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crainte

crainte [ krɛ̃t ] n. f.
criente XIIIe; de craindre; a remplacé crieme, de criembre craindre
1Sentiment par lequel on craint (qqn ou qqch.); appréhension inquiète. angoisse, anxiété, appréhension, effroi, émoi, épouvante, frayeur, fam. frousse, inquiétude, obsession, peur, terreur, trac. « L'espérance et la crainte sont inséparables » (La Rochefoucauld). « un trouble mêlé de désirs et de craintes » (France). Crainte morbide. phobie. Vivre dans la crainte. Inspirer de la crainte à qqn. Soyez sans crainte à ce sujet. Vous pouvez parler sans crainte. La crainte qu'il ne vienne, qu'il ne vienne pas. N'ayez crainte : il viendra. Il se vengera, n'ayez crainte ! (menace).La crainte du châtiment, du gendarme. Crainte de Dieu. Au plur. Il a dissipé toutes mes craintes. Cet événement confirme nos craintes.
2Loc. prép. DANS LA CRAINTE DE; PAR CRAINTE DE; CRAINTE DE devant un n. de chose ou un inf. Dans la crainte d'un échec, d'échouer, qu'il n'échoue. « Les persécutés redoutaient de voir leurs amis, crainte de les compromettre » (Chateaubriand).
Loc. conj. DE CRAINTE QUE suivi du subj. (suivi ou non de ne explétif). De crainte qu'on (ne) vous entende.
⊗ CONTR. Audace, bravoure, courage, décision, désir, souhait.

crainte nom féminin Fait de craindre quelque chose, quelqu'un, état de quelqu'un qui éprouve un sentiment de peur, de recul ; peur, appréhension : La crainte de l'échec le paralysait. Appréhension d'un danger, d'une douleur, d'un mal à venir (souvent pluriel) : J'ai des craintes à son sujet.crainte (citations) nom féminin Honoré de Balzac Tours 1799-Paris 1850 Les âmes fortes ne sont ni jalouses ni craintives : la jalousie est un doute, la crainte est une petitesse. Le Contrat de mariage Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 L'idée qu'il n'y a pas de Dieu ne fait trembler personne ; on tremble plutôt qu'il y en ait un. Pensées philosophiques Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 Il y a des gens dont il ne faut pas dire qu'ils craignent Dieu mais bien qu'ils en ont peur. Pensées philosophiques Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Cet animal est triste, et la crainte le ronge. Fables, le Lièvre et les Grenouilles Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 […] Fi du plaisir Que la crainte peut corrompre. Fables, le Rat de ville et le Rat des champs François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Nous promettons selon nos espérances, et nous tenons selon nos craintes. Maximes Clément Marot Cahors 1496-Turin 1544 Amour fait vivre, et Crainte fait mourir. Élégie, VIII François Rabelais La Devinière, près de Chinon, vers 1494-Paris 1553 À la bonne et sincère amour est crainte perpétuellement annexée. Le Quart Livre, 3 Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte. Athalie, I, 1, Joad Sénèque, en latin Lucius Annaeus Seneca, dit Sénèque le Philosophe Cordoue vers 4 avant J.-C.-65 après J.-C. Tu cesseras de craindre en cessant d'espérer. Desines timere, si sperare desieris. Lettres à Lucilius, V Commentaire Parole du philosophe Hécaton, citée par Sénèque. Bible Celui qui craint le Seigneur n'a peur de rien ; il ne tremble pas, car Dieu est son espérance. Ancien Testament, EcclésiastiqueXXXIV, 14 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible La crainte de Yahvé, principe de savoir. Ancien Testament, Livre des Proverbes I, 7 Commentaire Traduction plus répandue : « La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. » Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Il n'y a pas de crainte dans l'amour ; Au contraire, le parfait amour bannit la crainte, Car la crainte suppose un châtiment, Et celui qui craint N'est pas consommé en amour. Épîtres de saint Jean, Ire, IV, 18 Talmud Tout dépend de Dieu, excepté la crainte de Dieu. Talmud, 33b Gertrud von Le Fort Minden 1876-Oberstdorf, Bavière, 1971 La crainte est quelque chose de plus profond que le courage. Die Furcht ist etwas tieferes als Mut. La Dernière à l'échafaudcrainte (difficultés) nom féminin Construction 1. De crainte de, par crainte de, dans la crainte de (+ nom ou infinitif) : ne passez pas sous la charge, de crainte d'une rupture du câble, par crainte d'une rupture du câble, dans la crainte d'une rupture du câble ; il est parti très tôt, de crainte de se mettre en retard, par crainte de se mettre en retard, dans la crainte de se mettre en retard. Remarque L'emploi de crainte de seul, sans préposition (ne vous aventurez pas sur la glace, crainte d'une chute), est un peu vieilli. 2. De crainte que, par crainte que, dans la crainte que (+ subjonctif) : ne riez pas, de crainte qu'il se vexe ou qu'il ne se vexe. L'emploi du ne explétif appartient au registre soutenu. Remarque L'emploi de crainte que seul, sans préposition (sortez discrètement, crainte qu'on ne vous voie), est un peu vieilli. ● crainte (expressions) nom féminin Dans la crainte de, de crainte de, dans la crainte, de crainte que, pour éviter quelque chose : Il faut agir vite de crainte que la situation ne devienne sérieuse. N'ayez crainte, soyez sans crainte, formules employées pour rassurer quelqu'un sur un point quelconque. ● crainte (synonymes) nom féminin Fait de craindre quelque chose, quelqu'un, état de quelqu'un qui éprouve...
