SYNAGOGUE
La maison de l’assemblée, beth hakenneseth , destinée à la prière avec la participation de tous les fidèles, marque une révolution dans la conception orientale du sanctuaire. Celui-ci, considéré comme lieu de la présence, réservé par définition au symbole de l’entité à laquelle il fut consacré, ou laissé vide pour en signifier l’inconnaissable mystère, n’était accessible qu’aux seuls prêtres ou officiants. Le Temple de Jérusalem, premier centre cultuel du judaïsme, appartient encore à ce type oriental de sanctuaire.
L’apparition des synagogues, dont l’origine est encore sujette à controverse, est probablement liée à l’exil de Babylone. Séparés du seul lieu autorisé pour le sacrifice, les dirigeants de la communauté ont établi la prière communautaire afin de sauvegarder l’attachement à la tradition ancestrale et pour préserver celle-ci contre toute infiltration d’éléments hétérogènes.
La réalisation architecturale des synagogues doit beaucoup aux modèles des constructions contemporaines, et notamment aux basiliques du monde gréco-romain. En revanche, la disposition interne des édifices, tout en subissant des modifications au cours des siècles, était essentiellement fonction de certains postulats traditionnels. Déduites de textes bibliques ou d’enseignements rabbiniques, les prescriptions déterminantes concernaient l’orientation vers Jérusalem (Daniel, VI, 11), la situation sur une éminence (Tosefta , Megilla , 4, 23) ou près d’eaux vives (Josèphe, Antiquités judaïques , XIV, 258 et Actes des Apôtres, XVI, 13), et la séparation des femmes en un endroit réservé comme il en existait déjà au Temple de Jérusalem («parvis des femmes»).
Le style externe des constructions évoluera en fonction du milieu ambiant. Apparue en Orient après l’Exil, puis implantée en Occident avec la Diaspora, l’architecture des synagogues empruntera les formes d’expression du lieu et de l’époque où elle s’élève.
L’Antiquité
Les premiers vestiges (IIIe s. av. J.-C.)
La plus ancienne synagogue dont des preuves épigraphiques attestent l’existence fut construite au IIIe siècle avant. J.-C. à Shedia, dans la banlieue d’Alexandrie. Des témoignages écrits se réfèrent aussi à celle de Theodotus, dans la Ville sainte. Deux autres synagogues se trouvaient incorporées aux grands ensembles édifiés par Hérode: au Herodium et à Massada. Toutes deux avaient un plan similaire comportant une colonnade et des bancs de pierre le long de trois murs, le mur opposé à Jérusalem étant réservé à l’entrée. À Massada, la synagogue hérodienne fut remise en service et légèrement remaniée à l’époque où la forteresse fut occupée par les zélotes.
Les synagogues de Galilée (IIIe-IVe s. apr. J.-C.)
Les IIIe et IVe siècles marquent une période de construction intense en Galilée: plus de cinquante synagogues mises au jour datent de cette période. Les édifices d’un premier type avaient un plan presque carré: la proportion entre la longueur et la largeur étant de 11 à 10. Leur dimension variait suivant l’importance de la communauté. La plus grande, celle de Capharnaüm, couvrait une surface de 360 m2; la plus petite mesure environ 110 m2. La galerie des femmes, longeant l’édifice sur trois côtés, reposait sur
des colonnades, l’accès étant assuré par un escalier situé à l’extérieur. La façade était souvent doublée par un portique, ou précédée d’une terrasse accessible par des escaliers. L’un des traits caractéristiques de ces premières synagogues était leur orientation: toutes les façades sont tournées vers Jérusalem. Par conséquent, pour accomplir leur prière dans la direction de la Ville sainte, les fidèles devaient, en entrant, faire demi-tour. Une autre caractéristique commune à ces édifices est l’absence d’un lieu fixe pour abriter l’arche de la Tora, que l’on suppose avoir été mobile. Quant à l’ornementation, et notamment au type particulier de chapiteaux corinthiens, ces premières constructions accusent des affinités avec l’architecture syro-romane. Les linteaux des portes et des fenêtres étaient surmontés d’arcades, les angles probablement décorés de lions et d’aigles. Certains linteaux portaient des bas-reliefs décorés de génies ailés tenant une guirlande. L’intérieur des édifices était délibérément dépourvu de tout ornement, à l’exception d’une frise, placée probablement au-dessus de la galerie des femmes. Elle était décorée de vignes, de feuilles d’acanthe et de médaillons. Les médaillons renfermaient, parmi des thèmes ornementaux, des symboles religieux tels que le candélabre, l’arche, le shofar , l’etrog , le lulab , ainsi que des figures géométriques comme l’hexagramme (étoile de David), ou le pentagramme (sceau de Salomon). Des thèmes de la mythologie grecque (Hercule, Méduse) se mêlaient aux thèmes religieux.
