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altérer

altérer [ altere ] v. tr. <conjug. : 6>
• 1370; lat. alterare « rendre autre », de alter
I
1Provoquer l'altération (1o) de. modifier, transformer. Pronom. Les minéraux riches en fer s'altèrent rapidement. Mus. Altérer un intervalle, le diminuer ou l'augmenter d'un demi-ton, ou d'un ton.
2Changer en mal. abîmer, corrompre, gâter. La chaleur altère les denrées périssables. Couleur altérée par le soleil ( fané, 3. passé) . Fig. L'émotion altérait ses traits. troubler. « Elle m'a dit d'une voix altérée » (Chateaubriand). « Avant que les préjugés aient altéré nos penchants naturels » (Rousseau).
Pronom. Vin qui s'est altéré au contact de l'air. s'éventer. « L'amour humain s'altère, se corrompt et meurt » (F. Mauriac).
3Falsifier, fausser ( altération; et aussi frelater). Altérer des monnaies. Altérer un texte, un auteur. Altérer la vérité : mentir, chercher à tromper.
IIPar ext. (XVIe; « troubler, mettre hors de soi » XIVe) Exciter la soif de. assoiffer (cf. Donner soif). La promenade, l'émotion m'a altéré.
Fig. Altéré de : avide de. ⇒ assoiffé. « Du sang de l'innocence est-il donc altéré ? » (Racine).
⊗ CONTR. (du II) Désaltérer.

altérer verbe transitif (bas latin alterare, changer, de alter, autre) Modifier en mal l'état normal de quelque chose ; dégrader, dénaturer : Le soleil altère les couleurs. Changer la vraie valeur, la vraie nature de quelque chose : Altérer les faits historiques. Provoquer l'altération d'un sol, d'une roche, d'un minéral. ● altérer (expressions) verbe transitif (bas latin alterare, changer, de alter, autre) Altérer un accord, modifier la constitution d'un accord musical. Altérer un intervalle, abaisser ou élever une des notes dont il se compose. Altérer une monnaie, la falsifier. Altérer une note, la diéser ou la bémoliser. Altérer la voix, le visage de quelqu'un, les modifier sous l'effet de l'émotion. ● altérer (homonymes) verbe transitif (bas latin alterare, changer, de alter, autre)altérer (synonymes) verbe transitif (bas latin alterare, changer, de alter, autre) Modifier en mal l'état normal de quelque chose ; dégrader, dénaturer
Synonymes :
- abîmer
- affecter
- avarier
- dégrader
- dénaturer
- détériorer
- endommager
- gâter
Contraires :
- conserver
Changer la vraie valeur, la vraie nature de quelque chose
Synonymes :
- adultérer
- défigurer
- déguiser
- dénaturer
- falsifier
- fausser
- maquiller
- truquer
Contraires :
- restaurer
- rétablir
Altérer une note
Synonymes :
- modifier
altérer verbe transitif (de altérer) Donner soif à quelqu'un : Cette marche nous avait altérés.altérer (difficultés) verbe transitif (de altérer) Conjugaison Attention à l'accent, tantôt grave, tantôt aigu : j'altère, nous altérons ; il altérera. ● altérer (homonymes) verbe transitif (de altérer)altérer (synonymes) verbe transitif (de altérer) Donner soif à quelqu'un
Synonymes :
- assoiffer
Contraires :
- désaltérer

altérer
v. tr.
d1./d Provoquer la modification, le changement de. Syn. transformer.
d2./d Modifier en mal. Cette épreuve a altéré sa santé.
Fig. Une voix altérée par la peur.
|| v. Pron. Des couleurs qui s'altèrent avec le temps.
Fig. Sa confiance s'est altérée.
d3./d Dénaturer, falsifier. Altérer la vérité: mentir.
Spécial. Altérer les monnaies, en changer la valeur légale.
————————
altérer
v. tr. Exciter la soif de. La chaleur altère les animaux. Ant. désaltérer.

I.
⇒ALTÉRER1, verbe trans.