Synonymes :
- anxiété
- appréhension
- effroi
- épouvante
- frayeur
- frousse (familier)
- peur
- terreur
- trac (familier)
Contraires :
- assurance
- audace
- intrépidité
- mépris
- quiétude
Appréhension d'un danger, d'une douleur, d'un mal à venir (souvent...
Synonymes :
- angoisse
- appréhension
- inquiétude
Contraires :
- tranquillité

crainte
n. f.
d1./d Sentiment de trouble, d'inquiétude à l'idée d'un mal possible ou menaçant. être saisi de crainte. La crainte du châtiment.
d2./d Loc. conj. De crainte que (+subj.): de peur que. Ne lui dites rien, de crainte qu'il ne le redise.
|| Loc. Prép. De crainte de: de peur de. De crainte de se tromper.

⇒CRAINTE, subst. fém.
I.— [Crainte non accompagné d'un déterminant] Sentiment d'inquiétude déterminé par l'idée d'un mal à venir, d'un danger existant ou possible. La crainte gagne, frappe, paralyse, saisit qqn. La crainte est le commencement de la sagesse (JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 54) :
1. Lorsque, redoutant la mort, je me plaque contre terre pour éviter les balles, j'attends, je rampe, je cours, je fuis, il faut distinguer parmi ces réactions celles qui sont dues proprement à la crainte, et celles qui, encore qu'elles l'accompagnent nécessairement ou du moins généralement, sont inexplicables à partir de la crainte, et relèvent d'un tout autre principe. Si je considère en effet la crainte comme un véritable sentiment, et non comme une émotion, c'est que je lui attribue la triple vertu de se montrer circonstancielle adaptative et objective.
J. VUILLEMIN, Essai sur la signif. de la mort, 1949, p. 104.
A.— [Crainte en fonction de compl. non accompagné d'un caractérisant]
1. [En emploi de compl. d'obj. dir. ou indir. ou de compl. circ.] :
2. — Nom de Dieu! gueula Buteau, en revenant au labour qu'il examinait, le voleur a bien mordu sur nous d'un bon pied... Y a pas à dire, v'là la borne! Françoise avait continué de s'approcher, du même pas tranquille, en cachant sa crainte. Elle comprit alors la cause de leurs gestes furieux, la charrue de Jean devait avoir entamé leur parcelle.
ZOLA, La Terre, 1887, p. 445.
SYNT. a) Dissiper, provoquer la crainte; causer, manifester une crainte; céder à la crainte. b) Trembler de crainte; vivre dans la crainte. Inspirer de la crainte (cf. SARTRE, Mots, 1964, p. 6).
[Compl. du verbe passif] Être saisi de crainte (G. MARCEL, Journal, 1919, p. 203).
2. Loc. verbales
a) Vieux
Prendre crainte. Synon. prendre peur. Lièvre prit crainte de cette grande machine vivante (JAMMES, Le Roman du lièvre 1903, p. 10).
