CONVERSION
Selon sa signification étymologique, conversion (du latin, conversio ) signifie retournement, changement de direction. Le mot sert donc à désigner toute espèce de retournement ou de transposition. C’est ainsi qu’en logique le mot est employé pour désigner l’opération par laquelle on inverse les termes d’une proposition. En psychanalyse, ce mot a été utilisé pour désigner «la transposition d’un conflit psychique et la tentative de résolution de celui-ci dans des symptômes somatiques, moteurs ou sensitifs» (Laplanche et Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse ). Le présent article étudiera la conversion dans son acception religieuse et philosophique; il s’agira alors d’un changement d’ordre mental, qui pourra aller de la simple modification d’une opinion jusqu’à la transformation totale de la personnalité. Le mot latin conversio correspond en fait à deux mots grecs de sens différents, d’une part epistrophê qui signifie changement d’orientation et implique l’idée d’un retour (retour à l’origine, retour à soi), d’autre part metanoïa qui signifie changement de pensée, repentir, et implique l’idée d’une mutation et d’une renaissance. Il y a donc, dans la notion de conversion, une opposition interne entre l’idée de «retour à l’origine» et l’idée de «renaissance». Cette polarité fidélité-rupture a fortement marqué la conscience occidentale depuis l’apparition du christianisme.
Bien que la représentation que l’on se fait habituellement du phénomène de la conversion soit assez stéréotypée, ce phénomène n’en a pas moins subi une certaine évolution historique et il peut se manifester sous un grand nombre de formes différentes. Il faudra donc l’étudier sous de multiples perspectives: psychophysiologique, sociologique, historique, théologique, philosophique. À tous ces niveaux, le phénomène de la conversion reflète l’irréductible ambiguïté de la réalité humaine. D’une part il témoigne de la liberté de l’être humain, capable de se transformer totalement en réinterprétant son passé et son avenir; d’autre part, il révèle que cette transformation de la réalité humaine résulte d’une invasion de forces extérieures au moi, qu’il s’agisse de la grâce divine ou d’une contrainte psychosociale. On peut dire que l’idée de conversion représente une des notions constitutives de la conscience occidentale: en effet, on peut se représenter toute l’histoire de l’Occident comme un effort sans cesse renouvelé pour perfectionner les techniques de «conversion», c’est-à-dire les techniques destinées à transformer la réalité humaine, soit en la ramenant à son essence originelle (conversion-retour), soit en la modifiant radicalement (conversion-mutation).
1. Formes historiques de la conversion
L’Antiquité préchrétienne
Dans l’Antiquité, le phénomène de la conversion apparaît moins dans l’ordre religieux que dans les ordres politique et philosophique. C’est que toutes les religions antiques (sauf le bouddhisme) sont des religions d’équilibre, pour reprendre l’expression de Van der Leeuw: les rites y assurent une sorte d’échange de prestations entre Dieu et l’homme. L’expérience intérieure qui pourrait correspondre à ces rites, en être en quelque sorte l’envers psychologique, ne joue pas un rôle essentiel. Ces religions ne revendiquent donc pas la totalité de la vie intérieure de leurs adeptes et elles sont largement tolérantes, dans la mesure où elles admettent à côté d’elles une multiplicité d’autres rites et d’autres cultes. Parfois se produisent certains phénomènes de contagion ou de propagande, telles la propagation des cultes dionysiaques ou, à la fin de l’Antiquité, celle des cultes à mystères. Ces mouvements religieux donnent lieu à des phénomènes extatiques dans lesquels le dieu prend possession de l’initié. Toutefois, même dans ces cas extrêmes, il n’y a pas de «conversion» totale et exclusive. Seule peut-être l’illumination bouddhique revêt ce caractère de bouleversement profond de tout l’individu. C’est pourquoi les inscriptions du roi A ごoka (268 av. J.-C.) sont si intéressantes. On y voit le roi faire allusion à sa propre conversion au bouddhisme, mais aussi à la transformation morale qui s’est opérée chez tous ses sujets à la suite de son illumination.
C’est surtout dans le domaine politique que les hommes de la Grèce antique ont fait l’expérience de la conversion. La pratique de la discussion judiciaire et politique, en démocratie, leur a révélé la possibilité de «changer l’âme» de l’adversaire par le maniement habile du langage, par l’emploi des méthodes de persuasion. Les techniques de la rhétorique, art de la persuasion, se constituent et se codifient peu à peu. On découvre la force politique des idées, la valeur de l’«idéologie», pour reprendre une expression moderne. La guerre du Péloponnèse est un exemple de ce prosélytisme politique.
Plus radicale encore, mais moins répandue, est la conversion philosophique. Elle est d’ailleurs en ses origines étroitement liée à la conversion politique. La philosophie platonicienne en effet est foncièrement une théorie de la conversion politique: pour changer la cité, il faut transformer les hommes, mais seul le philosophe en est réellement capable, parce qu’il est lui-même «converti». On voit apparaître ici pour la première fois une réflexion sur la notion de conversion (La République , 518 c). Le philosophe est lui-même converti, parce qu’il a su détourner son regard des ombres du monde sensible pour le tourner vers la lumière qui émane de l’idée du Bien. Et toute éducation est conversion. Toute âme a la possibilité de voir cette lumière du Bien. Mais son regard est mal orienté et la tâche de l’éducation consistera à tourner ce regard dans la bonne direction. Il s’ensuivra alors une transformation totale de l’âme. Si les philosophes gouvernent la cité, la cité entière sera ainsi «convertie» vers l’idée du Bien.
Après Platon, dans les écoles stoïciennes, épicuriennes et néo-platoniciennes, il s’agira moins de convertir la cité que de convertir les individus. La philosophie devient essentiellement un acte de conversion. Cette conversion est un événement provoqué dans l’âme de l’auditeur par la parole d’un philosophe. Elle correspond à une rupture totale avec la manière habituelle de vivre: changement de costume, et souvent de régime alimentaire, parfois renonciation aux affaires politiques, mais surtout transformation totale de la vie morale, pratique assidue de nombreux exercices spirituels. Ainsi, le philosophe parvient à la tranquillité de l’âme, à la liberté intérieure, en un mot à la béatitude. Dans cette perspective, l’enseignement philosophique tend à prendre la forme d’une prédication, dans laquelle les moyens de la rhétorique ou de la logique sont mis au service de la conversion des âmes. La philosophie antique n’est donc jamais l’édification d’un système abstrait, mais apparaît comme un appel à la conversion par laquelle l’homme retrouvera sa nature originelle (epistrophê ) dans un violent arrachement à la perversion où vit le commun des mortels et dans un profond bouleversement de tout l’être (c’est déjà la metanoïa ).