Le type de transition
Dès le IVe siècle, on remanie le plan original des édifices existants. L’orientation vers Jérusalem est corrigée par le déplacement de l’entrée principale (Beth She‘arim, Eshtemoa), et une niche est incrustée dans le mur pour l’arche de la Tora (Arbel) ou comme foyer du culte (première synagogue de Césarée). Dans la première synagogue de Hammath, près de Tibérie, l’arche est abritée par une pièce carrée ajoutée au mur méridional. Dans la seconde synagogue de Hammath, et à Yafya près de Nazareth, la niche se trouve au centre du mur, flanquée, à Hammath, de deux colonnettes.
C’est dans les synagogues du type de transition, qu’apparaissent aussi les pavements de mosaïques, décorées d’abord de figures géométriques, puis, à partir du IVe siècle, de thèmes animés. Une ornementation standard, représentant au centre la roue du Zodiaque, entourée aux quatre coins des quatre vents, et surmontée d’un panneau de symboles rituels – l’arche flanquée de deux candélabres à sept branches –, apparaît pour la première fois à Hammath (IVe s.).
Le type classique
Le type classique des synagogues s’apparente, par l’agencement interne, à celui des églises contemporaines construites entre les Ve et VIIIe siècles: plan rectangulaire divisé, par des colonnades, en trois nefs, celle du milieu se terminant par une abside orientée vers Jérusalem. Au-dessus des nefs latérales est située la galerie des femmes, accessible par un escalier extérieur; trois portes ouvrent la façade qui, le plus souvent, est dépourvue de tout ornement. Réservée pour l’intérieur, l’ornementation est concentrée sur les chapiteaux en marbre et les mosaïques du pavement. Les mosaïques de trois synagogues sont décorées de compositions analogues. Le panneau central représente la roue du Zodiaque et les quatre vents, la partie supérieure des symboles rituels et le rectangle de base une scène biblique: à Beth Alpha, le sacrifice d’Isaac; à Geresa, l’arche de Noé; à Na‘aran, Daniel dans la fosse aux lions. D’autres mosaïques sont décorées d’après des modèles byzantins, ayant le plus souvent au centre une amphore flanquée de paons. Des symboles spécifiquement juifs apparaissent à Ma‘on, et David sous la figure d’Orphée à Gaza. Dans les synagogues tardives (Jéricho, En-Geddi, Hammath-Gader), le décor animé disparaît.
Les seules synagogues datées d’après des inscriptions sont celles de Gaza (518) et de Beth Alpha (527). À Beth Alpha, on connaît aussi le nom de deux artisans, Marinos et Hanina, qui travaillèrent également sur le pavement de la synagogue de Beth She‘an, laquelle semble avoir été samaritaine, et dont la décoration ne comporte, par conséquent, que des éléments floraux ou géométriques.
En dehors de la Terre sainte
Couvrant des ères géographiques lointaines, les synagogues construites en dehors de la Terre sainte suivent, entre 69 avant J.-C. (Delos) et le VIe siècle (Aegina), la même ligne d’évolution. Delos, Priène et Milète (IVe s.) ont un plan basilical; celle de Sardes (IIe s.) comporte aussi une cour, l’entrée étant à l’est et l’abside à l’ouest. L’une des plus célèbres est la deuxième synagogue de Doura-Europos (245 apr. J.-C.) dont les murs révélaient des fresques illustrant des cycles de l’Histoire sainte. La synagogue d’Ostie (IVe s.) avait une estrade (bimah ) semi-circulaire orientée vers Jérusalem. L’une des plus tardives est celle de Naro (Hammam Lif) en Tunisie, dont la très riche mosaïque de pavement accusait de fortes influences de l’art local. Par contre, l’inscription qui commémore la construction est flanquée de deux candélabres à sept branches.