Faire crainte. Synon. faire peur. Dieu! que vous m'avez fait crainte (BERNANOS, Crime, 1935, p. 727).
b) Avoir crainte. N'ayez crainte! — Calme-toi, petite fille. — Puis il me dit :« N'aie crainte (...) » (BENOIT, Atlant., 1919, p. 305). Il n'y a pas de crainte (pop.). Ça ne craint pas d'arriver. Mais êtes-vous sûr de n'être pas dérangé? (...) S'il venait des pratiques dans votre cabaret? (...) — Il n'y a pas de crainte, bourgeois (SUE, Les Mystères de Paris, t. 6, 1842-43, p. 56).
3. Loc. adv.
Sans crainte. Parler sans crainte. Allez-y sans crainte! Soyez sans crainte à ce sujet! Les animaux se laissaient prendre par moi sans crainte (CLAUDEL, Échange, 1894, II, p. 695).
Avec crainte. S'avancer, observer avec crainte. Guillaume s'est embarqué avec crainte, avec répugnance, du point de vue de sa dynastie, de sa politique allemande (BARRÈS, Cahiers, t. 11, 1917-18, p. 337).
♦ [P. allus. à l'ouvrage du philosophe Kierkegaard] La vie dont il parlait avec crainte et tremblement (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 99).
4. Spéc. Don de crainte. Don du Saint-Esprit qui correspond à la vertu théologale d'espérance. Le don de crainte est faible chez moi. Je ne tremble pas assez devant Dieu (GREEN, Journal, Le Bel aujourd'hui, 1955-58, p. 324). Le don de crainte est également rattaché parfois à la vertu de tempérance (Foi t. 1 1968).
B.— [Crainte accompagné d'un caractérisant]
1. Crainte + adj. qualificatif postposé ou antéposé. Crainte aiguë, irréfléchie, perpétuelle. Crainte respectueuse (HUGO, Bug-Jargal, 1826, p. 24). Les plus vives craintes (BALZAC, Gobseck, 1830, p. 421). Juste crainte (COCTEAU, Poèmes, 1916-23, p. 266) :
3. Ce n'était là qu'une crainte assez vague, mais j'ai eu plusieurs fois l'occasion de remarquer que les craintes précises ne sont pas toujours celles qui se réalisent exactement, alors qu'il faut redouter les craintes vagues, car elles sont l'ombre que l'avenir jette sur le présent...
GREEN, Journal, 1940, p. 15.
2. Crainte panique. Sentiment d'inquiétude aigu, caractérisé par un affolement soudain et généralement contagieux. La crainte panique de la damnation (GREEN, Journal, t. 6, 1950-54, p. 290).
3. Spéc., DR. Crainte révérentielle. Celle qui naît du respect des parents. La seule crainte révérentielle envers le père, la mère, ou autre ascendant, sans qu'il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat (Code civil, 1804, art. 1114, p. 202).
II.— Crainte + déterminant. Inquiétude éprouvée à l'égard de quelqu'un, de quelque chose, d'un fait, d'une action, qui constituent une source de danger. Crainte des ennemis, du feu, de la mort; crainte de parler.
A.— [Le déterminant désigne l'obj. de la crainte]
1. [L'obj. est désigné par un subst.]
a) [L'obj. désigne un animé dont l'existence est effective ou supposée] Crainte des assaillants, des fantômes, du voisin. La crainte des Espagnols (Voy. La Pérouse, t. 2, 1797, p. 272). Ce n'est jamais par crainte des voleurs vulgaires qu'on s'enferme (GRACQ, Beau tén., 1945, p. 79) :
4. Le premier moment de surprise passé, il [Arsène] ne pensa plus qu'à la rejoindre [la Vouivre] et à son tour entra dans le sous-bois. La crainte des vipères ne l'effleurait même pas.
AYMÉ, La Vouivre, 1943, p. 13.
En partic. [Le déterminant désigne l'autorité hum.] Respect mêlé d'une certaine timidité. Crainte du directeur, des autorités; la crainte de ses parents. La crainte du roi (MUSSET, Lettres Dupuis Cotonet, 1836, p. 673).
Spéc., RELIG. Crainte de Dieu. Religion, piété envers Dieu. La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse (Prov., I, 7; IX, 10; cf. Bible 1912). Le Pape Pie. — Dans tout ce que vous dites je ne vois que la passion et les sens et aucun esprit de prudence et de crainte de Dieu (CLAUDEL, Père humil., 1920, II, 2, p. 523).
b) [Le déterminant désigne un objet matériel, un phénomène naturel, un fait, un élément de situation de la vie hum.] La crainte des obus, de la pluie, de la guerre, du ridicule. Un bouledogue que fait obéir (...) la crainte du bâton (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 11). La crainte d'un scandale affreux (MAUPASS., Une Vie, 1883, p. 193). La crainte du froid en voyage (GONCOURT, Journal, 1887, p. 635) :
5. La crainte de la mort paralyse notre recherche du bonheur et trouble la tranquillité de notre âme : avec la crainte des dieux, à laquelle elle est toujours étroitement associée, elle est la véritable cause du malheur de l'homme.