A.— Emploi trans.
1. Rendre autre, changer, modifier.
a) MUSIQUE
Altérer un accord. ,,Modifier sa composition spécifique.`` (Lar. encyclop.).
Altérer un intervalle. ,,Abaisser ou élever, au moyen de dièses ou de bémols, une des deux notes dont il se compose.`` (Lar. encyclop.). :
1. Dans les Contrepoints autres que ceux à l'8ve, il est quelquefois nécessaire d'altérer les intervalles en les renversant.
T. DUBOIS, Traité de contrepoint et de fugue, 1901, p. 89.
Altérer une note. ,,La diéser ou la bémoliser.`` (Lar. encyclop.).
b) Usuel. Changer les traits, la voix sous l'effet d'une émotion vive :
2. Et l'on crut qu'Éloa le maudirait; mais non,
L'effroi n'altéra point son paisible visage,
Et ce fut pour le ciel un alarmant présage.
A. DE VIGNY, Poèmes antiques et modernes, Éloa, 1837, p. 30.
3. Je le regardai avec effroi.
... Ce n'est plus auprès de moi, Charles, que vous pourriez désormais trouver ces ressources nouvelles ... Il faudra nous quitter. Ici M. Prévère, dont ces derniers mots avaient altéré la voix, s'arrêta quelques instants, pendant que, livré à mille combats intérieurs, je restai immobile.
R. TŒPFFER, Nouvelles genevoises, 1839, pp. 36-37.
2. Modifier en mal, détériorer, dénaturer, dégrader.
a) [La dégradation est spontanée]
[Le suj. et l'obj. sont des êtres matériels] :
4. Mon chirurgien, qui partageait avec M. de Clonard le soin de tous ces détails, me proposa aussi de mêler au grog du déjeûner, une légère infusion de quinquina, qui, sans altérer sensiblement le goût de cette boisson, pouvait produire des effets très-salutaires.
Voyage de La Pérouse autour du monde, t. 2, 1797, p. 132.
5. Si les taches qu'ils ont aperçues à sa circonférence étaient des écumes, elles n'apparaîtraient pas sombres sur un globe vingt mille fois plus ardent qu'un boulet rouge : ce n'est que l'action de l'air qui noircit et altère la surface des corps brûlants...
J.-H. BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 345.
6. ... [des] actions chimiques locales (...) altèrent la nature des dépôts [électrolytiques]...
H. FONTAINE, Électrolyse, 1885, p. 16.
7. ... [on reproche au siccatif Courtray] (...) d'enlever à l'huile sa souplesse, d'altérer certaines couleurs...
MOREAU-VAUTHIER, La Peinture, les divers procédés, les maladies des couleurs, les faux tableaux, préf. d'É. Dinet, 1933, p. 161.
[Le suj. et l'obj. sont des entités abstr.] :
8. Il ne me cachait pas (ce dont j'étais bien convaincu d'avance) que cette manière d'être, à laquelle il devait sa fortune, avait singulièrement altéré sa réputation, et il venait me consulter pour que je lui indiquasse le moyen de se réhabiliter dans le monde.
V. DE JOUY, L'Hermite de la Chaussée d'Antin, t. 2, 1812, pp. 372-373.
9. Aucune hypocrisie ne venait altérer la pureté de cette âme naïve, égarée par une passion qu'elle n'avait jamais éprouvée. Elle était trompée, mais à son insu, et cependant un instinct de vertu était effrayé. Tels étaient les combats qui l'agitaient quand Julien parut au jardin.
STENDHAL, Le Rouge et le noir, 1830, p. 66.
10. En pervertissant l'involontaire et le volontaire, la faute altère notre rapport fondamental aux valeurs et ouvre le véritable drame de la morale qui est le drame de l'homme divisé. Un dualisme éthique déchire l'homme par delà tout dualisme d'entendement et d'existence. « Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas. »
P. RICŒUR, Philosophie de la volonté, 1949, p. 24.
[Le suj. désigne une pers., l'obj. un aspect de l'être humain] :
11. Lettre XXII.
Venise, le ...
