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AUTOFINANCEMENT
AUTOFINANCEMENT

Pour assurer son financement, une entreprise peut recourir à deux types de procédés: faire appel à des capitaux extérieurs, c’est-à-dire, en dernière analyse, à l’épargne ou au crédit bancaire; ou utiliser ses propres disponibilités, et il s’agit alors d’autofinancement. Les problèmes posés par l’autofinancement concernent tout d’abord sa définition et sa mesure, assez largement conventionnelle, compte tenu de la difficulté d’isoler l’investissement net de l’entreprise. Le choix de l’autofinancement par l’entrepreneur résulte à la fois du désir des dirigeants de garder le contrôle de leur firme, et de l’augmentation de rentabilité qui en découle pour un investissement donné: le chef d’entreprise parie plus volontiers sur lui-même que sur les autres.

On reproche à l’autofinancement de diminuer la mobilité du capital, de renforcer les situations acquises. Cela ne serait exact que pour un marché idéal des capitaux qui n’a jamais existé; or la grande dimension des firmes contemporaines, leur diversification, la création de filiales tendent à permettre une mobilité de l’autofinancement qui paraît à certains égards plus favorable à la bonne répartition des ressources que la distribution des épargnes par le marché boursier. D’autre part, l’autofinancement est censé être défavorable aux consommateurs et aux salariés, mais il est difficile de le prouver dès lors qu’on use d’un raisonnement dynamique. Le problème réel est plutôt celui de la participation des salariés aux accroissements d’actifs de l’entreprise.

L’autofinancement, enfin, n’est pas un phénomène isolé sur lequel on pourrait porter un jugement favorable ou défavorable, c’est une des modalités irremplaçables du financement des entreprises contemporaines.

1. Définition de l’autofinancement

Il n’existe aucune définition juridique ni comptable de l’autofinancement. C’est donc sous l’angle économique que l’on doit tenter d’en cerner le contenu, encore que cela soit malaisé en raison de sa relative imprécision. L’autofinancement ne se confond pas avec les réserves ou les provisions que connaît le droit commercial. D’une manière générale, on peut le définir comme la part non distribuée et épargnée des profits d’une entreprise au cours d’une période . On ajoutera que l’autofinancement correspond à un accroissement des actifs nets réels de l’entreprise. Cependant cette définition doit être précisée si l’on veut parvenir à un concept mesurable; dès lors, on est conduit à distinguer autofinancement brut et autofinancement net.

L’autofinancement brut est la notion la plus extensive. Elle coïncide en pratique avec le résultat brut d’exploitation, lui-même défini comme étant l’excédent des recettes d’exploitation sur les dépenses effectivement décaissées.

Cette notion donne une assez bonne image du dynamisme de la firme puisque ses capacités de renouvellement et sa compétitivité sont fonction de ses résultats bruts plus que des résultats nets; d’autre part, elle facilite les comparaisons internationales, car elle correspond assez bien à la notion, très largement adoptée sur le plan international, de cash-flow . Elle est cependant beaucoup trop extensive et ne précise pas l’usage qui est fait du résultat brut d’exploitation; ainsi ne distingue-t-elle pas les sommes consacrées à la distribution de dividendes et celles qui sont réinvesties, et donc affectées à l’accroissement des actifs de la firme.

L’autofinancement net est défini par l’autofinancement brut d’où profits distribués, ressources précaires résultant d’un simple décalage entre engagements et paiements, et amortissements ont été soustraits. Mais en fait, il est très difficile d’isoler l’investissement net de l’entreprise étant donné le caractère conventionnel des règles applicables aux amortissements et la difficulté à la fois théorique et pratique de distinguer, dans l’investissement brut, la part qui correspond au maintien et celle qui assure un accroissement du capital.

Vu les difficultés que soulève la distinction entre autofinancement brut et net, on est conduit le plus souvent à adopter une notion moins élaborée théoriquement, mais plus facile à saisir dans les faits. Celle qu’utilise l’Institut national de la statistique et des études économiques dans ses enquêtes auprès des chefs d’entreprise est un bon exemple de compromis entre la rigueur conceptuelle et les nécessités pratiques de la mesure statistique; selon l’I.N.S.E.E., l’«autofinancement d’une année est la différence entre les dépenses totales d’investissements d’équipements réalisées au cours de l’année et les concours financiers extérieurs dont a déclaré bénéficier l’entreprise en vue de ces investissements». L’autofinancement sera donc souvent mesuré sur le plan global comme un solde ou un résidu: différence entre la valeur des investissements réalisés et le financement externe de ces investissements.

