fusiller [ fyzije ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1732; de fusil
1 ♦ Exécuter (un condamné) par une décharge de coups de fusil (cf. Passer par les armes). Être fusillé pour trahison. « on les fusille immédiatement, douze balles dans la peau, vlan ! » (Proust).
♢ Fig. et fam. Les photographes n'ont cessé de la fusiller toute la journée de leurs caméras. ⇒ mitrailler. — Fusiller qqn du regard. ⇒ foudroyer.
3 ♦ (1911) Fam. Abîmer, détériorer. ⇒ bousiller, flinguer. Fusiller un moteur. — (1878) Pop. et vieilli Dépenser. Le dernier billet est fusillé.
● fusiller verbe transitif Exécuter quelqu'un à coups de fusil, le passer par les armes. Familier. Prendre quelqu'un, quelque chose en photo un grand nombre de fois dans un instant très court : Les journalistes fusillèrent la vedette au sortir du gala. Familier. Détériorer, casser quelque chose : Fusiller une lampe. Populaire. Dépenser : Fusiller tout son héritage. ● fusiller (citations) verbe transitif Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Encore un fusillé hier. L'assassinat est une plaie. On panse le meurtre par le meurtre. Tas de pierres Éditions Milieu du monde ● fusiller (expressions) verbe transitif Fusiller du regard, fixer d'un regard dur, impitoyable.
fusiller
v. tr. Tuer (qqn) à coups de fusil.
— (Plus cour.) Passer par les armes. Fusiller un espion.
— Fig. Fusiller du regard: jeter un regard méchant à.
⇒FUSILLER, verbe trans.
A.— Exécuter (un condamné à mort) par une décharge de coups de fusil. (Faire) fusiller un déserteur, un espion, un otage, un pillard. Synon. passer par les armes. Quand (...) le pauvre Ney a été fusillé, votre arrière-grand-père s'est trouvé par malheur et misère, dans le peloton d'exécution (DUHAMEL, Le Notaire Havre, 1933, p. 62). Cf. fusilleur ex. 1 :
• 1. Ce matin, à 8 heures 45, Lucas Du Toît et son cocher Cornélis ont été fusillés (...). Du Toît refusa de se laisser bander les yeux. Quand les soldats le couchèrent en joue, il donna lui-même avec son chapeau le signal du feu.
THARAUD, Dingley, 1906, p. 124.
♦ Emploi abs. Fusillez! fusillez! fusillez! tous les hommes sont des faquins qui valent tout au plus la cartouche qui les envoie dans l'autre monde (MÉRIMÉE, Théâtre C. Gazul, 1825, p. 115). Les miliciens et suspects arrêtés sont passés par les armes (...). On a fusillé tout l'après-midi. Les fusillades continuent (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 528).
— P. ext. Tirer des coups de fusil contre une personne, un animal ou une chose. Raboliot fusilla les lapins sortis des pineraies, cingla de ses deux coups une compagnie de grises (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 259). Austerlitz a débuté par des grenadiers qui fusillèrent des échalas à houblon pendant plus de deux heures (GIONO, Bonh. fou, 1957, p. 275) :
• 2. À midi, R2 et R3 subissent l'assaut : leur résistance, enfin, arrête l'ennemi dont mitrailleuses et fusils fauchent les vagues. Toute « larve grise qui rampe sur les pentes de Fumin » est aussitôt repérée et fusillée.
BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 173.
♦ Emploi pronom. réciproque. Des équipes armées se fusillent à l'angle des rues allemandes (NIZAN, Chiens garde, 1932, p. 203). On savait qu'il se passait quelque chose, mais tous ignoraient qu'on se fusillait si près (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 423).
B.— Au fig.
1. Attaquer violemment. Fusiller quelqu'un de ses épigrammes (Ac. 1932). Celui-ci [le récipiendaire], croyant être agréable à la Compagnie, — et se trompant fort, — fusille sans pitié son concurrent malheureux (COPPÉE, Franc-parler I, 1894, p. 303) :
• 3. Se trouvant en présence d'un homme qui « entendait le latin », il se replia prudemment dans le maquis de l'esthétique. De ce refuge inexpugnable, il se mit à fusiller Beethoven, Wagner, et l'art classique...
ROLLAND, J.-Chr., Foire, 1908, p. 673.
♦ Fusiller qqn du regard. Lancer à quelqu'un des regards pleins d'animosité. Il la fusilla d'un regard furieux, narquois, insoutenable (GRACQ, Beau tén., 1945, p. 179) :
• 4. — Suffit! glapit Folcoche, cette raie est excellente. Si vous ne la mangez pas, vous aurez de mes nouvelles. (...). La raie fut mangée, sauf par B VII (...). Folcoche le fusilla de la prunelle...
H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 186.
2. Fam. Photographier ou filmer quelqu'un sans arrêt. Synon. plus cour. mitrailler. Photographes et cinéastes qui encombraient l'esplanade, fusillaient insolemment tout ce qui passait à leur portée, et les moines répugnaient à se donner en spectacle à leur curiosité indiscrète (THARAUD, Passant Ethiopie, 1936, p. 148).