Du Moyen Âge à l’époque contemporaine
À la différence de la Terre sainte, où le judaïsme évoluait dans un contexte historico-social homogène et continu, les communautés de la Diaspora se trouvaient insérées dans des milieux culturels fort divers. De plus, en tant que minorité ethnique, elles n’avaient, le plus souvent, ni la possibilité ni les moyens d’élaborer une architecture qui couvrît tous les domaines de la vie sociale, et qui se particularisât en fonction des besoins et de la culture spécifique de chacune d’elles. Les édifices destinés au culte et à l’instruction, les synagogues, étaient donc les seuls monuments d’art majeur se rattachant à la civilisation juive du Moyen Âge et des Temps modernes. La disposition interne des synagogues d’Europe répondait, en plus des postulats déjà respectés dans l’Antiquité – orientation vers Jérusalem et séparation entre hommes et femmes –, à une nouvelle exigence: l’emplacement central d’une estrade (bimah ) destinée à la lecture publique de la Tora. Le langage formel des constructions s’inspirait de modèles choisis dans l’architecture locale contemporaine. Deux grandes périodes (ou styles) sont à distinguer: l’une, à structure gothique, prend pour modèle l’architecture monastique en Occident; l’autre, à partir du XVIe siècle, d’inspiration baroque puis rococo, prévaudra dans tous les foyers, surtout en ce qui concerne l’ornementation intérieure. En dehors de ces deux modèles majeurs, des réalisations particulières ont surgi en Espagne, en Bohême et en Orient, créées sous l’influence prédominante d’une architecture locale contemporaine et spécifique par rapport aux courants principaux.
Le style gothique
La structure interne des synagogues médiévales reprend celle des réfectoires, ou salles de chapitre, monastiques. Deux types apparaissent simultanément: la salle à double nef, supportée par une colonnade centrale, et celle à nef unique, couverte de voûtes ogivales. Le prototype était la synagogue de Worms qui est la plus célèbre réalisation du plan à double nef (1034, remaniée au XIIe s., détruite en 1938). Celle de Ratisbonne (détruite en 1519), connue par une gravure d’Altdorfer, relevait du même type. La synagogue dite d’Altneuschule de Prague (XIVe s.) et celle de Cracovie furent les derniers édifices à double nef. Parmi les synagogues à nef unique, dont l’axe longitudinal se terminait souvent par une abside abritant l’arche, les plus anciennes sont celle de Rouen, découverte en 1976, et que l’on date des années 1100, et celle de Sopron, mise au jour en 1967 (cf. F. David, A soproni zsinagóga , Budapest, 1978), qui date de la fin du XIIIe siècle. Les synagogues de Miltenberg, de Bamberg et le Pinkas Schul de Prague sont également à nef unique.
Les synagogues d’Espagne, bien qu’appartenant à la première période, forment un groupe particulier. En effet, même celles qui ont été construites dans les royaumes chrétiens – et seules celles-ci ont survécu – empruntent leur style à l’architecture musulmane. Celle de Ibn Shushan à Tolède, construite au XIIe et convertie en église au XVe siècle, comporte à l’instar des mosquées, quatre rangées d’arcades en fer à cheval avec décoration en stuc et en azulejos. Celle de don Samuel ha-Levi Abulafia (env. 1357), rendue au culte juif en 1966, est décorée de bois sculptés et d’écriture ornementale sur les murs. D’autres édifices, conservés partiellement, à Séville et à Ségovie par exemple, reflètent le même goût pour l’art mudejar.
Baroque et rococo
Au XVIe siècle, on assiste non seulement à l’évolution des goûts, mais aussi au déplacement des centres culturels. Après que les Juifs ont été expulsés d’Espagne, les deux centres de la culture juive se trouvent en Italie et en Pologne.
En Italie, la structure des édifices n’accuse aucune innovation par rapport au passé ou encore à l’architecture locale. Les salles, couvertes de voûtes ou de caissons, reprennent aussi la même disposition interne, bipolarisée sur l’estrade et l’arche. L’ornementation interne évolue selon les normes de l’art local du baroque vers le rococo. Quelques réalisations particulièrement riches se rencontrent à Ferrare (XVIIe s.), à Padoue, à Pezarro et à Ancône. Dans ces deux dernières synagogues, la bimah est montée sur colonnes. Des quatre synagogues de Venise – dont une, la plus somptueuse, date du XVIe siècle –, deux, respectivement œuvres de Conegliano Veneto et de Vittorio Veneto, furent transportées et élevées à Jérusalem: la première au musée d’Israël; la seconde, remise en fonction, sert encore actuellement pour l’office.
