formalisme [ fɔrmalism ] n. m.
• 1823; de formel, d'apr. lat. formalis
♦ Considération exclusive de la forme.
1 ♦ Attachement scrupuleux aux formes extérieures, aux règles de la vie sociale, religieuse, etc.
2 ♦ Philos. Doctrine qui soutient que les vérités scientifiques sont purement formelles, et reposent sur des conventions.
3 ♦ Dr. Principe par lequel la validité des actes est strictement subordonnée à l'observation de formes, de formalités. Formalisme juridique, administratif, diplomatique.
4 ♦ Tendance à rechercher trop exclusivement la beauté formelle en art. — Doctrine selon laquelle les formes artistiques se suffisent à elles-mêmes (opposé à réalisme). Le formalisme russe (1916-1930) :école de critique littéraire fondée sur l'analyse structurale, formelle des textes.
● formalisme nom masculin (latin formalis, formel) Respect scrupuleux des formes, des formalités : Le formalisme administratif. Attachement excessif aux formes, aux façons extérieures, à l'étiquette : Le formalisme du grand monde. Tendance (en art notamment) à privilégier la forme et les qualités formelles au détriment du contenu et de la réalité. Droit Principe juridique selon lequel une formalité ou un écrit sont exigés par la loi pour la validité d'un acte, d'un jugement, d'une procédure. Logique et Mathématiques Doctrine selon laquelle les mathématiques consistent simplement en un jeu formel avec des symboles, dans lequel il ne saurait être question de vérité. Philosophie Système qui affirme que la nature est intelligible parce que les lois qui la gouvernent, ou formes, sont les mêmes que celles qui gouvernent les processus de la pensée, appelés également formes. Thèse qui soutient que la vérité des sciences est, indépendamment de toute expérimentation, tributaire des lois et des règles du système d'interprétation dans lequel cette thèse s'insère. Morale où la volonté s'impose un principe d'action qui vaut non par son contenu (par exemple l'idée de bien) mais par la forme de son expression. ● formalisme (expressions) nom masculin (latin formalis, formel) Formalisme russe, école de critique littéraire, dont l'activité s'est exercée à Moscou et à Leningrad entre 1916 et 1930.
formalisme
n. m.
d1./d Attachement excessif aux formes, aux formalités.
d2./d PHILO Système métaphysique selon lequel l'expérience est soumise à des conditions universelles a priori. Formalisme kantien.
d4./d BX-A, LITTER Recherche de la beauté formelle. Le formalisme de la doctrine de "l'art pour l'art".
— Théorie qui privilégie la forme au détriment du réalisme.
d5./d Technique d'étude littéraire (née en Russie sous l'impulsion de Vladimir Iakovlevitch Propp, 1895-1970, auteur de la Morphologie du conte, 1928) qui consiste à définir dans les oeuvres littéraires certaines formes fixes, leurs modifications et leurs modes de combinaison. (Ainsi, dans certains contes, le méchant pourra prendre diverses formes, de même que le combat, la rencontre, etc.)
⇒FORMALISME, subst. masc.
A.— Dans les domaines admin., jur., milit. et relig. Respect des formes, de la règle, dans les idées et dans les actes; caractère de l'idée ou de l'acte ainsi considéré ou accompli. Le formalisme parlementaire si lent, parce qu'il est timoré, inintelligent et paresseux (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. LXXV). Il [Jésus] a dégagé de l'ancienne Bible le meilleur de ses consignes, faisant prévaloir la pureté du cœur sur le formalisme et les observances matérielles (Philos., Relig., 1957, p. 48-15) :
• 1. La légalité pour ceux qui se souciaient des devoirs se confondait avec la morale. Pour ceux qui se souciaient des droits, elle se confondait avec le formalisme. On avait pu pousser l'amour de la légalité jusqu'au mépris de la morale et la morale jusqu'au mépris de la légalité, grâce au formalisme.
JOUHANDEAU, M. Godeau, 1926, p. 124.
