matrone [ matrɔn ] n. f.
• XIIe; lat. matrona
1 ♦ Antiq. rom. Épouse d'un citoyen romain. « le doux balancement de hanches des danseuses de cette région se retrouvait chez cette jeune matrone irréprochable » (Yourcenar).
2 ♦ Vieilli Mère de famille d'âge mûr, de caractère grave et d'allure imposante.
♢ Mod. Femme d'un certain âge, corpulente et vulgaire. Une « vieille matrone du peuple, crasseuse et laide » (Chateaubriand).
3 ♦ (XVe) Vx Sage-femme.
● matrone nom féminin (latin matrona) Femme âgée, d'allure imposante. Femme corpulente aux manières vulgaires. Vieux. Femme qui exerçait illégalement le métier d'accoucheuse. Chez les Romains, femme mariée ou mère de famille.
matrone
n. f.
d1./d ANTIQ Femme d'un citoyen, à Rome.
d2./d Péjor. Femme d'un certain âge, corpulente et autoritaire.
d3./d (Cour. en Afr. subsah.) Vx ou rég. Sage-femme.
⇒MATRONE, subst. fém.
Vieilli
A. — ANTIQ. ROMAINE. À Rome, dame, femme mariée. L'on ne trouvait plus au septième siècle de la république de ces matrones sabines qui passaient leur vie renfermées dans leur appartement (MÉRIMÉE, Conjur. Catilina, 1844, p.248). Une matrone romaine eût pu lui être tout au plus comparée pour la solennité puérile du labeur domestique (SAND, Péché de M. Antoine, t.1, 1845, p.171). Que ton épouse reste économe et pudique; Que le fruit de son sein soit ton portrait flatté Sans retouche; — et, pareille à la matrone antique, Qu'elle marque le linge et fasse bien le thé! (MURGER, Nuits hiver, 1861, p.1).
B. — P. ext.
1. [P. réf. aux vertus prêtées aux dames romaines] Femme d'âge mur, expérimentée, sage, d'aspect digne et respectable, généralement mère de famille. Digne, respectable, savante matrone; sage comme une matrone; avoir l'âge d'une matrone. Femme-chef de la cabane profonde, dit l'indienne, tu es une matrone; tu dois être la lumière du conseil des guerriers blancs, si j'en juge par ton hospitalité. À toi appartient la natte; moi je ne suis encore qu'une jeune mère (CHATEAUBR., Natchez, 1826, p.363). C'était un prudent récit, mi-vérité, mi-mensonge comme les sagesses des matrones campagnardes savent les combiner et les doser (BOURGET, Monique, 1902, p.101). Les jeunes filles indiennes étaient sous la surveillance des matrones indiennes [dans les Missions]; on leur apprenait à tisser des étoffes de laine, de lin ou de coton (CENDRARS, Or, 1925, p.82).
♦Emploi adj. Marie, agenouillée devant l'enfant et tournant le dos à l'étable, avère le type habituel de ses Notre Dame, mais elle est plus bourgeoise, plus matrone, moins raffinée que les Vierges de Bruxelles et d'Aix (HUYSMANS, Oblat, t.1, 1903, p.306).
— En partic. Parfaite épouse, mère et femme d'intérieur. La renommée de notre popote gagne vers la crête; et nous en sommes fiers, comme le seraient des matrones bourgeoises (GENEVOIX, Boue, 1921, p.108). Sa discrète élégance, le charme de son intérieur, ses deux enfants éblouissants de santé témoignaient qu'elle était une jeune matrone accomplie (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.449).
2. Péjoratif
a) [P. réf. à l'embonpoint qui caractérise souvent les femmes d'âge mûr] Femme d'un certain âge, grosse, souvent laide et d'allure vulgaire. Épaisse, énorme, opulente matrone. Ces traits communs de grosse matrone, me remémorent une sculpture du quinzième siècle (HUYSMANS Oblat, 145, 1903, p.306). Matrone quinquagénaire au menton râpeux, à la lèvre moustachue, elle poussait devant elle deux promontoires tremblants de mamelles (ARNOUX, Seigneur, 1955, p.25):
• ♦ Était-il possible que nous fussions du même âge, cette grosse matrone gauchement endimanchée, et moi? Instinctivement je regardai ma silhouette dans la glace du salon et j'admirai l'image mince.
DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p.294.
b) [P. réf. à leur aspect physique] Entremetteuse, tenancière de maison close. Fez est donc rempli d'épouses divorcées (...). Les unes habitent isolément (...). D'autres, descendues plus bas, se groupent sous le patronage de quelque vieille matrone (LOTI, Maroc, 1889, p.211). Je ne sais que trop d'où elles viennent [les lettres]: entremetteurs (...) matrones et rabatteurs (LORRAIN, Phocas, 1901, p.325).
C. — Vieilli. Sage femme; p. ext. femme qui exerce illégalement le métier de sage femme ou qui pratique des avortements. Certes, il est d'honnêtes matrones dans la corporation des accoucheuses, j'en ai connu, et vous en êtes, vous, madame Jenny d'H., un fier exemple (PROUDHON, Pornocratie, 1865, p.81). Des êtres qui font rire les sages-femmes quand ils viennent au monde avec les deux sexes ou désespèrent les matrones parce qu'ils se présentent mal, les pieds en avant et sortent tortus (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.161).
