charbonner [ ʃarbɔne ] v. <conjug. : 1>
1 ♦ V. tr. Noircir avec du charbon. Charbonner un mur (d'inscriptions).
2 ♦ V. intr. Se réduire en charbon, sans flamber. Mèche de lampe qui charbonne.
● charbonner verbe transitif Noircir avec du charbon : Charbonner un visage. Dessiner au charbon : Charbonner un croquis, une esquisse. ● charbonner verbe intransitif Se réduire en charbon sans flamber : Mèche qui charbonne.
charbonner
v.
rI./r v. intr. Se réduire en charbon sans faire de flammes.
rII./r v. tr.
d1./d Réduire en charbon.
d2./d Noircir au charbon.
⇒CHARBONNER, verbe.
I.— Emploi trans.
A.— Emploi perf. [L'état de charbon est le point d'aboutissement du procès] Réduire à l'état de charbon. Bois charbonné, poutres charbonnées. Un cigare charbonné (PONSON DU TERRAIL, Rocambole, t. 5, Les Exploits de Rocambole, 1859, p. 83). Synon. carboniser. Des harengs grillés, noirs, charbonnés (ZOLA, Le Ventre de Paris, 1873, p. 784). La bougie brûlée jusqu'au bas, (...) charbonnait le papier (RAMUZ, Aimé Pache, peintre vaudois, 1911, p. 117).
Rem. 1. On rencontre en ce sens ds la docum. la forme carbonifier. L'unique objet perdra de sa valeur : le diamant sera carbonifié (VALÉRY, Lettres à quelques-uns, 1945, p. 68). 2. On rencontre également charbonner au sens de « fabriquer du charbon de bois ». La charbonnette restait à la coupe, c'était un nommé Cadène qui viendrait charbonner sur place (GENEVOIX, Marcheloup, 1934, p. 68).
— P. ext. On charbonne la houille, comme on charbonne le bois en forêt (E. SCHNEIDER, Le Charbon, 1945, p. 174).
— Emploi pronom. (à sens passif). Se transformer en charbon. Ma mèche de lampe s'est charbonnée (AMIEL, Journal intime, 1866, p. 192).
B.— Emploi instrumental. [Le charbon est un moyen de coloration]
1. Noircir avec du charbon. Les pieux charbonnés de quelque pont de César se conservent au fond d'un fleuve (BALZAC, Le Cabinet des antiques, 1839, p. 4). Le soleil (...) Montrant comme un mineur son front tout charbonné (BARBIER, Iambes et poèmes, Lazare, Londres, 1840, p. 194).
— [P. anal. de couleur.] La poussière avait charbonné tout cela (CHÂTEAUBRIANT, M. des Lourdines, 1911, p. 51). Cette barbe de quinze jours qui charbonnait le menton et les joues (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 187).
♦ Spéc., péj. Maquiller excessivement de noir, et p. ext., d'une autre couleur sombre. Œil charbonné. Paupières charbonnées d'indigo et d'encre (HUYSMANS, Les Sœurs Vatard, 1879, p. 18). Le monde (...) ayant toute caducité en grande estime, vite, charbonnons-nous des rides (BAUDELAIRE, Maximes consolantes, 1867, p. 619).
2. B.-A. Dessiner, faire une esquisse avec un fusain (cf. charbon1 II A) ou un morceau de charbon. L'un, apprenti Rubens, charbonne la muraille (DELILLE, L'Homme des champs, 1800, p. 61) :
• 1. ... il charbonnait d'un trait vigoureux des libertés, des droits de l'homme, des constitutions françaises, des vertus républicaines, des hercules populaires terrassant l'hydre de la tyrannie, et mettait dans ces compositions toute l'ardeur de son patriotisme.
A. FRANCE, Les Dieux ont soif, 1912, p. 13.
— Emploi pronom. (à sens passif). Paris, voilé d'un nuage, se charbonnait sur l'horizon, pareil à un fusain colossal (ZOLA, Une Page d'amour, 1878, p. 904).
II.— Emploi intrans.
A.— [Le suj. désigne une matière ou une chose parvenue à un certain état de combustion] Se transformer en charbon, se consumer sans flammes. Laisser charbonner le papier au bout d'une cigarette (E. et J. DE GONCOURT, Manette Salomon, 1867, p. 381). Deux tisons qui charbonnent (POURRAT, Gaspard des Montagnes, La Tour du Levant, 1931, p. 218). La mèche de la lampe (...) charbonnait (CAMUS, L'Étranger, 1942, p. 1145).
— P. métaph. :
• 2. Je ne suis pas bien fixé. Ma conscience m'éclaire mal. Il y a des moments comme ça où la conscience charbonne.
RENARD, Journal, 1905, p. 1015.
B.— MAR. [Le suj. désigne un navire] Se ravitailler en charbon. Ayant mazouté et charbonné (...) les paquebots disparaissaient vite (MORAND, La Route des Indes, 1936, p. 198).