2. Mesure de l’autofinancement

Pour donner un contenu précis à la notion d’autofinancement, on peut faire porter l’investigation statistique soit sur la proportion des profits qui sont retenus par l’entreprise (taux de rétention), soit sur la part de l’autofinancement dans l’ensemble des procédés de financement de l’investissement, soit encore sur le pourcentage du revenu national représenté par le montant global des investissements autofinancés.

D’après les données de la Comptabilité nationale française, le taux de rétention brute de l’ensemble des sociétés a oscillé depuis les années cinquante entre 75 et 85 p. 100. Le taux de rétention nette se situe entre 66 et 50 p. 100. Ces taux sont généralement moins élevés pour les sociétés non financières. Ces chiffres montrent surtout la modicité des dividendes distribués.

La part de l’autofinancement dans le financement des entreprises constitue une indication précieuse: elle met en évidence le choix effectué par les entreprises à l’égard des divers procédés de financement. Pour l’ensemble des entreprises non financières, le taux d’autofinancement brut en France a varié entre 76 p. 100 (1955) et 56 p. 100 (1981). D’une manière générale, les années les plus récentes semblent témoigner d’une baisse durable de l’autofinancement: on essaiera plus loin d’en rendre compte.

À titre d’exemple, selon des calculs réalisés par un groupe d’experts de l’O.C.D.E. durant les années soixante, le taux d’autofinancement pour un groupe de pays aurait été (en pourcentage de la formation brute de capital, stocks exclus et pour les années 1959-1965) en moyenne de 77: États-Unis, 130; Allemagne, 79; Belgique, 75; Pays-Bas, 67; Italie, 61; Japon, 74; France, 70.

Mais les calculs sont très difficiles à homogénéiser et les résultats sont assez variables suivant les sources ou les échantillons retenus. La seule affirmation solide que pouvaient permettre ces statistiques est que le taux d’autofinancement se trouvait particulièrement élevé dans les pays anglo-saxons: les entreprises y finançaient la totalité de leurs investissements et au-delà, ce qui semblait résulter d’un taux de profit très important.

3. Choix de l’autofinancement parmi les procédés de financement

Trois séries de raisons peuvent amener les dirigeants de l’entreprise à préférer l’autofinancement à l’émission d’actions ou d’obligations, ou encore au crédit bancaire.

Il peut résulter, en premier lieu, d’une attitude spontanée des dirigeants visant à employer au mieux, et dans la perspective d’une meilleure rentabilité, les liquidités réalisées au cours de l’exercice. Il s’agit souvent d’un réflexe de bonne gestion financière; il convient de ne pas laisser des sommes oisives, ou suivant l’expression courante de ne pas laisser l’argent dormir. Parfois aussi, l’immobilisation du bénéfice en fin d’exercice incite à la rétention.

En second lieu, l’autofinancement apparaît souvent comme préférable pour un ensemble de motifs qui témoignent du désir des dirigeants de l’entreprise de garder le contrôle de celle-ci, de minimiser le risque des investissements ou le coût du capital.

Si la firme est une organisation qui tend avant tout à maximiser les profits, c’est aussi une unité économique engagée dans une lutte constante pour sa vie et son indépendance. À cet égard, l’existence de prêteurs est une perpétuelle menace, et les augmentations de capital, si elles ne sont pas soigneusement préparées, accentuent les possibilités de «raids» boursiers. Le danger des participations bancaires a été maintes fois souligné par les hommes d’affaires dont les entreprises florissantes constituent une tentation perpétuelle pour les groupes financiers. C’est ainsi qu’Henri Ford déclarait: «Depuis que je suis dans les affaires, je n’ai jamais emprunté, sauf une fois pour racheter les parts qui n’étaient pas aux mains des membres de ma famille. C’est que je ne veux pas courir le risque de voir la direction de mes affaires tomber en d’autres mains.» C’est là, il est vrai, un cas extrême, mais qui témoigne d’une préoccupation assez largement répandue dans les milieux dirigeants des grandes sociétés. Le financement des investissements sur les fonds propres de la firme est évidemment le meilleur moyen d’assurer au groupe dominant la permanence de son contrôle.