Non, Ernest, non, jamais je ne m'habituerai au monde; le peu que j'en ai vu ici m'inspire déjà le même éloignement, le même dégoût qui me poursuit toujours dès que je suis obligé de vivre dans la grande société. Tu as beau vouloir que je cherche par ce moyen à oublier Valérie ou à m'en occuper plus faiblement; y parviendrai-je jamais? Et faut-il encore altérer mon caractère, l'aigrir?
B.-J. DE KRÜDENER, Valérie, 1803, p. 88.
12. — Douze ans! répondit Cyrus Smith. Ah! douze ans d'isolement, après une existence maudite peut-être, peuvent bien altérer la raison d'un homme!
— Je suis porté à croire, dit alors Pencroff, que cet homme n'est point arrivé à l'île Tabor par naufrage, mais qu'à la suite de quelque crime, il y aura été abandonné.
J. VERNE, L'Île mystérieuse, 1874, p. 367.
b) [La modification est voulue] Changer la vraie nature d'une chose, falsifier :
13. ... l'admission de quelques centaines de spectateurs, encaissés dans un local étroit et incommode, offre-t-elle une publicité proportionnée à l'immensité de la nation? Sur-tout, lorsqu'une foule d'ouvriers mercenaires effraient le corps législatif, pour intercepter ou pour altérer la vérité, par les récits infidèles qu'ils répandent dans toute la république.
M. DE ROBESPIERRE, Discours, Sur la constitution, t. 9, 1793, p. 503.
14. Altérer essentiellement les faits [historiques] en les transportant sur la scène, c'est toujours produire une impression désagréable; on s'attend à la vérité, et l'on est péniblement surpris quand l'auteur y substitue la fiction quelconque qu'il lui a plu de choisir...
G. DE STAËL, De l'Allemagne, t. 2, 1810, p. 284.
15. On se tromperait, si l'on supposait que, dans l'exécution, ces nombreuses variations dans la quantité de métal fin contenue dans les monnaies, fussent aussi simples, aussi claires que je les présente ici pour la commodité du lecteur. Quelquefois l'altération n'était pas avouée, et on la cachait le plus long-temps qu'on pouvait; de là le jargon barbare adopté dans ce genre de manufacture. D'autres fois on altérait une espèce de monnaie et l'on ne changeait rien aux autres; à la même époque, la livre représentée par certaines pièces de monnaie contenait plus d'argent fin que la livre représentée par d'autres pièces.
J.-B. SAY, Traité d'économie politique, 1832, p. 265.
16. Chaque député ministériel élève sa prétention et présente sa requête. Ce sont des plaintes sans fin, des assauts continuels. L'orateur le plus obscur se croit en droit d'exiger l'insertion littérale et intégrale de ses élucubrations de tribune. Encore, est-il rarement satisfait! On a omis, à l'en croire, des passages essentiels, altéré la ponctuation, dénaturé le sens d'une phrase. L'assaisonnement n'est jamais ce qu'il devrait être.
L. REYBAUD, Jérôme Paturot, 1842, pp. 125-126.
17. On trouvera, dans la thèse de Bœttcher, une étude consciencieuse de la manière dont Beethoven en use, sans gêne et sans égards, avec les textes qu'il emploie. — Il commence par y faire son choix, prenant d'un poème telle ou telle strophe et supprimant le reste, — combinant même deux poésies ensemble. Il altère les textes, ajoute, coupe, ou change des mots. Il y introduit son Moi envahissant, par des « ja! » énergiques, qui se soucient peu de la métrique.
R. ROLLAND, Beethoven, t. 1, 1928, pp. 162-163.
B.— Emploi pronom. [En parlant d'une chose physique ou morale] Se modifier en mal, se gâter (cf. supra A 2) :
18. La santé de Philomène s'était altérée depuis quelque temps.
E. et J. DE GONCOURT, Sœur Philomène, 1861, p. 57.
Prononc. ET ORTH. — 1. Forme phon. :[], j'altère []. PASSY 1914 transcrit : et (= [] et [e] mi-longs). Enq. :/alte2/. Conjug. parler. 2. Forme graph. — J'altère, nous altérons; j'altérais; j'altérai; j'altérerai; j'altérerais. Cf. abréger.
