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celui-là

celui-ci [ səlɥisi ] (XIVE) , celui-là [ səlɥila ] (XIIIe) , pron. dém. m. sing. (et celle-ci [ sɛlsi ], celle-là [ sɛlla ] f. sing.; ceux-ci [ søsi ], ceux-là [ søla ] m. plur.; celles-ci [ sɛlsi ], celles-là [ sɛlla ] f. plur. )
celui
1CELUI-CI désigne en principe ce qui est le plus rapproché; ce dont il va être question; CELUI-LÀ, ce qui est le plus éloigné; ce dont il a été question (cf. Ceci et cela). REM. Celui-là est plus courant, quand il n'y a pas d'opposition. De ces deux maisons, celle-ci est la plus grande, mais celle-là est la plus confortable.
2CELUI-LÀremplace celui, quand on ne peut l'employer. Celui-là est meilleur. Elle est folle, celle-là ! Ah, celle-là, elle est bien bonne ! Fam. Çuilà [ sɥila ].

⇒CELUI-LÀ, CELLE-LÀ, CEUX-LÀ, CELLES-LÀ, pron. dém.
Employé comme représentant ou comme nominal, distingue dans une oppos. une entité parfois éloignée; employé seul, désigne une pers. ou un obj. présents, dont on parle ou dont on a parlé.
A.— Employé dans un système d'oppos. (en partic. en relation avec celui-ci).
1. Celui-là sert à désigner une entité perçue par le locuteur comme plus éloignée qu'une autre.
a) [Dans l'espace] Cf. celui-ci A 1 a, R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, p. 870. Elle [la poudre] nous avait dit : — J'enlèverai celui-ci, mais non ceux-là qui sont auprès (VIGNY, Servitude et grandeur militaires, 1835, p. 119).
b) [Dans le temps] Il se laissait aller aux souvenirs des quatre années qu'il avait passées dans cette immense forêt, (...). Nulle époque de sa vie ne lui paraissait plus belle que celle-là (ARLAND, L'Ordre, 1929, p. 528).
En partic., surtout dans la lang. écrite. [En parlant de la distance dans un contexte] De deux mots cités, celui-là renvoie à celui qui a été nommé le premier :
1. ... nous commençons par le poème ou le drame, et la critique suit, de son mieux. C'est ce qu'exprime, entre autres, le thème du critique opposé au créateur (celui-là tout juste bon à dénouer les cordons de soulier de celui-ci)...
PAULHAN, Les Fleurs de Tarbes, 1941, p. 51.
2. ... je découvrais que Bijou, en trois ans quatre fois mère, qui portait à ses mamelles un chapelet de nouveau-nés, suçait elle-même, avec un bruit maladroit de sa langue trop large et un ronron de feu de cheminée, le lait de la vieille Nonoche inerte d'aise, une patte sur les yeux. L'oreille penchée, j'écoutais, celui-ci grave, celui-là argentin, le double ronron,...
COLETTE, La Maison de Claudine, 1922, p. 82.
2. Si la représentation est fictive, celui-là sert à évoquer une simple alternance ou une énumération à valeur indéfinie (cf. celui-ci ex. 15) :
3. Elles ne peuvent achever promptement un seul projet; elles en font marcher cent à la fois. Elles font un pied à ce poème-ci, une épaule à celui-là.
CHÉNIER, Épîtres, Épître au chevalier de Pange, 1794, p. 200.
Dans l'alternance, un des deux termes est parfois remplacé par l'un ou l'autre :
4. — « Est-ce une fiancée, une parente? » demandaient les uns. Ceux-là, plus avisés, répondaient : — « Une maîtresse ».
JOUHANDEAU, M. Godeau intime, 1926, p. 201.
Dans l'énumération, on peut rencontrer une succession de celui-là :
5. Tous ces morts lui laissaient soudain, à lui si dédaigneux et si empêtré de ce qui n'était pas les classes et l'étude, leurs apanages humains, celui-là son nez à la Roxelane, celui-là ses oreilles pointues, celui-là cette cravate inusable, bien connue du lycée entier, qu'il avait portée de la quatrième à la philosophie.
GIRAUDOUX, Bella, 1926, p. 37.
B.— Employé seul.
1. Celui-là désigne une chose ou une pers. éloignées du locuteur.
a) [Dans l'espace] :
6. Il regardait la file de maisons basses, à droite de la rue. « Est-ce dans une de celles-là? »
ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, Le 6 octobre, 1932, p. 129.
b) [Dans le temps] :
7. Je souffrais d'être obligé de moi-même à atteindre celles-là, [les femmes que le narrateur a connues autrefois].
PROUST, Le Temps retrouvé, 1922, p. 987.
c) [Dans le cont.] :
8. La sincérité personnelle est une vertu plus rare que l'intempérance amoureuse, et plus virile et plus mâle assurément, et celle-là je me rends cette justice, je la possède!
GOBINEAU, Les Pléiades, 1874, p. 10.
9. Comme tous les plaisirs de Mouchette, celui-là ne s'émousse guère par l'habitude, s'accroîtrait plutôt à chaque expérience nouvelle.
BERNANOS, Nouvelle Histoire de Mouchette, 1937, p. 1268.
d) En partic., dans le discours parlé, et souvent avec un accent d'insistance. La personne ou la chose dont on vient de parler, dont on a parlé. Mais il y a les pauvres honteux, et ceux-là sont à plaindre (A. FRANCE, La Vie en fleur, 1922, p. 290) :