Cette préférence repose aussi sur la conviction, partagée par la plupart des administrateurs des grandes affaires, que l’entreprise est une institution ayant une existence distincte de celle de ses propriétaires. Le dividende leur paraît fréquemment semblable à un intérêt à verser aux actionnaires, de telle sorte qu’au-delà du minimum statutaire la propension à retenir les profits est forte. Citons encore Henri Ford exprimant avec franchise cet état d’esprit: «Je considère les profits industriels, à partir d’un certain pourcentage modéré, comme appartenant à l’affaire elle-même plutôt qu’aux actionnaires.»

Mais on peut penser aussi que l’autofinancement correspond à l’avantage réel des actionnaires: il permet d’échapper à une fiscalité taxant davantage les bénéfices distribués que les bénéfices retenus et entraîne l’accroissement de l’actif net réel de la firme, c’est-à-dire (à long terme) une hausse de la valeur en Bourse des titres qui la représentent. Il est vrai que cette hausse ne se fait pas régulièrement, ni sans fluctuations et revirements parfois spectaculaires. Mais, au-delà des variations erratiques que subit le marché boursier, la tendance à long terme de la valeur des actions s’ajuste à la croissance de la production et à l’augmentation des actifs réels. Il semble donc que les actionnaires profitent largement, par les plus-values qu’il entraîne, de l’autofinancement.

Enfin, le choix de l’autofinancement parmi les procédés de financement qui s’offrent à la firme est souvent explicable par des considérations relatives à la diminution du risque et à l’augmentation de rentabilité qui en résultent pour un investissement donné.

D’une manière générale, le chef d’entreprise est mieux à même que l’épargnant ou le banquier d’évaluer le risque que comporte une opération d’investissement: il a une idée plus précise des courbes de coût, de demande de la firme, des conditions de la concurrence. Par-dessus tout, il a décidé l’opération et il estime qu’il la fera aboutir: «L’entrepreneur qui investit, écrit F. Knight, parie essentiellement sur lui-même et sur sa capacité à faire face à la situation.» Son évaluation subjective du risque sera donc inférieure à celle de l’apporteur des capitaux.

L’autofinancement sera en outre fréquemment préféré au recours à l’emprunt parce que, sa réalisation accomplie, il n’entraîne pas de charge financière permanente susceptible de peser sur les coûts de l’entreprise, voire de mettre en péril sa rentabilité. On sait combien l’endettement de certaines firmes, par le poids considérable des intérêts qu’il implique, est dangereux pour leur équilibre. L’autofinancement n’entraîne pas de tels engagements. Il diminue donc les charges financières et rend plus aisée la gestion de la firme. Encore faut-il, pour que ce raisonnement soit applicable, que le chef d’entreprise ait vraiment le choix, c’est-à-dire qu’il dispose d’un volume suffisant de bénéfices à réinvestir.

4. Autofinancement et mobilité du capital

Si l’on se situe sur le plan de l’économie globale, il n’est pas rare d’entendre critiquer vivement la place tenue par l’autofinancement dans le financement des investissements: on oppose la situation réelle des économies contemporaines à ce qui se passerait si, tous les profits étant distribués, les investissements étaient financés uniquement par appel à l’épargne et au marché des capitaux.

L’une des critiques les plus significatives est que l’autofinancement ferait obstacle à la mobilité du capital, et donc à la meilleure affectation des ressources. Il avantagerait notamment les entreprises constituées par rapport à celles qui souhaiteraient se créer, les activités déjà implantées par rapport aux produits et aux activités nouvelles ; en un mot, il favoriserait le maintien des structures anciennes et exercerait une influence «conservatrice» dans l’économie. Cette argumentation est justifiée par le fait que l’entrepreneur «parie» plus facilement sur lui-même que sur les autres et donc investit plus généreusement dans sa propre entreprise qu’à l’extérieur. Mais cela signifie-t-il que l’autofinancement interdise l’affectation du capital aux emplois les plus productifs? Une connaissance plus concrète de la vie des affaires incite à répondre par la négative. En effet, les profits réinvestis ne sont pas forcément liés aux activités qui les ont fait naître. Ils financent souvent des productions différentes, soit dans la firme où ils sont apparus, soit dans des entreprises distinctes.