Étymol. ET HIST. — 1. a) 1370 trans. « changer de bien en mal » (ORESME, Eth., 25 ds GDF. Compl. : Et ainsi sa felicitee n'est en riens alteree ne muee); b) 1680 pronom. (RICH. t. 1 : S'altérer. Se corrompre, se changer, diminuer [sa santé s'altére ...]); c) 1690 spéc. chim. « corrompre, modifier la nature de qqc. » (FUR. : Le feu altere toutes choses, même les metaux. Il faut qu'un corps s'altere devant qu'il s'en engendre un autre); 2. p. ext. 1re moitié XVe s. part. passé adjectivé altéré « (de l'esprit d'une personne) dérangé, troublé, devenu stupide » (JUV. DES URS., Hist. de Charles VI, an 1388 ds GDF. Compl. : On trouva qu'il estoit alteré d'entendement); 1578 trans. altérer « émouvoir, affecter » (BELLEAU, Reconn., II, 4, ibid. : Ce n'est rien qu'une jalousie Qui luy altere le cerveau).
Empr. au b. lat. alterare (de alter « autre ») « changer (ordinairement de bien en mal) », Ve s., cont. méd. (C. AURELIANUS, Chron., 2, 8, 115 ds TLL s.v., 1758, 14 : ne ... alterent aegrotantes potius tussiculam quam mitigent).
BBG. — BAILLY (R.) 1969 [1946]. — BAR 1960. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — CAPUT 1969. — DARM. Vie 1932, p. 103. — DUP. 1961. — Éd. 1913. — EYRAUD (D.). Vive la langue. Vie Lang. 1969, n° 205, p. 198. — KOLD. 1902. — LAF. Suppl. 1878. — NYSTEN 1814-20. — ROUGNON 1935.
II.
⇒ALTÉRER2, verbe trans.
[Le suj. du verbe est un inanimé, l'obj. désigne une pers. ou un animal] Donner soif :
1. Morrel avait trente et un ans, Barrois en avait soixante; Morrel était ivre d'amour, Barrois était altéré par la grande chaleur.
A. DUMAS Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 296.
2. La chaleur et la poussière m'ont fort altéré.
Ac. t. 1 1932.
Emploi abs. :
3. ... non, ce n'est pas assez, qu'on remplisse ma coupe d'épices dévorantes, qu'on y verse le poivre qui altère, le girofle qui fait aimer, le gingembre qui ronge les entrailles, la cannelle qui précipite la circulation du sang. Allons, page effronté, prépare-moi ce mélange détestable pour qu'il me brûle la langue et m'exalte le cerveau.
G. SAND, Lélia, 1833, p. 251.
Par métaph. :
4. Baldassare ne distinguait pas les gens debout sur le pont [du trois-mâts] qui levaient leurs mouchoirs, mais il devinait la soif d'inconnu qui altérait leurs yeux...
M. PROUST, Les Plaisirs et les Jours, 1896, p. 46.
Étymol. ET HIST. — XVe s. pronom. « s'exciter (la soif?) » (BASSELIN, I ds LITTRÉ : Mais qui s'altere en trop chantant Peut bien trois fois ou quatre, Sans vergongne, boire d'autant); 1545 id. « avoir soif » (J. BOUCHET, Ep. mor., XIV ds GDF. Compl. : Tant plus on boit et plus fort on s'altere).
Issu par filiation sém. assez obsc. du sens « troubler, exciter, affecter » de altérer1 étymol. 2, fréq. aux XVIe-XVIIe s.; à rapprocher du fr. altératif « qui donne soif (en parlant de médicament) » (1532, RABELAIS, Pantagruel, 28, éd. Marty-Laveaux, t. 1, p. 352 : drogues... alteratiues), du lat. médiév. alterativus, XIIe s., altératif, empl. en pharmacopée.