Judaïsme et christianisme
L’expérience intérieure de la conversion atteint son intensité la plus haute dans les religions de la «conscience malheureuse», pour reprendre l’expression de Hegel, c’est-à-dire dans les religions telles que le judaïsme et le christianisme, dans lesquelles il y a rupture entre l’homme et la nature, dans lesquelles l’équilibre des échanges entre l’humain et le divin est rompu. La conversion religieuse revêt dans ces religions un aspect radical et totalitaire qui l’apparente à la conversion philosophique. Mais elle prend la forme d’une foi absolue et exclusive en la parole et en la volonté salvatrice de Dieu. Dans l’Ancien Testament, Dieu invite souvent, par la bouche des prophètes, son peuple à se «convertir», c’est-à-dire à se tourner vers lui, à revenir à l’alliance conclue autrefois au Sinaï. La conversion est donc, ici encore, d’une part, retour à l’origine, à un état idéal et parfait (epistrophê ), d’autre part, arrachement à un état de perversion et de péché, pénitence et contrition, bouleversement total de l’être dans la foi en la parole de Dieu (metanoïa ).
La conversion chrétienne, elle aussi, est epistrophê et metanoïa , retour et renaissance. Mais elle se situe, au moins à son origine, dans une perspective eschatologique: il faut se repentir avant le jugement de Dieu qui approche. L’événement intérieur est d’ailleurs ici indissolublement lié à l’événement extérieur: le rite du baptême correspond à une renaissance dans le Christ et la conversion est l’expérience intérieure de cette nouvelle naissance. La conversion chrétienne est provoquée par la foi dans le règne de Dieu annoncé par le Christ, c’est-à-dire dans l’irruption de la puissance divine qui se manifeste par les miracles et l’accomplissement des prophéties. Ces signes divins seront les premiers arguments apologétiques, les premiers facteurs de conversion. Mais bientôt la prédication chrétienne, en s’adressant au monde gréco-romain, reprendra de nombreux thèmes de la prédication philosophique et les deux types de conversion tendront à se superposer, ainsi qu’il apparaît clairement dans le texte suivant de Clément d’Alexandrie. Commentant la parole évangélique: «Qui perd son âme la trouvera», Clément écrit: «Trouver son âme, c’est se connaître soi-même. Cette conversion vers les choses divines, les stoïciens disent qu’elle se fait par une mutation brusque, l’âme se transformant en sagesse; quant à Platon, il dit qu’elle se fait par la rotation de l’âme vers le meilleur et que la conversion de celle-ci la détourne de l’obscurité» (Stromates , IV, VI, 27, 3).
Missions, guerres de religion, réveils
Toute doctrine (religieuse ou politique) qui exige de ses fidèles une conversion totale et absolue se veut universelle et donc missionnaire; elle utilise une prédication, une apologétique et, assurée de son bon droit et de sa vérité, elle peut se laisser entraîner par la tentation de s’imposer par la violence. La liaison entre conversion et mission est déjà perceptible dans le bouddhisme. Mais elle apparaît surtout très nettement dans le christianisme lui-même et dans les autres religions qui naissent après l’ère chrétienne. Les mouvements d’expansion du christianisme et de l’islamisme sont bien connus. Mais il ne faut pas oublier l’extraordinaire essor des missions manichéennes: du IVe au VIIIe siècle, elles s’étendront de la Perse à l’Afrique et à l’Espagne, d’une part, et à la Chine, d’autre part.
L’évolution des méthodes de conversion dans l’histoire des missions demeure mal connue. Les missions chrétiennes, par exemple, ont pris des aspects extrêmement différents selon les pays et les époques. Les problèmes missionnaires se sont posés de manières très diverses à l’époque de Grégoire le Grand, à l’époque des grandes découvertes, à l’ère du colonialisme, à l’ère de la décolonisation.
Le phénomène de la conversion se manifeste également dans les mouvements de réformation et dans les «réveils» religieux. Les mouvements de réformation naissent de la conversion d’un réformateur qui veut retrouver et redécouvrir le christianisme primitif et authentique en rejetant les déviations, les erreurs et les péchés de l’Église traditionnelle: il y a donc à la fois «retour à l’origine» et «nouvelle naissance». La conversion du réformateur entraîne d’autres conversions; ces conversions prennent la forme de l’adhésion à une Église réformée, c’est-à-dire à une société religieuse dont la structure, les rites, les pratiques ont été purifiés. Dans les «réveils» religieux (le méthodisme, le piétisme) intervient aussi, au point de départ, la conversion d’une personnalité religieuse qui veut revenir à l’authentique et à l’essentiel, mais les conversions sont alors moins des adhésions à une nouvelle Église que l’entrée dans une communauté où Dieu devient sensible au cœur, où l’Esprit se manifeste. Cette expérience religieuse communautaire peut donner lieu à des phénomènes d’enthousiasme collectif et d’extase; elle se traduit toujours par une exaltation de la sensibilité religieuse.
Si la force, politique ou militaire, se met au service d’une religion ou d’une idéologie particulière, elle tend à utiliser des méthodes violentes de conversion, qui peuvent revêtir des degrés plus ou moins intenses, depuis la propagande jusqu’à la persécution, la guerre de religion ou la croisade. L’histoire fourmille d’exemples de ces conversions forcées, depuis la conversion des Saxons par Charlemagne, en passant par la guerre sainte musulmane, la conversion des juifs d’Espagne, les dragonnades de Louis XIV, pour aboutir aux modernes lavages de cerveau. Le besoin de conquérir les âmes par tous les moyens est peut-être la caractéristique fondamentale de l’esprit occidental.
2. Les différents aspects du phénomène
Sous quelque aspect que l’on aborde le phénomène de la conversion, il faut utiliser témoignages et documents avec beaucoup de précaution. Il y a en effet un «stéréotype» de la conversion. On se représente traditionnellement la conversion selon un certain schème fixe qui, par exemple, oppose fortement les longs tâtonnements, les erreurs de la vie précédant la conversion, à l’illumination décisive reçue tout à coup.
Les Confessions d’Augustin, notamment, ont joué dans l’histoire de ce genre littéraire un rôle capital. Ce stéréotype risque d’influencer non seulement la manière dont on fait le récit de la conversion, mais la manière même dont on l’éprouve.
Aspects psychophysiologiques
Les premières études psychologiques du phénomène de la conversion remontent à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. La conversion était interprétée, dans la perspective des théories d’alors, comme un remaniement total du champ de conscience, provoqué par l’irruption de forces émanant de la conscience subliminale (W. James). Beaucoup de témoignages et de documents ont été rassemblés à cette époque-là.
