Akademik

damner

damner [ dane ] v. tr. <conjug. : 1>
Xe; lat. ecclés. damnare, en lat. class. « condamner »
1Condamner aux peines de l'enfer. « Dieu aurait-il fait le monde pour le damner ? » (Pascal).
2(Choses) Conduire à la damnation. Damner son âme. « Vous avez commis plus de meurtres qu'il n'en faudrait pour damner tous les saints du Paradis » (Jarry).
Fam. Faire damner qqn, le mettre dans une colère qui lui vaudrait d'être damné. ⇒ impatienter, tourmenter. Il ferait damner un saint.
Pronom. Se damner : faire en sorte d'être damné. — Fam. Se damner pour qqn, qqch. : être prêt à tout pour qqn, qqch. (cf. Vendre son âme au diable). Il se damnerait pour elle.
⊗ CONTR. Sauver.

damner verbe transitif (latin ecclésiastique damnare, condamner) En parlant de Dieu, condamner quelqu'un aux peines éternelles. ● damner (difficultés) verbe transitif (latin ecclésiastique damnare, condamner) Prononciation [&ph88;&ph85;&ph98;&ph89;], le m ne se prononce pas. De même pour damnation. Orthographe Attention au groupe -mn-. ● damner (expressions) verbe transitif (latin ecclésiastique damnare, condamner) Faire damner quelqu'un, l'exaspérer.

damner
v. tr.
d1./d RELIG Condamner aux peines de l'enfer.
d2./d Causer la damnation de.
|| Loc. fig., Fam. Faire damner qqn, le tracasser jusqu'à l'exaspérer.

⇒DAMNER, verbe trans.
A.— THÉOLOGIE
1. Emploi trans.
a) [Le suj. désigne Dieu ou un représentant de son pouvoir : une personne, un concept; l'obj. est une personne ou son attribut métaphysique : l'âme] Condamner aux peines de l'enfer; infliger le châtiment éternel. Nous sommes en enfer, ma petite, il n'y a jamais d'erreur et on ne damne jamais les gens pour rien (SARTRE, Huis clos, 1944, p. 133) :
1. On eut de la peine à croire que l'homme fût un être héréditairement pervers. Il devint difficile de maintenir dans sa barbarie le principe qui damnait les sages non chrétiens, les simples et ignorants, les enfants morts sans baptême.
MICHELET, Le Peuple, 1846, p. 225.
Dieu me damne! Locution interjective qui marque l'insistance et/ou l'étonnement, la surprise. Sans prétendre, Dieu me damne, au rôle de gendarme de lettres (PROUST, Sodome, 1922, p. 1050).
P. anal. [Le suj. est une pers.; l'obj. est une pers.] Torturer; tourmenter. Ne me damnez pas par la privation de votre visage! (CLAUDEL, Annonce, 1912, II, 3, p. 55).
b) Causer, provoquer le châtiment éternel. Insouciant d'une vie misérable, tu damnerais ton âme dans un dernier blasphème! (SUE, Myst. Paris, t. 1, 1842-43, p. 363).
Emploi abs. Je connaîtrais les caresses qui damnent... le charme des affections maudites... les férocités du plaisir (FLAUB., Tentation, 1856, p. 577).
P. hyperb. Faire damner un saint. Pierre avait beau se raisonner : le vieillard aurait fait damner un saint, avec ses rabâchages (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 27).
P. ext. Faire damner qqn. Impatienter, exaspérer, mettre quelqu'un dans une colère telle, qu'il encourt le châtiment éternel. Vous ferez damner votre bon maître et vous en répondrez devant Dieu (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 319).
2. Emploi pronom. réfl. S'attirer le châtiment éternel par une conduite, une morale :
