CHRISTIANISME
Parmi les titres identificateurs que s’était attribués Jésus de Nazareth, c’est celui de 立福晴靖精礼﨟 qui a été retenu pour désigner (vers 44, à Antioche) ses disciples: il signifie l’Oint, le Messie (en hébreu maschiah ). Sur ce titre seront formés les termes grec 﨑福晴靖精晴見益晴靖猪礼﨟, latin christianismus et, au XIIIe siècle, français christianisme , qui désignent le mouvement, la doctrine et l’institution religieux qui se réclament de Jésus-Christ.
Le christianisme est né au sein du judaïsme. C’est parmi les nombreuses sectes messianiques qui se développaient dans le monde juif, au début de notre ère, que s’opéra le regroupement des disciples de Jésus de Nazareth dans la continuité de la secte des disciples de Jean-Baptiste. Contestée par les pharisiens, rejetée par les saducéens, la communauté des chrétiens fut acceptée au sein du judaïsme jusqu’aux environs de l’an 65, date à laquelle se consomma une rupture inévitable. En effet, les disciples de Jésus avaient, dès le début, manifesté, de multiples façons, qu’ils se considéraient comme accomplissant et dépassant le judaïsme. Leur messie était bien celui qu’avaient annoncé les prophètes d’Israël, mais il ne s’identifiait pas à l’image que s’en faisait le judaïsme contemporain: cela, ils le savaient et le disaient, dès les origines de la communauté.
La secte des chrétiens n’avait d’ailleurs pas attendu d’être rejetée du judaïsme pour se répandre dans le monde païen. Dès 61, elle était à Rome. Le monde romain devait finalement, après les persécutions impériales, ouvrir au christianisme toutes ses régions. Du monde romain le christianisme passe aux Barbares et s’étend surtout en Occident. Dès le Moyen Âge, il est établi chez les Slaves. S’il recule dans les régions conquises par l’islam, il ne cesse d’envoyer des missionnaires au loin, à partir de la chrétienté occidentale: au XVIe siècle, vers l’Asie et vers l’Amérique latine, au XVIIe siècle vers les deux Amériques, et vers l’Afrique au XIXe siècle.
La secte née dans le judaïsme est devenue la religion la plus universelle qu’on ait jamais connue. Qu’on attribue pour une part cette expansion aux chances historiques qu’ont données au christianisme l’Empire romain d’abord, puis la civilisation occidentale n’empêche pas de lui reconnaître un universalisme de principe qu’il s’est attribué dès l’origine. Cet universalisme explique l’importance que revêt le christianisme, du seul point de vue de son influence dans les domaines de la culture, de la vie sociale et politique, de l’éthique. Qu’on le veuille ou non, et quelque jugement critique que l’on porte sur ce fait, le christianisme est indissociable de l’histoire d’une grande partie de l’humanité, l’Asie mise à part.
Qu’en sera-t-il à l’avenir de cette universalité? Deux faits semblent l’hypothéquer: la mise en cause de l’influence occidentale dans le monde et la présente mutation culturelle qui entraîne une mutation religieuse. Les chrétiens y voient une épreuve historique qu’il ne faudrait point se hâter d’interpréter comme un déclin du christianisme. Le phénomène qui l’affecte est, à coup sûr, plus complexe. Aucune autre religion ne semble, en tout cas, apte à prendre sa relève dans l’humanité contemporaine.
1. Le christianisme dans le monde
Le signe d’appartenance chrétienne étant le baptême, c’est généralement sur lui que s’appuient les statistiques qui suivent. C’est pourquoi elles n’incluront pas les innombrables sectes qui se réclament plus ou moins du Christ et des Écritures, et dont il est impossible d’apprécier le nombre d’adhérents. Le fait d’être baptisé, généralement dès l’enfance, ne signifie évidemment pas une fidélité véritable au Christ conduisant à un engagement personnel dans les communautés qui se réclament de lui.
On ne dispose pas de statistiques permettant de distinguer les chrétiens convaincus de ceux qu’on appelle les chrétiens «sociologiques». Cependant, selon les statistiques fournies par le Year Book de 1991 de l’Encyclopædia Britannica (D. B. Barrett), on peut estimer le nombre des chrétiens dans le monde à 1 758 millions, soit à peu près le tiers de la population du globe. Il s’agit donc du groupe religieux le plus important de l’humanité, en regard duquel on dénombre 935 millions de musulmans, 705 millions d’hindouistes, 303 millions de bouddhistes et 17 millions de juifs. Cette population chrétienne mondiale comprend 995 millions de catholiques, 363 millions de protestants et 167 millions d’orthodoxes (approximativement, car le nombre des orthodoxes en ex-U.R.S.S. est incertain).
Si l’on s’en tient aux grandes confessions (catholique, protestante, orthodoxe), la répartition mondiale s’établit ainsi:
Amérique du Nord. 235 500 000
Amérique latine. 419 078 000
Europe (dont l’ex-U.R.S.S.). 518 800 000
Asie. 252 800 000
Afrique. 310 600 000
Océanie. 22 000 000
Les deux extrêmes sont tenus par l’Europe et par l’Asie. Les 253 millions de chrétiens d’Asie, parmi lesquels 119 millions de catholiques et 78 millions de protestants, vivent dans un continent qui compte plus de trois milliards d’habitants.
En Europe occidentale, le catholicisme domine dans les pays latins; le protestantisme est majoritaire en Scandinavie, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Suisse et aux Pays-Bas; tandis que l’orthodoxie est implantée principalement en Grèce, à Chypre, en Turquie et en Finlande (les groupes les plus importants se trouvant dans l’Europe sud-orientale et l’ex-U.R.S.S.).
À moyen terme et à long terme, le christianisme est appelé à décroître dans le monde, son augmentation absolue n’étant pas en proportion du développement démographique des régions majoritairement non chrétiennes.
2. La révélation chrétienne
Aux yeux des historiens romains dont le témoignage est parvenu jusqu’à nous (Suétone, Tacite, Pline le Jeune), le christianisme apparaissait comme une des nombreuses religions venues des confins de l’Empire et dont Jésus de Nazareth, dit Christ, était le fondateur. Ainsi apparaît encore le christianisme au regard des sciences humaines de la religion: une religion parmi d’autres, quoique spécifique à bien des égards. Tel n’est pas le point de vue des chrétiens eux-mêmes, qu’il importe d’accueillir si l’on veut soupçonner ce que le christianisme prétend être: la révélation absolue, universelle, de Dieu à l’humanité.
Révélation et Évangile
Un grand nombre de religions s’affirment d’origine divine et appuient cette affirmation sur une révélation reçue par des hommes privilégiés. Pour les chrétiens, Jésus fut, dès le départ, beaucoup plus qu’un intermédiaire divin, chargé d’un message et prenant, en vertu de ce message, l’initiative d’une nouvelle fondation religieuse. Jésus ne veut entretenir aucune continuité avec les religions du paganisme. S’il se présente comme l’accomplissement de la religion juive, c’est que celle-ci prétendait déjà être dépositaire de l’unique et ultime initiative de Dieu venant insérer dans l’histoire humaine ses intentions dernières de Créateur. Mais l’accomplissement en question se fait par dépassement et réduit le judaïsme à une préparation.