La recherche contemporaine envisage plutôt les aspects physiologiques du phénomène. On étudie l’influence du conditionnement physiologique (utilisation des réflexes conditionnés) ou de la chirurgie cérébrale (lobotomie) sur les transformations de la personnalité. Certains régimes politiques ont déjà utilisé les méthodes psychophysiologiques pour la «conversion» des opposants (lavage de cerveau).
Dans une perspective psychanalytique, enfin, la représentation du «retour à l’origine» et de la «nouvelle naissance» peut être interprétée comme une forme de l’aspiration à rentrer dans le sein maternel.
Aspects sociologiques
Dans la perspective sociologique, la conversion représente un arrachement à un milieu social déterminé et l’adhésion à une communauté nouvelle. C’est là un aspect extrêmement important du phénomène. En effet, ce changement des attaches sociales peut contribuer beaucoup à donner à l’événement de la conversion un caractère de crise, et il explique en partie le bouleversement de la personnalité qui en résulte: le remaniement du champ de la conscience est indissolublement lié à un remaniement de l’environnement, de l’Umwelt. Les missionnaires modernes ont pu éprouver, dans toute son acuité, le drame que constitue, pour un membre d’une société tribale, l’arrachement à son milieu vital que représente la conversion au christianisme. Ce problème s’est posé d’une manière presque constante dans l’histoire des missions. D’une façon générale, ce passage d’une communauté à une autre s’accompagne de scrupules moraux (impression de trahir et d’abandonner une tradition familiale ou nationale), de difficultés d’adaptation (impression de dépaysement) et de compréhension. Il est possible d’autre part que les individualités déracinées, celles qui, pour une raison ou pour une autre, sont arrachées momentanément ou définitivement à leur milieu natal, soient plus disposées que d’autres à la conversion (Monod). À l’inverse, il faut remarquer qu’un des mobiles les plus puissants de conversion réside dans l’attraction qu’exerce la communauté d’accueil, par l’atmosphère de charité ou de charisme qui peut y régner: ce fut le cas du christianisme primitif, c’est encore celui de certaines communautés issues de mouvements de «réveil» religieux. Le rayonnement de ces communautés provoque un phénomène de contagion qui peut se développer très rapidement.
Aspects religieux
Le phénomène de la conversion caractérise surtout les religions de «rupture», dans lesquelles l’initiative de Dieu fait irruption dans le monde et introduit une nouveauté radicale dans le cours de l’histoire. La Parole que Dieu adresse à l’homme, et qui souvent est consignée dans un livre sacré, exige une adhésion absolue, une rupture totale avec le passé, une consécration de tout l’être. Ces religions sont missionnaires, parce qu’elles se veulent universelles et qu’elles revendiquent la totalité de l’homme. La conversion y est «répétition», non seulement au sens d’un nouveau départ, d’une renaissance, mais aussi au sens d’une répétition de l’événement originel sur lequel se fonde la religion à laquelle on se convertit; c’est l’irruption du divin dans le cours de l’histoire qui se répète dans l’histoire individuelle. La conversion y prend aussi le sens d’une nouvelle création, s’il est vrai que l’acte créateur originel était une initiative divine absolue. Augustin, dans ses Confessions (XIII), identifie le mouvement par lequel la matière créée par Dieu reçoit illumination et formation et se convertit vers Dieu, au mouvement par lequel son âme s’est arrachée au péché, a été illuminée et s’est tournée vers Dieu.
En plaçant la théologie de la conversion dans la perspective plus générale de la théologie de la création, Augustin indiquait la voie qui permettrait de résoudre le problème théologique de la conversion: comment concilier la liberté humaine et l’initiative divine? Dans une théologie de l’acte créateur, tout est «grâce», puisque tout repose sur la décision libre et l’initiative absolue de Dieu. L’acte de conversion est donc totalement libre, mais sa liberté, comme toute réalité, est créée par Dieu. Le mystère de la grâce s’identifie en dernière analyse au mystère de la transcendance divine.
Aspects philosophiques
Dans l’Antiquité, la philosophie était essentiellement conversion, c’est-à-dire retour à soi, à sa véritable essence, par un violent arrachement à l’aliénation de l’inconscience. C’est à partir de ce fait fondamental que la philosophie occidentale s’est développée. D’une part, elle s’est efforcée d’élaborer une physique ou une métaphysique de la conversion. D’autre part, et surtout, elle est toujours restée une activité spirituelle qui a le caractère d’une véritable conversion.
Déjà la philosophie antique proposait une physique ou une métaphysique de la conversion. Comment est-il possible que l’âme puisse revenir à elle-même, se retourner vers soi, retrouver son essence originelle? C’est à cette question implicite que répondaient les doctrines stoïcienne et néo-platonicienne. Pour les stoïciens, c’était la réalité sensible elle-même qui était douée de ce mouvement de conversion. L’univers entier, vivant et raisonnable, animé par le Logos, était doué d’un mouvement vibratoire allant de l’intérieur à l’extérieur et de l’extérieur à l’intérieur. La conversion de l’âme philosophique était donc accordée à la conversion de l’univers et, finalement, de la raison universelle. Pour les néo-platoniciens, seule la vraie réalité, c’est-à-dire la réalité spirituelle, est capable de ce mouvement qui est celui de la réflexivité. Pour se réaliser, l’esprit sort de lui-même pour revenir à lui-même, il s’extasie dans la vie et se retrouve dans la pensée. Ce schème dominera toutes les philosophies dialectiques.
Pour Hegel, l’histoire est l’odyssée de l’esprit, et l’histoire conçue, dans la philosophie, c’est le retour de l’esprit à l’intérieur de lui-même (Er-innerung ), entendons par là sa «conversion» que Hegel, fidèle en cela à l’esprit du christianisme, identifie à l’acte rédempteur qu’est la passion de l’Homme-Dieu: «L’histoire conçue, c’est le retour à l’intérieur et le calvaire de l’esprit absolu, l’effectivité, la vérité et la certitude de son trône sans lequel il serait la solitude sans vie» (dernière phrase de la Phénoménologie de l’esprit ). Pour Marx, c’est la réalité humaine qui est douée de ce mouvement d’aliénation et de retour, de perversion et de conversion: «Le communisme est le retour de l’homme pour soi [...] réalisé à l’intérieur de la richesse entière de l’évolution accomplie jusqu’ici» (K. Marx, Manuscrits de 1844. Économie politique et philosophie ).
