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alluvion

alluvion [ a(l)lyvjɔ̃ ] n. f.
• 1641; « inondation » 1527; lat. alluvio
1Vieilli Alluvionnement.
Dr. Accroissement de terrain par alluvionnement. « L'alluvion profite au propriétaire riverain » ( CODE CIVIL ).
2(1815) Au plur. Dépôt de sédiments d'un cours d'eau, d'un lac et constitué selon les régions et la force des courants, de galets, de graviers, de boues et de limons. colluvion. Alluvions anciennes, récentes. Delta formé par les alluvions d'un fleuve. Par anal. Alluvions glaciaires, éoliennes : formations glaciaires, éoliennes. — Adj. ALLUVIONNAIRE [ a(l)lyvjɔnɛr ], 1844 .

alluvion nom féminin (latin alluvio) [Surtout pluriel] Matériel résultant d'un transport à distance par les eaux courantes. Agrandissement de terrain par alluvionnement. Sédiment des milieux fluviatiles ou lacustres. (Selon la force du courant, il s'établit un tri mécanique séparant les éléments charriés en fonction de leur taille [galets, gravier, sable ou argiles]. Ils sont généralement disposés en terrasses.)

⇒ALLUVION, subst. fém.
A.— GÉOL., PÉDOL., souvent au plur. Dépôt argileux ou sableux émergé qu'ont laissé des eaux par des sédimentations successives. Alluvions d'eau douce ou alluvions fluviales, alluvions marines :
1. Les couches d'humus doivent croître plus vite dans les zones torridiennes, où la végétation dure toute l'année, que dans les tempérées, où elle n'a d'action que pendant six mois. Elles s'étendent sur la surface de la zone torride terrestre, au moyen de ses fleuves, dont la plupart, débordés et repoussés par la mer dans la saison pluvieuse, couvrent la terre et l'exhaussent par leurs alluvions...
J.-H. BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 85.
2. Bientôt la roue du chariot creusa ses ornières sur de larges plaines faites d'une alluvion noirâtre, entre des touffes d'herbe exubérantes et de nouveaux champs de gastrolobium.
J. VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, t. 2, 1868, p. 205.
3. Au fond du val, des champs de blé, des carrés de betteraves, des pâturages d'herbe drue avaient poussé avec cette opulence lourde des végétations nourries par l'humus noir des terrains d'alluvion.
É. MOSELLY, Terres lorraines, 1907, p. 207.
4. Les bassins intérieurs, les anciennes cuvettes lacustres subissent dès lors une transformation : dessalées par l'afflux continuel des eaux courantes, renouvelées par l'apport continuel d'alluvions, elles entrent en liaison les unes avec les autres...
P. VIDAL DE LA BLACHE, Principes de géographie humaine, 1921, p. 57.
5. Cette vallée du Rhône est un pays splendide, mais désolé. Le fleuve qui coule au pied du mont du Chat et de la chaîne de Lépine a comblé toute la plaine d'alluvions humides, de terres marécageuses coupées par les alignements des peupliers.
DANIEL-ROPS, Mort, où est ta victoire? 1934, p. 43.
6. Salut, terre puissante et subjugée! ce n'est pas du sable ici qu'on cultive et la molle alluvion. C'est le sol foncier lui-même qu'on laboure à la force de son corps de six bœufs qui tirent, et qui sort lentement sous le soc une tranche énorme!
P. CLAUDEL, L'Annonce faite à Marie, 1948, IV, 4, p. 96.
Rem. Autres syntagmes alluvion ancienne/— moderne. ,,En géologie, on distingue les alluvions anciennes, plus évoluées pédologiquement, et les alluvions modernes, moins évoluées parce que plus jeunes.`` (PLAIS.-CAILL. 1958); — aurifère. Alluvion dans laquelle on trouve l'or en pépites ou en paillettes (cf. C. RATEL, Préparation mécanique des minerais, 1908, pp. 19-20); — continentale. ,,À peu près synonyme de colluvion`` et résultant ,,de l'accumulation au bas des pentes sous diverses influences`` (PLAIS.- CAILL. 1958); — éolienne, glaciaire. ,,Le langage scientifique a eu parfois tendance à étendre le sens à des dépôts autres que fluviatiles : on a parlé d'alluvions éoliennes, glaciaires : usage contraire à l'étymologie, et tout à fait condamnable; il faut, en ces cas, dire : dépôt.`` (Ibid.); — humifère. ,,Contenant de l'humus.`` (Ibid.); — végétale. ,,Veines charbonneuses associées quelquefois aux alluvions des rivières et dues à la carbonisation à l'abri de l'air de masses plus ou moins considérables de végétaux entraînés lors des crues.`` (Nouv. Lar. ill.; cf. A. DE LAPPARENT, Abrégé de géologie, 1886, p. 202); — verticale. Nom donné à des matériaux sableux ,,charriés verticalement par des eaux poussées de bas en haut au travers des crevasses de l'écorce terrestre`` (Nouv. Lar. ill.).
DR. Droit d'alluvion (Ac. 1835-1932). Droit de garder le bénéfice de l'alluvion :