Révélation au sens le plus fort, le christianisme reconnaît, en Jésus, Dieu lui-même entrant dans l’histoire, manifestant sa décision dernière en faveur des hommes, prenant en main la cause du monde qu’il a créé, dévoilant qui il est, devenant essentiel pour tout projet humain. Et cela par un événement unique, indépassable, irréversible, coïncidant avec les événements de l’histoire de Jésus de Nazareth. En sorte que l’importance de Jésus ne tient pas d’abord à son enseignement religieux, mais à sa personne, porteuse de l’absolu divin dans l’histoire de l’humanité où il fait éclore le sens dernier, la conscience de l’ultime identité. L’épithète «eschatologique», centrale dans le vocabulaire chrétien, désigne cette plénitude divine du fait de Jésus dans l’histoire, ainsi que les titres de Seigneur, Fils de Dieu, Messie, Sauveur, Juge des vivants et des morts, attribués à Jésus.
Il est significatif que la révélation chrétienne se soit appelée «évangile». Ce terme ne fait pas partie du vocabulaire des religions; il a été emprunté au vocabulaire du protocole de la cour impériale où il désignait les événements royaux (victoire, naissance, avènement) auxquels s’accrochait l’espérance politique des peuples. «Heureuse nouvelle» (qui traduit «évangile»), la révélation de Jésus-Christ l’était, qui manifestait une venue bienveillante de Dieu parmi les hommes, un salut et une convocation de ce Dieu adressés à tous, une lumière sur les origines et sur le terme, une source de renouvellement du projet humain. L’Évangile n’était pas seulement religion, ni doctrine métaphysique, ni éthique, mais tout cela ensemble, par la réinterprétation totale qu’il apportait et qui était incorporée à l’événement de Jésus-Christ.
Il y a lieu de s’étonner que les premiers disciples de Jésus de Nazareth, et particulièrement les Apôtres appelés par lui, qui devaient former le noyau de la communauté chrétienne, aient cru en lui de façon si inconditionnelle. Leur passé juif les y portait, il est vrai, mais non sans faire lever dans leur esprit de graves objections. Eux-mêmes répondent à cette interrogation dans les récits évangéliques: il a fallu la résurrection à l’aube du 9 avril de l’an 30 à Jérusalem, il a fallu l’expérience de l’Esprit promis par Jésus à la Pentecôte qui suivit pour les assurer dans leur foi et en faire des témoins, fondateurs avec Jésus du mouvement chrétien. Les essais d’explication par le fanatisme créateur de croyances qui aurait amené les Apôtres, et notamment Paul, à diviniser Jésus après sa mort sur la croix ne rendent pas compte de ce qui devait suivre, ni de la cohérence des origines du christianisme. Toujours est-il que les Apôtres de Jésus ont bien perçu que la nouveauté de l’Évangile chrétien avait comme centre l’identité proprement divine de Jésus et le signe indubitable de la résurrection de Pâques. Paul dira, vers 57: «Je vous rappelle, frères, l’Évangile que je vous ai annoncé [...] je vous ai donc transmis que le Christ est ressuscité, qu’il est apparu à Céphas, puis aux douze. Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois – la plupart d’entre eux vivent encore. Voilà ce que vous avez cru [...] Si le Christ n’est pas ressuscité, vide est notre annonce, vide est votre foi» (Première Lettre aux chrétiens de Corinthe, chap. XV).
L’entrée en christianisme
C’est dans la mouvance des événements de Pâques et de Pentecôte et du témoignage des Apôtres que devait s’opérer le premier regroupement des chrétiens. On devenait chrétien d’abord par une conversion à la personne de Jésus identifié comme Seigneur, le rite du baptême venant sanctionner cette conversion. En se convertissant, les croyants avaient conscience d’entrer dans l’espace final de l’histoire du monde, les temps messianiques, d’accéder à un renouvellement d’existence, d’entrer dans le salut, d’accueillir la vérité dernière sur la condition humaine: parce qu’il y avait eu l’intervention décisive de Dieu en Jésus-Christ. En se regroupant, ils n’entendaient point se couper des autres hommes, mais témoigner qu’ils avaient reconnu l’Évangile destiné à tous les hommes, le salut d’un Dieu qui était Père et Sauveur de tous. Ce n’était pas tant une nouvelle religion qui naissait qu’un vaste mouvement prophétique, lequel se voulait porteur et révélateur des intentions dernières de Dieu dans le monde. «Ce qu’est l’âme dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde», dira un auteur chrétien du IIe siècle.
Il semble bien que les premières communautés chrétiennes aient possédé une conscience très vive de l’originalité de l’Évangile. Les incompréhensions venant du monde culturel et religieux du judaïsme comme du paganisme le manifestent. Si l’on essaye de dégager les traits constitutifs de cette originalité, on est amené à insister sur les aspects suivants.
Nouveauté du côté de Dieu : Dieu n’est pas qui l’on pensait. Sa puissance est d’amour, non de terreur ni de domination. Il est le Dieu très humain, qui s’adresse à la liberté et au projet de l’homme. Il est le Dieu qui fait l’histoire avec l’homme au point de lui proposer un avenir absolu. Il est le Dieu qui pardonne le péché, mais qui veut être choisi, qui appelle à sa communion. Il est le Dieu de tous et non plus d’une clientèle choisie, ni d’une nation. Comme le fait remarquer Bergson: «À une religion qui était encore essentiellement nationale on substitua une religion capable de devenir universelle. À un Dieu qui tranchait sans doute sur tous les autres (dans le judaïsme) par sa justice en même temps que par sa puissance, mais dont la puissance s’exerçait en faveur de son peuple et dont la justice concernait avant tout ses sujets, succéda un Dieu d’amour et qui aimait l’humanité entière» (Les Deux Sources de la morale et de la religion ).
La prière chrétienne traduit cette nouveauté du rapport de dépendance avec Dieu, filial, dynamique et englobant, à la différence de toute prière magique ou mercantile, à la différence aussi d’une prière d’écrasement ou de fatalité. Sa formule type vient de Jésus lui-même: «Notre Père qui es aux cieux, ton nom soit sanctifié, ton règne vienne, ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel! Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien, pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés! Ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal.»
Nouveauté du côté de l’homme : l’homme n’est pas seulement l’assisté ou le sujet de la divinité, mais le collaborateur et le fils. Il est appelé à imiter Dieu par l’amour de la vie, de ses frères, de la cause de l’humanité entière. Il est appelé au dépassement de la sainteté et à la vie éternelle: car il est fait pour rejoindre l’espace vital de Dieu lui-même. Sa faiblesse n’est plus accablante, car il est aimé de Dieu qui met en lui son espérance et partage son projet.
La morale chrétienne dépasse le légalisme. Elle est morale d’inspiration et transfert de la vie du Christ dans le croyant. On parlerait plutôt d’une mystique que d’une morale, tant s’y trouvent réinterprétées et prolongées les exigences d’accomplissement véritable de l’homme. L’amour des ennemis, le courage de la vérité, le désintéressement, la responsabilité de l’existence, la hiérarchie des valeurs, le combat pour la liberté, la volonté de paix entre les hommes y prennent une place centrale, en contraste avec les mœurs du temps. On attribue à l’Esprit du Christ vivant d’être le pédagogue de l’existence chrétienne.