La grande entreprise contemporaine est généralement une firme multiproductrice ; ses activités sont diversifiées, et cette diversification même est pour elle une précaution contre les fluctuations de la demande et une garantie de croissance. Les productions peuvent porter sur des objets différents ou même relever de branches nettement distinctes. Ainsi, les profits retirés d’une fabrication peuvent servir à en financer une autre suivant les perspectives du marché. Il est fréquent, par exemple, qu’une entreprise dont l’activité principale est en régression s’adjoigne des fabrications nouvelles situées dans les secteurs en expansion. Dans ce cas, les profits réalisés par les produits anciens serviront à financer l’expansion de la nouvelle branche.

Par ailleurs, l’épargne des entreprises n’est pas statique en un autre sens: elle intervient dans la création d’entreprises nouvelles sous la forme de filiales spécialisées. Les flux financiers interentreprises sont aujourd’hui très importants et une grande part des titres émis par les sociétés sont souscrits par d’autres sociétés. La majeure partie des innovations de quelque importance (exploitation de nouveaux procédés ou fabrications nouvelles) est rendue possible par l’apport d’hommes, de techniques et de capitaux en provenance d’entreprises préexistantes, et par la création de filiales dont le capital est constitué grâce aux profits non distribués des sociétés mères. La mobilité du capital entre firmes s’accroît souvent à la suite du développement de la concentration, et la création d’entreprises nouvelles n’est généralement pas le fait de particuliers, mais de grosses sociétés.

On pourrait donc soutenir que, loin de favoriser l’immobilité des capitaux, l’autofinancement constitue un stimulant à leur mobilité. Le marché ne permet pas, il s’en faut, une affectation rationnelle étant donné ses imperfections et le caractère extrêmement aléatoire des anticipations sur le rendement des capitaux. «Un bon budget de dépense en capital dirige sans doute les capitaux vers les emplois les plus profitables, mieux que ne pourrait le faire le marché, et contribue à la supériorité de la répartition intérieure par autofinancement.» Cette réaffectation interne des profits «permet, mieux que le marché, le réemploi des capitaux des branches en stagnation ou en régression dans les branches en expansion» (R. Goffin). En outre, l’autofinancement reste le meilleur procédé pour couvrir les dépenses consacrées à la recherche scientifique, à l’innovation.

Enfin, les prises de participations, la constitution de larges portefeuilles-titres par les entreprises entraînent une redistribution des profits entre les firmes et permettent donc un emploi des fonds plus conforme à la rationalité théorique dont se prévaut le marché.

5. «Charge» de l’autofinancement

Par référence explicite ou implicite au modèle de financement traditionnel selon lequel tous les fonds investis ont été épargnés préalablement, et où le financement des investissements n’a pas d’interférences avec la distribution des revenus, on a pu dire que l’autofinancement, phénomène d’épargne forcée, affectait sensiblement la distribution et pesait notamment sur les consommateurs et sur les salariés des entreprises qui le pratiquent.

Cette affirmation est fondée sur l’idée, assez imprécise il faut le reconnaître, que l’autofinancement appelle l’existence d’une «marge» supplémentaire incluse dans les prix et exerce ainsi une pression à la hausse ou tout au moins constitue un obstacle à leur baisse. Une analyse plus rigoureuse amènerait à comparer la situation du consommateur dans deux hypothèses différentes de financement du même investissement. Si l’on tente cette estimation, on constate que l’on ne peut affirmer d’une manière générale que le recours à l’autofinancement se traduit par un niveau de prix plus élevé. Dans le cas d’un investissement financé par l’emprunt, il faudra incorporer dans les prix les annuités de remboursement ainsi que le paiement des intérêts. C’est seulement dans l’hypothèse où la réalisation de l’investissement résulterait d’une hausse délibérée du prix, destinée à réunir les fonds nécessaires, que l’on peut parler d’une répercussion sur le consommateur, ce qui ne serait possible que si la firme était totalement maîtresse du prix et que l’élévation de celui-ci ne réagissait pas sur la demande.

