RAVENNE
La ville de Ravenne, située actuellement en terre ferme à 12 km de l’Adriatique, mais fondée dans une zone lagunaire, doit sa fortune à cette localisation, analogue, toutes proportions gardées, au site de Venise. Centre indigène puis romain, la cité connaît une certaine prospérité grâce à l’installation sous Auguste d’un important port de guerre. Alors que ce port commençait à s’ensabler et que la flotte se dispersait, le transfert à Ravenne de la résidence impériale, sous Honorius en 402, et l’installation des rois goths, puis, après la reconquête de 540, la présence des chefs militaires et civils de Byzance firent de Ravenne pendant trois siècles une capitale politique, religieuse et artistique. Ensuite l’invasion lombarde, qui provoqua un nouveau transfert des centres de décision, les variations du niveau des eaux et l’alluvionnement furent à l’origine d’une lente décadence; mais, jusqu’au sac de 1512, la ville, passant de la domination de l’Église à celle des Vénitiens ou gardant son autonomie, reste un des principaux centres de la Romagne. L’administration pontificale en fit ensuite une petite bourgade provinciale. Après la redécouverte de cette ville-musée par les historiens d’art du XIXe siècle, l’ère du pétrole et du gaz l’a brutalement transformé à partir des années 1960 en centre industriel. Cette juxtaposition ne va pas sans poser des problèmes graves pour l’avenir.
Ravenne fut construite à la limite sud du delta du Pô sur un cordon littoral séparant une lagune de la mer et traversé par plusieurs fleuves ou canaux. Ce caractère «amphibie» explique qu’on ait choisi d’aménager à cet emplacement un port de guerre et que la cité soit devenue un refuge lors des invasions. Dans l’Antiquité, une ligne continue de lagunes (les «sept mers»), reliées par des canaux perpendiculaires aux bras du Pô, permettaient, de Ravenne à Altinum, une navigation intralagunaire, plus sûre que celle de l’Adriatique: ainsi la fossa Augusta joignait le port de Ravenne au Pô. Mais des routes reliaient aussi Ravenne à Rimini (Ariminium) au sud, Spina au nord, à Cesena, Forli, Faenza, Bologne (la via Salara du Moyen Âge), et peut-être à la future Ferrare. Par les vallées du Montone, du Ronco ou du Savio, la traversée de l’Apennin et les relations avec la Toscane et l’Ombrie sont relativement faciles. Les phénomènes naturels d’alluvionnement par les fleuves, d’ensablement par la mer, et de variation du niveau des eaux (bradysisme) influèrent constamment sur le destin de la ville et la conservation des monuments.
La ville de Ravenne avant le IVe siècle après J.-C.
L’origine de l’agglomération, dans une région où les Grecs avaient fondé des comptoirs depuis le VIIe siècle (Spina) et que se disputèrent les Étrusques, les Gaulois et les peuples de l’Italie centrale (Ombriens selon Strabon, Sabins d’après Pline), reste incertaine. Sur le cordon littoral, Ravenne est avec Spina (34 km au nord) un des gisements archéologiques anciens, et l’existence d’un peuplement assez dense dès l’époque protohistorique est assurée malgré l’absence de recherches systématiques comme à Rimini. Cette frange côtière, où l’on trouve à la fois des documents de type italique et des témoins des civilisations «villanovienne» (pré-étrusque) et étrusque, semble avoir échappé à l’influence celte.
Lors de la conquête romaine du IIIe siècle avant J.-C., la zone côtière a probablement évité l’annexion: elle est restée en dehors du territoire cadastré autour de la via Aemilia tracée au pied de l’Apennin en 187, et un passage du discours de Cicéron Pro Balbo présente Ravenne au temps de la «guerre sociale» (89 av. J.-C.) comme une «cité alliée» aux Romains, mais restée autonome. Cependant, en 132, on avait tracé le long de la côte la via Popilia, et, après la guerre des alliés, la cité a dû recevoir un statut municipal de type romain; la ville est présentée comme une «colonie» par Strabon, et ses habitants sont inscrits dans la tribu Camilia comme citoyens romains. Ravenne a très tôt un rôle stratégique: un lieutenant de Sylla y débarque en 82 pour en déloger les partisans de Marius, et César y prépare en 49 le passage du Rubicon.