J. VUILLEMIN, Essai sur la signif. de la mort, 1949, p. 41.
SYNT. Crainte d'un affront, des avions, de l'escalade nucléaire, de la guerre atomique, d'un refus, du surpeuplement, des voitures.
Loc. De crainte de. De crainte du feu (ZOLA, Terre, 1887, p. 411). Par crainte de. Par crainte des représailles (BENOIT, Atlant., 1919, p. 226). Dans la crainte de. Dans la crainte de l'Inquisition (BERN. DE ST-P., Chaum. ind., 1791, p. 68). Sans crainte de. Affirmer sans crainte d'erreur (GUYOT, Rapp. agric. Lorr., 1889, p. 38).
Rare, adverbialement et elliptiquement. Crainte de pis, crainte de pis faire. Je m'en tais donc ici, de crainte de pis faire (COURIER, Lettres Fr. et It., 1799, p. 661).
2. [L'obj. est désigné par un énoncé verbal]
a) Crainte de + inf. Crainte d'apercevoir, d'avoir, de compromettre, de perdre. Je suis vraiment affligée, mon bon ami, de ne pouvoir aller chez toi, et la crainte de te faire de la peine est la seule raison qui me retient (STAËL, Lettres jeun., 1787, p. 202) :
6. — Est-ce que vraiment, disait-elle, la terre est aussi belle que le racontent les oiseaux? Pourquoi ne le dit-on pas davantage? Pourquoi, vous, ne me le dites-vous pas? Est-ce par crainte de me peiner en songeant que je ne puis la voir?
GIDE, La Symphonie pastorale, 1919, p. 891.
SYNT. Crainte d'être ridicule; crainte de déplaire; crainte d'éprouver, d'éveiller, de froisser, de gêner, de laisser, de manquer, d'offenser, de paraître, de rencontrer, de se tromper, de voir.
Loc. prép. Par crainte de. Par crainte de laisser échapper des bêtises (ZOLA. Nana, 1880, p. 1225). Dans la crainte de. Dans la crainte d'être dupé (ZOLA. , Terre, 1887, p. 86). Sans crainte de. Sans crainte d'exagérer (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 65). Crainte de. Crainte de l'irriter (MONTHERL., Lépreuses, 1939, p. 1404). De crainte de. De crainte de laisser voir (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 157).
Loc. verbale
Avoir crainte, avoir crainte de. N'ayez crainte d'ajouter (MILOSZ, Amour. initiation, 1910, p. 221). « Noblesse, dignité, grandeur » ... Ces termes, j'ai crainte et presque honte à m'en servir (GIDE, Ainsi soit-il, 1951, p. 1225).
b) Loc. conj. Dans la crainte que, de crainte que, par crainte que ou, vieilli, crainte que (avec le subj.). Dans la crainte qu'il ne périsse. De crainte que le loup garou ne vous mange (A. FRANCE, Les Sept femmes de la Barbe-Bleue, 1909, p. 21). Tiens-moi bien, crainte que je ne disparaisse un beau jour (CLAUDEL, Échange, 1954, I, p. 738). Par la crainte que les Allemands ne soient sur la même voie (GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p. 35).
7. — « S'il y a danger de mort et qu'on n'ait pas la faculté de se confesser à son propre prêtre, l'Église, de crainte que quelqu'un ne périsse dans ces circonstances, permet à n'importe quel prêtre, unicuique sacerdoti, d'absoudre de toute sorte de péché. »
MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 316.
Rem. Les loc. de crainte que, par crainte que, sont suivies de la négation ne explétive dans les mêmes conditions que craindre que (cf. craindre I B 2 rem. 1). ,,Comme avec craindre, distinguez bien ne explétif et la négation ne pas : Je prendrai encore un livre de crainte que celui-là ne soit ennuyeux; mais : de crainte que celui-là ne soit pas intéressant.`` (HANSE 1949).