En Bohême, la structure de type gothique est, à partir du XVIe siècle, revêtue d’une ornementation exubérante s’inspirant du baroque local. Les plus célèbres édifices de l’époque étaient la synagogue de Meysel (1592) et de Klaus à Prague, celle de
Cracovie construite par Francesco Olivieri (1640) et celle de Lvov, œuvre de Moïse Isserles (1553). Également en Bohême, une architecture vernaculaire en bois, caractérisée par une structure simple et une ornementation en bois sculpté s’inspirant de modèles slaves, prend un certain essor aux XVIIe et XVIIIe siècle. En Orient, les synagogues empruntent également le style local. Celle de Fostat s’installe dans une ancienne basilique copte (IXe s.). Celles du Caire adoptent le plan des mosquées avec cour à portiques et fontaine au centre. À Alep, la fontaine centrale est remplacée par une estrade. Celle de Bagdad n’est connue que par les chroniques du voyageur Benjamin de Tudèle (XIIe s.). À Damas, on trouve l’édifice à voûte, seul spécimen de ce type en Orient. La synagogue de la riche communauté de Kai Feng Fu (1652) apparaît sous la forme d’une pagode, alors que celle de Cochin conserve son caractère de construction européenne.
Le XVIIIe siècle n’apporte que peu de changements. Parmi les constructions notables, on relève la synagogue baroque de Leghorn (1714), celle de Londres (de style néo-classique, 1790), construire par James Speller, ainsi que deux édifices, construits aux États-Unis, à Rhode Island (1763) et à Charleston (1797). Pendant la première moitié du XIXe siècle, le style néo-classique fut maintenu (Paris, rue Notre-Dame-des-Victoires, 1819-1820; Vienne, Seitenstettengasse, 1824; Munich, 1828; Budapest, Óbuda, 1820-1821).
Vers le milieu du siècle, la recherche des proportions monumentales cède le pas au goût pour le décor exotique et les édifices imitent l’architecture mauresque dans leurs structures et dans les ornements en Europe (Cologne, 1861; Berlin, 1855-1866; Londres, synagogue centrale, 1870; Florence, 1880) et aux États-Unis (Philadelphie, 1869-1870; Cincinnati, 1866).
Les réalisations contemporaines
Par réaction contre l’ornementation exubérante des édifices du XIXe siècle, l’architecture du XXe siècle tend vers la simplification des volumes et l’organisation fonctionnelle des structures. Les premières synagogues modernes en Europe sont celles d’Essen (1913), de Zurich (1923-1924), et les deux édifices (1928) d’Amsterdam. L’exemple le plus représentatif de l’architecture fonctionnelle était la synagogue de Hambourg (1931). En Israël, parallèlement aux recherches formelles, l’architecture se plie à des exigences nouvelles: la fonction de la synagogue n’est plus seulement d’être un centre de culte; elle est aussi un foyer culturel, ou encore un refuge en cas de danger (Jérusalem, Jeshurun, 1934-1935).
À l’époque contemporaine, les meilleurs exemples sont les synagogues de l’Université hébraïque (1957) et celle du Hebrew Union College à Jérusalem (1962). Aux États-Unis, on assiste à une revalorisation des arts appliqués (mosaïques, vitraux, fresques et sculptures) au service de l’architecture synagogale. C’est pourtant en Israël qu’est réalisée la plus célèbre création dans ce domaine: la synagogue de l’hôpital Hadassa, à Jérusalem, décorée des vitraux de Chagall.
Après la Seconde Guerre mondiale apparaissent en Europe des synagogues qui peuvent à la fois servir de lieu de culte et de centre communautaire pour les réunions culturelles ou sociales (Offenbach, 1956; Dortmund, 1958; Bonn, 1959; Leeds, 1963; Londres, nouvelle synagogue centrale, 1958; Strasbourg, 1958). La synagogue de Milan, œuvre des architectes Manfredo d’Urbino et E. Gentile (1954), ainsi que celle de Leghorn, reconstruite en 1962 par Angelo di Castro, représentent deux tentatives intéressantes de structures modernes. Des architectes célèbres ont contribué à la réalisation d’une ou de plusieurs synagogues, notamment Eric Mendelsohn (plusieurs synagogues aux États-Unis), Louis I. Kahn (Philadelphie), Richard J. Neutra (Hietzing près de Vienne), Peter Behrens (Berlin), Percival Goodman (États-Unis) et Frank Lloyd Wright (Beth Sholom à Philadelphie).
synagogue [ sinagɔg ] n. f.