La profondeur des couches romaines (3 à 7 m env.) et la continuité de l’habitat font que la topographie de la ville classique reste mal connue. On lui attribue une aire grossièrement rectangulaire au sud-ouest du Padenna, cernée d’une muraille (dont il reste une tour et une porte), et traversée par deux rues principales se croisant à angle droit. Le seul monument de quelque importance est la porta Aurea au sud-ouest, connue par des dessins et dont il subsiste des fragments richement sculptés au musée. Sa dédicace place la construction, et peut-être celle de l’enceinte, sous l’empereur Claude en 43 après J.-C. Les écrivains antiques ont été frappés aussi par l’abondance des canaux et des rivières et par le mode de fondations sur pieux de bois comme à Venise. Certains considèrent que ces indications sont inconciliables avec le tracé régulier de l’enceinte de Claude et concluent que celle-ci est une adjonction.
Le port et la cité de Classis
À 3 km environ au sud-est de Ravenne, Auguste a fait choix de la partie la plus profonde de la lagune pour y aménager un port et y baser une flotte «prétorienne» (dépendant de l’état-major impérial) pour l’Adriatique, symétrique de celle de Misène (au nord de Naples) pour la mer Tyrrhénienne. Le port, qui pouvait contenir deux cent cinquante navires et qui était signalé par un phare (nécessaire sur cette côte basse), fut naturellement doublé d’installations militaires et d’une agglomération civile, que les textes tardifs nomment Classis ou Classe (c’est-à-dire «La Flotte») et qui est représentée schématiquement sur la mosaïque de Saint-Apollinaire-le-Neuf. Destinée primitivement à surveiller l’Adriatique et surtout la côte dalmate, repaire traditionnel de pirates, cette armée navale eut à intervenir en Orient et jusque dans la mer Noire. Elle recrutait d’ailleurs une grande partie de son effectif dans les Balkans et en Orient, comme l’indiquent les épitaphes. Ces rapports étroits expliquent le rôle probable de Classis dans la diffusion des cultes orientaux et du christianisme, mal représenté dans la ville même avant le Ve siècle.
L’emplacement du port ensablé et de la cité de Classis, couverte d’alluvions, commence seulement à se préciser. On ne connaissait jusqu’en 1960 que quelques nécropoles ou routes antiques, des toponymes et les deux églises de Saint-Apollinaire-in-Classe et de Saint-Sévère (détruite). La prospection aérienne et les sondages au sol ont permis de localiser avec quelque vraisemblance les bassins et les canaux antiques et surtout de retrouver la plupart des églises disparues mais connues par les textes. L’agglomération se situait le long de la via Popilia au sud des Fiumi uniti vers Saint-Apollinaire au sud-est et Saint-Sévère au nord-ouest. Le port se trouverait un peu plus au nord vers les Fiumi uniti, au sud de Santa-Maria-in-Porto-Fuori.
Outre la via Popilia, une autre route, la via Caesarea, joignait Classis à Ravenne. Le long de cette route s’est constitué un faubourg, nommé aussi Caesarea, qui fait de Ravenne, au dire des auteurs tardifs, une ville «triple».
Ravenne paléochrétienne et byzantine
Le christianisme apparaît à Classis vers le IIe siècle. Le fondateur de la communauté serait Apollinaire, martyr ou confesseur, d’abord enterré à Classis et titulaire de la célèbre basilique, puis, après le transfert du corps, d’une autre à Ravenne. L’évêque Sévère, du IVe siècle, fut aussi considéré comme un saint et honoré d’une église à Classis. Le siège épiscopal fut transféré à Ravenne à la fin du IVe siècle: l’évêque Ursus construisit (vers 395-396?) la nouvelle cathédrale à la limite de la ville romaine, d’où une extension de celle-ci vers le sud-est d’après Testi Rasponi. C’est à travers l’histoire des évêques de Ravenne, écrite au IXe siècle par le moine Agnellus, que la vie de la cité nous est surtout connue.