Loc. verbales
Avoir crainte que (pop.). Justement j'y disais, monsieur devait avoir crainte que mademoiselle ne vienne plus (PROUST, Sodome, 1922, p. 735).
Être en crainte que (vx). Jusqu'à la fin, il [Fénelon] est en crainte que ce naturel [du duc de Bourgogne] ... (SAINTE-BEUVE, Nouveaux lundis, t. 2, 1863-69, p. 137).
B.— 1. Souvent au plur. [Le déterminant (adj. poss. ou compl. prép. de) désigne la pers. qui éprouve la crainte face à une menace qui la concerne elle-même] Les craintes des parents; dissiper, confirmer ses craintes; ajouter à ses craintes. Bannis tes craintes (SAINT-MARTIN, Homme désir, 1790, p. 327). Il [Mathieu] rit de mes craintes et son éternelle réponse est :« Narbonne n'est pas un million de fois fou; Narbonne ne partira pas » (STAËL, Lettres L. de Narbonne, 1793, p. 182). Tout d'un coup, elle revint à ses craintes (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 562).
2. [Un compl. introd. par la prép. pour désigne une pers. menacée autre que le suj.] Crainte de qqn pour qqn. Les craintes de la mère pour son fils; ses craintes pour son aînée; nos craintes pour la France. Je vous jette des idées qui me viennent d'une grande crainte et d'un grand amour pour votre âme (E. DE GUÉRIN, Lettres, 1837, p. 118). J'ai eu des tristesses et des craintes vagues pour vous (MICHELET, Journal, 1837, p. 782).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1re moitié XIIe s. crieme « sentiment de peur, frayeur » (Psautier Oxford, 63, 1 ds T.-L.); ca 1280 crainte (Clef d'Amour, éd. A. Doutrepont, 952); 2. ca 1180 crieme « respect, déférence (à l'égard de Dieu) » (Partonopeus de Blois, éd. J. Gildea, 1933); 3. 1579 loc. de crainte que (R. GARNIER, La Troade, 512, Tragédies, éd. W. Foerster, t. 2, p. 101 ds IGLF). Déverbal de craindre et, à l'orig., des anc. formes de celui-ci. Fréq. abs. littér. : 6 826. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 12 254, b) 7 097; XXe s. : a) 8 905, b) 9 414. Bbg. BASTIN (J.). Ne explétif après avant que, sans que. In : B. (J.). Nouv. glanures gramm. Riga, 1907, pp. 60-63.

crainte [kʀɛ̃t] n. f.
ÉTYM. XIIe, crieme; criente, XIIIe; de craindre.
1 Sentiment par lequel on craint (qqn ou qqch.); appréhension inquiète. Alarme, angoisse, anxiété, appréhension, effarouchement, effroi, émoi, épouvante, frayeur, frousse (fam.), inquiétude, obsession, peur, terreur, timidité, trac. || Crainte morbide. Phobie; transe. || La crainte de qqch., qu'inspire qqch. || La crainte de la mort (→ Courage, cit. 6). || La crainte de qqn pour, envers qqch., qqn. || Donner, inspirer de la crainte à qqn. Défiance, méfiance. || Éprouver un sentiment, une impression de crainte. || Mouvement de crainte. || Pâlir de crainte. || Frémir, tressaillir, tressauter, trembler de crainte. || Abjurer, éloigner toute crainte. || Une crainte mystérieuse, superstitieuse. Pressentiment. — ☑ Loc. Soyez sans crainte (à ce sujet).N'ayez crainte : n'ayez pas peur. || N'ayez crainte il reviendra.Menace. || Vous me le paierez, n'ayez crainte !Apaiser (cit. 11), dissiper la crainte de qqn. || Obéir par crainte. || Approcher de qqch. avec crainte. Craintivement.(Une, des craintes). Sentiment d'appréhension à l'occasion d'une situation particulière. || Il faut dissiper ses craintes. || Il m'a ôté toutes mes craintes. || Cet événement confirme nos craintes.
1 L'espérance et la crainte sont inséparables, et il n'y a point de crainte sans espérance, ni d'espérance sans crainte.
La Rochefoucauld, Maximes, 515.
2 (…) Cette crainte maudite
M'empêche de dormir, sinon les yeux ouverts.
La Fontaine, Fables, II, 14.
3 Objection. — Ceux qui espèrent leur salut sont heureux en cela, mais ils ont pour contrepoids la crainte de l'enfer.
Pascal, Pensées, II, 239.