STAT. — Fréq. abs. litt. :1 024. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 2 730, b) 1 174; XXe s. : a) 763, b) 935.
BBG. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — DUP. 1961.

altérer [alteʀe] v. tr. [CONJUG. céder.]
ÉTYM. 1370, Oresme; « troubler, affecter », 1578; bas lat. alterare « rendre autre », de alter « autre ».
———
I
1 a (1690, en chimie). Didact. Provoquer l'altération sans dégradation de (qqch.). Modifier, transformer. || Les eaux d'infiltration altèrent le feldspath des granits et le transforment en kaolin.
Pron. || Les minéraux riches en fer s'altèrent rapidement.
b Mus. || Altérer une note : l'élever ou l'abaisser par un dièse (diéser), un bémol (bémoliser) ou un bécarre. Par ext. || Altérer un accord, un intervalle.
0.1 Je lui demandais ce que voulaient dire les expressions : cassation, altérer les sensibles, flûte obligée (…)
Violette Leduc, la Bâtarde, p. 131.
(En parlant du temps). Vieilli. Faire vieillir.Pronominal :
1 Toute chose en vivant avec l'âge s'altère.
Mathurin Régnier, Satires, V, vers 113.
2 Cour. Changer en mal. Corrompre, dégrader, détériorer, endommager, gâter. || La chaleur altère les denrées périssables. Pourrir, putréfier. || L'humidité altère le fer. Attaquer, ronger, rouiller. || Le soleil altère les couleurs. Flétrir, ternir.Les abus altèrent la santé. Affaiblir, affecter, déranger, détraquer, ruiner. || Altérer le sang. Empoisonner, vicier.(Abstrait). || Altérer le goût, la pureté, les mœurs… Abâtardir, appauvrir, avilir, corrompre, dégénérer (faire), dépraver, pervertir. || La crainte, la culpabilité altérait son plaisir. Empoisonner. || Rien ne peut altérer notre amitié, nos sentiments. Affaiblir, atteindre, atténuer, diminuer, ébranler. || L'âge a altéré ses facultés. || Altérer et aigrir le caractère de qqn. || Altérer profondément la personnalité. Aliéner.Au passif. || Son plaisir était à peine altéré par… || Sa tranquillité est altérée par les événements.
2 Mais, la diverse nourriture (éducation)
Fortifiant en l'un cette heureuse nature,
En l'autre l'altérant (…)
La Fontaine, Fables, VIII, 24.
3 (…) Rien ne peut pour vous altérer mon estime.
Molière, l'École des maris, III, 8.
4 (…) une pitié douce et paisible qui n'altère en rien leur immuable félicité.
Fénelon, Télémaque, XIV.
5 Des interprétations qui en altéraient la pureté (…)
Massillon, Évid.
6 De peur que la passion n'altère ou ne corrompe le jugement.
Pascal, les Provinciales, 14.
7 Avant que les préjugés et les institutions humaines aient altéré nos penchants naturels (…)
Rousseau, Émile, II.
7.1 L'angélique douceur que madame de Rênal devait à son caractère et à son bonheur actuel n'était un peu altérée que quand elle venait à songer à sa femme de chambre Élisa.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, VIII.
V. pron. (1680). || Les matières organiques s'altèrent. Décomposer (se), pourrir (v. intr.). || Les tissus se sont altérés autour de la plaie. Ulcérer (s'). || Le lait s'altère en tournant. || Le vin débouché s'altère à l'air. Éventer (s'), aigrir (s').
Fig. || Les sentiments s'altèrent avec le temps.
8 (…) je ne suis pas de ceux dont les sentiments s'altèrent dans l'absence et le silence.
Sainte-Beuve, Correspondance, t. I, p. 264.
9 (…) vous voyez la sculpture s'altérer profondément. Les bustes impériaux ou consulaires perdent leur sérénité et leur noblesse (…)
Taine, Philosophie de l'art, t. II, III, II, 1.
