorphes primaires poursuivent leur développement et jouent encore un rôle important pendant la première période des temps secondaires, ou période triasique. La plupart des ordres de Reptiles actuels ne tardent pas à s’individualiser, tandis que des ordres spéciaux envahissent les domaines des eaux et de l’air et que le monde de la terre ferme est dominé par le groupe si varié des grands Reptiles Dinosauriens. Cette prodigieuse diversité de formes a valu aussi à l’ère secondaire le nom d’«ère des Reptiles».

Deux événements biologiques considérables marquent également l’ère secondaire: l’apparition des premiers Oiseaux, encore munis de dents, et l’existence de petits Mammifères aux caractères primitifs.

L’ère tertiaire, ou Cénozoïque , est caractérisée, dans le monde des plantes comme dans le monde des animaux, par un acheminement progressif vers l’état de choses moderne.

La flore comprend les principaux types vivants, avec, jusque vers la fin, une répartition géographique différente de celle qu’ils présentent aujourd’hui.

Dans la faune, on constate la disparition de toute une série de types secondaires: Rudistes, Ammonites, Bélemnites parmi les Invertébrés; Reptiles marins, Reptiles volants, Dinosauriens, Oiseaux dentés parmi les Vertébrés.

On assiste, en revanche, à l’épanouissement de certains groupes de Foraminifères (Nummulites), des Oursins irréguliers, des Oiseaux et surtout des Mammifères. Les Mammifères placentaires en particulier, qui ne sont connus au Mésozoïque que par un très petit nombre de représentants, prennent soudainement une vaste expansion et font de l’ère tertiaire l’«ère des Mammifères».

Avec l’ère quaternaire, qui n’est vraiment que la continuation de l’ère tertiaire, nous entrons dans le monde actuel. La flore comprend à peu près les mêmes plantes, la faune les mêmes animaux. Mais leur distribution géographique est encore un peu différente. Cependant, un grand événement caractérise l’ère quaternaire, l’apparition de l’homme, ou plutôt sa présence nettement constatée pour la première fois. Aussi l’appelle-t-on parfois ère anthropique ou anthropozoïque .

5. Paléontologie humaine

La paléontologie humaine (expression proposée par P. M. T. de Serres en 1853) est une des branches les plus jeunes des sciences paléontologiques. Son objet et sa méthode se précisèrent lentement; elle a maintenant nettement pris conscience de ses possibilités et su dégager ses tâches essentielles.

D’où vient l’homme? C’est le problème de nos origines, de notre insertion dans le monde animal. La paléontologie humaine, à ses débuts, a porté tout son effort sur la recherche de l’ascendance animale de l’homme. Personne ne doute du caractère animal de l’homme, mais en se limitant à cette seule perspective on ne saisit qu’un aspect du phénomène humain. Or c’est la totalité de celui-ci que l’on veut maintenant connaître, et sa caractéristique la plus évidente est l’intelligence. Le dessein de la paléontologie humaine est de rétablir l’historicité de l’homme dans son corps et son esprit.

La genèse humaine comporte deux temps. Au premier correspond l’individualisation du rameau humain par rapport aux autres Primates. Le second se définit par l’apparition de la pensée réfléchie, caractère véritable de l’hominisation (cf. HOMME - Hominisation).

Dans la phase qui précède l’hominisation, temps où les Hominidés laissaient sommeiller en eux la faculté raisonnable, les documents paléontologiques sûrs dont nous disposons pour suivre la montée vers la forme humaine concernent les Australopithèques, connus d’Afrique orientale et d’Afrique du Sud. Si on ne peut voir en eux d’une façon certaine les formes ancestrales de l’homme, autrement dit du genre Homo , ils donnent sans aucun doute de celles-ci une image approximative.

Le plus ancien représentant du genre Homo , reconnaissable à sa capacité cérébrale et à son aptitude à fabriquer des outils, est l’Homo habilis , qui nous apparaît en Afrique orientale et remonte à plus de deux millions d’années.

