borner [ bɔrne ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1310; boner 1160; de borne
1 ♦ Délimiter (un terrain) par des bornes ou d'autres marques. Borner un terrain. ⇒ limiter, marquer.
♢ Par ext. Limiter. Chemin qui borne une vigne. — Arrêter, limiter. Montagnes bornant l'horizon, la vue.
2 ♦ (Abstrait) Mettre des bornes à; renfermer, resserrer dans des bornes. ⇒ circonscrire , limiter, modérer, réduire, restreindre. « On n'a pas le droit de borner son attente et son idéal à la vie » (Loti).
3 ♦ SE BORNER À v. pron. Se borner au strict nécessaire. ⇒ se contenter (de), tenir (s'en tenir à). « Saül, sage, se borne à des guérillas » (Daniel-Rops). (Avec l'inf.) « je me bornais à venir signer la feuille de présence » ( G. Lecomte). — Absolt, rare « Apprendre à me borner en écrivant » (Stendhal).
♢ Plus cour. (Choses) Se limiter à. « Ses séjours à Berck se bornaient, chaque mois, à une visite de cinq à six jours » (Martin du Gard).
⊗ CONTR. Élargir, étendre.
● borner verbe transitif (de borne) Délimiter un terrain à l'aide de bornes, ou autrement. Marquer la limite d'un espace : De petits coteaux bornent le lac. Restreindre une action à quelque chose, la maintenir dans des limites : Borner ses recherches à l'essentiel. ● borner (synonymes) verbe transitif (de borne) Délimiter un terrain à l'aide de bornes , ou autrement.
Synonymes :
- limiter
- marquer
Contraires :
- élargir
- étendre
- ouvrir
- propager
Marquer la limite d'un espace
Synonymes :
- border
- border délimiter
- délimiter
- limiter
- terminer
Restreindre une action à quelque chose, la maintenir dans des limites
Synonymes :
- arrêter
- modérer
- réduire
Contraires :
- élargir
- étendre
- ouvrir
- propager
borner
v.
rI./r v. tr.
d1./d Marquer avec des bornes les limites de. Borner un champ.
d2./d Limiter. La mer et les Alpes bornent l'Italie. Borner la vue, la limiter.
d3./d Fig. Modérer, restreindre. Borner ses ambitions.
rII./r v. Pron.
d1./d Se contenter de. Se borner au nécessaire.
|| (S. comp.) Se restreindre. Il faut savoir se borner.
d2./d Se limiter à. Sa culture se borne à de vagues souvenirs.
⇒BORNER, verbe trans.
A.— [Correspond à borne I]
1. [Le suj. désigne une pers.; l'obj. désigne un champ, un terrain] Disposer des bornes. Borner un champ :
• 1. Au premier temps du monde où tout était commun, Deux frères, comme vous, avaient deux champs en un; Comme l'un prenait moins et l'autre davantage, Ils vinrent un matin borner leur héritage; ...
LAMARTINE, Jocelyn, 1836, p. 751.
2. [Le suj. désigne une chose] Limiter par des bornes :
• 2. ... ils s'arrêtaient auprès d'une pierre qui bornait une propriété, parce qu'elle avait quelque chose du dolmen de Locneuven.
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, Petit soldat, 1885, p. 187.
♦ P. transpos. Il acheta la pièce de terre qui le bornait au couchant (Ac. 1835-1932).
— P. anal., littér. :
• 3. ... du fauteuil qui bornait Mme Méridier sur la droite, une réponse vint sur les ailes d'une voix curieusement maîtresse d'elle-même, assurée et charmante, qu'Augustin ne s'était jamais lassé d'entendre et d'admirer.
MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 37.
• 4. De sa chambre ovale, en haut de la tour, Julie de Carneilhan âgée de quinze ans, ses nattes blondes bornant son front têtu, découvrait le dessus ballonné de deux tilleuls...
COLETTE, Julie de Carneilhan, 1941, p. 216.
B.— P. ext.
1. [Le suj. désigne un élément naturel ou une limite abstr.; l'obj. désigne un territoire, un État, etc.] Limiter :
• 5. Cet évêché confine au nord avec celui de S. Jago, capitale du Chili, où le gouverneur général fait sa résidence; il est borné à l'est par les Cordilières, et s'étend au sud jusqu'au détroit de Magellan; mais ses vraies limites sont la rivière de Biobio, à un quart de lieue de la ville.
Voyage de La Pérouse, t. 2, 1797, p. 59.
• 6. Territoire national désigne le territoire sur lequel s'exerce juridiquement et en droit la souveraineté de l'état-nation. Ce territoire est borné — en gros — par des frontières, lignes (ou aires) conventionnelles...