Pour assurer sa sécurité en face des Wisigoths d’Alaric et la liaison avec l’Orient, l’empereur Honorius, conseillé par Stilicon, transporte en 402 de Milan à Ravenne la capitale d’Occident. Avec Galla Placidia, sa demi-sœur, devenue régente pendant la jeunesse de Valentinien III (425-450), la prospérité de la ville s’affirme, mais elle a été probablement embellie par les légendes médiévales. La cité s’étend à nouveau vers le nord-ouest et le nord, au-delà du Padenna, dans une région peut-être habitée antérieurement (Deichmann, Mansuelli). Traditionnellement, on situait le palais impérial au nord-ouest, près de Sainte-Croix, mais, d’après d’autres sources, on le localiserait entre Saint-Jean-l’Évangéliste et Saint-Apollinaire-le-Neuf. Outre le ou les palais disparus, les constructions les plus importantes du Ve siècle sont les églises de Saint-Jean-l’Évangéliste (Galla Placidia et Valentinien III), de Sainte-Croix, dont le plan est connu par les fouilles, avec son annexe, le «mausolée de Galla Placidia» qui fut peut-être à l’origine un martyrium, de Saint-François, dédiée primitivement aux Saints-Apôtres, et de Sainte-Agathe.
Odoacre, roi d’Italie après la mort du dernier empereur en 476, s’installe à Ravenne, et son vainqueur en 493, le roi des Ostrogoths Théodoric († 526), y maintient sa capitale. C’est une seconde période florissante pour la ville qui connaît alors son extension définitive, matérialisée par l’enceinte conservée jusqu’au XIXe siècle. Théodoric aurait construit un nouveau palais, à côté de Saint-Apollinaire qui servait de chapelle palatine sous un autre vocable, entre la grande rue appelée «Platea Nova» (tracé de l’ancienne via Popilia) et la muraille. Ce palais est représenté schématiquement à Saint-Apollinaire sous la forme d’une basilique déployée, mais on a mis au jour à son emplacement une villa de plan classique, sans doute antérieure à Théodoric et simplement remaniée à son époque. Outre Saint-Apollinaire, les rois goths ont construit notamment la cathédrale arienne (Saint-Esprit) et son baptistère, et une «basilique herculéenne». Le mausolée de Théodoric occupe une place à part dans l’architecture ravennate (cf. infra ).
La défaite des Goths et la reconquête par les armées de Byzance en 540 donnent une nouvelle impulsion à Ravenne, résidence du préfet du prétoire (gouverneur général) pour l’Italie, arsenal des généraux Bélisaire et Narsès, et objet de l’attention de Justinien: l’«argentier» Julien construit en quelques années Saint-Vital (547), Saint-Apollinaire-in-Classe (549), Saint-Michel-in-Africisco, tous consacrés par l’évêque Maximien. Les évêques, devenus archevêques en 550, se mesurent parfois au pape. L’entrée des Lombards en Italie (568) réduit le rôle de Ravenne, qui reste cependant la capitale de l’exarchat byzantin jusqu’en 751. De cette période datent des constructions non négligeables, dites deutérobyzantines. Ravenne, et notamment le palais, fut ensuite dépouillée de ses matériaux précieux pour la résidence de Charlemagne à Aix-la-Chapelle.
