PROTÉE
PROTÉE
Dans la mythologie grecque, vieillard de la mer qui avait le don de prophétie et qui gardait les «troupeaux de la mer» (les phoques). Il habitait soit l’île de Pharos, près de l’embouchure du Nil, soit l’île de Carpathos, entre Rhodes et la Crète. Il connaissait le passé, le présent et l’avenir, mais n’aimait pas révéler ce qu’il savait. Ceux qui désiraient le consulter étaient obligés de le surprendre pendant sa sieste et de le ligoter; et même, lorsqu’il était pris, il essayait encore de s’échapper en prenant toutes sortes de formes. Mais, si celui qui l’avait capturé ne lâchait pas prise, il revenait finalement à sa forme première, donnait la réponse désirée, puis plongeait dans la mer. C’était un sujet de Poséidon. Certains voient en lui, à cause de ce pouvoir de se métamorphoser à volonté, le symbole de la matière originelle qui servit à créer le monde. Virgile le présente ainsi dans l’épisode d’Aristée au IVe chant des Géorgiques . Mais, dans l’Hélène d’Euripide, il apparaît comme souverain de l’île de Pharos, contemporain de la guerre de Troie, à qui la véritable Hélène fut confiée par Hermès tandis que Pâris n’emmenait avec lui que son fantôme. C’est cette dernière forme de la légende qu’exploitera Claudel dans le Protée où se donne libre cours une verve tout ensemble comique et cosmique.
protée [ prɔte ] n. m.
• Prothé 1555; lat. Proteus, gr. Prôteus, nom d'une divinité de la mer qui pouvait prendre des formes variées
1 ♦ Littér. Personne qui change sans cesse d'opinions, joue toutes sortes de personnages (⇒ protéiforme). « Ce personnage changeant, ce Protée politique » (Madelin).
2 ♦ (1805; « amibe » 1800) Zool. Amphibien (urodèles) à branchies persistantes, qui vit dans les eaux souterraines. Blanc dans l'obscurité, le corps du protée se couvre à la lumière de taches brunes ou noires.
● protée nom masculin (de Protée, nom propre) Littéraire. Personne qui change facilement d'aspect, d'humeur, d'opinion, qui joue toutes sortes de personnages. Amphibien urodèle des eaux souterraines de l'Europe balkanique, aveugle et décoloré, à respiration branchiale. ● protée (homonymes) nom masculin (de Protée, nom propre) protêt nom masculin ● protée (synonymes) nom masculin (de Protée, nom propre) Littéraire. Personne qui change facilement d'aspect, d'humeur, d'opinion, qui joue toutes...
Synonymes :
- arlequin
- caméléon
protée
dans la myth. gr., dieu de la Mer, gardien des troupeaux (phoques, monstres marins). Son père, Poséidon, lui avait donné le don de prophétie et celui de changer de forme à volonté.
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protée
n. m. ZOOL Protée ou protée anguillard (Proteus anguinus): amphibien urodèle cavernicole, à peau dépourvue de pigment, aux membres minuscules et aux yeux atrophiés, qui, adulte, conserve sa forme larvaire.
⇒PROTÉE, subst. masc.
A.— Littér. [Parfois avec une majuscule]
1. Gén. péj. Personne qui change constamment d'apparence, d'attitude ou d'opinion; personne qui joue toutes sortes de rôles, de personnages. C'est un protée, il est dans la même heure Jocrisse, Janot, Queue-Rouge, ou Mondor, ou Harpagon, ou Nicodème (BALZAC, Cous. Pons, 1847, p. 108) :
• Le monde de la politique ou des affaires a ses protées aux multiples visages, mais les tentations protéiformes du monde moderne sont moins redoutables que les fabuleuses apparitions de la légende antique.
DANSEL 1979.
— En appos. avec valeur d'adj. On voit défiler [au music-hall] toutes les sortes d'acrobates, des danseurs (...) des chanteurs en toutes langues, des imitateurs et des hommes protées, des parodistes (Arts et litt., 1935, p. 76-16).
2. Chose qui se présente sous les aspects les plus divers. Le doute revêt une foule de formes; c'est un Protée qui souvent s'ignore lui-même (BAUDEL., Salon, 1846, p. 175). Véritable protée physiologique, la vigne est également un protée morphologique (LEVADOUX, Vigne, 1961, p. 23).
— En appos. avec valeur d'adj. Cet élément protée [la peinture] capable d'être tous les autres et en même temps d'exciter des plaisirs qui ne sont qu'à lui (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 199).
B.— ZOOLOGIE
1. HERPÉTOL. Amphibien cavernicole, au corps mince, nu, non pigmenté, virant au noir à la lumière, aux membres réduits, aux yeux rudimentaires recouverts de peau (d'apr. Animaux 1981). Les protées conservent peut-être, pendant toute leur vie, des poumons et des branchies, à moins que des observations ultérieures ne prouvent que ces derniers sont des larves de salamandres (CUVIER, Anat. comp., t. 4, 1805, p. 348). Le célèbre protée est un batracien vraiment troglobie puisqu'il passe toute sa vie dans les rivières souterraines des Balkans et qu'il meurt presque toujours rapidement s'il s'est laissé entraîner au dehors par une crue brutale de son cours d'eau natal (GÈZE, Spéléol. sc., 1965, p. 153).
2. Synon. anc. de amibe. Le genre Amibe, établi par M. Bory pour le Protée de Roesel et le Proteus diffluens de Müller (F. DUJARDIN, Hist. nat. des Zoophytes, Infusoires, 1841, p. 231).