2. On sait très bien que l'on se damne
Mais l'espoir d'aimer en chemin
Nous fait penser main dans la main
À ce qu'a prédit la tzigane
APOLLINAIRE, Alcools, La Tzigane, 1913, p. 99.
Se damner pour qqn. Se perdre par amour pour lui. On se damnerait pour elle... Mais où l'as-tu prise? — C'est la plus belle fille de Londres (BALZAC, Splend. et mis., 1844, p. 158).
B.— P. ext.
1. [Le suj. et l'obj. désignent une pers.] Réputer comme digne du châtiment éternel. Ils criaient, ils s'indignaient et damnaient tous les acquéreurs de biens nationaux (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 286).
2. [Le suj. désigne un animé, gén. une pers.; l'obj., un inanimé abstr.] Condamner. Anton. approuver :
3. [L'âne, aux hommes :]
Vous damnez la matière, indignés, affirmant
Que toute cette sève et que tout cet aimant
Finiront par s'user à force de débauche
...
HUGO, L'Âne, 1880, p. 325.
Rem. On rencontre ds la docum. l'adj. verbal damnant, ante. Qui damne. Elle se demandait si elle mourrait sans avoir connu toutes ces ivresses damnantes, sans s'être jetée une fois, une seule fois, tout entière, dans ce flot des voluptés parisiennes (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Aventure par., 1881, p. 762).
Prononc. et Orth. :[], (je me) damne []. M n'est pas prononcé dans le verbe et ses dér. : damnable, damnation, damneur, condamner, et dér. M n'est ici qu'une graph. étymol. Si, dans les mots pop. comme somnu > somme il y eut, vers le Xe s., une assimilation progressive de m sur n en mm > m, dans des mots savants comme damner il y eut, au contraire, et sans doute plus tôt, puisqu'on rencontre déjà danno ds VÄÄN. 1967, p. 255 (fin du IIIe s.), assimilation régressive de n sur m en nn > n. Noter que ce n'est que dans columna > colonne que m étymol. n'a pas été conservé (cf. BUBEN 1935, § 116). La majorité des dict. transcrit [] post. Seuls, Pt Lar. 1968 et Lar. Lang. fr. transcrivent [a] ant. Comparez la transcr. en [] post. de damner avec d'une part celle en [] ou [a] ant. dans les dér. pour lesquels cette syll. est éloignée de l'accent (damnation, damnablement) avec d'autre part celle en [] ou [a] ant. dans le composé condamner et ses dér. [] post. est le résultat de la dénasalisation d'une anc. nasale, cf. G. STRAKA, Syst. des voyelles du fr. mod., Strasbourg, Inst. de Phonét., 1950, p. 21. Enq. : (il se) damne/dan, (D)/. Le verbe est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Xe s. (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 456); 1172-74 réfl. (G. DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, 691 ds T.-L.); ca 1160 subst. dampné (Enéas, éd. Salverda de Grave, 2760); 1465 p. ext. « digne de la plus violente réprobation » (Lettres de L. XI, II, 257 ds GDF. Compl.). Empr. au lat. chrét. damnare « réprouver, condamner (en parlant de Dieu) » (lat. class. damnare « déclarer coupable, condamner en justice ») d'où l'a. fr. damner « condamner » (mil. XIe s., Epitre de St Etienne, 6 d ds T.-L.). Fréq. abs. littér. : 184. Bbg. GOTTSCH. Redens. 1930, p. 111. — QUEM. 2e s. t. 2 1971 (s.v. damnant); t. 4 1972 (s.v. damnant).