PERROUX, L'Écon. du XXe s., 1964, p. 175.
— P. anal. L'horizon était borné par des collines boisées (ARLAND, L'Ordre, 1929, p. 26) :
• 7. Derrière ce petit pavillon s'étendait un jardin charmant, jardin qui en dépendait, entouré de murailles assez élevées pour nous séparer de nos voisins, et assez basses pour ne pas borner la vue.
A. DUMAS Fils, La Dame aux Camélias, 1848, p. 210.
2. P. métaph. ou au fig.
a) Restreindre dans certaines limites, empêcher le développement de quelque chose. Borner ses ambitions :
• 8. Mais, ne se faisant pas une assez forte idée du lien divin qui unit la vie individuelle de chaque homme à l'humanité, et ne sachant pas borner leur curiosité ni limiter leur imagination, au lieu de rester dans la vérité dont ils avaient le sentiment, ils [les anciens peuples] ont rempli par une multitude de solutions absurdes le vide de la doctrine que ce sentiment leur inspirait.
LEROUX, De l'Humanité, t. 1, 1840, p. 317.
• 9. ... comme il y a des zones brûlantes qui bornent la liberté, il y a aussi des cercles de glace que la pensée ne franchit point.
ALAIN, Propos, 1927, p. 730.
SYNT. Borner ses désirs, ses espérances, ses prétentions; borner le pouvoir de quelqu'un.
— [L'obj. désigne une pers. ou un groupe de pers.] :
• 10. L'assemblée constituante, (...), a restreint le plus qu'il était possible la compétence des conseils de guerre, les bornant uniquement aux délits commis par des militaires en temps de guerre et en pays étrangers; elle a retiré aux cours prévôtales les attributions qu'on a voulu malheureusement rétablir depuis, et même étendre.
Mme DE STAËL, Considérations sur les princ. événements de la Révolution fr., t. 1, 1817, p. 221.
♦ Littéraire :
• 11. Elle [Berthe] croyait deviner sous chaque parole d'Albert les vues étroites et despotiques du mari qui entend borner sa femme à lui-même, l'assujettir à ses goûts, la cacher au monde.
CHARDONNE, L'Épithalame, 1921, p. 391.
• 12. ... cet instant-ci, dont je ne puis sortir, qui m'enferme et me borne de tout côté, cet instant dont je suis fait ne sera plus qu'un songe brouillé.
SARTRE, La Nausée, 1938, p. 198.
b) Emploi pronom.
— Emploi pronom. réfl. Se limiter (à), se contenter (de) :
• 13. Les peintres futurs ne se borneront pas, comme celui-ci, à rappeler sur un pan de mur ou un panneau de bois la matière maudite dont nos corps sont formés : ils la célébreront et la glorifieront.
A. FRANCE, L'Île des pingouins, 1908, p. 152.
• 14. Sans entamer de discussions sur ce point avec le président du Conseil, je me bornais à maintenir ma décision...
FOCH, Mémoires, t. 2, 1929, p. 248.
• 15. ... comme on me demandait « quelles étaient mes impressions quant à la reconnaissance du gouvernement par les alliés? » Je me bornai à répondre : « le gouvernement français est satisfait qu'on veuille bien l'appeler par son nom. »
DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, p. 44.
♦ Emploi abs. :
• 16. L'éducation, (...), obligée de se borner et ne pouvant embrasser tout le passé, s'attache à la portion de l'antiquité qui, relativement à chaque nation, est classique.
RENAN, L'Avenir de la sc., 1890, p. 210.
• 17. — Nous avons tort de nous étonner que l'Humanité ait refusé de la copie à Andler. Ou ait refusé de la copie de Andler. Personnellement je crois l'Humanité capable de tout. Mais il faut se borner et j'en dirai les raisons une autre fois.
PÉGUY, L'Argent, 1913, p. 1262.
— Sens passif. Être limité à :
• 18. Il y avait près de dix ans que le vieux Siegfried n'exerçait plus aucune part de direction effective dans les multiples affaires Schoudler. C'était Noël qui régnait sur l'ensemble. Pourtant l'aïeul était demeuré en nom à peu près pour tout. Son rôle se bornait à signer de temps à autre une procuration; ...
DRUON, Les Grandes familles, t. 2, 1948, p. 19.
PRONONC. :[], (je) borne [].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. Ca 1160 boner « limiter au moyen de bornes » (Eneas, éd. Salverda de Grave, 1925-31, 9757-58); début XIVe s., av. 1328 borner (PH. DE VITRY, Métamorphoses Ovide, 29 dans T.-L., s.v. boner); 2. 1271 fig. bousner « limiter » (Comptes d'Artois, 464, Archives du Pas-de-Calais ds GDF. Compl., s.v. bodner); 1680 part. passé adj. borné « (de l'esprit) étroit, obtus » (RICH.); av. 1755 « (d'un homme) inintelligent » (ST-SIMON, Mémoires, éd. Cheruel, III, 304 dans DG).