Prononc. et Orth. :[]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. A. 1. 1555 Prothé « personne qui change sans cesse d'opinions, de forme, d'humeur, etc. » (RONSARD, Continuation des Amours I, 12 ds Œuvres complètes, éd. P. Laumonier, t. 7, p. 116 : ce monstrueux Prothé [ici : le public des lecteurs au goût changeant]); 1563 Prothée (ID., Responce aux injures, 984, t. 11, p. 166); 1565 Protées plur. (ID., Élégies, t. 13, p. 103); 2. 1685 « ce qui peut prendre des formes diverses » (LA FONTAINE, Remerciement à l'Académie fr. ds Œuvres, éd. H. Régnier, t. 8, p. 308 : l'esprit des François est un véritable Protée). B. 1. 1800 zool. synon. anc. de amibe (BOISTE); 2. 1805 « sorte de batracien urodèle » (CUVIER, op. cit., p. 332). Empl. comme nom commun de Protée, nom d'un dieu marin de la mythol. gr. qui avait le don de se métamorphoser à volonté, du lat. Proteus (également att. au sens fig. « homme versatile »), empr. au gr. . Au sens B 1, empr. au lat. sc. Proteus (1755, ROESEL, Insecten Belustigungen t. 3, p. 621 ds NEAVE), au sens B 2, empr. au lat. sc. Proteus (1768, J. N. LAURENTI, Synopsis Reptilium, Vienne, p. 35 ds AGASSIZ Rept. et NEAVE). Fréq. abs. littér. :30.
DÉR. 1. Protéen, -éenne, adj., littér. Qui peut prendre les formes les plus variées, qui se présente sous des aspects très divers. Synon. protéiforme. a) [En parlant d'une pers.] Écrivain protéen et prolifique, Anthony Burgess sait traverser siècles, sociétés et genres littéraires en faisant montre d'un mimétisme éblouissant et dans le langage et dans la reproduction caricaturale des plus diverses visions du monde (Le Monde, 1re mars 1969, p. I, col. 1). b) [En parlant d'un inanimé] Le désir sous toutes ses formes; la volupté dans tous ses rythmes; l'amour dans toutes ses incarnations protéennes; toute la femme, ses spasmes et ses larmes; ses désespoirs et ses ivresses (PÉLADAN, Vice supr., 1884, p. 64). Dans le diptyque humain (...), Wilde (...) représente l'élément de fixité (...) Gide, tout à l'inverse, l'élément protéen, l'esprit de métamorphose qui ne se sent fidèle qu'alors que fidèle à son infidélité (DU BOS, Journal, 1927, p. 364). — [], fém. [-]. — 1res attest. 1571 protean (M. DE LA PORTE, Épithètes, f° 79 r° : Desguiseure fainte, colore [...] proteanne, masquee) — 1580, ID., ibid., éd. 1580, f° 145 v° ds HUG., attest. isolées, à nouv. 1869 protéen (LITTRÉ); de protée, suff. -éen (-ien). 2. Protéique, adj., littér., rare. Synon. de protéiforme. L'amour-propre aux mille formes (...) est le plus protéique de nos démons intérieurs (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 545). — []. — 1re attest. 1910 (COMBARIEU, Mus., p. 327); de protée, suff. -ique. 3. Protéisme, subst. masc. Tendance à se transformer, à prendre des formes variables. Ces femmes à caprices brusqués possèdent une facilité d'oubli qui s'explique, comme les subites virevoltes de ces caprices, par le protéisme inconscient de leurs personnalités (BOURGET, Conflits int., 1925, p. 112). À cause de son protéisme, la magie suscite des interprétations multiples (Philos., Relig., 1957, p. 42-14). — []. — 1re attest. 1826 (Dict. des gens de lettres vivants, art. Desrosiers, pp. 99-100, Marchands de nouveautés ds QUEM. DDL t. 21); de protée, suff. -isme.
BBG. — QUEM. DDL t. 21.
protée [pʀɔte] n. m.
ÉTYM. V. 1568, Jodelle in D. D. L. (écrit Prothée); lat. Proteus (du grec. Prôteus), nom d'une divinité de la mer qui avait le don de prendre des formes variées.
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1 Littér. Homme qui change sans cesse d'opinions (→ Caméléon), qui joue toutes sortes de personnages. — REM. En ce sens, le mot s'écrit souvent avec une majuscule.
1 (…) ce personnage changeant (Talleyrand), ce Protée politique qui, tantôt se faisait gloire d'avoir collaboré avec l'Assemblée qui avait détruit la vieille monarchie et tantôt se vantait d'avoir, vingt-cinq ans après, rétabli celle-ci (…)
Louis Madelin, Talleyrand, V, XXXV.
2 (1869). Zool. Animal (Batraciens, Urodèles) à branchies persistantes, qui vit dans les eaux souterraines (en Yougoslavie, etc.). || Blanc dans l'obscurité, le corps du protée se couvre à la lumière de taches brunes ou noires.
2 C'était (un pâle rayon de lumière) comme un glaçon avec une goutte d'eau trouble au bout. Et c'est dans cette goutte d'eau que j'ai vécu dix ans, comme un être au sang froid, comme un protée aveugle !
B. Cendrars, Moravagine, Œ. compl., t. IV, p. 97.
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DÉR. Protéiforme, 2. protéique, protéisme.
Encyclopédie Universelle. 2012.