Plus et mieux qu’une théorie sur la conversion, la philosophie est toujours restée elle-même essentiellement un acte de conversion. On peut suivre les formes que revêt cet acte tout au long de l’histoire de la philosophie, le reconnaître, par exemple, dans le cogito cartésien, dans l’amor intellectualis de Spinoza ou encore dans l’intuition bergsonienne de la durée. Sous toutes ces formes, la conversion philosophique est arrachement et rupture par rapport au quotidien, au familier, à l’attitude faussement «naturelle» du sens commun; elle est retour à l’originel et à l’originaire, à l’authentique, à l’intériorité, à l’essentiel; elle est recommencement absolu, nouveau point de départ qui transmue le passé et l’avenir. Ces mêmes traits se retrouvent dans la philosophie contemporaine, notamment dans la réduction phénoménologique qu’ont proposée, chacun à leur manière, Husserl, Heidegger et Merleau-Ponty. Sous quelque aspect qu’elle se présente, la conversion philosophique est accès à la liberté intérieure, à une nouvelle perception du monde, à l’existence authentique.
Le phénomène de la conversion révèle d’une manière privilégiée l’ambiguïté insurmontable de la réalité humaine et la pluralité irréductible des systèmes d’interprétation que l’on peut lui appliquer. Certains verront dans la conversion le signe de la transcendance divine, la révélation de la grâce qui fonde la seule vraie liberté. D’autres, un phénomène purement psychophysiologique ou sociologique, dont l’étude permettrait peut-être de perfectionner les techniques de suggestion et les méthodes de transformation de la personnalité. Le philosophe aura tendance à penser que la seule vraie transformation de l’homme est la conversion philosophique.
conversion [ kɔ̃vɛrsjɔ̃ ] n. f.
• 1190; lat. conversio « action de se tourner vers (Dieu) », de convertere → convertir
1 ♦ Le fait de passer d'une croyance considérée comme fausse à la vérité présumée. Conversion d'un païen, d'un athée au christianisme. ⇒ adhésion. Conversion au bouddhisme, à l'islamisme. « Ma conversion ne regarde personne, répétait-il. C'est affaire entre Dieu et moi » (A. Gide).
♢ Retour à la pratique religieuse; à l'observation des règles morales. La conversion du pécheur.
♢ Changement d'opinion se traduisant par l'adhésion à un système d'idées. Conversion au libéralisme, au socialisme.
2 ♦ (1330) Vx Le fait de se changer en autre chose. ⇒ changement, métamorphose, mutation, transformation. Les alchimistes croyaient à la conversion des métaux en or. « La conversion du gouvernement en despotisme » (Rousseau). — Mod. Conversion d'énergie : transformation d'une énergie en une énergie d'un autre type.
♢ Écon. Adaptation (d'une personne, d'une entreprise) à une nouvelle activité économique par suite de la suppression ou de la disparition de l'ancienne, ou en raison des modifications de l'environnement. ⇒ reconversion. Conversion professionnelle, industrielle (⇒ redéploiement) .
3 ♦ Expression d'une quantité dans une autre unité. La conversion d'heures en minutes. Exercices de conversion. Conversion de dollars en francs (⇒ change) . — Fin. Conversion d'une somme d'argent liquide en valeurs; d'un billet de banque en or (⇒ convertible) . Conversion de rente : remplacement d'une dette publique par une autre produisant un intérêt moindre. Conversion d'une dette à court terme en dette à long terme. ⇒ consolidation. — Conversion de titre : transformation d'un titre au porteur en titre nominatif (ou inversement).
♢ Math. Conversion des fractions ordinaires en fractions décimales.
4 ♦ (1662) Log. Permutation des termes d'une proposition pour former une nouvelle proposition déductible de la première.
♢ Inform. Changement de code (d'un mot, d'un message). Conversion binaire décimale.
5 ♦ (XIVe; h. XIIe) Milit. Mouvement tournant effectué dans un but tactique. La troupe effectua une conversion. — (1946) Sport Demi-tour sur place effectué par un skieur.
6 ♦ (1900) Psychan. Somatisation d'un conflit psychique. Hystérie de conversion.
● conversion nom féminin (latin conversio, -onis) Action de tourner ; mouvement qui fait tourner. Vieux. Changement de quelque chose en quelque chose d'autre ; mutation : L'alchimie cherchait la conversion des métaux en or. Action d'adhérer à une religion, d'abandonner une religion pour une autre ou de passer de l'incroyance à la foi religieuse : Conversion au catholicisme. Changement d'idées, d'opinions, de conduite ; adhésion à une doctrine que l'on rejetait jusqu'alors : Conversion à la démocratie. Action d'exprimer une grandeur à l'aide d'une autre unité. Droit Changement d'un acte, d'une procédure en une autre. Finances Opération par laquelle l'État offre à des porteurs de titres d'emprunt soit le remboursement, soit des titres offrant un taux d'intérêt inférieur. Changement de forme d'un titre (de la forme nominative à la forme au porteur ou réciproquement). Informatique Modification de la représentation d'un nombre permettant de passer d'un système de numération à un autre. Adaptation de programmes en vue de leur fonctionnement sous un autre système d'exploitation que celui pour lequel ils ont été écrits. Logique Règle d'inférence qui consiste à transformer une formule F du type « S est p » en une formule F'dont le prédicat et le sujet soient intervertis par rapport à F et qui soit déductible à partir de F. (Par exemple F peut être « tous les hommes sont des animaux », F'sera : « quelques animaux sont des hommes ».) Militaire Autrefois, évolution tactique qui consistait à changer la direction du front. Nucléaire Dans un réacteur nucléaire, production, à partir d'une substance fertile, d'une substance fissile différente de celle contenue dans le combustible initial du réacteur. (Par exemple, production de plutonium 239 [fissile] dans un réacteur dont le combustible initial est constitué d'un mélange d'uranium 235 [fissile] et d'uranium 238 [fertile].) Physique Transformation d'une énergie d'une forme en une autre ou, pour une même forme, d'un mode en un autre. Psychanalyse Processus de formation de symptôme par lequel une quantité d'énergie psychique est supposée passer dans le corps sous des formes somatiques diverses (paralysie, douleurs, anesthésies). [Ce mécanisme serait particulièrement important dans l'hystérie de conversion.] Sociologie Changement de spécialité d'un travailleur, qui permet son reclassement dans un secteur ou dans une région offrant des emplois dans sa nouvelle spécialité. Sports Mouvement dans lequel le skieur à l'arrêt exécute un demi-tour sur place. Sylviculture Changement du régime appliqué à une forêt. ● conversion (citations) nom féminin (latin conversio, -onis) Louis Bourdaloue Bourges 1632-Paris 1704 […] Nous voulons nous convertir quand nous serons rebutés du monde ou plutôt quand le monde sera rebuté de nous. Sermon sur la pénitence André Malraux Paris 1901-Créteil 1976 Croyez-vous que toute vie réellement religieuse ne soit pas une conversion de chaque jour ? La Condition humaine Gallimard ● conversion (expressions) nom féminin (latin conversio, -onis) Procédé de conversion, transformation de l'oxyde de carbone en gaz carbonique et en hydrogène par traitement à la vapeur d'eau et au rouge. Conversion de rente, en matière d'accident du travail, transformation d'une rente, dont le montant serait trop minime, en capital. Conversion de saisie, autorisation donnée par le tribunal au créancier poursuivant et au saisi de faire vendre sur simples annonces et affiches. Procédé de conversion, procédé permettant d'obtenir, en partant de la composition typographique, des épreuves ou des films utilisables pour l'établissement de formes imprimantes en offset et en héliogravure. Conversion analogique-digitale, conversion d'une grandeur analogique en une grandeur numérique. Enzyme de conversion de l'angiotensine (E.C.A.), enzyme qui transforme l'angiotensine I inactive en angiotensine II, dont l'hyperactivité provoque une hypertension artérielle. Conversion de fréquence, synonyme de changement de fréquence. ● conversion (homonymes) nom féminin (latin conversio, -onis) conversions forme conjuguée du verbe converser ● conversion (synonymes) nom féminin (latin conversio, -onis) Action de tourner ; mouvement qui fait tourner.