Au Moyen Âge, l’aspect de la cité se modifie, mais la plupart des églises anciennes subsistent jusqu’à la période classique, dotées aux IXe-Xe siècles des caractéristiques clochers circulaires et parfois de cryptes. La montée de la nappe phréatique obligea à surhausser le sol des églises et souvent à remonter les colonnades (par exemple, Saint-Apollinaire-in-Classe et Saint-Apollinaire-le-Neuf) en diminuant la paroi au-dessous des fenêtres. Parmi les nombreux vestiges de la Ravenne du Moyen Âge et de la Renaissance (où la ville accueillit Dante), on classera le faux «palais de Théodoric» qui semble être la façade de l’église Saint-Sauveur. À partir du XIXe siècle, on dessine et on restaure les mosaïques. Des historiens d’art, surtout Corrado Ricci, originaire de la cité, et, en France, Charles Diehl contribuèrent à en faire un haut lieu de l’art byzantin. Cette tradition est maintenue actuellement par un institut spécialisé de l’Université de Bologne qui organise à Ravenne des colloques annuels.
L’architecture ravennate
Avec Rome, Salonique et Constantinople, Ravenne offre un des ensembles les plus homogènes d’églises des Ve et VIe siècles.
En général, les monuments sont construits en briques. D’abord on utilise des briques épaisses (6-9 cm), puis, à partir du VIe siècle, des briques plates (3-4 cm). Les voûtes (absides, coupoles) sont souvent faites de matériaux légers (vases vides, tubes de terre cuite). Caractéristique est la présence à l’extérieur (« mausolée de Galla Placidia») de pilastres supportant des arcatures décoratives comme à Milan et à la «basilique» de Trèves.
Les basiliques, couvertes en charpente, sont classiques: trois nefs en général (cinq à la cathédrale), avec des colonnes monolithes portant des arcs en plein cintre, sans transept, et une abside polygonale à l’extérieur, de type constantinopolitain. La présence de nombreuses fenêtres, y compris dans les bas-côtés et l’abside, donne une luminosité remarquable.
Le meilleur exemple de proportions harmonieuses est Saint-Apollinaire-in-Classe. Mais les dimensions varient beaucoup: les basiliques allongées sont de tradition occidentale; ramassées (Saint-Esprit, Saint-Michel), elles traduisent une influence orientale. On trouve parfois comme en Syrie et en Afrique des annexes autour de l’abside: à Saint-Jean-l’Évangéliste, Sainte-Agathe, Saint-Apollinaire-in-Classe; un vestibule ou narthex: à Sainte-Croix, Saint-Vital (avec deux exèdres), Saint-Apollinaire-in-Classe, Saint-Sévère-in-Classe; deux fois un atrium: Saint-Vital, Saint-Apollinaire-in-Classe (VIe s.). Les aménagements liturgiques, connus surtout par les fouilles de Classe (Saint-Apollinaire, Saint-Sévère, Saint-Démétrius), comportent au VIe siècle un chœur devant l’abside, avec à Saint-Sévère un couloir d’accès.
La basilique en croix latine de Sainte-Croix ressemble à des bâtiments milanais (Saint-Simplicien, les Saints-Apôtres), mais posséderait un banc de prêtres semi-circulaire au fond du vaisseau sans abside, comme dans les églises alpines. À Classe, la basilica Probi présente aussi un plan cruciforme avec bras pourvus d’absides, d’un type rare (cf. les Saints-Apôtres de Milan, surtout Iunca en Afrique). La petite chapelle en croix grecque «de Galla Placidia» et celle de l’évêché (Saint-André, du début du VIe s.) ressemblent par contre à d’autres petits sanctuaires d’Italie du Nord (Vérone, Vicence, Pola, Rimini).
Les deux baptistères sont des octogones munis à la base de quatre niches semi-circulaires – qui en font, en plan, des carrés à angles arrondis –, et encadrés à l’origine d’un déambulatoire octogonal. Le plan était classique dans la tradition romaine, mais comportait des niches carrées intermédiaires entre les exèdres, qui disparaissent ici presque complètement. L’élancement du corps central est remarquable au baptistère catholique, tandis que la niche orientale devient une véritable abside au baptistère arien, à la suite probablement de mutations liturgiques.