Nouveauté du côté de la religion : la religion n’est plus commerce particulier avec la divinité, au prix de techniques dites religieuses. Jésus est le seul médiateur toujours agissant entre Dieu et les hommes; il dispense les hommes d’inventer leurs voies d’accès à Dieu, les libérant de la superstition, du mythe, de l’ésotérisme. C’est toute l’existence humaine qu’il faut accorder à l’action et aux intentions éclairées de Dieu, car la distinction entre monde sacré et monde profane a éclaté avec Jésus-Christ.
Sans doute le christianisme aura-t-il son culte propre et ses rites religieux, mais, en dépit des apparences, ils ne prendront pas la relève de l’héritage des religions. Ils seront chrétiens au sens le plus strict: célébrations de l’événement de Jésus-Christ; signes du propos d’existence évangélique de la communauté; contacts avec le Christ, source des énergies du monde à venir. Il est remarquable que les premiers chrétiens ont veillé à donner un sens spécifique au vocabulaire religieux: culte, sacrifice, sacerdoce, mystère, afin d’éviter toute confusion et de couper les ailes au syncrétisme.
Plus profondément sans doute, la nouveauté de l’Évangile chrétien tient à ce que l’aspect religieux y est indissociable de l’aspect éthique et politique. Il n’y a plus de relation avec Dieu qui n’implique un engagement inséré dans l’humain, une conduite orientée dans l’existence personnelle et sociale. L’histoire du christianisme donnera maintes preuves de la difficulté des croyants à vivre cette unité: tantôt on croira devoir renforcer l’aspect religieux de l’Évangile au détriment de son exigence anthropologique; tantôt on insistera de façon unilatérale sur cette exigence, au point de réduire le christianisme à une idéologie révolutionnaire ou à une morale, en évacuant la dimension religieuse. Jean-Jacques Rousseau passait certainement à côté de l’Évangile lorsqu’il avançait: «Le christianisme est une religion toute spirituelle, occupée uniquement des choses du ciel; la patrie du chrétien n’est pas de ce monde... Pourvu qu’il n’ait rien à se reprocher, peu importe au chrétien que tout aille bien ou mal ici-bas» (Du contrat social , IV).
On comprend facilement que l’Évangile dont étaient porteurs les premiers chrétiens ait suscité l’étonnement, divisé les esprits, forcé l’attention dans les diverses régions culturelles et religieuses où il pénétrait.
3. La doctrine chrétienne
S’il est exact que la révélation chrétienne prend la forme d’un événement et d’un évangile, et non point la forme d’une révélation de croyances, comment expliquer l’attachement manifesté par le christianisme pour une doctrine précise, ses combats pour l’orthodoxie?
De l’Évangile aux évangiles
Avant même de répondre à cette question, et pour préparer la réponse, il faut situer les premières expressions de la foi chrétienne regroupées dans les Écritures du Nouveau Testament.
Le christianisme n’est point une religion du livre sacré. Jésus n’a point écrit; il n’y a point incité ses Apôtres, même s’ils se sont comme lui abondamment appuyés sur les livres de l’Ancien Testament. La première génération chrétienne n’eut point ses écrits propres. C’est seulement entre 70 et 95 que furent rédigés les récits évangéliques, précédés par les lettres de Paul (entre 56 et 63). On rapporte même que l’apôtre Pierre se fit beaucoup prier pour autoriser la rédaction de sa prédication par l’évangéliste Marc. Finalement, quatre récits furent reconnus comme authentiques dans la communauté chrétienne: celui de Matthieu, celui de Marc, celui de Luc et celui de Jean.
En rédigeant la première catéchèse chrétienne, telle qu’elle circulait dans les diverses communautés, les auteurs ont voulu doter ces communautés de leurs archives évangéliques pour servir de catéchismes et de livres liturgiques, afin de fixer de façon stable la mémoire des origines. Leur réalisation est significative: ils ont rapporté l’événement de Jésus-Christ d’une façon qui mêle l’histoire et la doctrine, mais sans en réduire la dimension narrative, importante à leurs yeux, étant donné la nature propre de la révélation chrétienne. Ainsi commence le récit de Luc, adressé à un frère chrétien: «Puisque beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, j’ai décidé, moi aussi, après m’être soigneusement informé de tout depuis les origines, d’en écrire pour toi l’exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as reçus.»
Mais cela ne signifie pas que les évangélistes ne fassent point œuvre doctrinale. Les récits témoignent déjà d’une réflexion de la foi sur l’événement de Jésus, d’une élaboration de l’enseignement du Maître, d’un effort pour dégager les implications et significations de l’Évangile global. Ce que feront davantage le livre des Actes des Apôtres (61) et les lettres apostoliques de Paul, de Pierre, de Jacques, de Jean et de Jude. Que cela demeure à l’état présystématique ne doit pas tromper: la lecture des faits concernant Jésus est lecture de la Parole de Dieu et doit susciter une confession de foi précise.
La relativisation de l’écrit chrétien n’empêche pas que, concrètement, c’est à travers lui que le christianisme ultérieur rejoindra son témoignage d’origine et entendra la voix des témoins oculaires du Ressuscité.
Des évangiles aux dogmes
Les récits évangéliques ne suffiront pas néanmoins à l’Église chrétienne lorsque la nécessité se fera sentir de posséder des formulations plus précises et plus réflexives de sa foi. La méditation théologique, les besoins de l’enseignement, les discussions soulevées par l’hérésie seront l’occasion de dégager un corps de doctrines. Les quatre premiers conciles (Nicée en 325, Constantinople en 381, Éphèse en 431, Chalcédoine en 451), qui font toujours autorité pour l’ensemble des Églises chrétiennes, poseront la base de ce développement.
Des «règles de foi» seront le plus souvent proposées par ces conciles, dans une intention de précision, parfois polémique, afin d’informer les fidèles et de leur proposer la doctrine dans un langage culturellement adapté. Les chrétiens ont conservé jusqu’à nos jours une règle de foi, antérieure aux grands conciles puisqu’elle date du IIIe siècle, appelée abusivement «symbole des Apôtres», qu’il faut citer ici: «Je crois en Dieu, Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie; a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort, a été enseveli, est descendu aux enfers; le troisième jour est ressuscité des morts, est monté aux cieux; il siège à la droite de Dieu, Père tout-puissant, d’où il viendra juger les vivants et les morts. Je crois au Saint-Esprit, à la sainte Église catholique, à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair et à la vie éternelle.» Cet ancien symbole ne constitue pas un résumé complet de la doctrine chrétienne, mais en constitue l’essentiel, puisqu’on le remettait au catéchumène, futur baptisé, comme aide-mémoire pour sa confession de foi.
Les dogmes chrétiens
On pourrait croire que les dogmes chrétiens constituent comme une superstructure de croyances par rapport à l’Évangile et même par rapport aux récits évangéliques. Le magistère ecclésiastique qui les a élaborés a cependant toujours protesté contre cette interprétation, quoi qu’il en soit de l’usage qui en fut fait parfois parmi les chrétiens. Dans l’intention du magistère, ils constituent plutôt le résultat d’une exploration intellectuelle de l’Évangile primitif, l’expression de la fécondité de la conscience croyante; ils n’ont de signification qu’en référence avec l’existence chrétienne, dans laquelle ils s’enracinent et qu’ils veulent éclairer. Tous n’ont pas la même importance, n’étant pas également centraux par rapport à la personne de Jésus-Christ et à son événement. Et d’ailleurs, toutes les Églises chrétiennes ne seront pas d’accord, dans la suite des siècles, pour les reconnaître et les formuler de la même manière. C’est à propos des dogmes dérivés que souvent des différends graves s’élèveront, d’une communauté à l’autre, provoquant des ruptures: ainsi entre les chrétiens catholiques, les chrétiens orthodoxes et les chrétiens protestants.