• sinagoge 1080; lat. chrét. synagoga; gr. sunagogê « assemblée, réunion »
1 ♦ Édifice qui sert à une communauté juive de lieu de prière publique et de réunion, de centre d'enseignement religieux, etc. Le rabbin d'une synagogue. « La synagogue est forcément nue comme une mosquée ou comme un temple protestant [...] : une chaire pour le rabbin qui commente la Bible, une tribune pour les musiciens qui chantent les psaumes, un tabernacle où sont renfermées les tables de la loi, et c'est tout » (Gautier).
2 ♦ Hist. Dans l'Antiquité, Communauté juive comprenant les fidèles d'un village, d'une ville ou d'un quartier.
3 ♦ Didact. L'ensemble des fidèles juifs; la religion juive. Le Livre des psaumes « est devenu le livre de prières par excellence de la Synagogue » (A. Dupont-Sommer).
● synagogue nom féminin (latin ecclésiastique synagoga, du grec sunagôgê, assemblée) Édifice où est célébré le culte israélite.
synagogue
n. f. Lieu de prière et de réunion des juifs.
⇒SYNAGOGUE, subst. fém.
A. — Assemblée de(s) Juifs.
1. HIST. ANC.
a) HIST. JUIVE. La grande Synagogue (ou grande Assemblée). Collège de sages qui réorganisa la vie religieuse après l'Exil de Babylone et qui constitue le chaînon de transmission de la Loi orale entre les Derniers Prophètes et les devanciers directs des rabbins du Talmud. Il est certain que la Grande Synagogue, réunie une première fois sous Esdras, mit en œuvre des décisions importantes pour l'avenir du judaïsme (Encyclop. univ. t. 20 1975, p. 1860).
b) ) [Dans le monde gr. vers les débuts de l'ère chrét.] [Les juifs] habitent souvent un quartier à part dans les villes où ils ont obtenu l'autorisation régulière de s'établir (...), ils forment une communauté qui est, en terre étrangère, comme une cellule de la nation juive (...). Le groupement porte des noms très divers. On dit le thiase, l'assemblée, la synagogue, le peuple, le corps, l'universalité, etc., ou simplement:les Juifs, les Hébreux (Ch. GUIGNEBERT, Le Monde juif vers le temps de Jésus, 1935, p. 279).
) [Dans le monde chrét.] Synagogue de Satan. [P. allus. à Apoc. II, 9] Ceux qui sont dans l'ennui, les hérétiques; ceux qui se conforment à l'ancienne loi, par opposition à la loi nouvelle (d'apr. GUÉRIN Suppl. 1895).
— En partic. [Chez certains opposants cath.] La franc-maçonnerie. (Ds FAUCHER 1981). Expression d'un complot permanent, force occulte, paravent de la puissance étrangère, secte anti-cléricale, la maçonnerie est surtout cette « synagogue de Satan » depuis longtemps dénoncée par la droite maurrassienne (L'Événement du Jeudi, 30 juill.-5 août 1987, p. 13).
2. La communauté des fidèles, le judaïsme. Par ces éminents représentants la synagogue médiévale a manifesté, on le voit, quelque clarté des choses, malgré le bandeau que lui a mis sur les yeux la statuaire chrétienne au portail de certaines cathédrales (WEILL, Judaïsme, 1931, p. 201). Grâce à la conception démocratique et laïque que le pharisianisme a imposée à la synagogue (...), le judaïsme est l'une des rares Églises dépourvues de ce lourd élément réactionnaire que constitue le cléricalisme (Univers écon. et soc., 1960, p. 64-6).
— [Gén. avec majuscule, p. oppos. à ou p. compar. avec l'Église] L'Église catholique présente une organisation hiérarchisée, avec des dogmes, des structures stratifiées et une discipline intérieure. Tel n'est pas le cas de la Synagogue; la seule autorité reconnue traditionnellement y est celle du Maître, telle est finalement la leçon du Tamuld (RABI, Anatomie du judaïsme fr., 1962, p. 155).