Synonymes :
- révolution
- rotation
Changement de quelque chose en quelque chose d'autre ; mutation
Synonymes :
- métamorphose
Changement d'idées, d'opinions, de conduite ; adhésion à une doctrine que...
Synonymes :
- adhésion
Télécommunications. Conversion de fréquence
Synonymes :
- changement de fréquence
conversion
n. f.
d1./d Transformation d'une chose en une autre (changement de nature, de forme). Conversion des métaux.
|| FIN Conversion des monnaies, leur échange contre d'autres pour une même valeur.
d2./d Spécial. Changement de religion.
— Par ext. Changement de parti, d'opinion. Conversion au socialisme.
d3./d LOG Opération qui consiste, dans une proposition, à faire du sujet l'attribut et de l'attribut le sujet sans étendre abusivement la compréhension de l'un des concepts. (Ex.: " Tous les oiseaux sont des animaux ailés" ne doit pas devenir " Tous les animaux ailés sont des oiseaux" mais " Certains animaux ailés sont des oiseaux".)
d4./d Changement de direction (spécial., d'une troupe militaire).
⇒CONVERSION, subst. fém.
A.— [Parfois par fig. étymol.] Changement, par retournement, du sens d'un mouvement en cours. Synon. tour, retournement, volte :
• 1. Trois garçons pivotèrent sur leurs talons comme des toupies; les deux dames du comptoir eurent un sursaut, puis une conversion du torse entier, comme si elles eussent été deux automates...
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, Un Lâche, 1884, p. 915.
— Spécialement
1. ART MILIT. Mouvement tactique qui amène un corps de troupe à changer la direction de son front en pivotant autour de l'une de ses extrémités en ordre serré. Conversion à droite, à gauche; mouvement de conversion; faire, accomplir une conversion. Créer à Montmédy une place pour servir de pivot à la conversion que notre aile gauche aurait à faire si les conditions nous permettant d'entrer en Belgique se réalisaient (JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 203).
2. MAR. Changement progressif de direction d'une ligne de navires (d'apr. GRUSS 1952).
3. MÉCAN. Centre de conversion. ,,Point autour duquel un corps tourne ou tend à tourner en décrivant une courbe`` (GUILB. Aviat. 1965).
4. SP. Demi-tour sur place effectué par un skieur (d'apr. GAUTRAT Ski 1969). Faire une conversion; conversion arrière, avant. Sans hésiter, après avoir saisi au vol ses bâtons, le facteur opéra une conversion et se laissa glisser à vive allure jusqu'à l'orée du petit bois (A. BESSON, La Grotte aux loups, Vuillens, 1963, p. 12).
— P. métaph. On se représente volontiers la réflexion comme une conversion de la conscience qui, d'abord hors de soi, rentre ensuite en soi et suspend son intention centrifuge (RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 59) :
• 2. Malgré tout, malgré les preuves répétées de la conversion à droite qu'accomplit depuis les élections générales le parti radical, je m'obstinais à espérer encore.
JAURÈS, Le Guêpier marocain (1906-08), 1914, p. 197.
B.— Changement, transformation d'un objet dans sa nature ou sa fonction.
1. [Le changement porte sur un obj. physique]
a) Action de changer une chose en une autre. Synon. transformation.
) [La transformation est une opération industrielle]
— MÉTALL. ,,Opération métallurgique d'affinage effectuée dans un convertisseur et ayant pour objet de convertir la fonte en acier (par oxydation du carbone, du silicium, du manganèse et éventuellement du phosphore), en soufflant de l'air plus ou moins enrichi d'oxygène`` (BADER-TH. 1962). Acier de conversion, aciéries de conversion; conversion basique, acide.
Rem. La docum. atteste, dans le même sens, le subst. masc. convertissage. Convertissage de l'acier. Dans l'opération du convertissage, la matte fondue est versée directement dans l'appareil pour y subir l'action de l'air sous pression (GUILLET, Techn. métall., 1944, p. 43).
— ÉLECTR. ,,Transformation de l'énergie électrique reçue sous une certaine forme de courant en énergie fournie sous une autre forme de courant`` (SIZ. 1968).
— ÉLECTRON. Transformation de la haute fréquence d'un signal en une fréquence moyenne plus facilement amplifiable dans une lampe dite mélangeuse (d'apr. Électron. 1963-64).
— ÉN. NUCL. ,,Production, à partir d'une substance « fertile », d'une substance fissile différente de la substance fissile consommée par la réaction nucléaire en chaîne`` (Nucl. 1964). Conversion du plutonium 239 en uranium 238. La fabrication de bombes à hydrogène a fait un large appel au lithium, source de matériaux de fusion lors de la conversion des isotopes de l'hydrogène en hélium (Hist. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 428).
) [La transformation est une opération financière] Cf. convertir I B 1 b.
— Conversion d'emprunts, de rente. Opération consistant à remplacer une dette publique (rente, emprunts) portant un certain intérêt par une autre produisant un intérêt moindre. La propriété, parmi nous, tient encore de la stabilité de la terre dont elle est née. J'étais donc, en général, contre le principe de la conversion ou du remboursement (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 236).
— Conversion de titres. ,,Opération consistant à transformer des titres nominatifs en titres au porteur`` (CIDA 1973). Conversion de parts de fondateur en actions; conversion d'obligations en actions.
— Conversion de rente. Transformation d'une rente servie pour incapacité permanente à un accidenté du travail en un capital, après cinq ans de consolidation, si celui-ci n'a qu'une incapacité de 10 % au maximum (d'apr. CIDA 1973 et BARR. 1974).