7. Les attérissemens et accroissemens qui se forment successivement et imperceptiblement aux fonds riverains d'un fleuve ou d'une rivière, s'appellent alluvion. L'alluvion profite au propriétaire riverain, soit qu'il s'agisse d'un fleuve ou d'une rivière navigable, flottable ou non; à la charge, dans le premier cas, de laisser le marchepied ou chemin de halage, conformément aux réglemens.
Code civil, 1804, p. 103.
B.— Par métaph.
1. [En parlant d'une civilisation] Apports successifs et continuels :
8. Le hasard avait rassemblé ces éléments à Mâcon, pendant les quelques années qui suivirent la Révolution et qui commencèrent ce siècle. C'était une alluvion de l'ancien régime et de l'ancienne société déposée par la Révolution sur ce bord de la Saône. Voici comment cette alluvion s'était tout naturellement formée là.
A. DE LAMARTINE, Nouvelles Confidences, 1851, p. 76.
9. « ... Ma tâche, puisque mon plaisir m'y engage, est de me conserver intact. Je m'en tiens à dégager mon moi des alluvions qu'y rejette sans cesse le fleuve immonde des Barbares. »
M. BARRÈS, Sous l'œil des Barbares, 1888, p. 241.
10. L'alluvion latine, l'alluvion cléricale, c'est de ce cher limon que nous sommes pétris.
L. DAUDET, Au temps de Judas, 1920, p. 80.
11. Il en était ainsi dans ces grandes monarchies qu'autrefois ont vues l'Égypte, la Perse, et par là ces civilisations contemporaines de l'Inde et de la Chine restent empreintes d'un trait d'archaïsme. Plus on étudiera la composition de ces agglomérations, mieux on verra qu'elles sont le résultat d'une sédimentation prolongée, et dans les alluvions qui ont contribué à les former, on reconnaît les apports successifs guidés par des voies naturelles.
P. VIDAL DE LA BLACHE, Principes de géographie humaine, 1921, p. 64.
12. Cette balance subtile s'est trouvée compromise par la vague de fond jaillie de l'Orient et qui, portée par le christianisme, allait submerger le monde occidental d'une couche d'alluvion, étrangère à sa propre géologie.
R. HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, p. 182.
Except. [En parlant de notes, gloses ou commentaires] Interprétations successives :
13. À propos de Beethoven, nous avons (...) écrit un assez long chapitre, pour tâcher de le retrouver lui-même parmi ses contemporains (...) et non pas tel qu'il est devenu dans beaucoup d'esprits (...) sous les incessantes alluvions des commentaires hasardeux.
A. BOSCHOT, La Musique et la vie, 1931.
2. Rare. [En parlant de pers. ayant joué un rôle dans l'histoire] Générations successives :
14. ... là ces hommes héroïques et grands, quelles qu'aient été leurs fautes et leur fureur, celui en qui la Révolution eut sa continuité, sa passion intense et profonde, son âme immuable, le patient, le haineux, le sobre et persévérant Robespierre, le sphinx des Jacobins, son verbe enfin, le beau et terrible Saint-Just, dont chaque mot tombait comme un mot du destin ... Ce mauvais petit coin de terre garde cette immense dépouille, cette religieuse alluvion d'un monde évanoui. Et il y paraît à peine. Rien que quelques os, quelques crânes secs et vides.
J. MICHELET, Journal, mai 1852, pp. 193-194.
15. Ce musée qui regorge de richesses conquises sur la terre entière, m'a remis en pensée les alluvions d'hommes que le courant des émigrations a portés dans cette île.
J. MICHELET, Sur les chemins de l'Europe, 1874, pp. 183-184.
Prononc. :[al(l)]. PASSY 1914, DUB. et Pt Lar. 1968 transcrivent le mot avec un seul [l]. Harrap's 1963 et WARN. 1968 transcrivent [l] double. Pt ROB. donne les 2 possibilités de prononc. — Rem. FÉR. 1768, FÉR. Crit. t. 1 1787, GATTEL 1841 notent [l] simple; LAND. 1834, BESCH. 1845, LITTRÉ et DG : [l] double (cf. aussi Ac. 1835 et 1878 pour [ll]).
Étymol. ET HIST. — 1. 1527 « débordement, inondation » (SEYSSEL, Trad. de Thucydide, III, 13 ds HUG. : La semblable inundation et alluvion advint en l'isle d'Atalante), encore attesté au XIXe s. (DAINV. 1964, s.v. débordement); 2. 1690 (FUR. : Alluvion. Accroissement qui se fait le long des rivages de la mer ou des grandes rivières par les tempestes ou inondations).
Empr. au lat. alluvio attesté au sens 1 (APULÉE, Mund. 23 ds TLL s.v. 1700, 70 : terram ... aquarum saepe adluvionibus mersam) et au sens 2 (CICÉRON, De Orat., 1, 173 ibid., 1701, 24 : in quibus [causis] ... adluvionum circumluvionum ... jura versentur).
STAT. — Fréq. abs. litt. :104.
BBG. — BACH.-DEZ. 1882. — BAILLY (R.) 1969 [1946]. — BAR 1960. — BARR. 1967. — BAULIG 1956. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — BLANCHE 1857. — BOUILLET 1859. — BRARD 1838. — CAP. 1936. — CHABAT t. 1 1875. — DAINV. 1964. — DUPIN-LAB. 1846. — HANSE 1949. — LE CLÈRE 1960. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — PLAIS.-CAILL. 1958. — RÉAU-ROND. 1951. — RITTER (E.). Les Quatre dictionnaires français. Remarques lexicographiques. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 345. — SPR. 1967. — THOMAS 1956.