— BEAUX-ARTS. Sculpture des cathédrales gothiques représentant la Synagogue sous la forme d'une jeune femme aux yeux bandés, une lance brisée à la main. Combien de fois ai-je été voir (...) [à] Strasbourg la Synagogue aux yeux bandés (ARAGON, Rom. inach., 1956, p. 117). V. église I A ex. de VIOLLET 1875.
B. — [P. oppos. au Temple, lieu où réside la Présence divine, où sont offerts les sacrifices] Lieu de réunion essentiellement, mais non exclusivement, réservé à l'étude de la Loi et à la prière et dont l'origine remonte vraisemblablement à la période de l'Exil.
1. [Au sing., gén. avec une majuscule, la Synagogue en tant qu'institution] Ézéchiel fut suivi d'une longue lignée de docteurs connus sous le nom de soferim (scribes), sous lesquels la Torah se mit à occuper une place centrale dans la vie religieuse du peuple (...). C'est (...) à cette époque que furent posés les fondements de la Synagogue, dont les réunions régulières pour l'adoration et l'instruction répondaient aux besoins des exilés (I. EPSTEIN, Le Judaïsme, trad. de L. Jospin, 1962, p. 74).
2. a) [Au sing. ou au plur., avec une minuscule, la synagogue en tant qu'édifice et lieu de culte] Les synagogues se multiplièrent (...) du IVe s. av. au Ier s. ap. J.-C.: selon une tradition, il en existait 394 à Jérusalem, quand la ville fut détruite par Titus (70 ap. J.-C.) (E. FLEG., Anthologie juive, 1951, p. 642). V. pharisien ex. 1, rabbin C ex. de Tharaud:
• C'était un pilier du bar de la rue Cujas, du bar des « faux-monnayeurs »; j'en étais un autre, et nous étions bien une centaine (...), entrant, sortant, stationnant jour et nuit dans la salle latérale du bar, debout, le chapeau sur la tête comme dans une synagogue ...
CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 67.
— [Avec détermin. spécifiant l'époque, le style, l'implantation, l'obédience] Synagogue antique; synagogue gothique, néo-classique; synagogue à double nef (de Worms), en bois (de Pologne); synagogues galiléennes, italiennes; synagogues d'Orient, d'Occident; synagogue du Vieux Caire; synagogue consistoriale; synagogue ashkenaze; synagogue portugaise d'Amsterdam. La synagogue médiévale, comme son prototype antique, était un centre communautaire et culturel en même temps que cultuel. C'est entre ses murs que l'on assurait l'instruction, que se déroulaient les prières, que se tenaient les réunions publiques (G. SED-RAJNA, L'Art juif, 1975, p. 124).
♦ En compos. Synagogue-centre communautaire. [Après la Seconde guerre mondiale] On mit (...) sur pied un vaste programme de maisons de jeunes qui devinrent bientôt des synagogues-centres communautaires: la première fut construite à Limoges, la plus vaste, la synagogue de la Paix à Strasbourg, sera inaugurée en 1958 (B. BLUMENKRANZ, Hist. des Juifs en France, 1972, p. 425).
b) P. méton. [Avec minuscule] Communauté juive d'une ville. Comme son propre père, et pour faire plaisir à celui-ci, il demeurait inscrit à la synagogue et payait ses cotisations (MAUROIS, Disraëli, 1927, p. 19).
Rem. Les sens A 2 et B 2 a peuvent être liés, « l'appel » de la synagogue religion, se manifestant par le retour à la synagogue lieu de culte. V. judaïser ex. de Weill.