— Conversion de monnaie. Échange de monnaie contre d'autre monnaie ou contre de l'or. Si la quantité des billets émise n'excédait pas les besoins de la circulation, les porteurs de billets n'exigeraient pas leur conversion en métal (SAY, Écon. pol., 1832, p. 276).
Rem. La docum. atteste, dans le même sens, le subst. masc. convertissement (vx).
) [La transformation est un acte jur.]
— Conversion de saisie immobilière en vente volontaire. ,,Incident de la procédure de saisie immobilière ayant pour objet de transformer la procédure de vente sur saisie immobilière en vente par adjudication`` (CAP. 1936).
— Conversion de séparation de corps en divorce (BARR. 1974).
b) Transformation (spontanée, non causée) d'une chose en une autre. Synon. transformation, transmutation.
) [La transformation est un processus matériel, chim., phys., biol.] La conversion du sucre en acide carbonique. Les chauffages de fusées d'essieu, de tourillons de manivelle etc., sont des exemples trop fréquents de la conversion de travail mécanique en chaleur (HERDNER, Locomotives, 1887, p. 21).
— BIOL. Transformation d'une cellule normale en cellule maligne (d'apr. Méd. Biol. t. 1 1970).
— ÉN. NUCL. Conversion interne. Transition entre deux états d'énergie d'un noyau avec émission d'un rayonnement X (d'apr. Nucl. 1964).
) [La transformation est un processus psychol., soc., hist.]
— Loi de conversion des changements quantitatifs en changements qualitatifs. Thèse de la dialectique matérialiste qui envisage le devenir comme une conversion de la qualité ancienne en qualité nouvelle par suite de l'accumulation de changements quantitatifs (ROS.-IOUD. 1955, p. 96).
— PSYCHANAL. Mécanisme qui consiste en une transposition d'un conflit psychique et la tentative de le résoudre dans des symptômes somatiques moteurs (paralysies par exemple) ou sensitifs (anesthésies ou douleurs localisées), l'énergie libidinale attachée aux représentations refoulées étant convertie en énergie d'innervation somatique (d'apr. LAPL.-PONT. 1967). Synon. (partiel) somatisation. Hystérie de conversion.
— THÉOL. Conversion eucharistique. ,,La « consécration divine » de l'eucharistie, « opérée par les paroles mêmes du Christ, change la nature » du pain et du vin et en fait « le sacrement du corps et du sang du sauveur »`` (Théol. cath. t. 3, 2, 1911).
) P. ext., usuel. Transformation d'une entité ou d'un ensemble d'entités en une autre entité ou un autre ensemble d'entités. La conversion du relatif en absolu (MAINE DE BIRAN, Influence habit., 1803, p. 199) :
• 3. Ramenée au ciel, et comment?
Par le fait logique et charmant
D'un grand miracle assurément,
Par la conversion soudaine
D'un cœur voué tout à la haine
En un d'une onction sereine.
VERLAINE, Poèmes divers, Tristia, 1896, p. 239.
c) Adaptation (de quelque chose) à de nouvelles fonctions, à un nouvel usage. Conversion d'un portique en église (LENOIR, L'Archit. monast., 1852, p. 19). La création de nouvelles enceintes a amené le déclassement des anciennes et leur conversion en boulevards (LAVEDAN, Urban., 1926, p. 100).
— SYLVIC. ,,Changement de régime d'une forêt, c'est-à-dire de mode de régénération et de sorte de peuplement`` (PLAIS. 1969). Le cas classique est la conversion d'un taillis sous futaie à réserve chêne en futaie de chêne (COCHET, Bois, 1963, p. 84).
— ÉCON. Conversion économique. Changement d'activité économique. Zones de conversion. Synon. reconversion, recyclage. Les agriculteurs qui effectuent une « migration », ou une certaine « mutation d'exploitation » ou encore certaines « conversions d'exploitations » reçoivent subventions et prêts préférentiels (BELORGEY, Gouvern. admin., 1967, p. 370).
2. P. ext. [Le changement porte sur un obj. mental]
a) MATH. ,,Transformation d'un résultat de mesure exprimé avec certaines unités en un nouveau résultat exprimé avec d'autres unités`` (UV.-CHAPMAN 1956). Conversion de nombres complexes en nombres décimaux; conversion des mesures anglaises en mesures métriques.
b) INFORMAT. ,,Opération consistant à transférer sur un support des informations existant sur un autre type de support (conversion de support); traduction dans un système numérique d'un nombre écrit dans un autre système`` (BALAY 1971). Conversion décimal-binaire, binaire-décimal; conversion analogique-numérique; conversion de codes, de programmes.
c) LOG. ,,Espèce de déduction immédiate qui consiste à inférer d'une proposition une autre proposition où les termes de la première soient permutés`` (LAL. 1968). Conversion simple. Qui s'applique à l'universelle négative et à la particulière affirmative. Conversion partielle. Qui déduit de l'universelle affirmative une particulière affirmative (LAL. 1968).
d) LING. ,,On appelle conversion la transformation d'une catégorie en une autre à l'aide de morphèmes grammaticaux`` (Ling. 1972).
II.— [Correspond à convertir II]
A.— [En parlant d'une relig. ou d'une croyance relig.]
1. Action de convertir. La conversion des incroyants; faire, opérer des conversions :
• 4. Les missionnaires protestants en A.E.F. et au Cameroun, se montraient plus scrupuleux, en général, que les catholiques sur les moyens employés pour la conversion des noirs...
GIDE, Journal, 1943, p. 225.
— Spéc. Conversion au catholicisme (cf. convertir II B 1) :
• 5. Par le préfet, il [un prêtre] réussit à nous empêcher de danser, et bientôt nous fera défendre de chanter et de rire (...) Ce n'est pas, comme on le sait, d'aujourd'hui, que les ministres de l'Église ont eu la pensée de s'aider du bras séculier dans la conversion des pécheurs, où les apôtres n'employaient que l'exemple et la parole...
COURIER, Pamphlets pol., Pétition pour villageois, 1822, p. 140.
2. Fait d'adopter une nouvelle religion en abandonnant sa religion, ses convictions antérieures. Conversion des protestants, des juifs au catholicisme.
— Spéc., THÉOL. Action de se soumettre à la volonté de Dieu, de répondre à l'appel de la grâce. La conversion ne mérite ce nom selon l'Église, que dans la mesure de sa conformité au dogme que l'Église a défini (...) (Philos., Relig., 1957, p. 3405) :
• 6. Dieu est si bon, il voit avec tant de peine des créatures faites pour le ciel se perdre, qu'il met tout en œuvre pour les ramener; il les prend par tous les moyens, même par leurs passions, quand il n'y a plus de vertu. Cela se voit dans la conversion des saints, et rien ne fait tant aimer Dieu que ces traits de miséricorde.