10. Certes, ma sœur Angélique peut avoir d'aventure un mouvement naturel, et si sa mine ne la fait pas paraître aussi humble qu'elle l'est, à ceux qui ne la connaissent pas...
LA SŒUR FRANÇOISE. — Oh! Ma sœur! Je vois que vous êtes de ceux-là.
MONTHERLANT, Port-Royal, 1954, p. 982.
Fam. Au fém. sing., par ell. de cette chose, cette affaire, pour marquer le mécontentement ou la stupéfaction dans des tournures figées du type : elle est bonne, elle est raide, elle est forte celle-là! :
11. MÈRE UBU. — Père Ubu, ton cheval ne saurait plus te porter, il n'a rien mangé depuis cinq jours et est presque mort.
PÈRE UBU. — Elle est bonne, celle-là! On me fait payer douze sous par jour pour cette rosse et elle ne me peut porter.
JARRY, Ubu Roi, 1895, III, 8, p. 66.
2. Dans la lang. parlée et souvent accompagné d'un geste [Celui-là désigne de manière insistante une pers. ou une chose présentes; il est alors la forme expressive de celui-ci] :
12. « Ah! — crie tout à coup le poëte, — un ruban!... un ruban pour l'amour de Dieu, un ruban pour l'amour de moi, il me faut un de vos rubans! Tenez, celui-là!... »
E. et J. DE GONCOURT, Charles Demailly, 1860, p. 5.
13. Dessine-moi un mouton. Alors j'ai dessiné. Il regarda attentivement, puis : — Non! Celui-là est déjà très malade. Fais-en un autre.
SAINT-EXUPÉRY, Le Petit Prince, 1943, p. 416.
Rem. 1. La valeur d'insistance est partic. nette si celui-là est employé. a) [Dans une appos.] L'écho du prestige — si authentique celui-là — du Quintette de Franck (DU BOS, Journal, 1925, p. 300). Je connais le curé : quand il veut quelque chose, celui-là! Vous avez eu du mérite à lui tenir tête (MAURIAC, Asmodée, 1938, I, 4, p. 39). Entreprendre une étape nouvelle qui, celle-là, implique l'effort de toute la nation (DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, p. 5). b) [Dans une période, pour reprendre un terme déjà énoncé] ... les destructeurs les plus terribles, les rongeurs les plus implacables, qui percèrent la pourriture inférieure du grand chaos, qui plus haut délivrèrent l'arbre de l'étreinte de ses parasites, enfin s'en prirent aux rameaux, éclaircirent l'ombre livide, ceux-là furent les bienfaiteurs des espèces à venir (MICHELET, L'Insecte, 1857, p. 132).
Rem. 2. L'insistance peut se doubler, notamment en fin de phrase, de valeurs diverses. a) Valeur péj. Sa cousine est une salope (...). Je la retiens, celle-là (BLOY, La Femme pauvre, 1897, p. 15). b) valeur laudative. Mon ami Dutillet, le libraire, le génie de la librairie! Mon ami Desrouseaux, le paysagiste... Le génie de la peinture, celui-là! (SCRIBE, La Camaraderie, 1837, I, 1, p. 232).
C.— Celui-là en emploi de nominal.
1. Comme antécédent d'une prop. rel.; celui-là est alors la forme expressive de celui et sert à former un groupe nominal-verbal avec la sub. qu'il introduit.
a) Dans la lang. pop. ou cour. Je ne vous ferai pas de pantalon; celui-là que vous avez peut encore marcher longtemps (CHAMPFLEURY, Les Bourgeois de Molinchart, 1855, p. 101).
Précédé parfois de l'adv. tout. « Ce qu'il est bien, dit-elle, ce qu'il a l'air intelligent! » Le mari eut un geste large. « C'est tout ceux-là qui ont fait Bouville », dit-il avec simplicité (SARTRE, La Nausée, 1938, p. 119).
b) Dans la lang. littér. :
14. Je demeurerai lors à tout indifférent,
Seul loin de mes amis, et près d'eux seul encore,
N'attendant plus que vous, Madame, et ne tenant
Pour vrais jours que ceux-là dont vous serez l'aurore.
MUSELLI, Les Travaux et les jeux, 1914, p. 43.
Avec parfois séparation de la prop. rel. par le verbe de la prop. principale. Celui-là ment à la société qui prétend n'en user qu'à son avantage (PROUDHON, Qu'est-ce que la propriété? 1840, p. 304). Le Chœur. — Et ceux-là sont nos ennemis à qui conviendrait ce deuil (CLAUDEL, Les Choéphores, trad. d'Eschyle, 1920, p. 920).
Et/ou mise en relief de celui-là par seul ou même. Ceux-là seuls sont doux à autrui qui sont doux à eux-mêmes (A. FRANCE, Le Petit Pierre, 1918, p. 11) :
15. ... l'existence du pessimisme dans l'âme de la jeunesse contemporaine, est reconnue aujourd'hui par ceux-là même à qui cet esprit de négation et de dépression répugne le plus.
P. BOURGET, Nouv. Essais de psychol. contemp., 1885, p. 111.
2. Celui-là, dans une énumération, prend une valeur de pron. indéfini (cf. supra A 2).
Rem. La lang. pop. et la lang. fam. utilisent couramment la forme masc. abrégée : çui-là. — Celui-là, c'était vraiment un bonhomme, mon vieux. Quand i' disait quéqu' chose, ç'ui-là, c'était la preuve que c'était vrai (BARBUSSE, Le Feu, 1916, p. 294).
Prononc. et Orth. :[], [], [søla], []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. V. celui. Bbg. BARRERA-VIDAL (A.). Qq. rem. à propos des dém. celui-ci/celui-là. Praxis. 1968, n° 3, pp. 268-274. — GOUG. Lang. pop. 1929, p. 110.

Encyclopédie Universelle. 2012.