— P. métaph. Constitution d'un gouvernement, cela signifiait pour Sirius [du Monde], et pour nous tous, accouchement laborieux auquel présidaient toutes les matrones du régime, avec consultation des sommités et des augures (MAURIAC, Nouv. Bloc-notes, 1961, p.365).
REM. 1. Matronal, -ale, -aux, adj. Digne d'une matrone. Elle jugeait avec finesse que le meilleur moyen pour elle de dissiper toute ombre de soupçon dans l'esprit de son mari, était de se montrer digne et sereine, de prendre une attitude matronale (THIERRY, Récits mérov., t.1, 1840, p.232). Elles veulent et obtiennent un effet de surprise dans «le genre Tanagra». Celles de mon temps avaient un idéal «matronal», ou «matronien», qui se notait même chez les très jeunes filles (LARBAUD, Journal, 1932, p.266). 2. Matronales, subst. fém. plur., antiq. romaine. Fête célébrée par les femmes, le 1er mars. Nous nous familiarisons avec les saturnales et les calendes de janvier, avec les matronales et les brumes (A. FRANCE, Contes Tournebroche, 1908, p.146). 3. Matronien, -ienne, adj. Synon. de matronal. Voir LARBAUD, Journal, 1932, p. 266.
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1223 «femme d'âge mur et de caractère grave» (GAUTIER DE COINCI, Miracles de Nostre Dame, II mir. 16, 172, éd. V. F. Koenig, IV, p.90); 2. 1340 «sage-femme» (Miracles de Nostre Dame, éd. G. Paris et U. Robert, I, 92); 3. 1352-56 antiq. romaine «mère de famille» (BERSUIRE, Tite-Live,, B.N.20312 ter, f° 66 ds GDF. Compl.); 4. 1718 ``(LE ROUX, p.325: on se sert de ce mot satyriquement, pour dire maquerelle, Dame d'honneur de bordel, gouvernante qui élève des jeunes filles à la débauche); 5.1835 (Ac.: Il se dit quelquefois, par plaisanterie, d'une femme d'un certain âge, d'une certaine gravité). Empr. au lat. matrona «femme mariée, dame; mère de famille» (de mater «mère»). Fréq. abs. littér.:183. Bbg. Rem. lexicogr. R. Philol. fr. 1933, t.45, p.153. — SAIN. Arg. 1972 [1907], p.156. — SAINT-JACQUES (B.). Sex, dependency and language. Linguistique. Paris. 1973, t.9, p.95.
matrone [matʀɔn] n. f.
ÉTYM. XIIe; lat. matrona « mère de famille, dame ».
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1 Commencée depuis cent ans, l'émancipation des matrones avait d'abord produit, dans la société encore saine du IIe siècle avant notre ère, de parfaites figures de femmes, à la fois intellectuelles et sensibles, raffinées et simples, instruites et fidèles, modestes et majestueuses (…)
J. Carcopino et G. Bloch, Hist. romaine, t. II, XVII.
2 (V. 1220). Vieilli ou littér. Mère de famille d'âge mûr, de caractère grave et d'allure imposante (→ Appareil, cit. 7).
2 Sévèrement élevé par son oncle qui le gardait près de lui comme une matrone garde une vierge (…)
Balzac, la Recherche de l'absolu, Pl., t. IX, p. 557.
3 (…) deux ou trois respectables matrones, voisines fortes en bec, promptes à la réplique et gardiennes rigides des anciens us.
G. Sand, la Mare au diable, p. 146.
♦ (1835). Péj. Femme d'un certain âge, corpulente et vulgaire (→ Galerie, cit. 6).
4 Elle ne quitta plus la poissonnerie (…) Aujourd'hui, tassée, avachie, elle portait ses soixante-cinq ans en matrone dont la marée humide avait enroué la voix et bleui la peau. Elle était énorme de vie sédentaire, la taille débordante, la tête rejetée en arrière par la force de la gorge et le flot montant de la graisse (…) la voix haute, le geste prompt, les poings aux côtes (…)
Zola, le Ventre de Paris, t. I, III, p. 174.
♦ Mod. Femme qui exerce illégalement le métier d'accoucheuse.
5 (…) on la (Jeanne d'Arc) disait vierge (…) et (…) il était notoire et parfaitement établi que le diable ne pouvait faire pacte avec une vierge (…) le régent de Bedford résolut d'éclaircir ce point; la duchesse, sa femme, envoya des matrones qui déclarèrent qu'en effet elle était pucelle.
Michelet, Hist. de France, X, IV.
6 Elle (Mme de Maintenon) conseille à Madame des Ursins (…) d'apprendre de l'accoucheur, qu'on envoie de Paris, à connaître la consistance du lait, et de devenir matrone experte en ce genre.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 23 févr. 1852.
7 Des enseignes de sage-femme représentaient une matrone en bonnet, dodelinant un poupon dans une courtepointe garnie de dentelles.
Flaubert, l'Éducation sentimentale, II, I.
♦ Franç. d'Afrique. Accoucheuse professionnelle.
4 (1718). Péj. Tenancière d'une maison de prostitution. ⇒ Entremetteur; (pop.) maquerelle, matrulle, sous-maîtresse, taulière.
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DÉR. Matronal.
Encyclopédie Universelle. 2012.