Dér. de borne; dés. -er.
STAT. — Fréq. abs. littér. :2 051. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 3 652, b) 3 055; XXe s. : a) 2 621, b) 2 390.
borner [bɔʀne] v. tr.
ÉTYM. Déb. XIVe; boner, 1160; de borne, en anc. franç. bodne, bone — d'où la forme boner.
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I Concret.
1 (Choses). Délimiter un terrain par des bornes, des marques. ⇒ Limiter, marquer. || Borner un champ, une propriété. || Borner un chemin (⇒ Bornage).
1 Vous ne pourrez pas empêcher les trois moutons de Clodius d'y passer (…) en traversant vos terres (…) Le chemin est à tout le monde…
— Dans ce cas (…) je le bornerai (…)
H. Bosco, le Mas Théotime, V, p. 123.
♦ (Sujet n. de chose). Limiter. ⇒ Border, confiner (à), terminer. || Les pierres, les poteaux, la clôture qui borne son champ.
♦ Par ext. (éléments naturels, limite abstraite). || Terre bornant un bois. || Chemin, fossé, haie qui borde une vigne. — Frontières bornant un pays. || La mer et les Alpes bornent l'Italie (Académie).
2 J'avais franchi les monts qui bornent cet État,
Et trottais comme un jeune rat (…)
La Fontaine, Fables, VI, 5.
3 L'Euphrate bornera son empire et le vôtre.
Racine, Bérénice, III, 1.
2 (Personnes). Avoir (telle limite) à sa propriété. || Je suis borné par un cours d'eau (Littré). || « Il acheta la pièce de terre qui le bornait au couchant » (Académie).
3 Arrêter, limiter. || Les montagnes bornant l'horizon, la vue. — REM. Cette acception est plus fréquente au passif et au p. p. (→ ci-dessous, Borné).
4 Si vous m'aimez, Seigneur, nos mers et nos montagnes
Doivent borner nos vœux, ainsi que nos Espagnes (…)
Corneille, Sertorius, IV, 2.
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II (1271, bousner). Abstrait.
1 (Personnes). Littér. ou style soutenu (l'usage courant moderne emploie plutôt limiter, restreindre). Mettre des bornes à; renfermer, resserrer dans des bornes. ⇒ Circonscrire, limiter, modérer, réduire, restreindre. || Borner son ambition, son bonheur, son horizon, son idéal. || Borner ses désirs, ses espérances, ses prétentions, ses projets, ses talents, ses vœux, ses vues. || Borner l'autorité, la puissance, les pouvoirs, les prérogatives de qqn. || Borner un enseignement à quelques notions. || Borner un discours. || Borner son enquête, ses recherches, ses travaux à…
5 J'ai (…) l'ambition des conquérants, qui (…) ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits.
Molière, Dom Juan, I, 2.
6 Car enfin je me sens un étrange dépit
Du tort que l'on nous fait du côté de l'esprit,
Et je veux nous venger, toutes, tant que nous sommes,
De cette indigne classe où nous rangent les hommes,
De borner nos talents à des futilités,
Et nous fermer la porte aux sublimes clartés.
Molière, les Femmes savantes, III, 2.
7 Porus bornait ses vœux à conquérir un cœur (…)
Racine, Alexandre le Grand, IV, 2.
8 Un testament qui bornait l'autorité du régent (…)
Montesquieu, Lettres persanes, 93.
9 Est-ce donc à moi de vous rappeler qu'on n'a pas le droit de borner son attente et son idéal à la vie, quand on a écrit certaines pages de vos livres (…)
Loti, les Désenchantées, III, 17, p. 129.
2 (Personnes ou choses). Mettre un terme à…
10 Mais, pour borner enfin tout ce vague propos (…)
Boileau, Satires, XI.
11 La mort seule, bornant ses travaux éclatants (…)
Pouvoir, à l'univers le cacher si longtemps.
Racine, Phèdre, II, 2.
11.1 (…) elle rappela que, de son temps, les femmes n'avaient nul besoin de se retrouver entre elles, que la maison remplissait tous leurs vœux, bornait tous leurs désirs.
Jean-Louis Curtis, le Roseau pensant, p. 45.
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se borner (à…) v. pron.
♦ ⇒ Cantonner (se), confiner (se), contenter (se), faire (ne faire que), limiter (se), tenir (s'en tenir à). || Se borner au strict nécessaire. || Se borner à faire qqch.