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 « lieu de culte non chrétien » (Roland, éd. J. Bédier, 3662: A mil Franceis funt ben cercer la vile, Les sinagoges e les mahumeries); b) XIVe s. « lieu où s'assemblaient les Juifs pour leur culte, sous l'ancienne loi » (Evangile de Nicodème, C 1415 ds T.-L.: En lur synagog sunt entré); c) 1530 sinagogue « lieu où s'assemblent ordinairement les Juifs pour le culte » (PALSGR., p. 270a); 2. a) 1re moit. XIIe s. « réunion, groupe de personnes, bande » (Psautier d'Oxford, éd. Fr. Michel, VII, 7 [cf. Psautier de Cambridge, loc. cit.: congregaciun]); b) 1269-78 « assemblée religieuse des Juifs, sous l'ancienne loi » (JEAN DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 11599); 3. a) fin XIIe s. « le peuple juif, la communion juive » (p. oppos. au Christ, au christianisme) (Sermons de St Bernard, éd. W. Foerster, p. 57, 20: tu felenesse synagoige nos enfantas cest fil [Jhesu Criz] assi cum per un office de meire [MIGNE, Patrol. lat. t. 183, col. 115: Et tu quidem, impia Synagoga, hunc nobis filium peperisti, officio quidem matris, sed non matris affectu]); b) ca 1223 « figure symbolique les représentant » (GAUTIER DE COINCI, Miracles, éd. V. Fr. Kœnig, 2 Mir 24, 623: Les ieuz do cuer n'ont mie overz [les sceptiques] , Ainz les ont velez et coverz Aussi com a la sinagogue). Empr. au b. lat. synagoga (adapt. du gr. « réunion », terme empl. par les Juifs gr. pour désigner l'assemblée de la communauté juive et cette communauté, Luc VIII, 41; Actes IX, 2 ds LIDDELL-SCOTT) « assemblée, peuple (spéc. synagoga Israël, Tertullien; synagoga hoc est populum Iudaeorum, St Jérome); lieu où se réunissaient les Juifs pour prier (Vulgate); la religion juive (St Jérome) », BLAISE Lat. chrét. Cf. le développement parallèle de ecclesia, v. église. Fréq. abs. littér.:114.
DÉR. Synagogal, -ale, -aux, adj. Qui est relatif, qui est propre à la synagogue. Chant, culte, office, rite, rituel synagogal; judaïsme synagogal; tradition synagogale. L'extraordinaire floraison de la poésie synagogale (...) a reflété la vie douloureuse de la communauté en exil (WEILL, Judaïsme, 1931, p. 157). L'évolution de l'architecture synagogale en Pologne et en Ukraine a été fortement influencée (...) par l'art local (G. SED-RAJNA, L'Art juif, 1975, p. 142). — [], plur. masc. [-o]. — 1re attest. 1855 (ZUNZ, Poésie synagogale d'apr. LITTRÉ Suppl. 1877); de synagogue, suff. -al.
BBG. — QUEM. DDL t. 10. — RICHARD (W.) 1959, p. 74, 76.
synagogue [sinagɔg] n. f.
ÉTYM. V. 1265; sinagoge, 1080, Chanson de Roland; synagoge, v. 1120; du lat. chrét. synagoga, grec sunagôgê « assemblée, réunion ».
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1 Édifice consacré au culte israélite. || Le rabbin d'une synagogue. || On reste couvert dans une synagogue (→ aussi Profane, cit. 8). — Hist. Antiq. En Palestine et dans les pays où les Juifs se trouvaient dispersés, Édifice qui servait à une communauté juive (une synagogue au sens 2) de lieu de prière et de réunion, de centre d'enseignement religieux, etc.
1 Nous visitâmes, tête couverte, l'antique synagogue, où les femmes n'entrent point pendant les cérémonies, mais regardent par une lucarne. Cette synagogue a l'air d'une tombe, où dort voilé le vieux rouleau de parchemin qui est une admirable thora.
Apollinaire, l'Hérésiarque…, p. 18.
2 (À l'époque hellénistique et romaine) La synagogue constitue le véritable centre et le foyer de la vie juive tout entière : on y prêche; on y lit la Loi; on y prie; on y tient école; mais aussi on y rend la justice; on y exécute les sentences; on y discute les intérêts divers de tout le groupe. La loi civile la protège en tant qu'édifice religieux.
Ch. Guignebert, le Monde juif…, p. 282.
♦ ☑ Loc. fig. (1679). Vx. Enterrer la synagogue : finir honorablement quelque chose.
2 Hist. Antiq. Communauté juive comprenant les fidèles d'un village, d'une ville ou d'un quartier.
3 Didact. L'ensemble des fidèles juifs; la religion juive (→ Psaume, cit. 3). || Dans l'iconographie chrétienne du moyen âge, la Synagogue est symbolisée par une femme aux yeux bandés, appuyée sur une lance qui se brise.
3 La synagogue était la figure, et ainsi ne périssait point (…) C'était une figure qui contenait la vérité, et ainsi, elle a subsisté jusqu'à ce qu'elle n'a plus eu la vérité.
Pascal, Pensées, XIII, 852.
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DÉR. Synagogal.
Encyclopédie Universelle. 2012.