Il ne peut s’agir ici de présenter la totalité de la doctrine chrétienne, d’autant qu’il faudrait alors tenir compte des diverses confessions. Une esquisse est pourtant nécessaire si l’on veut pénétrer plus avant dans le christianisme.
C’est la doctrine concernant le Christ qui, évidemment, s’impose d’abord. Sa pleine condition divine et sa pleine condition humaine, sans concurrence, mais en communion l’une avec l’autre: telle est la doctrine de l’Incarnation. Si Jésus-Christ compromet Dieu dans l’humain en même temps qu’il représente l’humanité devant Dieu, c’est à sa double condition qu’il le doit. S’il n’était que Dieu et qu’apparemment homme (monophysisme), ou bien s’il n’était qu’homme orienté vers la sphère divine, mais pas vraiment Dieu (nestorianisme), l’événement de Pâques n’aurait pas son importance salvatrice.
Mais qu’est-ce donc que ce salut réalisé par Jésus-Christ à travers sa mort – témoignage offert à Dieu – et sa résurrection? On en réduirait considérablement la signification en le réduisant à une amnistie du péché de l’homme, compte tenu du sacrifice d’apaisement offert à Dieu. Il s’agit plutôt d’une ouverture libératrice vers un accomplissement de l’homme et du monde selon le dessein de l’amour créateur, et impliquant pour cela que soit vaincue l’opacité des rapports entre Dieu et l’homme.
Le mystère de Jésus-Christ, ainsi mis au centre, ouvre la foi chrétienne à une nouvelle identité de Dieu. Car, sans rompre aucunement avec le farouche monothéisme juif, il laisse entrevoir que ce monothéisme se structure en une communauté d’existence divine: le Père, le Fils, le Saint-Esprit, trois personnes divines (et non pas trois dieux), engagées dans l’histoire du salut des hommes selon une succession qui les fait identifier: le Père créateur, le Fils sauveur, l’Esprit animateur. Il ne s’agit pas là d’une suprême énigme au chiffre magique, mais d’une découverte vivante du Dieu-Amour, dont la richesse existentielle échappe aux prises.
Mais c’est l’homme qui, à son tour, se trouve nouvellement identifié. Comme le disait Pascal: «Nous ne nous connaissons nous-mêmes que par Jésus-Christ. Nous ne connaissons la vie, la mort que par Jésus-Christ. Hors de Jésus-Christ nous ne savons ni ce qu’est notre vie, ni que notre mort, ni que Dieu, ni que nous-mêmes» (Pensées , Br. 548). Appelé à choisir Dieu comme partenaire absolu, bénéficiaire des énergies divines à la suite du Christ, l’homme est destiné à une aventure éternelle qui commence dans le temps. Car la dimension divine de la vocation de l’homme donne un sérieux sans précédent à la liberté, au projet humain, à la gérance du monde, au mouvement de la communauté humaine. La lutte contre le mal et l’instauration d’une dynamique d’amour constituent une logique pour l’homme de l’Évangile.
Quant à l’avenir éternel auquel Jésus-Christ introduit l’homme, la doctrine chrétienne authentique est ferme et sobre tout à la fois. Il s’agit d’une recomposition du monde et de l’histoire de chaque homme dans un espace divin, à la suite du Christ ressuscité: le Royaume de Dieu accompli. L’imagination apocalyptique est ici redoutable lorsqu’on la prend à la lettre; notamment pour cette situation d’échec absolu qui s’appelle l’enfer.
Tandis que se tisse, à travers l’histoire présente, l’étoffe du monde à venir, les chrétiens sont convoqués pour se constituer en Église, l’Assemblée du Christ. C’est au sein de cette assemblée que l’Esprit du Christ accomplit son œuvre de développement et d’inspiration évangéliques. C’est là aussi que les chrétiens confessent leur foi au Christ Seigneur et s’approprient les réalités dont s’entretient leur foi.
Telle est la doctrine essentielle du christianisme. Il faut reconnaître que diverses interprétations théologiques en sont parfois données dans la tradition chrétienne, selon les spiritualités, les systèmes de pensée, les précompréhensions culturelles ou religieuses. Il ne semble pas que cette diversité mette en cause l’unité du christianisme. Autre chose est, à cet égard, la contestation introduite sur certains points de doctrine (la Vierge Marie, l’Église-institution, les sacrements) par les chrétiens de la Réforme, considérée par les chrétiens catholiques et orthodoxes comme illégitime et portant atteinte à l’unité de la foi.
4. L’institution chrétienne
Certaines présentations du christianisme laissent penser que son aspect institutionnel, son organisation sociétaire seraient des réalités tard venues et comme des retombées d’un pur mouvement «charismatique». Tout en reconnaissant que l’aspect institutionnel n’est pas premier dans le mouvement né de l’Évangile chrétien, une telle façon de voir n’est pas conforme aux données du Nouveau Testament, où l’on voit se profiler déjà l’image d’une communauté assez précisément instituée.
Une communauté instituée
«Ils [les croyants] se montraient assidus à l’enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières»: ainsi se présente la première communauté chrétienne (Actes des Apôtres, II, 42).
Les Apôtres représentent l’autorité pastorale dont Jésus a voulu doter l’assemblée de ses fidèles. Ils exercent, en son nom, et comme un service, cette autorité. Ils ont mission et pouvoir pour annoncer l’Évangile, célébrer le culte nouveau, remettre les péchés, présider dans la charité fraternelle à la vie de la communauté. À la suite des Apôtres, les évêques exerceront les mêmes responsabilités, aidés dans leur charge pastorale par les prêtres: c’est ainsi du moins que les catholiques et les orthodoxes, à la différence de la plupart des protestants, l’entendent. Mais il faut sans doute insister sur la différence qui existe entre les ministres chrétiens et le personnel sacerdotal des religions et du judaïsme, même si, à l’imitation de ces derniers, les évêques et les prêtres ont eu souvent tendance à se constituer en caste cléricale. Le ministre chrétien n’a pas de pouvoir magique: il n’est pas le gardien des rites; il n’est pas l’homme du sacré, par opposition au profane. Il est l’homme spécialisé et permanent de la cause de l’Évangile autour de qui s’assemble la communauté, le garant officiel de la continuité de la foi.
La structure pastorale (qu’on appelle parfois hiérarchique) de la communauté chrétienne n’empêche pas les membres de l’assemblée d’être actifs et d’exercer des ministères selon leur vocation propre et selon les besoins. Il arrivera que l’autorité doive arbitrer des conflits lorsque l’anarchie menace l’unité, mais elle doit veiller à ne pas éteindre l’Esprit sous le prétexte d’imposer l’ordre. C’est pour empêcher ce risque d’anarchie et pour éviter aussi l’arbitraire possible de l’autorité que s’est développée avec le temps une certaine législation «canonique» dans les Églises chrétiennes, codifiant des coutumes, des règles de comportement et de procédure.