12 (Ce succès) surpasse de beaucoup mes espérances : vous aurez vu où je me bornais, par les lettres que je reçus il y a peu de jours.
Mme de Sévigné, 485, 1er janv. 1676.
13 Je me borne à vous dire simplement les faits (…)
Voltaire, Lettre à Trudaine, 23 déc. 1775.
14 Apprendre à me borner en écrivant, tondre mon style, autrement les accessoires me font oublier le principal.
Stendhal, Journal, 1908, p. 277 (Charpentier).
15 (…) je me bornais à venir en costume signer la feuille de présence, au lieu d'assister ensuite, comme il se doit, à l'hebdomadaire « réunion de colonne » (…)
Georges Lecomte, Ma traversée, p. 287.
♦ (Choses). Se limiter à… || Son rôle se borne à présider les débats.
16 Anne trouvait toujours un prétexte pour être à Paris : ses séjours à Berck se bornaient, chaque mois, à une visite de cinq à six jours.
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 157.
♦ Absolt. || Il faut se borner. || Savoir se borner.
17 Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire.
Boileau, l'Art poétique, I.
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borné, ée p. p. adj.
ÉTYM. (XVe).
A (Emplois verbaux, passifs et participiaux).
♦ (Concret). Qui a (qqch.) comme borne, est arrêté par (un obstacle). || Vue bornée par des arbres. || Horizon borné par des montagnes. Absolt. → ci-dessous, cit. 20.
♦ (Abstrait). Qui a telles limites (intellectuelles, psychiques, morales…). Vx. || Personne bornée dans un domaine, une activité. — Son esprit, sa vue est bornée à des considérations pratiques. Absolt. || Il a des vues bornées. ⇒ Limité.
18 Appellerai-je homme d'esprit celui qui, borné ou renfermé dans quelque art ou même dans une certaine science (…)
19 Je raisonne ici, je le sais, en homme dont la vue bornée n'embrasse pas le vaste horizon humanitaire, en homme rétrograde, attaché à une morale qui fait rire (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, IV, 9.
20 Ah ! c'est là qu'entouré d'un rempart de verdure,
D'un horizon borné qui suffit à mes yeux,
J'aime à fixer mes pas, et, seul dans la nature
À n'entendre que l'onde, à ne voir que les cieux.
Lamartine, Méditations, « Le vallon ».
21 La vue est bornée à droite et à gauche par l'enceinte des roches.
Flaubert, Trois contes, la Tentation de saint Antoine, I, 1.
B (Emplois absolus, en valeur d'adj.).
1 Abstrait. Étroit, limité. || Une politique bornée. || Un enseignement borné.
2 (1669, esprit borné; déb. XVIIIe, Saint-Simon). Cour. (D'une personne). Dont les facultés intellectuelles, les capacités de jugement sont limitées. || Un petit bourgeois borné et chauvin. || Les vues courtes, rétrécies d'un homme borné. || Borné et têtu. ⇒ Buté. || Intelligence bornée. || Caractère, esprit borné. ⇒ Bête, sot, stupide; étroit, obtus (Cf. Ne pas voir plus loin que son nez, avoir des œillères, avoir la vue courte). — (En attribut). || Il est un peu borné. || Mais vous êtes trop borné, à la fin !
22 Ses lumières sont fort petites et son esprit le plus borné du monde (…)
Molière, M. de Pourceaugnac, III, 1 (1669).
23 Les vues courtes, je veux dire les esprits bornés et resserrés dans leur petite sphère, ne peuvent comprendre (…)
La Bruyère, les Caractères, II, 34.
24 La plupart des législateurs ont été des hommes bornés que le hasard a mis à la tête des autres, et qui n'ont consulté que leurs préjugés et leurs fantaisies.
Montesquieu, Lettres persanes, 129.
25 (…) ce père à la fois rusé et borné, qui encourageait sa fille dans des habitudes d'orgueil et de déloyauté (…)
G. Sand, la Mare au diable, XIII, p. 111.
3 Math. Qui admet une borne (II., 2.). || Partie (d'un ensemble ordonné) bornée inférieurement (respectivement supérieurement), pourvue d'une borne inférieure (respectivement supérieure). || Partie bornée d'un ensemble, bornée inférieurement et supérieurement. || Suite bornée, dont l'ensemble des termes est borné. || Suite bornée à gauche (respectivement à droite), bornée inférieurement (respectivement supérieurement).
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CONTR. (Du sens II) Élargir, étendre, propager. — (Du . p.) Étendu, illimité, indéfini, infini, large. — Intelligent, ouvert, pénétrant, profond, subtil, tolérant.
Encyclopédie Universelle. 2012.