En ce qui concerne les salariés, suivant un raisonnement de même type, on a parfois estimé que l’accroissement des marges ou des profits peut être obtenu grâce à la compression des coûts, dont les coûts du travail. Inversement, on pensera que les fonds consacrés à l’autofinancement auraient pu être distribués sous forme de salaires plus élevés. Nous nous trouvons ici devant la même forme d’analyse sans rigueur. Il s’agit en effet d’une pure éventualité: les profits supplémentaires peuvent résulter de la compression des coûts non salariaux ou de l’amélioration de la situation de la firme sur le marché ou de diverses autres hypothèses également vraisemblables.

Le problème de répartition posé par l’autofinancement a été défini plus correctement à l’occasion des débats relatifs à l’ordonnance sur l’intéressement des travailleurs à l’accroissement des actifs de l’entreprise. Il peut être énoncé ainsi: tout investissement autofinancé accroît l’actif net de l’entreprise, et, par le jeu des plus-values en capital, vient augmenter la valeur des titres détenus par les actionnaires. Or, si cette plus-value est issue en partie du capital des actionnaires de la firme, elle n’est pas moins née des efforts de tous les salariés de la firme. Il est donc juste que ceux-ci bénéficient d’une certaine participation à l’accroissement de la valeur du capital provoqué par leur travail. Le principe est aisé à définir et à justifier, mais les modalités d’application le sont infiniment moins, comme ont longtemps pu le montrer les détails de la législation française et les difficultés de son application. Peut-être est-il plus sage, comme on le fait habituellement aux États-Unis et en Allemagne, de laisser les salariés et les dirigeants de chaque entreprise libres de définir contractuellement ces modalités qui, au surplus, ne sont pas susceptibles de changer la condition des travailleurs (comme on l’a parfois naïvement laissé croire) et ne peuvent guère apparaître que comme un modeste supplément de salaire.

On sait que le niveau et les modalités de l’autofinancement sont particulièrement liés aux structures du marché et de ce fait ont subi pendant les années soixante un changement de régime assez fondamental. On peut estimer que, auparavant, la fixation des prix industriels était soumise, pour une part importante, à un régime de «prix administrés», lié au caractère oligopoliste des marchés.

Depuis lors, l’internationalisation croissante des productions incite à distinguer deux secteurs: un secteur abrité dans lequel la pratique des prix administrés peut généralement se maintenir, et un secteur exposé à la concurrence internationale où les unités de production ne disposent pas de la même maîtrise sur les prix, et où, par conséquent, l’autofinancement apparaît comme un phénomène largement résiduel.

L’élargissement du secteur exposé puis l’approfondissement de la crise internationale ont entraîné, depuis la fin des années soixante, un recours croissant à l’endettement aux dépens de l’autofinancement. Depuis lors, cependant, devant l’ampleur des frais financiers qui venaient réduire leurs marges bénéficiaires, les entreprises ont été incitées à limiter leur recours au financement externe. Mais l’abaissement général des marges de profit rend plus serrés les arbitrages qui doivent être faits entre accroissement de la dette et utilisation des fonds propres. On peut simplement dire, en ce qui concerne la France, que le jeu complémentaire de l’effort d’investissement et du taux d’autofinancement se restaure, mais avec une contrainte de rentabilité plus serrée.

Dans les discussions sur l’autofinancement, on a parfois tendance à affirmer qu’il s’agit d’un phénomène récent, que l’on pourrait opposer au financement par appel à l’épargne, caractéristique du XIXe siècle. Rien n’est moins vraisemblable. Le réinvestissement des profits a toujours été une méthode privilégiée de financement du développement économique, et cela dès la période de la révolution industrielle. Dès 1874, Henri Germain, président du Crédit lyonnais, l’affirmait en ces termes: «Quelle est l’origine des grandes fortunes acquises dans la finance ou l’industrie? C’est l’accumulation des bénéfices. Voyez les grandes maisons en France ou à l’étranger, distribuent-elles chaque année tous leurs bénéfices? Non, elles n’en prélèvent qu’une portion restreinte, et le surplus va grossir le fonds social. Il en va de même dans l’ordre industriel. Quelle que soit l’origine de ces établissements – industries houillères, forges, manufactures – ils consacrent, depuis de longues années, une partie de leurs profits à se fortifier sans cesse, par la réalisation de progrès industriels et par l’accroissement de réserves...»