— P. ext. Attachement excessif aux règles, aux rites, aux coutumes. Formalisme intransigeant, rigide; formalisme de la bourgeoisie, du grand monde. Une vie droite, le renoncement aux joies permises, le formalisme d'un pharisien (ESTAUNIÉ, Empreinte, 1896, p. 249). L'air rusé, familier et sordide dont elle [Madame Boudet] parlait à la mère Rambaud s'accordait mal à ce formalisme pincé qu'elle n'employait que pour eux (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 333) :
• 2. L'ennui de certaines prédications du dimanche; le vide de ces prières, préparées à l'avance, dites avec l'onction convenue et les gestes qu'il faut; et l'indifférence de ces gens endimanchés, qui venaient écouter, — comme j'ai senti de bonne heure, — et avec un chagrin profond, une déception cruelle — l'écœurant formalisme de tout cela!
LOTI, Rom. enf., 1890, p. 123.
B.— Toute tendance à considérer en priorité le point de vue de la forme :
• 3. ... la réaction que les premières années du XXe siècle ont opposée au rationalisme et au formalisme des années antérieures; appel à l'intuition inconsistante, à la fantaisie folle de l'imagination spontanée, à la liberté intégrale de l'esprit...
MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 334.
1. B.-A., LITT. Conception de l'art, de la littérature, qui conduit à privilégier la forme au détriment de l'élément matériel. V. formel B 2. Formalisme esthétique. Les sentimentalistes présentent (...) deux sortes d'objections au formalisme musical (C. LALO, Esth. mus. sc., 1908, p. 10). Tout se tient, qu'on le veuille ou non; tous les intellectualismes, tous les pharisaïsmes sont frères. Mais, pour ne parler ici que de poésie, ne retrouvez-vous pas chez nos symbolistes une heureuse tendance à fuir les formalismes desséchants du second état — le picturisme parnassien; la rhétorique classiciste dont les romantiques n'avaient pas su se défaire — et à renouer le contact avec la poésie des simples? (BRÉMOND, Poés. pure, 1926, p. 144) :
• 4. C'est le manque d'art, disent-ils [ceux qui montrent une certaine réticence lorsque les critiques portent aux nues un ouvrage dénué de toute valeur littéraire], de façon aussi vague que prétentieuse, qui les gêne. Ou peut-être la faiblesse du style. On les rabroue aussitôt; ils s'attirent la désapprobation générale, ils suscitent autour d'eux la méfiance et l'hostilité. Ils se font traiter de partisans de l'art pour l'art. Accuser de formalisme.
SARRAUTE, Ère soupçon, 1956, p. 131.
— [P. oppos. à naturalisme, réalisme] Aucun art ne peut refuser absolument le réel (...) le formalisme peut parvenir à se vider de plus en plus de contenu réel, mais une limite l'attend toujours (...). Le vrai formalisme est silence. De même le réalisme ne peut se passer d'un minimum d'interprétation et d'arbitraire (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 332).
Rem. La docum. enregistre un sens partic. dans l'hist. de la litt.; « école littéraire qui fait de l'œuvre pure le centre de la critique, indépendamment de toute considération d'ordre biographique, philosophique, psychologique ». Formalisme fut le mot qui désigna, en l'acception péjorative où le tenaient ses adversaires, le courant de critique littéraire qui s'affirma en Russie, entre les années 1915 et 1930. La doctrine formaliste est à l'origine de la linguistique structurale, tout au moins du courant représenté par le Cercle linguistique de Prague (T. TODOROV, Théorie de la litt., Paris, éd. du Seuil, 1965, p. 15).
2. PHILOSOPHIE
a) HIST. DE LA PHILOS. Formalisme de la morale kantienne. C'est (...) la simple conformité à la loi en général qui constitue le principe d'une volonté bonne, et tel est le formalisme kantien (G. PASCAL, Pour connaître la pensée de Kant, Paris, Bordas, 1966, p. 118).
b) LOG. et MATH. Expression formalisée d'un ensemble d'éléments; caractère de l'ensemble ainsi traité :
• 5. ... E. Schrodinger [a] pu dès 1926 démontrer que le formalisme de la mécanique quantique pouvait être considéré comme une simple transposition algébrique de celui auquel aboutissait la mécanique ondulatoire...
Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 142.
