Akademik

CORTE
CORTE

CORTE

Avec 6 065 habitants en 1994, Corte venait au quatrième rang des villes corses, après Porto-Vecchio (9 307 hab.) et loin derrière les agglomérations d’Ajaccio et de Bastia rassemblant à elles deux près de la moitié de la population de l’île. C’est dire que son importance se mesure moins en termes de démographie ou d’économie qu’au rôle qu’elle a joué dans l’histoire insulaire. Jouissant d’une situation géographique centrale, à quelque 80 kilomètres d’Ajaccio et de Bastia, elle se trouve à l’emplacement «le plus commode pour la nation», comme le notait le Diplôme de fondation de l’université de Corte du 25 novembre 1764. Il y a d’ailleurs un certain paradoxe à ce que la cité choisie comme capitale du royaume de Corse sous le «généralat» de Pascal Paoli, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, ait une histoire si lacunaire.

À suivre la chronique de Giovanni della Grossa, rédigée au XVe siècle, le nom de Corte viendrait de Corto, fils d’un chevalier troyen. Si cette fondation est légendaire, l’antiquité du site est attestée tant par l’existence de menhirs, pour la préhistoire, que par les vestiges des bains de Santa-Mariona et de Tusumi, pour la période romaine. De même, si l’église San Giovanni, un baptistère et une maison forte témoignent d’une occupation au IXe siècle, la relation que donne Giovanni della Grossa du siège et de la mise à sac de la ville lors de la lutte contre les Sarrasins menée par le comte Hugo Colonna en ce IXe siècle relève davantage du genre de la chanson de geste que de l’histoire. Tout au plus peut-on tenir que la cité existait avant la construction de la citadelle par Vincentello d’Istria en 1420 et qu’au long des XVe, XVIe et XVIIe siècles elle eut sa part des rivalités qui ensanglantèrent l’île. Était-elle «la plus corse des villes corses»? Il serait aventureux de l’affirmer et l’esprit d’indépendance nationale ne soufflait pas précisément lors, par exemple, du synode provincial de juillet 1426 voulu par le pape Martin V pour promouvoir une réforme religieuse dans l’île.

En fait, Corte ne devint la ville symbole qu’elle est actuellement redevenue — par-delà la «bourgade» que pouvaient décrire les voyageurs du XIXe siècle — qu’au XVIIIe siècle lorsque, de 1729 à 1769, se déroule la révolution de Corse avec Jean-Pierre Gaffori, héros national face aux Génois, et surtout avec Pascal Paoli. Siège du Conseil d’État, elle accueille les Consultes (Assemblées) à partir de 1762 et le 3 janvier 1765 s’y ouvre une université. Celle-ci fonctionnera trois ans. En 1980, Corte redevient ville universitaire. Trait d’union? Eu égard au souci d’identité culturelle, certains termes du Diplôme de fondation de 1764 méritent lecture. Ainsi de la dénonciation de la «détestable politique génoise [...] de tenir [les peuples] dans une crasse ignorance», les contraignant à l’exil pour acquérir «cette précieuse culture qu’il ne leur était pas permis de trouver dans leur Patrie». Le principe est clair: que l’exil ne soit plus le chemin obligé pour accéder à la culture. Il vaut tant pour cette première fondation (on enseigne alors la théologie scholastique dogmatique, la théologie morale, le droit canonique...) que pour la structure d’enseignement mise en place en 1980-1981. À la fin des années 1980, l’université de Corte comptait 1 500 étudiants. En cela le pari était gagné. Mais, en l’absence d’économie dynamique, la ville symbole cristallisera-t-elle le meilleur des aspirations contemporaines?

Encyclopédie Universelle. 2012.