damner [dane] v. tr.
ÉTYM. Xe; lat. ecclés. damnare, en lat. class. « condamner », de damnum. → Dam.
1 Condamner aux peines de l'enfer. || Se faire damner.Loc. interj. Dieu me damne ! (si ce que je dis n'est pas vrai).
1 Ahi, ahi, ahi, doucement ! Dieu me damne, Mesdames, c'est fort mal en user (…)
Molière, les Précieuses ridicules, IX.
2 Mon Dieu ! que ce sont de sots discours : Dieu aurait-il fait le monde pour le damner ?
Pascal, Pensées, VI, 390.
3 (…) qu'y-a-t-il de plus contraire aux règles de notre misérable justice que de damner éternellement un enfant incapable de volonté, pour un péché où il paraît avoir si peu de part, qu'il est commis six mille ans avant qu'il fût en être ?
Pascal, Pensées, VII, 434.
2 (Sujet n. d'action). Conduire à la damnation. || Damner son âme. Perdre (son âme).Intrans. || Péché qui damne.
4 Les plaisirs innocents le deviennent bien (péchés mortels) par l'excès de l'attachement (…) et seuls ils ont pu damner le mauvais riche pour avoir été trop goûtés (…)
Bossuet, Oraison funèbre de Marie-Thérèse d'Autriche.
5 C'est un sexe engendré pour damner tout le monde (les femmes).
Molière, l'École des maris, III, 9.
6 (…) vous avez commis plus de meurtres qu'il n'en faudrait pour damner tous les saints du Paradis.
A. Jarry, Ubu roi, III, 5.
Loc. Faire damner qqn., le mettre dans une colère qui lui vaudrait d'être damné. Impatienter, tourmenter.Il ferait damner un saint.
7 Elles (les femmes) ont un répertoire de malices couvertes de bonhomie, plaquées de bienveillance à faire damner un saint, à rendre un singe sérieux et à donner froid à un démon.
Balzac, Petites misères de la vie conjugale, Pl., t. X, p. 917.
3 Déclarer (qqn) digne de la damnation.
8 Le vrai croyant, sachant que l'infidèle est aussi un homme, et peut-être un honnête homme, peut sans crime s'intéresser à son sort. Qu'il empêche un culte étranger de s'introduire dans son pays, cela est juste; mais qu'il ne damne pas pour cela ceux qui ne pensent pas comme lui (…)
Rousseau, Lettre à M. de Beaumont.
——————
se damner v. pron.
Faire en sorte d'être damné. Perdre (se). || Vous vous damnez. Par ext. || Se damner pour qqn, qqch. || Il se damnerait pour elle.
9 (…) voudraient-ils renoncer à leur conscience et se damner par ces calomnies ?
Pascal, les Provinciales, 15.
10 On l'autorise (le pénitent) dans son erreur, on l'entretient dans son libertinage, on le damne et on se damne avec lui (…)
Bourdaloue, Carême. Sur les tentations, in Littré.
——————
damnant, ante p. prés. et adj.
(1666, Furetière, Roman bourgeois, in D. D. L.). Rare. Qui fait damner.
10.1 (…) et je ne voulais pas renoncer, si je ne pouvais avoir que cela, à la possibilité de retrouver la main ou le pied de cette damnante Alberte qui, après ce qu'elle avait osé, restait toujours la grande Mademoiselle Impassible.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le Rideau cramoisi ».
——————
damné, ée p. p. adj. et n.
1 (Attribut ou après le nom). Condamné aux peines de l'enfer.
11 (…) les fidèles ainsi plongés dans le crime seraient damnés s'ils mouraient alors (…)
Bossuet, Hist. des Variations, XIV, 60.
12 (…) tous damnés depuis qu'ils ne croyaient plus au diable.
Zola, la Terre, II, p. 60.
13 (…) le Tasse, ce malheureux homme, qui mêlait étrangement la dévotion au plaisir, qui se torturait de terreurs religieuses, et dont la folie consistait à se croire damné, à aller se dénoncer aux inquisiteurs (…)
R. Rolland, Musiciens d'autrefois, (notes) p. 42.
Loc. Être l'âme damnée de qqn. : lui être dévoué jusqu'à encourir au besoin la damnation pour lui.
14 Mais dites un peu à votre âme damnée, à ce M. Rafle, qu'il me traite plus humainement la première fois que j'aurai besoin de lui.
A. R. Lesage, Turcaret, III, 4.
15 Ils (les Chavigny) devinrent les instruments de l'abbé Dubois puis ses confidents et ce que, en langage commun, on appellerait ses âmes damnées.
Saint-Simon, Mémoires, in Littré.
N. (1160). || Les damnés. Réprouvé. || Le supplice des damnés. Dam, feu. || Le lieu où souffriront les damnés après la résurrection des corps ou Séjour des damnés. Enfer.Souffrir comme un damné : souffrir d'une manière abominable.
16 Je souffre en damné.
Molière, l'École des femmes, II, 5.
17 Ce sera une des confusions des damnés, de voir qu'ils seront condamnés par leur propre raison, par laquelle ils ont prétendu condamner la religion chrétienne.
Pascal, Pensées, VIII, 563.
18 Jette un cri vers le ciel, ô chantre des enfers !
Le ciel même aux damnés enviera tes concerts.
Lamartine, Premières méditations, II, l'Homme, « À Lord Byron ».
19 (…) à quel supplice de damné je suis livré sans relâche depuis trois ou quatre heures du matin jusqu'au jour !
Sainte-Beuve, Correspondance, I, p. 210.
Fig. Un damné de la civilisation (→ Paria, cit. 3), de la terre : personne qui se trouve réduite à des conditions d'existence intolérables, rejetée de la société. || Debout, les damnés de la terre ! (paroles de l'Internationale).
2 Adj. (avant le nom). Fam. Qui cause de l'humeur (obstacle, désagrément). Maudit, sacré, sale. || L'affaire a échoué à cause de cette damnée histoire, de ce damné X… || J'en ai assez de ce damné travail.
20 Je ne vois ni ciel ni terre, et je crains que cet enfant-là ne prenne la fièvre si nous restons dans ce damné brouillard (…)
G. Sand, la Mare au diable, VII, p. 62.
21 (…) c'est l'enfer que des hommes avaient établi dans ce coin du monde, avec leur damnée politique.
J. Green, Journal 1958-1967, 7 sept. 1959, Vers l'invisible, p. 145.
DÉR. et COMP. Damnable.

Encyclopédie Universelle. 2012.