alluvion [a(l)lyvjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1690, « alluvionnement »; « inondation », 1527; lat. alluvio, de alluere « baigner », de luere. → Diluer, diluvium.
1 (1815). Au plur. Dépôts (cailloux, graviers, sables, boues) provenant d'un transport par les eaux courantes (colluvions, formations fluviatiles, sédiments). || Alluvions anciennes, récentes. || Les crues apportent des alluvions. || La vallée du Nil est fertilisée par les alluvions du fleuve. Boue, limon, lœss, sédiment. || Les deltas sont formés d'alluvions. || Terrains d'alluvion. Palus (régional). || Alluvions anciennes. Diluvium. || Alluvions caillouteuses des cônes de déjection. || Alluvions sablonneuses. Allaise. || Alluvions artificielles. || Alluvions lacustres, marines, lagunaires, fluviatiles.
1 Considérons (…) les Pays-Bas, par exemple. Leur caractère essentiel est d'être formés par des alluvions, c'est-à-dire par les grands dépôts de terre que les fleuves charrient et répandent à leurs embouchures.
Taine, Philosophie de l'art, I, I.
2 (1690). Vieilli. Alluvionnement.Dr. Accroissement de terrain par alluvionnement (opposé à avulsion). → Accroissement, cit. 7.
2 L'alluvion profite au propriétaire riverain, soit qu'il s'agisse d'un fleuve ou d'une rivière navigable, flottable ou non (…)
Code civil, art. 556.
3 Par métaphore (d'abord du sens 2., puis du sens 1.). Vieilli au sing. || « C'était une alluvion de l'ancien régime et de l'ancienne société déposée par la Révolution sur ce bord de la Saône » (Lamartine, in T. L. F.).
3 Chaque flot du temps superpose son alluvion, chaque race dépose sa couche sur le monument, chaque individu apporte sa pierre.
Hugo, Notre-Dame de Paris, III, 1.
Mod. Au plur. ou dans : … d'alluvion. || Les alluvions successives, les couches d'alluvion d'une théorie, d'un processus historique.
REM. Il arrive que le mot soit erronément considéré comme un masculin.
DÉR. Alluvial, alluvionnaire, alluvionnement, alluvionner.

Encyclopédie Universelle. 2012.