— [P. oppos. à intuitionnisme] Théorie selon laquelle le raisonnement mathématique a pour objet des symboles considérés en eux-mêmes et se déroule de manière automatique suivant des règles constantes préétablies. La présentation logique des théories déductives a (...) pris, aux environs de 1920, un nouveau tournant, en s'engageant dans la voie de la formalisation (...). Ceux-là mêmes qui ne croient pas à la toute-puissance de la logique et qui défendent les droits de l'intuition, ont dû, eux-aussi, céder au mouvement pour pouvoir se justifier aux yeux de leurs adversaires, et l'on a vu ainsi (...) énoncer les « règles formelles de la logique intuitionniste » et se constituer un « formalisme intuitionniste » (R. BLANCHÉ, L'Axiomatique, Paris, P.U.F., 1959, p. 52).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1878 et 1932. Étymol. et Hist. 1. 1823 philos. le formalisme de Kant (MAINE DE BIRAN, Journal, p. 397); 2. 1831 « respect scrupuleux des règles » (MICHELET, Introd. Hist. univ., p. 432 : Elle se serra dans les entraves d'un effrayant formalisme). Dér. sav. au moyen du suff. -isme, du lat. formalis v. formel. Fréq. abs. littér. :121.
formalisme [fɔʀmalism] n. m.
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A Attachement aux formes (II., 3. et 4.), respect des formes, des règles établies.
1 Vieilli ou style soutenu. Attachement aux formes, aux formalités dans la vie sociale, religieuse, etc. || Le formalisme des dévots, des pharisiens.
♦ Spécialt. Les conventions respectées. || Le formalisme et l'étiquette d'une cour royale.
2 Dr. Système dans lequel la validité des actes est strictement soumise à l'observation de formes, de formalités. || Formalisme juridique, administratif, diplomatique.
1 Dans les systèmes primitifs de Droit, la simple manifestation de volonté, le consentement, n'a pas, en règle générale, de conséquence juridique. Il faut, pour qu'un acte juridique existe et produise ses effets, qu'il soit revêtu de formes. Si le principe moderne est le principe de l'autonomie de la volonté, le principe ancien est le principe du formalisme. Il faut des formes extérieures, des gestes, des paroles solennelles, tout un rituel pour que l'acte juridique existe et produise ses effets.
Giffard, Précis de droit romain, t. I, no 17.
3 Esthétique (art et littér.). Tendance à rechercher la beauté formelle en art (cf. la doctrine de « l'art pour l'art »). Doctrine selon laquelle les formes artistiques se suffisent à elles-mêmes (opposé à naturalisme, réalisme). || Formalisme pictural (⇒ Forme).
2 Aucun art ne peut refuser absolument le réel (…) Le formalisme peut parvenir à se vider de plus en plus de contenu réel, mais une limite l'attend toujours (…) Le vrai formalisme est silence.
Camus, l'Homme révolté, p. 332.
3 (…) l'art contemporain (…) se débat entre le formalisme et le réalisme.
Camus, l'Homme révolté, p. 337.
1 Philos. Affirmation selon laquelle toute expérience est soumise à des conditions universelles a priori. || Formalisme kantien. — Spécialt. « Doctrine qui consiste à soutenir que les vérités de telle ou telle science (mathématique, notamment) sont purement formelles, et qu'elles reposent uniquement sur des conventions ou sur des définitions de symboles » (Lalande).
2 Didact. Étude privilégiée des formes, dans un domaine de connaissance quelconque; théorie où les formes sont particulièrement étudiées. || Le formalisme russe en théorie littéraire. || Le développement du formalisme en sciences humaines. ⇒ Structuralisme.
4 Moins terrorisé par le spectre du « formalisme », la critique historique eût été peut-être moins stérile; elle eût compris que l'étude spécifique des formes ne contredit en rien aux principes nécessaires de la totalité et de l'Histoire. Bien au contraire : plus un système est spécifiquement défini dans ses formes, et plus il est docile à la critique historique. Parodiant un mot connu, je dirai qu'un peu de formalisme éloigne de l'Histoire, mais que beaucoup y ramène.
R. Barthes, Mythologies, p. 218.
5 Une complication, en mathématiques, qui montre à la fois comme était simpliste l'image de la séparation entre matière et forme dans un enchaînement rationnel et comme se trouve indispensable une étude systématique des formes. Il n'y a pas de formalisme sans syntaxe, pas de syntaxe sans un autre formalisme qui la développe.
J. Cavaillès, Sur la logique, p. 33.
Encyclopédie Universelle. 2012.