Il est suivi par l’Homo erectus , décrit d’abord de Java et de Chine. Il commence à conquérir le reste du monde et peut s’adapter à un autre environnement, si bien que l’on observe en divers points une transformation vers l’Homo sapiens .

En Europe, nous voyons se développer graduellement, au moins à partir du crâne humain (450 000 ans) trouvé à Tautavel (Pyrénées-Orientales) et du tibia retrouvé à Boxgrove en 1993 (500 000 ans) des restes appartenant encore à l’Homo erectus . Au Proche-Orient, on trouve les plus anciens chaînons de la lignée de l’homme moderne (hommes de Galilée, de Qafzeh); en Indonésie, l’homme de Java vieux de près de 2 millions d’années selon les estimations récentes paraît donner, par l’intermédiaire de l’homme de Ngandong, le type australien; sur le continent africain, on observe le même mouvement évolutif vers l’homme moderne.

Pourquoi y a-t-il des hommes? La paléontologie retrouve ici le vieux problème de la place de l’espèce humaine dans la nature, de sa signification dans le phénomène évolutif. La vie dans son ensemble avance dans une direction majeure caractérisée par une montée du psychisme, et l’homme se place en tête de ce mouvement. Loin d’être un produit fortuit des forces de la nature, un hasard de la vie, il représente de celle-ci la forme la plus achevée.

Où va l’homme? Le but ultime que se propose le paléontologiste est de saisir la structure de l’Univers et de la vie dans ses dimensions historiques. Il peut contribuer à fonder une science de l’avenir. Il ne peut s’agir, dans cette perspective, d’un domaine restreint, spécial, comme celui d’un économiste ou d’un historien. Le paléontologiste se place sur un plan différent; l’objet de ses recherches n’est pas une certaine forme de vie ou de culture, mais l’avenir de l’humanité en tant qu’espèce biologique.

À côté de l’évolution biologique de l’homme, il existe une évolution sociale. On a dit depuis longtemps, mais le paléontologiste ne s’en est rendu compte que récemment, que l’individu, avec ses facultés perfectionnées, non seulement est fait pour la vie sociale, mais que «l’organisation sociale est la véritable condition organique de l’apparition de ces hautes facultés». D’après ce que lui révèlent les fouilles des préhistoriens, le paléontologiste ne peut connaître que quelques traces, quelques vestiges de cette vie sociale qui plonge ses racines dans l’animalité antécédente. Mais il doit incorporer à ses synthèses les résultats de ces découvertes, par exemple les aménagements relevés dans la grotte acheuléenne du Lazaret, à Nice, et les habitats de plein air du Périgord. Ainsi commencent à se dessiner les grandes lignes d’une histoire des structures sociales.

paléontologie [ paleɔ̃tɔlɔʒi ] n. f.
• 1830; de paléo- et ontologie
Science des êtres vivants ayant existé au cours des temps géologiques, et qui est fondée sur l'étude des fossiles. paléobiologie, paléobotanique, paléozoologie. La paléontologie, science auxiliaire de la géologie. Paléontologie des invertébrés.

paléontologie nom féminin Science qui étudie les êtres vivants (animaux, végétaux ou micro-organismes) ayant peuplé la Terre au cours des temps géologiques, en se fondant principalement sur l'interprétation des fossiles. ● paléontologie (expressions) nom féminin Paléontologie animale, synonyme de paléozoologie. Paléontologie humaine, synonyme de paléoanthropologie. Paléontologie végétale, synonyme de paléobotanique. ● paléontologie (synonymes) nom féminin Paléontologie animale
Synonymes :
- paléobotanique
- paléozoologie

paléontologie
n. f. Science des êtres vivants (animaux, végétaux) qui ont peuplé la Terre au cours des temps géologiques, fondée sur l'étude des fossiles.