4 Comme nous passons plus notre vie dans l'espérance que dans la possession, nos espérances sont bien autrement multipliées que les craintes.
Montesquieu, Cahiers, p. 21.
4.1 Bien éloignée de soupçonner les desseins de ce monstre et d'imaginer qu'il devait y avoir pour moi, moins de sûreté avec lui, que dans l'infâme compagnie que je quittais, j'accepte tout sans crainte, comme sans répugnance; nous dînons, nous soupons ensemble.
Sade, Justine…, t. I, p. 62.
5 Enfin, ma belle amie, j'ai fait un pas en avant, mais un grand pas, et qui, s'il ne m'a pas conduit jusqu'au but, m'a fait connaître au moins que je suis dans la route, et a dissipé la crainte où j'étais de m'être égaré.
Choderlos de Laclos, les Liaisons dangereuses, I, XXI.
6 (…) elle ignorait la cause de ces jeunes désespoirs, alors que l'éveil ardent de son imagination et le travail mystérieux de sa chair la jetaient dans un trouble mêlé de désirs et de craintes.
France, le Lys rouge, I, p. 19.
6.1 (…) il est faux de croire que l'échelle des craintes correspond à celle des dangers qui les inspirent. On peut avoir peur de ne pas dormir et nullement d'un duel sérieux, d'un rat et pas d'un lion.
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 834.
7 (…) il était retenu par (…) l'appréhension superstitieuse, s'il formulait tout haut ses craintes, de leur conférer soudain une infrangible réalité.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 250.
Vx. || Prendre crainte : prendre peur. || Faire crainte à qqn, faire peur.
7.1 Dieu ! que vous m'avez fait crainte.
Bernanos, Un crime, Œ. roman., Pl., p. 727.
Crainte de qqn (éprouvée par qqn) pour qqn. || Les craintes du médecin pour son malade, d'une mère pour son enfant.La crainte de qqch., éprouvée à l'égard de qqch.
Loc. Vx. Crainte servile, produite par la peur du châtiment, et non par un sentiment moral.
2 Relig. || La crainte de Dieu. Respect, révérence, vénération.
8 La crainte de Yahweh (l'Éternel) est le commencement de la sagesse;
Les insensés méprisent la sagesse et l'instruction.
Bible (Crampon), Proverbes, I, 7.
9 Soumis avec respect à sa volonté sainte,
Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte.
Racine, Athalie, I, 1.
Dr. || Crainte révérencielle, inspirée par la révérence. || Éprouver une crainte révérencielle pour ses parents, pour un supérieur.
3 a Loc. prép. Dans la crainte de, crainte de (devant un n. de chose ou un inf.). || Dans la crainte de son départ. || Crainte d'accident. || Crainte de mourir. || Dans la crainte d'échouer.
10 Elle me fait renoncer à la délicatesse, à la finesse, à la politesse, crainte de donner dans ses tours de passe-passe, comme vous dites (…)
Mme de Sévigné, 636, 13 août 1677.
11 (…) les persécutés redoutaient de voir leurs amis, crainte de les compromettre; leurs amis n'osaient les visiter, crainte de leur attirer quelque accroissement de rigueur.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. IV, p. 299.
Par crainte de. || Il s'est enfui par crainte des représailles.
Sans crainte de. || Parlez sans crainte de nous choquer.Absolt.Parlez sans haine et sans crainte (formule juridique s'adressant à un témoin).
b Loc. conj. Dans la crainte que, de crainte que (suivi du subjonctif avec ne explétif). || Dans la crainte qu'il ne vienne. || De crainte qu'on ne vous entende. Craindre (2.).
12 (…) de crainte qu'on ne nous voye ensemble, retirons-nous d'ici (…)
Molière, le Médecin malgré lui, II, 5.
13 (…) Mme de Montespan est embarrassée entre les conséquences qui suivraient le retour des faveurs et le danger de n'en plus faire, crainte qu'on n'en cherche ailleurs.
Mme de Sévigné, 583, 30 sept. 1676.
Par crainte que. || Nous ne sommes pas allés voir ce film par crainte qu'il soit mauvais.
CONTR. Aspiration, assurance, audace, bravoure, courage, décision, désir, détermination, effronterie, espérance, hardiesse, intrépidité, mépris, résolution, souhait, témérité.
DÉR. Craintif.

Encyclopédie Universelle. 2012.