Conjointement à la structure pastorale et articulée sur elle, il faut également signaler, comme faisant partie de l’institution essentielle de la communauté chrétienne, la structure sacramentelle. Dès les origines, et par une volonté expresse de Jésus, la communauté célébra le baptême comme sacrement d’entrée en christianisme, et l’eucharistie (aussi appelée «fraction du pain») comme sacrement plénier de la vie en Église. D’autres sacrements prennent place derrière ces deux sacrements pilotes: la confirmation, le mariage, le sacrement des malades, la pénitence et l’ordre. Leur nombre, et surtout leur pleine identité de sacrements, n’apparaît pas tout à fait clairement dans les écrits du Nouveau Testament: ce qui explique que les chrétiens protestants ne les reconnaissent pas tous.
La constitution sociétaire de la communauté chrétienne, qui donne à l’Église sa visibilité historique, fut parfois l’objet d’une contestation parmi les chrétiens. On opposa parfois l’institution à l’événement, la société à la communauté, la lettre à l’esprit. Cette opposition trouva, par exemple, son expression la plus systématique dans le mouvement quaker fondé au XVIIe siècle par George Fox: mouvement d’inspiration chrétienne sans structure ecclésiale, sans liturgie, sans aucune organisation.
Les développements de l’institution
On vient de parler de l’institution chrétienne en ce qu’elle a d’essentiel, et sous l’aspect où elle engage la foi des chrétiens: car tout en reconnaissant que cet aspect de leur communauté n’aura plus sa place dans l’au-delà éternel du christianisme, ils estiment qu’une Église non instituée ne correspond pas à l’intention du Christ dans le temps présent. L’institution, tout en étant seconde dans le projet évangélique, n’est pas un mal, une pesanteur, dont il importerait de se défaire.
Il semble bien, cependant, que, au cours des siècles, le christianisme se soit alourdi d’une multitude d’institutions secondaires qui ne sont pas revêtues de la même nécessité évangélique. On peut en distinguer deux sortes. D’abord, les institutions ecclésiastiques: la paroisse, les dévotions et pèlerinages, les ordres religieux, les mouvements organisés, etc. Ensuite, les institutions temporelles d’Église: écoles et universités, corporations et syndicats, États chrétiens, institutions d’assistance et de charité, etc. Ces dernières se développèrent considérablement dans le temps qu’on qualifie de «chrétienté», à partir du moment où le christianisme fut reconnu comme la religion culturelle de l’Occident et officialisé par la société politique. Elles donnèrent à l’Église une puissance et un moyen d’influence temporels, une richesse qui contrastent souvent avec l’origine évangélique. On comprend que, à maintes reprises, les mouvements de réforme les mirent en cause.
Un mouvement se dessine actuellement dans les diverses Églises chrétiennes, provoqué à la fois par la laïcisation externe et par l’évangélisme interne, en vue d’un retour à plus de sobriété en ce domaine. Il apparaît que le développement institutionnel a alourdi la communauté, l’a transformée en Église «établie», a nui à sa mission spirituelle au lieu de la servir et de l’exprimer.
5. Le christianisme en question
En près de deux millénaires d’existence, le christianisme a été secoué par de nombreuses crises, des ruptures internes, au point qu’on a annoncé plusieurs fois son dépérissement. Sa situation présente apparaît, à cet égard, d’une gravité sans précédent, quasi révolutionnaire. Pour les chrétiens cette gravité n’est point dramatique, car leur espérance s’appuie sur l’origine divine de leur mouvement et de leur communauté. Ils vivent de la conviction que, si les civilisations sont mortelles, l’entreprise de Jésus-Christ, elle, traversera les siècles jusqu’à la fin de l’histoire pour déboucher, à travers une ultime mutation dont Dieu aura l’initiative, vers son avenir absolu. L’observateur non croyant ne partage pas cette assurance, mais il demeure réservé, se souvenant de la capacité de renouvellement qu’à plusieurs reprises le christianisme a manifestée dans l’histoire. L’avenir historique du christianisme se présente donc comme une affaire à suivre. Nous essayerons d’en explorer quelques données.
Le christianisme dans une culture sécularisée
Jusqu’à une époque récente, le christianisme a bénéficié d’une culture d’imprégnation religieuse qui le rendait culturellement possible et parlant. Depuis la renaissance du XVIe siècle, de façon d’abord limitée mais à présent flagrante, la culture développe une critique, qui devient radicale, de la religion. À la suite des révolutions scientifiques, techniques, sociales, politiques, une attitude de soupçon habite l’homme moderne à l’égard du fait religieux. Les questions ouvertes par Galilée, Descartes, les encyclopédistes, Marx, Nietzsche, Freud se sont largement répercutées. Il en résulte un déplacement du problème de Dieu, un recul du sacré, une autonomie de l’humanisme qui débouchent volontiers dans l’athéisme. Ce dernier, même lorsqu’il n’est pas porté par une idéologie politique comme le communisme actuel, semble avoir du répondant dans l’avenir culturel. Même lorsqu’il hésite à devenir athée, l’homme de la culture moderne se sent mal à l’aise vis-à-vis d’une religion d’extériorité qu’il accuse d’aliénation intellectuelle, psychologique, éthique ou socio-politique; il est tenté par l’hypothèse d’une sécularisation dans tous ces domaines où régnait jadis la religion.
Un défi gigantesque se prépare donc, adressé à toutes les religions et, pour sa part, au christianisme. Comment ce dernier y fera-t-il face? Un certain nombre d’indices manifestent que le défi est reconnu assez largement parmi les chrétiens. Les réactions sont diverses: depuis la réaction de peur, qui conduit à développer les structures et attitudes de défense, jusqu’à la tentation de mutation radicale du fait chrétien, en passant par les tentatives de renouveau en profondeur. Les artisans de ce renouveau estiment qu’un retour à l’originalité du christianisme, accompagné d’une réinvention du langage évangélique pour aujourd’hui, fourniront des modèles chrétiens qui parleront à l’homme de la nouvelle culture. Il faudra en passer par une critique de l’héritage sociologique du christianisme d’hier, de ses expressions et de ses modes, dans tous les domaines. Mais cette réinterprétation déboucherait sur un christianisme plus pur, rajeuni, quoiqu’il soit moins «religieux».
Cette entreprise de renouveau apparaît intéressante et vraisemblable. Il faudra cependant, à moins qu’il ne s’agisse de créer un autre christianisme que celui de la tradition issue de Jésus, faire attention à ce que la réalité chrétienne ne soit pas réduite aux acceptations éventuelles de la nouvelle culture. Le risque a existé plusieurs fois – qu’on se souvienne de Hegel ou de Lamennais, au XIXe siècle –, d’une digestion du fait chrétien par des humanismes ou des idéologies étrangers à son identité essentielle, ou de la fabrication de syncrétismes chrétiens. La façon dont certains groupes chrétiens semblent accueillir la sécularisation totale de la réalité humaine et même l’athéisme semble parfois hypothéquer lourdement le projet de renouveau; au point qu’on se demande ce qui reste du christianisme dans leur proposition.