REM. Les emplois contemporains du verbe concernent plutôt la modification matérielle, notamment celle des matières organiques; les emplois abstraits sont le plus souvent métaphoriques des premiers :
10 (…) l'amour humain s'altère, se corrompt et meurt dès que les amants prétendent renoncer au martyre d'être séparés.
F. Mauriac, Souffrances et bonheur du chrétien, p. 126.
3 Fig. (Le sujet désigne une souffrance, une émotion…). || Altérer les traits, le visage, la voix de qqn. Bouleverser, décomposer, troubler.Pron. || Sa voix s'altère.
11 Monsieur, votre visage en un moment s'altère.
Molière, l'Étourdi, II, 2.
11.1 Leurs figures s'étaient rapidement altérées comme si un même mal les avait pris et ses yeux à lui exprimaient cette vague angoisse des mourants, de ceux qui sont pris de maladie, de ceux en qui va se faire un grand changement, pendant que la paix de la mort ou la résignation à la maladie fait effort mais n'a pas encore pu entrer en eux.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 811.
Au p. p. || Visage altéré.
12 Elle était si émue, qu'elle pouvait à peine marcher. Elle m'a dit d'une voix altérée (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, VIII, p. 100.
4 Changer dans le dessein de tromper. Adultérer, contrefaire, dénaturer, falsifier, fausser, frelater, maquiller, sophistiquer, truquer. || Altérer les monnaies ( Altération). || Déformer la pensée de qqn de manière à l'altérer.
Altérer un texte, un récit. Défigurer, estropier, mutiler, tronquer. Par métonymie. || Altérer un auteur.
13 Après avoir altéré Saint Grégoire, l'auteur affecte (…)
Bossuet, Préface, in Littré.
Altérer la vérité, les faits. Déguiser, truquer.
14 Cet âge est innocent; son ingénuité
N'altère pas encore la simple vérité.
Racine, Athalie, II, 7.
P. p. adj. (Av. 1450). || Roche, substance altérée, modifiée.Note altérée : dièze ou bémol.Denrées altérées. || Sentiments altérés.Voix altérée (→ ci-dessus, cit. 12).Texte altéré.
———
II (XVe, pron.; « troubler, mettre hors de soi », déb. XVe; l'évolution de sens est déjà attestée en lat. médiéval, où alterativus signifie « qui donne soif ». → Altératif). Par ext. Exciter la soif de. Soif (donner). || La promenade m'a altéré.
Absolt. || Les plats trop salés altèrent.
——————
altéré, ée passif et p. p. adj.
1 Du sens I., voir à l'article.
2 Être toujours altéré : avoir toujours soif, et, par plais. : aimer à boire. || Gorge altérée, gosier altéré.
15 Buvons toute cette eau; notre gorge altérée
En viendra bien à bout.
La Fontaine, Fables, VIII, 25.
Subst. Vx. || « De pauvres alterez… » (Rabelais, Pantagruel, XI, 1).
3 Être altéré de. Assoiffé, avide. Par métaphore (littér.). || Altéré de sang.
16 Du sang de l'innocence est-il donc altéré ?
Racine, Iphigénie, IV, 4.
17 Tigre altéré de sang qui me défend les larmes.
Corneille, Horace, IV, 5.
18 Si l'on doit le nom d'homme à qui n'a rien d'humain,
À ce tigre altéré de tout le sang romain.
Corneille, Cinna, I, 3.
Fig. || Être altéré d'amour, de gloire.
19 Claire, altérée de gloire et de souffrance, aurait voulu partir pour le front, comme infirmière (…)
A. Maurois, Terre promise, XII.
CONTR. (Du I.) Conserver, maintenir. — Améliorer, assainir, fortifier, rectifier, rétablir. — (Du II.) Apaiser, désaltérer.
DÉR. Altérable, altérant, altérateur. — V. (Du lat.) Altératif, altération.
COMP. Désaltérer.

Encyclopédie Universelle. 2012.