L’autofinancement se présente donc comme un mode d’accumulation privilégié, et on ne peut guère l’opposer à un type de financement par le marché des capitaux, qui n’est qu’un modèle théorique. La condamnation de l’autofinancement au nom du marché est de ce fait naïve et sans portée; d’ailleurs le marché des capitaux existe et l’on a montré qu’en France, par exemple, son apport était loin d’être négligeable et proportionnellement plus élevé qu’aux États-Unis.

Les diverses modalités du financement des investissements sont donc également nécessaires et l’autofinancement apparaît comme l’un de ces modes alternatifs, n’excluant pas les autres, mais répondant à certaines nécessités spécifiques.

Les structures de financement sont fixées par des facteurs généraux que l’on retrouve dans toutes les sociétés capitalistes; elles ne tolèrent que de faibles variations institutionnelles. Elles dépendent, par exemple, de phénomènes propres aux sociétés anonymes – comme la volonté pour le groupe dirigeant de garder le contrôle de la firme –, des limites au financement externe que font apparaître les charges et les risques de l’endettement des entreprises, du volume et de la nature de l’épargne des ménages, etc. Ces phénomènes fondamentaux nous permettent de comprendre que les modalités du financement des investissements ne varient que dans une zone assez étroite et dont les frontières sont fonction de problèmes très généraux. Ainsi est-il vain de décrier ou de maudire l’autofinancement, tout comme la concentration, par exemple, ou l’élévation de la productivité. Pas plus que pour ces deux traits des sociétés contemporaines il ne s’agit d’un phénomène isolé, mais d’un élément qui appartient à l’évolution d’un système, qui ne trouve son sens et ne résout ses contradictions que dans son rapport au reste.

autofinancement [ otofinɑ̃smɑ̃ ] n. m.
• v. 1943; de auto- et financement
Financement d'un projet, d'une activité, par les propres ressources d'une entreprise, d'une personne. Autofinancement d'un investissement. Marge brute d'autofinancement. cash-flow.

autofinancement nom masculin Financement des investissements d'une entreprise qu'elle génère par son activité, c'est-à-dire grâce à une partie de ses bénéfices.

autofinancement
n. m. GEST Financement des investissements d'une entreprise par prélèvement sur ses propres ressources.

⇒AUTOFINANCEMENT, subst. masc.
ÉCON. POL. Mode de financement selon lequel une entreprise transforme en investissements une partie des profits qu'elle réalise :
En réalité, comme nous nous trouvons en présence de deux modes seulement de financement : l'autofinancement et l'emprunt, l'intérêt pratique d'un ordre de préférence réside dans les facilités plus ou moins grandes qui seront données aux emprunteurs.
Quelques aspects de l'équipement agric. en France, 2, 1951, p. 23.
[En parlant de collectivités locales] Autofinancement des communes (G. BELORGEY, Le Gouvernement et l'admin. de la France, 1967, p. 272).
Rem. 1re attest. 1913 (ROB. Suppl. 1970 sans ex.); 1943 (M. GRANGE, L'Autofinancement des entreprises ds ROMEUF t. 1 1956); composé de financement et de l'élément préf. auto-1.
PRONONC. :[] ou [-]. Cf. auto-1.
STAT. — Fréq. abs. littér. :8.
BBG. — Banque 1963. — BAUDHUIN 1968. — BIROU 1966. — BOUD.-FRABOT 1970. — GEORGE 1970. — LAMB. 1970. — LAUZEL-MUSS. 1970. — LEMEUNIER 1969. — MATHIEU 1970. — PUJOL 1970. — ROMEUF t. 1 1956. — SUAVET 1970.

autofinancement [otofinɑ̃smɑ̃] n. m.
ÉTYM. 1943; de auto- (I.), et financement.
Fin. Financement d'une entreprise par ses propres capitaux (affectation de profits aux investissements). || Recourir à l'autofinancement ou à un emprunt.Marge brute d'autofinancement (M. B. A.). Syn. (anglic.) : cash-flow.
0 Alors qu'avant-guerre l'autofinancement ne représentait qu'un tiers de l'épargne totale de la Nation, il représente actuellement plus des deux cinquièmes. Dans le cadre même des entreprises, les deux tiers des investissements sont désormais effectués par autofinancement.
Jean-Paul Courthéoux, la Politique des revenus, p. 98.

Encyclopédie Universelle. 2012.