Si l’entreprise réussit – et il faudra du temps pour en juger –, il sera manifeste que la révélation chrétienne de Dieu est vraiment originale et particulièrement parlante pour l’homme devenu plus adulte, que le christianisme se distingue assez profondément des multiples formes, aujourd’hui menacées, du fait religieux.
Le christianisme en situation de diaspora
Même là où la crise du christianisme n’atteint pas son paroxysme, il reste qu’il ne peut plus prétendre à l’unanimité qu’il a connue en Occident pendant de longs siècles. Les mouvements de laïcisation, de démocratisation lui enlèvent son prestige et son emprise généralisée dans la société globale. C’est un nouveau statut de reconnaissance sociale qui s’impose à son acceptation et à sa recherche.
De nombreux chrétiens reconnaissent les faits: les valeurs suscitées par le christianisme sont souvent devenues le patrimoine commun de la société; le contrôle de ces valeurs échappe aux seules Églises; la liberté religieuse impose le pluralisme. Il faut donc renoncer à un monopole de l’influence en tous domaines, comme il faut accepter un certain repli de la communauté chrétienne. Mais ce repli n’est point une défaite aux yeux de ces chrétiens. Il devrait permettre au christianisme de retrouver son véritable type d’influence, qui est d’animation intérieure du monde, de présence prophétique, à la façon d’un ferment dans la pâte.
Il faut donc s’attendre à ce que le fait chrétien soit moins spectaculaire, à ce que les Églises s’appauvrissent de leur prestige et de leur puissance, renonçant au monopole de l’humain. Cela ne signifierait en aucune façon leur dépérissement, mais leur transformation et leur conversion évangélique. Leur influence dans le monde serait plus pure et plus profonde, même si les chrétiens sont moins nombreux. Leur statut serait plus libéré des pouvoirs établis. «Bel état de l’Église, disait déjà Pascal, quand elle n’est soutenue que de Dieu!»
Le christianisme dans l’injustice du monde
Un grief majeur fait au christianisme, particulièrement par les peuples du Tiers Monde, est sa relative inefficacité pour influencer les tragiques situations d’injustice qui se sont développées dans le monde, et même pour les empêcher de se développer. Le monde chrétien est globalement solidaire de la part de l’humanité la plus riche et la plus développée; un nouveau défi apparaît de ce fait, car l’Évangile est porteur d’un souffle révolutionnaire et d’un parti pris pour les pauvres.
Ici encore, un certain nombre de chrétiens ont accueilli ce défi et reconnaissent comme intolérable la situation acquise. Il leur apparaît que, sans se transformer en mouvement de messianisme purement temporel, le christianisme doit résolument passer du côté des pauvres et s’engager dans les combats ouverts pour leur libération. Il semble qu’un certain prophétisme se réveille dans les sphères chrétiennes, qui dénonce l’injustice du monde comme péché majeur qui outrage Dieu autant que l’homme.
Mais de graves problèmes sont soulevés par la participation des Églises chrétiennes aux mouvements révolutionnaires qui agitent l’humanité. Les chrétiens peuvent-ils se rallier à la violence? N’y a-t-il pas un risque à soutenir des mouvements aux idéologies antichrétiennes? Ne va-t-on pas transformer le christianisme en mouvement de simple libération humaine? Comment ajuster la visée de la foi avec cet humanisme révolutionnaire? Il reste que les Églises sont loin d’avoir pris les nécessaires dispositifs de désolidarisation d’avec les princes et les puissants de ce monde, principalement de la partie du monde de type capitaliste.
Ce qui paraît sûr, c’est que les peuples sous-développés ne se reconnaîtront à l’avenir dans l’Évangile que s’il leur apparaît comme un message qui concerne leur condition humaine totale.
Le christianisme en état de division
Il faut enfin signaler, parmi les questions posées au christianisme, celle qui concerne son état de division confessionnelle. On l’a déjà noté à propos du catholicisme. C’est le visage total du christianisme qui est affecté par cet état de division qui contredit singulièrement la volonté du Christ. S’il est vrai que l’Évangile est une force de rassemblement de tous les hommes reconnus par Dieu comme fils et devenus frères, comment cet Évangile pourra-t-il questionner l’humanité divisée, comment le christianisme pourra-t-il se manifester comme universel, tant que des désaccords graves existeront dans la communauté chrétienne? L’œcuménisme a récemment progressé de façon inattendue, mais il semble que cette avancée ne soit pas à la mesure des urgences d’un christianisme à l’heure de sa vérification.
Il apparaît certain, au terme de cet examen sommaire des questions qui s’imposent au christianisme, que, quoi qu’il doive en être de l’issue, le fait chrétien est engagé dans un processus de mutation historique profond par rapport au christianisme hérité des siècles de «chrétienté».
christianisme [ kristjanism ] n. m.
• XIIIe; lat. ecclés. christianismus, gr. khristianismos
♦ Religion fondée sur l'enseignement, la personne et la vie de Jésus-Christ. ⇒ catholicisme, orthodoxe (Église orthodoxe), protestantisme. « si le christianisme était resté ce qu'il était, une religion du cœur » (Péguy). Convertir qqn au christianisme. Le Dieu en trois personnes du christianisme. Christianisme primitif. ⇒ judéo-christianisme. La Bible, livre sacré du christianisme. Doctrine, pratiques du christianisme. ⇒ théologie; liturgie, sacrement. Schismes, hérésies du christianisme. — « Le Génie du christianisme », œuvre de Chateaubriand.
● christianisme nom masculin (latin ecclésiastique christianismus, du grec khristianismos) Ensemble des religions fondées sur la personne et les écrits rapportant les paroles et la pensée de Jésus-Christ. ● christianisme (citations) nom masculin (latin ecclésiastique christianismus, du grec khristianismos) Léon Bloy Périgueux 1846-Bourg-la-Reine 1917 Tout chrétien sans héroïsme est un porc. Quatre Ans de captivité à Cochons-sur-Marne Mercure de France François René, vicomte de Chateaubriand Saint-Malo 1768-Paris 1848 Il a fallu que le christianisme vînt chasser ce peuple de faunes, de satyres et de nymphes, pour rendre aux grottes leur silence et aux bois leur rêverie. Génie du christianisme Bernard Le Bovier de Fontenelle Rouen 1657-Paris 1757 On est surpris et peut-être fâché de se voir conduit par la seule philosophie aux plus rigoureuses obligations du christianisme ; on croit communément pouvoir être philosophe à meilleur marché. Éloges des académiciens Anatole François Thibault, dit Anatole France Paris 1844-La Béchellerie, Saint-Cyr-sur-Loire, 1924 Académie française, 1896 Le christianisme a beaucoup fait pour l'amour en en faisant un péché. Le Jardin d'Épicure Calmann-Lévy Remy de Gourmont Bazoches-au-Houlme, Orne, 1858-Paris 1915 La civilisation, c'est la culture de tout ce que le christianisme appelle vice, frivolité, plaisirs, jeux, affaires et choses temporelles, biens de ce monde, etc. Promenades philosophiques Mercure de France comte Joseph de Maistre Chambéry 1753-Turin 1821 Le christianisme a été prêché par des ignorants et cru par des savants, et c'est en quoi il ne ressemble à rien de connu. Considérations sur la France comte Joseph de Maistre Chambéry 1753-Turin 1821 Jamais le christianisme, si vous y regardez de près, ne vous paraîtra plus sublime, plus digne de Dieu, et plus fait pour l'homme qu'à la guerre. Les Soirées de Saint-Pétersbourg André Malraux Paris 1901-Créteil 1976 Le coup d'état du christianisme, c'est d'avoir installé la fatalité dans l'homme. De l'avoir fondée sur notre nature. Les Noyers de l'Altenburg Gallimard François Mauriac Bordeaux 1885-Paris 1970 Académie française, 1933 Le christianisme ne souffre pas les cœurs médiocres. L'entre-deux ne vaut rien. Dieu et Mammon Le Capitole Emmanuel Mounier Grenoble 1905-Châtenay-Malabry 1950 Pour ceux d'entre nous qui sont chrétiens, une voix familière leur répète de l'aube au crépuscule : « Ne faites pas les malins ». In revue Esprit mars 1950 Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 Soumission et usage de la raison, en quoi consiste le vrai christianisme. Pensées, 269 Commentaire Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée. Alfred, comte de Vigny Loches 1797-Paris 1863 La perfection de Bouddha est plus belle que celle du christianisme parce qu'elle est plus désintéressée. Journal d'un poète Alfred, comte de Vigny Loches 1797-Paris 1863 Le christianisme est un caméléon éternel, il se transforme sans cesse. Journal d'un poète Lev [en français Léon] Nikolaïevitch, comte Tolstoï Iasnaïa Poliana, gouvernement de Toula, 1828-Astapovo, gouvernement de Riazan, 1910 Le christianisme dans sa véritable signification détruit l'État. En quoi consiste ma foi Lev [en français Léon] Nikolaïevitch, comte Tolstoï Iasnaïa Poliana, gouvernement de Toula, 1828-Astapovo, gouvernement de Riazan, 1910 Les vrais chrétiens doivent refuser de se soumettre au service militaire. Les temps sont proches
christianisme
n. m. Religion fondée sur l'enseignement de Jésus-Christ.