Rem. On rencontre ds la docum. le néol. charbonnement, subst. masc. Le charbonnement des colchiques étouffait les prés sous sa vapeur de soufre (GIONO, L'Eau vive, 1943, p. 120).
Prononc. et Orth. :[], (je) charbonne []. Ds Ac. 1694-1932. FÉR. Crit. t. 1, 1787 propose la graph. charboner et note à ce sujet : ,,on écrit assez communément deux n, nous avons cru pouvoir en retrancher une sans inconvénient``; cf. charbonnage. Étymol. et Hist. 1. Entre 1180 et 1200 « noircir, salir avec du charbon » (Aliscans, 96 ds T.-L.); 1676 charbonné « (de quelqu'un) barbouillé de noir » (Mme DE SÉVIGNÉ, Lettres, Paris, éd. Monmerqué, 1862-68, t. 5, p. 9); 2. 1549 « dessiner avec un charbon » (EST.); 1752 charbonné part. passé et adj., en mauvaise part, d'un dessin (Trév.); 1757 charbonnée subst. arts graph. (A.-J. PERNETY, Dict. portatif de peint., sculpt. et grav., p. 56); 3. 1825 pronom. « se réduire en charbon » (BRILLAT-SAVARIN, Physiol. du goût, p. 124); 1845 intrans. « id. » (BESCH.); 1830 trans. « réduire en charbon » (BALZAC, Adieu, p. 26); 4. 1929 intrans. mar. « se ravitailler en charbon » (J.-B. CHARCOT, La Mer du Groënland, p. 107). Dér. de charbon; dés. -er. Fréq. abs. littér. :50. Bbg. BRUNEAU (C.). N. créés au moy. du suff. -ment... In :[Mél. Orr (J.)]. Manchester, 1953, p. 25 (s.v. charbonnement).
charbonner [ʃaʀbɔne] v.
ÉTYM. V. 1190; de charbon, et -er.
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I V. tr.
1 a (Sujet n. de personne). Noircir avec du charbon. || Charbonner ses joues avec du bouchon brûlé. || Se charbonner le visage. — Charbonner un mur (d'inscriptions), le noircir en griffonnant (des inscriptions).
1 Ainsi tel autrefois qu'on vit avec Faret
Charbonner de ses vers les murs d'un cabaret (…)
Boileau, l'Art poétique, 1.
♦ Maquiller de noir, ou, par ext., d'une couleur foncée, d'une manière excessive. || Charbonner ses paupières. || Se charbonner les yeux.
b (Sujet n. de chose). Noircir.
2 Elle s'adossa au chambranle, et la lampe qui l'éclairait d'en dessous lui nivelait les lèvres, lui charbonnait l'arête du nez, lui creusait des orbites et des joues de morte.
H. Troyat, le Vivier, p. 100.
2 (1549). a Arts (vx). Dessiner avec un fusain, un charbon. || Charbonner quelques croquis. — Se charbonner des moustaches avec un bouchon brûlé.
b Vieilli. Dessiner, esquisser, peindre grossièrement (qqch.).
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II V. intr.
1 Se réduire en charbon, sans flamber. || Mèche de lampe (par métonymie, lampe) qui charbonne. || Rôti qui charbonne, se calcine.
3 Le vent fit charbonner la lampe. Un coq au loin chanta.
Bernanos, Un crime, in Œ. roman., Pl., p. 733.
♦ Par métaphore (de la lampe qui charbonne). Cesser d'éclairer.
4 Toute cette quinzaine je me suis demandé si, étant donné l'amitié qui nous lie, Tristan (Bernard) et moi, j'allais accomplir un acte de courage ou de lâcheté. Je ne suis pas bien fixé. Ma conscience m'éclaire mal. Il y a des moments comme ça où la conscience charbonne.
J. Renard, Journal, 5 déc. 1905.
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se charbonner v. pron.
ÉTYM. (1825; du sens I, 3).
♦ Se transformer en charbon. || Le bois se charbonne dans l'acide sulfurique.
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charbonné, ée p. p. et adj.
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1 (1842). Noir ou marqué, barbouillé de charbon, de couleur noire. || Sourcils charbonnés.
♦ Marqué de noir (naturellement).
5 Un beau matou siamois, amplement fourré de gris et le museau charbonné.
Martin du Gard, les Thibault, La Sorellina, 1928, p. 1207, in T. L. F.
♦ Œil charbonné, paupières charbonnées, maquillé(es) de noir de manière excessive. ⇒ Charbonneux, I., 2.
3 Réduit en charbon. || Bois charbonné.
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II (1732). Attaqué par le charbon (II.). || Blés charbonnés. ⇒ Charbonneux, II., 2.
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DÉR. et HOM. Charbonnée.
Encyclopédie Universelle. 2012.