E. DE GUÉRIN, Lettres, 1838, p. 180.
3. P. ext.
a) Retour à la pratique religieuse, à l'observance des lois de la morale religieuse. Conversion d'un pécheur, d'un scélérat, d'un libertin; conversion et amendement, et repentir. À Mons, en 1874, conversion au catholicisme négligé depuis ma première communion (VERLAINE, Corresp., t. 3, 1869-96, p. 261).
— En partic. Transformation, exigée par les vœux monastiques, appelée dans la théologie catholique conversion des mœurs (conversio morum). Le texte latin attestant l'offre qu'il consentait de lui-même au Dieu tout-puissant, à la Bienheureuse Vierge Marie, au Saint Père Benoît pour le monastère du Val des Saints, et promettant la conversion de ses mœurs suivant la règle du patriarche (HUYSMANS, Oblat, t. 2, 1903, p. 34).
b) Complète transformation spirituelle et morale. Je n'étais, avant ma maladie, qu'un misérable pécheur (...) La providence a daigné me tirer de cet abîme; je me gouverne depuis ma conversion par les avis de mon directeur (A. FRANCE, Contes Tournebroche, 1908, p. 145).
SYNT. Conversion authentique, sincère, véritable; conversion radicale, définitive, soudaine, tardive, éclatante, miraculeuse; fausse conversion; conversion superficielle.
B.— P. anal.
1. Fait d'adopter des idées, des opinions, un système politique ou philosophique; adhésion à ces nouvelles idées. Conversion au communisme, au fascisme, à la démocratie, à la révolution; conversion démocratique, révolutionnaire. Ces sortes de conversions révolutionnaires de type religieux (BRETON, Manif. Surréal., 2e Manifeste, 1930, p. 120) :
• 7. ... le prince [de Guermantes] avait changé comme tous ces insolents de la jeunesse et de l'âge mûr, à qui la vieillesse apporte sa douceur (...) surtout si la vieillesse a pour adjuvant quelque vertu, ou quelque vice qui étende les relations, ou la révolution qui fait une conversion politique, comme celle du prince ou dreyfusisme?
PROUST, Le Temps retrouvé, 1922, p. 954.
2. Fait d'adopter de nouvelles valeurs (morales, esthétiques, etc.). L'état inauthentique qui est mon état ordinaire tant que je n'ai pas réalisé la conversion à l'authenticité (SARTRE, Être, 1943, p. 303) :
• 8. Je songeais enfin à cet écart si singulier qui existe entre les Œuvres de Jeunesse et Madame Bovary, à cette conversion au style purifié qui suit le voyage d'Orient.
THIBAUDET, Réflexions sur la critique, 1936, p. 83.
3. Complète transformation spirituelle et morale (cette transformation n'étant pas ressentie comme une expérience religieuse). L'initiative, considérée négativement dans les grandes options, conversions et réformes radicales, n'est pas sans la rupture violente de la continuation et l'arrachement douloureux aux habitudes (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 254).
— P. plaisant. Changement radical (de la vie, etc.). Il [Olivier] continua : il est possible qu'un jour je me marie. (...) on a vu des conversions plus étonnantes (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 267).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. depuis 1694. Étymol. et Hist. A. Ca 1170 « habitation » (BENOIT DE SAINTE-MAURE, Chronique des Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 13029) — XIVe s., Chevalier au papegau, 24, 9 ds T.-L. B. 1. Ca 1190 « action de se convertir à une religion » conversion saint Pol (Sermons de Saint Bernard, éd. W. Foerster, p. 114, 20); 2. ca 1190 spiritel conversion « passage d'une vie plus relâchée, d'une foi tiède à une foi réelle » (ibid., p. 136, 41); 3. av. 1752 « changement d'opinion » (Astruc ds Trév.). C. 1. Ca 1200 « action de se tourner » (A. DE PARIS, Alexandre, III, 1321, éd. Elliott Monographs, t. II, p. 172); 2. 1516 art milit. « mouvement tournant » (Trad. d'Elien, ms BN 24725, f° 128 r° ds GDF.), attest. isolée; à nouv. 1648 (NICOLAS PERROT D'ABLANCOURT, Retraite des Dix Mille de Xénophon, L. 1, chap. X ds RICH. 1680). D. 1. 1330-32 « changement d'une chose en une autre » (G. DE DIGULLEVILLE, Pélerinage de vie humaine, 1455 ds T.-L.), attest. isolée, à nouv. en 1611 (COTGR.); 2. 1636 math. conversion de raison (MERSENNE, Harmonie universelle, 59 ds IGLF); 3. 1662 log. (A. ARNAULD, P. NICOLE, La Logique ou l'art de penser, 2e part., chap. 14 ds RICH. 1680); 4. 1690 fin. (FUR.); 5. 1690 dr. (FUR.). Empr. au lat. class. conversio « action de tourner, mouvement circulaire; changement, métamorphose », lat. chrét. « conversion religieuse, retour à la vraie foi; log. interversion du sujet et de l'attribut ». Fréq. abs. littér. :830. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 076, b) 881; XXe s. : a) 897, b) 1 599.
DÉR. 1. Conversionnel, elle, adj. Qui convertit, transforme. Toute rétention est en même temps conversion du kinésique en visuel, et cette rétention conversionnelle mériterait à elle seule une description phénoménologique (SARTRE, L'Imaginaire, 1940, p. 103). Cet adj. didactique est absent des dict. consultés. — 1re attest. 1940, id.; de conversion, suff. -el (cf. -al, -el). 2. Conversion(n)iste,(Conversioniste, Conversionniste) subst., vx. Partisan de la conversion des rentes (supra I B 1 a ). On dit que toute rente perpétuelle est essentiellement rachetable (...) du point de vue propriétaire, et dans la bouche des conversionnistes, c'est le langage des banqueroutiers (PROUDHON, Qu'est-ce que la propriété? 1840, p. 162). — Seule transcr. ds LITTRÉ : kon-vèr-sio-ni-st'. Selon la règle énoncée par R. THIMONNIER, Principes d'une réforme rationnelle de l'orth. (inédit), 1967, p. 72, n terminal de -on ne redouble que s'il est suivi de e. D'apr. cette règle il faudrait écrire conversioniste, alors que conversionnel /-er avec 2 n sont réguliers. En ce qui concerne les dict. qui enregistrent le mot, celui-ci est écrit avec 1 n ds Ac. Compl. 1842, BESCH. 1845 et LITTRÉ, avec 2 n ds Lar. 19e-20e et GUÉRIN 1892. — 1res attest. 1838 conversioniste (Ac. Compl. 1842); 1840 conversionniste (PROUDHON, loc. cit.); de conversion (supra étymol. D 4), suff. -iste. — Fréq. abs. littér. : 1.