Encycl. Pour les chrétiens, Jésus-Christ est fils de Dieu et Dieu lui-même, rédempteur du genre humain. La vie du christianisme primitif nous est connue par le Nouveau Testament: évangiles, Actes des Apôtres, épîtres. Ayant attiré à lui les foules par sa prédication, Jésus s'est choisi un petit groupe d'Apôtres, auxquels il a donné mission de répandre sa doctrine. Troublés par sa mort, ils reprendront confiance, quand il leur sera apparu après sa Résurrection; après la venue du Saint-Esprit (Pentecôte), ils prêcheront l'évangile et gagneront le monde méditerranéen. Le goût des païens pour les religions à mystères explique en partie la diffusion rapide du christianisme, qui se distinguait de ces religions par la transcendance divine du Christ et le mystère de la Trinité. Le christianisme peut se résumer ainsi: croire en Dieu, en la sainte Trinité, aimer Dieu de tout son coeur, de toute son âme et son prochain comme soi-même par amour de Dieu. On compte auj. près d'un milliard neuf cent millions de chrétiens; un peu plus de la moitié sont catholiques, plus du quart protestants, 10 % orthodoxes, etc.
⇒CHRISTIANISME, subst. masc.
A.— Religion chrétienne, fondée sur la personne et la parole de Jésus-Christ. Se convertir au, embrasser le christianisme; les dogmes, la morale du christianisme; le christianisme naissant, primitif :
• 1. Je ne redeviendrai incrédule que quand on m'aura démontré que le christianisme est incompatible avec la liberté; alors je cesserai de regarder comme véritable une religion opposée à la dignité de l'homme.
CHATEAUBRIAND, Essai sur les Révolutions, t. 1, préf., 1797, p. XLV.
• 2. J'ai parlé du christianisme comme système de croyance; je vais maintenant l'envisager comme souveraineté, dans son association la plus nombreuse.
J. DE MAISTRE, Des Constitutions pol. et des autres institutions hum., 1810, p. 37.
• 3. Je viens de prouver, tout au contraire, que le christianisme est un développement normal de l'esprit humain, survenu d'abord au sein du mosaïsme, en vertu même des prémisses contenues dans ce mosaïsme, ...
P. LEROUX, De l'Humanité, t. 2, 1840, p. 966.
• 4. Elle [l'Espagne] va reculer d'horreur? Que non! D'un paganisme éblouissant elle tire avec aisance un christianisme ascétique.
BARRÈS, Greco, 1911, p. 150.
• 5. Le christianisme romain s'inscrit dans les cadres de l'empire d'Occident, comme le christianisme grec dans celui de l'empire d'Orient.
VIDAL DE LA BLACHE, Principes de géogr. hum., 1921, p. 212.
• 6. ... à mesure que le temps passait et que le catholicisme médiéval perdait de son influence, il s'est produit, par une singulière illusion de perspective, qu'on en est venu à le confondre avec ce christianisme des réformateurs, qui en avait été la négation même.
GILSON, L'Esprit de la philos. médiév., 1932, p. 221.
• 7. Dès 1914, Mussolini annonçait la « sainte religion de l'anarchie » et se déclarait l'ennemi de tous les christianismes.
CAMUS, L'Homme révolté, 1951, p. 222.
• 8. L'enseignement du christianisme médiéval sur l'intérêt trouve au XXe siècle des confirmations assez inattendues, en même temps que des occasions pressantes de se reformuler en se rajeunissant.
PERROUX, L'Écon. du XXe s., 1964, p. 370.
SYNT. a) L'établissement du christianisme; le Génie du Christianisme (titre d'une œuvre de Chateaubriand). Le vrai mode de christianisme qui nous convient (RENAN, Souvenirs d'enfance et de jeunesse, 1883, p. 320). b) Christianisme + adj. déterminatif. Christianisme historique (CAMUS, L'Homme révolté, 1951, p. 93); le christianisme (...) paulinien (...) de Hamann (BÉGUIN, L'Âme romantique et le rêve, 1939, p. 55); le christianisme proud'honien [de l'évêque Myriel dans Les Misérables] (Arts et litt. dans la société contemp., 1935, p. 6402); le christianisme social ou démocratie chrétienne. c) Christianisme + adj. caractérisant. Christianisme cutané (AMIEL, Journal intime, 1866, p. 160); christianisme superficiel (LOTI, Le Mariage de Loti, 1882, p. 99); christianisme décoloré (BREMOND, Hist. littér. du sentiment relig. en France, t. 4, 1920, p. 382); christianisme décomposé (BERNANOS, Journal d'un curé de campagne, 1936, p. 1032); christianisme authentique; christianisme exigeant (CAMUS, La Peste, 1947, p. 1292); christianisme relâché (SOREL, Réflexions sur la violence, 1908, p. 23); rigoureux christianisme (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 485); christianisme pratique et sensé (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 39); christianisme rationnel et critique (RENAN, loc. cit.).
B.— Foi chrétienne d'un fidèle :
• 9. ... il [cet humanisme superficiel] détruisait la naïveté première de ma foi. Mon christianisme subit de grandes diminutions; il n'y avait cependant rien dans mon esprit qui pût encore s'appeler doute.
RENAN, Souvenirs d'enfance et de jeunesse, 1883, p. 195.