3. Populaire
a) Détériorer. Les caniveaux sont propres à « fusiller » les cadres (ESN. Poilu 1919, p. 257). Nom de Dieu! (...) gare à ce pavé! Vous allez m'fusiller ma bagnole! (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 109).
b) Dépenser. Il a fusillé tout son pèze avec des garces (BRUANT 1901, pp. 153-154).
REM. Fusillé, ée, part. passé adj. et subst. (Celui, celle) qui a été exécuté par une décharge de coups de fusil. Coup de revolver pour achever une bête morte, un homme fusillé (GIRAUDOUX, Suzanne, 1921, p. 143). Mon régal, c'est de lire dans les journaux les listes des fusillés, le compte rendu des procès, les dénonciations, ça me fait jouir (AYMÉ, Uranus, 1948, p. 270).
Prononc. et Orth. :[fyzije], (il) fusille [fyzij]. Ds Ac. 1740-1932. Étymol. et Hist. 1732 « tuer à coups de fusil » (Trév.). Dér. de fusil; suff. -iller. Fréq. abs. littér. : 739. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 612, b) 1 333; XXe s. : a) 1 094, b) 1 246. Bbg. QUEM. DDL t. 11.
fusiller [fyzije] v. tr.
ÉTYM. 1732; de fusil.
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1 Tuer, exécuter (un condamné) par une décharge de coups de fusil. — REM. « Fusiller ne se dit pas en parlant des ennemis qu'on tue à coups de fusil en se défendant ou en attaquant, mais seulement d'un soldat condamné à passer par les armes » (Trévoux). ⇒ Exécuter, passer (par les armes); → Coller au mur, au poteau. || Fusiller un suspect (→ Fusillade, cit. 3). || S'arroger (cit. 5) le droit de fusiller. || Faire fusiller, se faire fusiller, être fusillé pour trahison (→ Échapper, cit. 3). || Napoléon fit fusiller le duc d'Enghien.
1 Il n'en fut pas moins condamné à mort et fusillé, un matin du dernier printemps, lié sur une chaise, passant d'un lit d'hôpital au lieu de son sacrifice après que les infirmières se fussent employées toute une nuit, sa dernière nuit, à entretenir par des piqûres son cœur défaillant.
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, p. 144.
2 Vous n'avez jamais vu fusiller un homme ? Non, bien sûr, cela se fait généralement sur invitation et le public est choisi d'avance. Le résultat est que vous en êtes resté aux estampes et aux livres. Un bandeau, un poteau, et au loin quelques soldats. Eh bien, non ! Savez-vous que le peloton des fusilleurs se place au contraire à un mètre cinquante du condamné ? (…) Savez-vous qu'à cette courte distance, les fusilleurs concentrent leur tir sur la région du cœur et qu'à eux tous, avec leurs grosses balles, ils y font un trou où l'on pourrait mettre le poing ?
Camus, la Peste, p. 271.
♦ Absolument :
3 (…) la sérénité de la nuit semblait avoir chassé avec le brouillard toutes les inquiétudes (…) Pourtant, des salves, au loin. « On a recommencé à fusiller (…) »
Malraux, la Condition humaine, V, 11 heures 15.
4 Coûte que coûte, elle (la Légion) recherchait l'ennemi qui la fusillait du sommet d'un piton.
P. Mac Orlan, la Bandera, VIII.
♦ Les chasseurs fusillaient les lapins.
3 Fig. || Fusiller (qqn) d'épigrammes, de sarcasmes, de critiques. ⇒ Harceler. || Fusiller du regard. ⇒ Foudroyer. — Fam. || Les photographes n'ont cessé de la fusiller toute la journée de leurs caméras, de la photographier sans arrêt. ⇒ Mitrailler.
4 (1911). ⇒ Abîmer, bousiller, détériorer, détruire. || Fusiller un moteur. — (1878). || En quelques mois, il a fusillé plusieurs millions. ⇒ Dépenser.
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se fusiller v. pron.
♦ Se combattre mutuellement à coups de fusil.
5 L'émeute était à un bout, la troupe au bout opposé. On se fusillait d'une grille à l'autre.
Hugo, les Misérables, IV, X, IV.
6 Je savais que deux tribus du voisinage avaient l'intention de s'y battre (…) c'est ce dont elles s'occupent, et comme cela ne cause de mal à personne, il n'y a qu'à les laisser se fusiller en repos.
A. de Gobineau, Nouvelles asiatiques, p. 307.
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fusillé, ée p. p. adj.
♦ || Otages fusillés. — N. Personne qui a été fusillée. || Les fusillés de la Commune, de la Résistance. || Les Fusillés, poème de Hugo.
7 Le militaire s'était laissé aller, le dos contre le mur. Il dormait, affalé ainsi qu'un fusillé.
P. Mac Orlan, Quai des brumes, V.
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DÉR. Fusillade, fusilleur.
Encyclopédie Universelle. 2012.