haillon [ 'ajɔ̃ ] n. m.
• 1404; moy. haut all. hadel « lambeau »
♦ Vieux lambeau d'étoffe servant de vêtement. ⇒ guenille, hardes, loque. Vêtu, couvert de haillons. Un mendiant en haillons (⇒ déguenillé, dépenaillé, loqueteux) . — Fig. « La génération nouvelle a décidément jeté là le haillon classique » (Hugo).
haillon
n. m. Vêtement usé, déchiré; vieux lambeau d'étoffe. être en haillons.
⇒HAILLON, subst. masc.
A. — Vieux lambeau de toile, d'étoffe. Synon. guenille. Des ânes (...) bridés d'une ficelle et harnachés d'un haillon (DU CAMP, Nil, 1854, p. 92) :
• 1. Au-dessus de la tourelle, à l'extrémité d'un long mât, flotte et se déchire au vent un triste haillon blanc et noir. Je trouvais d'abord je ne sais quelle harmonie entre cette ruine de deuil et cette loque funèbre. Mais c'est tout simplement le drapeau prussien.
HUGO, Rhin, 1842, p. 184.
— P. méton.
a) Gén. au plur. Vieil habit usé; vêtement misérable, déchiré, sale. Synon. guenille, loque. C'était une vareuse grise et jaune, usée, rapiécée, un haillon sinistre abandonné au pied d'un arbre (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 12). Les haillons qui la couvraient, ces loques de soie et de laine, grises de poussière, déchiquetées, sordides (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Allouma, 1889, p. 1223).
b) Rare. Personne vêtue de haillons. Si les surveillants les eussent aperçus, ils eussent chassé ces haillons. Les petits pauvres n'entrent pas dans les jardins publics (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 463). Un jour, je fus présenté à une sorte de grand haillon animé, barbu, érudit et très digne, qui logeait précisément sous le pont des Arts (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 77).
— Loc. adj. En haillon(s)
a) [En parlant d'une pers.]. Vêtu de haillons. Synon. en guenille(s). Qu'est-ce qu'un berger? Un malheureux en haillons et mourant de faim (JANIN, Âne mort, 1829, p. 37).
b) [En parlant d'un vêtement] Usé, en pièces. Ce jeune voyageur, les vêtements en haillons (MONOD, Sermons, 1911, p. 261).
— P. métaph. Ces haillons de pierres, dont chaque orage arrachait un lambeau (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 1, 1859, p. 400) :
• 2. La brume s'était peu à peu dissipée, et tandis qu'un dernier sanglot de cette brise en arrachait le dernier haillon, la barque tout à coup grinça sur le sable.
TOULET, Comme une fantaisie, 1918, p. 167.
B. — Au fig.
1. Vx ou littér. Personne déchue physiquement ou moralement. Synon. chiffe, guenille, loque. L'aveugle était agenouillé sur quelques brins de paille (...). La commisération, devant ce haillon humain, devait frissonner de dégoût, et l'aumône lui jetait son obole en détournant la tête (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 364). Un prêtre interdit, quelque chose que chacun (...) rejettera du pied, une sorte de haillon humain qu'un mépris inavoué de tous (...) poussera sans pitié vers l'égout (FABRE, Lucifer, 1884, p. 169) :
• 3. Au seuil de la vieillesse, je serai plus vieux que mon âge, sans fortune et sans considération. Tout mon être actuel repousse une pareille vieillesse : je ne veux pas être un haillon social.
BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 699.
— En partic. Corps humain envisagé sous son aspect mortel, périssable. Synon. guenille. L'âme rejettera le corps, sombre haillon (HUGO, Art d'être gd-père, 1877, p. 82).
2. Reste misérable. Synon. débris, lambeau. Votre lambeau de Charte constitutionnelle, haillon de liberté que vous commencez à respecter (SAND, Indiana, 1832, p. 145). Je vous supplie de ne plus traîner encore derrière vous ce haillon de l'affaire marocaine (JAURÈS, Eur. incert., 1914, p. 25) :
• 4. Après tant d'erreurs et d'inconstances, je n'avais à vous offrir que des restes abjects de moi-même, mais vous ne dédaignez pas les restes pourvu qu'il y couve une étincelle. Vous faites comme Lazare, ô mon Dieu, et vous recevez presque avec reconnaissance les miettes de la table du prodigue, les haillons du corps et de l'âme du pécheur!
SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 2, 1834, p. 207.
♦ En appos. Les ombres doivent habiter les ruines (...) aux institutions haillons, il faut les palais masures (HUGO, Homme qui rit, t. 3, 1869, p. 128).
Prononc. et Orth. : [] init. asp. Var. [] init. asp. ds WARN. 1968. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1391 « vieux lambeau d'étoffe » (Registre criminel du Châtelet, II, 276). Soit empr., avec allongement au moyen du suff. -on, du m. h. all. hadel « chiffon, guenille, lambeau », forme secondaire de hader, de même sens, soit dimin. en -on de hailles « guenilles », attesté en divers sens dans les dial. dep. le XIXe s., mais prob. bien plus ancien à en juger d'après son aire d'extension (wallon, champenois, picard ds FEW t. 16, p. 110a) et celle de ses dér. norm. désaillé « usé (en parlant d'un habit) », St Nazaire déheiller « mettre en lambeaux » (v. FEW, loc. cit.), bret. haillevodet « canaille » (v. FEW t. 16, p. 110b, note 1). Hailles est lui-même empr. du m. h. all. hadel (v. ci-dessus), cf. pour la mouillure du l, le subst. nouilles, de l'all. Nudel. Fréq. abs. littér. : 600. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 892, b) 1 865; XXe s. : a) 728, b) 353. Bbg. SAIN. Sources t. 2 1972 [1925], pp. 200-201.
haillon ['ɑjɔ̃] n. m.
ÉTYM. 1404; du moy. haut all. hadel « lambeau »; suff. -on; ou de hailles « guenilles » (mot dialectal attesté tardivement).
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1 Vieux lambeau d'étoffe servant de vêtement. ⇒ Chiffon, défroque, guenille, loque, oripeau, et (vx) penaille. || Vêtu (→ Emporter, cit. 2), couvert (cit. 40) de haillons. || Pauvre qui grelotte dans ses haillons (→ Couvrir, cit. 36). || Haillons de mendiant. — Collectivt. || Le haillon. → ci-dessous, cit. 2.
1 Il y avait dans ses vêtements des vestiges de magnificence. C'était de la soie usée, une mante propre, quoique passée, des dentelles soigneusement raccommodées (…) enfin les haillons de l'opulence !
Balzac, Un épisode sous la Terreur, Pl., t. VII, p. 431.
2 (…) on prendrait un morceau d'étoffe, et l'on travaillerait pendant dix ans à le salir, à le râper, à le trouer, à le rapiécer, à lui faire perdre sa couleur primitive, que l'on n'arriverait pas à cette sublimité du haillon !
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 18.
3 Quelle splendeur qu'un juste abandonné de tous,
N'ayant plus qu'un haillon dans le mal qui le mine (…)
Hugo, les Contemplations, V, XXVI.
♦ En haillons : vêtu de haillons. || Un vieillard en haillons. → Bandit, cit. 4.
4 Elle était pieds nus et en haillons comme le jour où elle était entrée si résolument dans sa chambre, seulement ses haillons avaient deux mois de plus (…) les trous étaient plus larges, les guenilles plus sordides.
Hugo, les Misérables, IV, II, IV.
5 Voilà l'Orient vrai et, partant, poétique : des gredins en haillons galonnés et tout couverts de vermine.
Flaubert, Correspondance, 378, 27 mars 1853, t. III, p. 137.
2 Par métaphore, littér. :
6 La génération nouvelle a décidément jeté là le haillon classique, la guenille philosophique, l'oripeau mythologique. Elle a revêtu la robe virile, et s'est débarrassée de ses préjugés, tout en étudiant les traditions.
Hugo, Littérature et Philosophie mêlées, Idées au hasard, I.
7 Ô vivants, la pensée est la pourpre de l'âme (…)
Le blasphème en est le haillon.
Hugo, les Contemplations, VI, XVII.
♦ Fig. ⇒ Guenille, loque. || Un « haillon humain » (Gautier, in T. L. F.), « social » (Balzac, in T. L. F.).
♦ Un haillon de… : reste méprisable, misérable de qqch.
8 (…) quand me débarrasserez-vous de ce haillon de guerre civile ?
Gambetta, Disc. à la Chambre, 21 juin 1880 (→ Guerre, cit. 45).
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DÉR. Haillonneux.
Encyclopédie Universelle. 2012.