Prononc. et Orth. :[]. NYROP Phonét. 1951, § 39, signale qu'en Suisse et en Belgique la prononc. de la finale est souvent [-] dans ce mot. C'est aussi la prononc. méridionale du suff. -isme. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. [Mil. du XIIIe s. a. lim. crestianesmes (Poésie à la Vierge, v. 106 ds Romania, t. 20, p. 461, restitué par P. Meyer en a. fr. sous la forme crestianismes)]; repris en 1585 christianisme (NOËL DU FAIL, Contes d'Eutrapel, II, 325 ds IGLF). Empr. au lat. chrét. christianismus « id. » (Tertullien ds TLL Onom., 414, 61, s.v. Christus), gr. « id. » (ca 250, Clément d'Alexandrie ds BAILLY). La date de 1500 avancée par quelques dict. est due à une erreur de lecture pour christianissime (AUTON, Chron. ds GDF. Compl.). Fréq. abs. littér. :3 117. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 7 729, b) 2 675; XXe s. : a) 3 201, b) 3 301.
christianisme [kʀistjanism] n. m.
ÉTYM. XIIIe; lat. ecclés. christianismus, grec khristianismos, de khristianos. → Chrétien.
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♦ Doctrine religieuse fondée sur l'enseignement, la personne et la vie de Jésus-Christ; la religion, la communauté chrétienne. || Le Dieu du christianisme. ⇒ Trinité; monothéisme. || Christianisme primitif. ⇒ Judéo-christianisme. || Christianisme universaliste de saint Paul. ⇒ Paulinisme. || Les apôtres, premiers propagateurs du christianisme. || Convertir qqn au christianisme. || Les commandements du christianisme se résument en l'amour de Dieu et du prochain. || La Bible, texte essentiel du christianisme. || Défense du christianisme. ⇒ Apologétique. || Dogmes du christianisme. ⇒ Coexistence, communion (des saints), confession, consubstantialité, consubstantiation, incarnation, monothéisme, rémission (des péchés), résurrection, transsubstantiation, trinité, vie (éternelle) [cf. rôle de Jésus-Christ prophète, roi et sacrificateur]. || Sacrements du christianisme. || Principales fêtes du christianisme. ⇒ Annonciation, Ascension, Circoncision, Nativité, Noël, Passion, Vendredi (saint), Pâques, Résurrection, Transfiguration. || Religions qui pratiquent le christianisme. ⇒ Catholicisme; orthodoxe (Église); protestantisme, réforme. || Les schismes qui ont divisé le christianisme. ⇒ Hérésie; arianisme, donatisme, gnose, particularisme; réforme. || Christianisme orthodoxe, libéral. || Christianisme étroit, puritain, sectaire. || Christianisme large, tolérant. — Le Génie du christianisme, œuvre de Chateaubriand.
1 Que ses douleurs l'ont rendue savante dans la science de l'Évangile, et qu'elle a bien connu la religion et la vertu de la croix, quand elle a uni le christianisme et les malheurs !
Bossuet, Oraison funèbre de la reine d'Angleterre.
2 Des églises dont les ferveurs ne le cèdent en rien à celles du christianisme naissant.
Bourdaloue, Panégyrique de saint François Xavier.
3 L'instituteur divin du christianisme, vivant dans l'humilité et dans la paix, prêcha le pardon des outrages; et sa sainte et douce religion est devenue, par nos fureurs, la plus intolérante de toutes, et la plus barbare.
Voltaire, Essai sur les mœurs, 7.
4 Le christianisme est une religion toute spirituelle, occupée uniquement des choses du ciel; la patrie du chrétien n'est pas de ce monde. Il fait son devoir, il est vrai, mais il le fait avec une profonde indifférence sur le bon ou mauvais succès de ses soins. Pourvu qu'il n'ait rien à se reprocher, peu lui importe que tout aille bien ou mal ici-bas. Si l'État est florissant, à peine ose-t-il jouir de la félicité publique; il craint de s'enorgueillir de la gloire de son pays : si l'État dépérit, il bénit la main de Dieu qui s'appesantit sur son peuple.
Rousseau, Du contrat social, IV, VIII, p. 332.
5 Le christianisme a été prêché par des ignorants et cru par des savants, et c'est en quoi il ne ressemble à rien de connu.
J. de Maistre, Considérations sur la France, V.
6 Ce ne serait rien connaître que de connaître vaguement les bienfaits du christianisme : c'est le détail de ses bienfaits, c'est l'art avec lequel la religion a varié ses dons, répandu ses secours, distribué ses trésors, ses remèdes, ses lumières : c'est ce détail, c'est cet art qu'il faut pénétrer.
Chateaubriand, le Génie du christianisme, IV, VI, 1.
7 Le christianisme est parfait : les hommes sont imparfaits.
Or, une conséquence parfaite ne peut sortir d'un principe imparfait.
Le christianisme n'est donc pas venu des hommes.
S'il n'est pas venu des hommes, il ne peut être venu que de Dieu.
S'il est venu de Dieu, les hommes n'ont pu le connaître que par révélation.
Donc le christianisme est une religion révélée.
Chateaubriand, le Génie du christianisme, IV, VI, 13.
8 Les origines du christianisme, en effet, doivent être placées au moins sept cent cinquante ans avant Jésus-Christ, à l'époque où apparaissent les grands prophètes, créateurs d'une idée entièrement nouvelle de la religion.
Renan, Discours et Conférences, Œ. compl., t. I, p. 910.
9 Ceux qui ont fait la légende de Jésus ont une part presque égale à la sienne dans l'œuvre du christianisme; celui qui a fait la légende de l'Église primitive a pesé d'un poids énorme dans la création de la société spirituelle où tant de siècles ont trouvé le repos de leurs âmes.
Renan, les Évangiles, Œ. compl., t. V, p. 304.
10 Le christianisme (à l'époque pré-moyenâgeuse) reposait non sur des croyances ou des traditions populaires, mais sur la révélation d'une vérité absolue contenue dans des livres saints destinés à l'humanité entière.
Ch. Seignobos, Hist. sincère de la nation franç., III, p. 69.
11 Il n'est pas douteux que le christianisme ait été une transformation profonde du judaïsme. On l'a dit bien des fois : à une religion qui était encore essentiellement nationale se substitua une religion capable de devenir universelle. À un dieu qui tranchait sans doute sur tous les autres par sa justice en même temps que par sa puissance, mais dont la puissance s'exerçait en faveur de son peuple et dont la justice concernait avant tout ses sujets, succéda un dieu d'amour, et qui aimait l'humanité entière.
H. Bergson, les Deux Sources de la morale et de la religion, III, p. 254.
12 (…) ce que l'Église préparait, au milieu de la désagrégation du monde, c'était une civilisation fondée sur l'homme, une société dont la raison déterminante fût la personne (…) En renouvelant les bases mêmes de l'homme, en rendant leur sens à ses valeurs, le christianisme se trouvait donc rassembler les éléments de la cité future. La cité future, c'est la fraternité chrétienne, où chacun se sent aimé, soutenu; où chacun trouve la liberté spirituelle et la possibilité de l'épanouissement moral. Cette représentation grandiose d'une humanité neuve sera l'idée-force du christianisme au moment de la grande débâcle du monde antique.
Daniel-Rops, l'Église des apôtres, p. 673.
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CONTR. Agnosticisme, antichristianisme, athéisme, paganisme.
COMP. Néo-christianisme.
Encyclopédie Universelle. 2012.