BBG. — AUBIN (P.). Le Probl. de la conversion. Paris, 1963, 236 p. — GUILLEMIN (H.). La Conversion de Paul Claudel. Ét. class. 1957, t. 25, n° 1, pp. 5-64. — Termes techn. fr. Paris, 1972, p. 111.
conversion [kɔ̃vɛʀsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1190; lat. conversio « action de se tourner vers (Dieu) », du supin de convertere. → Convertir.
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1 Théol. Action de se tourner vers Dieu, de tendre à la perfection en se soumettant à sa volonté.
1 La conversion véritable consiste à s'anéantir devant cet Être universel qu'on a irrité tant de fois, et qui peut vous perdre légitimement à toute heure (…)
Pascal, Pensées, VII, 470.
2 Cour. Fait de passer d'une croyance considérée comme fausse à la vérité présumée. || La conversion d'un païen, d'un athée au christianisme. || La conversion d'un chrétien à l'islam, au bouddhisme. ⇒ Adhésion. || La conversion d'un sceptique, d'un agnostique. || Conversion d'une foi à une autre. ⇒ Abjuration, apostasie, reniement, renoncement. — Absolt (au christianisme, dans le contexte historique français). || La conversion de saint Paul (Actes des Apôtres, IX, 3-4). || Obtenir la conversion des infidèles. || Ce missionnaire fit de nombreuses conversions. || La conversion de tout un peuple, de tout un pays.
2 La conversion des païens n'était réservée qu'à la grâce du Messie.
Pascal, Pensées, XII, 769.
3 Nous faisons cependant six mille lieues de mer pour la conversion des Indes, des royaumes de Siam, de la Chine et du Japon, c'est-à-dire pour faire très sérieusement à tous ces peuples des propositions qui doivent leur paraître très folles et très ridicules.
La Bruyère, les Caractères, XVI, 29.
4 Ma conversion ne regarde personne, répétait-il. C'est affaire entre Dieu et moi.
Gide, les Caves du Vatican, I, 8.
♦ Retour à la pratique religieuse; à l'observation des règles morales. || La conversion du pécheur est compromise par ses rechutes.
5 J'avais entrevu la conversion au bien et au bonheur, le salut.
Rimbaud, Une saison en enfer, p. 50.
6 (…) la conversion du pécheur n'est pas sa guérison, mais seulement sa convalescence.
Huysmans, En route, p. 236.
♦ Changement d'opinion se traduisant par l'adhésion (à un système d'idées). || Conversion au libéralisme, au communisme; aux idées modernes. || La Conversion d'Alceste, comédie de Courteline.
7 (…) la prompte conversion des détracteurs de la médecine.
Condorcet, Malouin.
8 (…) tandis que nous pouvons travailler dans la joie à faire la conversion des consciences (…)
Ch. Péguy, la République…, p. 19.
3 (1330). Vx. (choses). Fait de se changer en autre chose. ⇒ Changement, métamorphose, mutation, transformation. || Les alchimistes croyaient à la conversion des métaux. || La conversion de l'eau en vapeur. — Relig. || La conversion eucharistique.
9 Il est prodigieux que la vaste étendue de la Pologne n'ait pas déjà cent fois opéré la conversion du gouvernement en despotisme (…)
Rousseau, le Gouvernement de Pologne, V.
♦ (1690). || Conversion des poids et mesures en unités nouvelles. || Conversion de la toise en mètre. — Fin. || Conversion d'une somme d'argent liquide en valeurs; d'un billet de banque en or. ⇒ Convertible. || Conversion de rente : remplacement d'une dette publique par une autre produisant un intérêt moindre. || La conversion par voie d'autorité est une banqueroute partielle. || Conversion par offre de remboursement du capital. || Conversion de titre à court terme en titre à long terme. ⇒ Consolidation. — Conversion de titre : changement d'une valeur mobilière de la forme nominative à la forme au porteur. — Absolt. || Droit de conversion : taxe qui frappe la conversion de titre.
♦ Dr. || Conversion de séparation de corps en divorce (Code civil, art. 310). || Conversion de saisie immobilière en vente volontaire.
♦ Écon. Adaptation (d'une personne, d'une entreprise) à une nouvelle activité sociale par suite de la suppression ou de la dispersion de l'ancienne. ⇒ Reconversion.
♦ Math. || Conversion des fractions ordinaires en fractions décimales. — Conversion du temps moyen en temps sidéral.
♦ (1662). Log. Permutation des termes d'une proposition (donnant une nouvelle proposition).
♦ Inform. Changement de code (d'un mot, d'un message).
4 (XIIe, attestation isolée; XIVe). Action de changer de sens. ⇒ Retournement, révolution, tour, volte. — (1516). Milit. Mouvement tournant effectué dans un but tactique. || La troupe effectua une conversion.
10 Il complimenta le sergent. Puis, à son commandement, les jeunes soldats rectifièrent la position et se raidirent avant d'exécuter une conversion par quatre.
Francis Carco, les Belles Manières, p. 40.
♦ Mar. Changement progressif de direction (d'une ligne de navires).
♦ Sports. Demi-tour sur place (effectué par un skieur).
11 Les changements de direction sur le plat se font (…) surtout en exécutant une conversion. Le skieur lève une jambe en avant jusqu'à ce que le ski se dresse verticalement. Il le fait alors basculer vers l'extérieur et le repose au sol contre l'autre. Portant alors tout le poids du corps sur ce ski, il ramène l'autre sans effort à ses côtés et se retrouve face à la direction d'où il venait.
François Gazier, les Sports de la montagne, p. 81.
5 Psychan. Somatisation d'un conflit psychique, notamment dans l'hystérie, qui a une valeur symbolique (représentations refoulées). || Hystérie de conversion. || Conversion psychosomatique.
12 Avec le développement de la psychanalyse, la conversion a pris le sens beaucoup plus général d'un mécanisme de défense du moi contre l'angoisse (…) Les pulsions sexuelles ou agressives qui menacent le moi sont source d'angoisse, et celui-ci se protège contre le danger par toute une série de mécanismes de défense dont le plus archaïque, le plus enfantin et le plus primitif est précisément la fuite dans une maladie corporelle.
Jean Delay, Introd. à la médecine psychosomatique, p. 32.
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DÉR. (Du sens 4) 2. Converser.
COMP. Séroconversion.
Encyclopédie Universelle. 2012.