⇒PALÉONTOLOGIE, subst. fém.
Science qui étudie les êtres et organismes vivants ayant existé au cours des temps géologiques, basée sur l'observation des fossiles. Revue, musée de paléontologie. C'est Cuvier qui fut le véritable fondateur de la paléontologie, car il démontra, le premier, que les êtres fossiles étaient différents des êtres actuels (BOULE, Conf. géol., 1907, p.52). La paléontologie nous apprend, de surcroît, qu'il exista, dans le passé de la vie, des types intermédiaires, formant la transition entre des groupes aujourd'hui bien séparés (J. ROSTAND, La Vie et ses probl., 1939, p.163):
♦ La paléontologie fut pendant longtemps uniquement systématique. Cette systématique, rigoureuse, reste à la base de l'inventaire des êtres fossiles et de la préparation des catalogues de ces inventaires, constituant maintenant des traités, tenant compte de la paléo-écologie.
FURON ds R. gén. sc., t.63, 1956, p.45.
[Suivi d'un compl. déterminatif ou d'un adj. précisant le domaine étudié] Paléontologie végétale, botanique (synon. paléobotanique); paléontologie zoologique (synon. paléozoologie). Nous avons retenu l'habitude, du temps où nous ignorions la paléontologie humaine, d'isoler dans une tranche spéciale les quelque six mille ans pour lesquels nous possédons des documents écrits ou datés (TEILHARD DE CH., Phénom. hum., 1955, p.229). Les progrès de la paléontologie stratigraphique furent dès lors très rapides et on put voir que ce nouvel aspect de la géologie était tout différent de la paléontologie pure (Hist. gén. sc., t.3, vol.1, 1961, p.377). Sa remarquable odontographie [de Rutimeyer] (...) a été le point de départ des recherches sur la dentition, capitales dans le domaine de la paléontologie des mammifères, en même temps qu'elle présentait un essai de phylogénie des chevaux (Hist. gén. sc., t.3, vol.1, 1961, p.517).
P. anal. Science qui, dans l'étude de son objet, remonte à une époque plus ou moins ancienne. Nos modernes esthètes, épris de préraphaélisme flamand, (...) nourris qu'ils sont de protestantisme par Sébastien Bach et incapables de savourer le goût tout spécial du catholicisme, en dépit de leur culte artificiel pour Palestrina, sorte de paléontologie musicale (SAINT-SAËNS, Portr. et souv., 1909, p.100). Hermann Hirt (...) s'est fondé sur la théorie de J. Schmidt (...) pour déterminer la contrée habitée par les indo-européens; mais il ne dédaigne pas de recourir à la paléontologie linguistique: des faits de vocabulaire lui montrent que les indo-européens étaient agriculteurs, et il refuse de les placer dans la Russie méridionale (SAUSS. 1916, p.307). Tout le monde n'est pas comme moi curieux de cette paléontologie des couches religieuses (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1963, p.298).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. 1830 palaeonthologie (Journal de géol., t.1, p.1); 1832 paléontologie (A. BOUÉ, Mém. géol. et paléont., p.131). Comp. de palé(o)-, de onto- et de -logie. Fréq. abs. littér.:36.

paléontologie [paleɔ̃tɔlɔʒi] n. f.
ÉTYM. 1834; paléonthologie, 1830; de paléo-, et ontologie « science de l'être, des êtres ».
Didact. Science des organismes vivants ayant existé sur la terre avant la période historique. || La paléontologie est fondée sur l'étude des restes d'organismes disparus. Fossile, oryctologie. || La paléontologie, science auxiliaire de la géologie. Géognosie, stratigraphie. || Paléontologie et évolutionnisme. Évolution (cit. 15). || La paléontologie est en partie issue des recherches d'anatomie de Cuvier. || Paléontologie végétale (paléobotanique), animale (paléozoologie); paléontologie humaine (anthropologie préhistorique).
0 Le génie de Cuvier a développé ces vues et en a tiré une science nouvelle, la paléontologie, qui reconstruit un animal entier d'après un fragment de son squelette.
Cl. Bernard, Introd. à l'étude de la médecine expérimentale, II, II.
Études paléontologiques appliquées à une catégorie d'organismes (paléontologie des invertébrés…), à une région, à une couche géologique (paléontologie stratigraphique, paléontologie du carbonifère…).
Ouvrage, manuel de paléontologie.
tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
DÉR. Paléontologique, paléontologiste ou paléontologue.

Encyclopédie Universelle. 2012.