Le plus célèbre monument de Ravenne est le grand octogone de Saint-Vital, commencé vers 532, où l’influence des monuments centrés de Constantinople est évidente (Sainte-Sophie, Saints-Serge-et-Bacchus) mais où la technique est occidentale (la coupole, par exemple). L’espace central, très élancé, avec de hautes fenêtres sous la coupole, est séparé du déambulatoire à deux étages par sept «diaphragmes» de colonnes disposés en demi-cercle entre les piliers. À l’est, l’une des exèdres est remplacée par un chœur se terminant en abside, où se situent les fameuses mosaïques. Ce «presbyterium» est encadré de deux annexes.
Le mausolée de Théodoric, de plan décagonal à l’extérieur, à deux étages (cruciforme en bas, rotonde au-dessus), est le seul bâtiment en pierre. La coupole monolithe et le décor de la corniche (motifs «en tenaille») ont fait croire à une influence germanique qui n’est pas prouvée.
Au total, à part ce cas discuté, on trouve à Ravenne une remarquable synthèse des influences occidentales (Milan) et orientales (Constantinople), et de techniques locales, qui en fait une école originale.
Les mosaïques murales
Les mosaïques murales forment les ensembles les plus homogènes des Ve-VIe siècles, et avec parfois les stucs et les placages en marbre des murs (opus sectile ) – comme au baptistère catholique, au «mausolée de Galla Placidia», dans l’abside de Saint-Vital –, et les sols en mosaïque (Saint-Vital, églises de Classe), elles donnent une idée complète du décor de l’époque.
Avec le «mausolée de Galla Placidia», le premier ensemble conservé est d’abord un exemple d’effet décoratif (voûte bleue à motifs étoilés), mais comporte des tableaux (Le Bon Pasteur , Saint Laurent ), d’une haute qualité de modelé et d’un style original. La coupole du baptistère catholique (env. 458) fait penser au contraire à l’art de Constantinople par sa composition équilibrée (baptême du Christ au milieu des Apôtres), la science des couleurs et le mouvement intense des personnages (comme à Saint-Georges-de-Salonique). Les tableaux christologiques des nefs de Saint-Apollinaire-le-Neuf, à fond d’or, représentent une nouvelle étape au début du VIe siècle: l’iconographie du Nouveau Testament, qui intègre des éléments orientaux et romains, est originale; le style, qui rappelle le bas-relief, cherche l’effet décoratif en mettant en œuvre des moyens très simples, et contraste avec l’impressionnisme des mosaïques de Sainte-Marie-Majeure à Rome (Ve s.). En dessous, entre les fenêtres, les grandes figures de prophètes sont de véritables statues idéalisées, et les deux processions partant des villes de Ravenne et de Classis vers le Christ et la Vierge conservent les couleurs somptueuses, le rythme et le thème familiers aux compositions auliques, malgré les remaniements de l’époque byzantine. À peu près contemporaines, les mosaïques de la voûte de la chapelle épiscopale (motifs décoratifs, anges, saints en médaillons) sont proches de Saint-Apollinaire, tandis que la coupole du baptistère arien, répétant la composition de l’autre baptistère, a été réalisée par une équipe beaucoup plus médiocre.
Avec la reconquête, l’art de cour byzantin culmine à Saint-Vital dans l’abside (Christ triomphant entre saint Vital et l’évêque donateur) et dans les deux tableaux profanes de Justinien et de Théodora, mais l’artiste local a soigné les portraits (celui de l’évêque Maximien, par exemple) dans la tradition romaine. D’un autre caractère, les mosaïques du presbyterium comportent à la voûte un riche répertoire décoratif et, sur les côtés, des scènes de l’Ancien Testament, d’inspiration surtout occidentale, sont figurées dans des paysages sans profondeur.
Dans l’abside de Saint-Apollinaire-in-Classe, où frappe la dominante verte du fond, se révèle déjà, peu d’années après, une tendance à l’abstraction (symbolisme de la croix gemmée au centre et des moutons en procession) qui rappelle la sculpture des sarcophages. Le style schématique, plat et rigide pour les figures, se retrouve à Saint-Apollinaire-le-Neuf dans les Martyrs et les Vierges de la réfection byzantine et s’accentue dans les mosaïques du VIIe siècle, manifestant la décadence de l’école ravennate.
Ravenne offre donc une gamme variée de décors de voûtes, d’absides et de nefs avec leurs programmes propres. Ces décors reflètent dans les thèmes et les styles des influences orientales (Constantinople) et occidentales (Rome), mais là encore l’école locale a son originalité et compte à «Galla Placidia», à Saint-Apollinaire-le-Neuf, à Saint-Vital, des artistes remarquables.
La sculpture
La sculpture architecturale est, en grande partie, d’importation orientale et de type constantinopolitain (chapiteaux en marbre de Proconnèse), mais certaines combinaisons (tailloirs de Saint-Vital) sont originales. Les chancels (barrières en marbre sculpté), conservés dans les deux musées, sont importés ainsi qu’une partie des chaires à prêcher en marbre (probablement celles de Sainte-Agathe et Saint-Apollinaire-le-Neuf). D’autres chaires auraient été fabriquées sur place (Saint-Esprit, cathédrale, musée diocésain) comme les chancels des deux Saint-Apollinaire.
C’est surtout pour les sarcophages (groupe le plus important avec ceux de Rome et d’Arles) que les ateliers de Ravenne ont fait œuvre originale à partir de la fin du IVe siècle jusqu’au VIIe siècle, donc quand ceux de Rome étaient en décadence. La forme des cuves, déjà représentée avant la période chrétienne, est d’origine orientale: décor sur les quatre côtés avec pilastres d’angle, couvercle à double versant, comme une toiture, ou bombé. Sous l’impulsion de la cour, on produit au Ve siècle des sarcophages à niches ou à fond lisse avec de grandes scènes figurées, dont le Christ forme le plus souvent le centre (l’exemple le plus célèbre en est le Sarcophage des douze apôtres à Saint-Apollinaire-in-Classe). À partir de la fin du Ve siècle (la chronologie est incertaine) dominent les sarcophages monumentaux à décor uniquement symbolique, apparenté à celui des chancels (surtout à Saint-Apollinaire-in-Classe).
Ravenne possède une des plus remarquables œuvres en ivoire, la chaire de l’évêque Maximien (VIe s.), faite de panneaux sculptés sortis sans doute d’ateliers orientaux.
Ravenne
(exarchat de) province byzantine d'Italie constituée en 584. Byzantine depuis 540, la région dut faire face à l'invasion lombarde. En 584, l'empereur Maurice y établit un exarque, chef de toutes les forces et possessions impériales en Italie. En 751, les Lombards prirent Ravenne; le pape Étienne II, se sentant lui aussi menacé, demanda (754) le secours du roi franc (V. France) Pépin le Bref, qui contraignit les Lombards à céder l'exarchat à la papauté (756). L'Empire byzantin disparaissait d'Italie.
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Ravenne
ville d'Italie (émilie-Romagne), reliée par un canal à la mer Adriatique; ch.-l. de la prov. du m. nom; 137 010 hab. Port pétrolier et centre industriel.
— Archevêché. Monuments romains (amphithéâtre, aqueduc de Trajan) et byzantins: mausolée de Galla Placidia (milieu du Ve s.), tombeau de Théodoric (520), basilique San Vitale (VIe s., mosaïques), égl. Sant'Apollinare Nuovo (Ve s., mosaïques) et Sant'Apollinare in Classe (VIe s., mosaïques). Cath. (XVIIIe s.). Tombeau de Dante (1483).
— Ravenne fut la capitale de l'Empire romain d'Occident sous Honorius, puis celle d'Odoacre et de Théodoric (Ve s.). Conquise en 540 par les Byzantins (Bélisaire), elle devint la capitale d'un exarchat.
Encyclopédie Universelle. 2012.