morigéner [ mɔriʒene ] v. tr. <conjug. : 6>
• fin XVIe; morigéné 1314 ; lat. médiév. morigenatus « bien élevé », class. morigeratus « complaisant, docile »
1 ♦ Vx Élever. « bien mal morigéné » (Molière ).
2 ♦ (XVIIIe) Mod. Réprimander. ⇒ gourmander, sermonner. « ils lui ont promis de morigéner le prodigue » (A. Gide). — Spécialt Réprimander en se donnant des airs de moraliste. ⇒ chapitrer.
● morigéner verbe transitif (latin médiéval morigenatus, du latin classique morigeratus, docile) Réprimander quelqu'un en lui faisant une leçon de morale ; sermonner. ● morigéner (difficultés) verbe transitif (latin médiéval morigenatus, du latin classique morigeratus, docile) Conjugaison Attention à l'accent, tantôt grave, tantôt aigu : je morigène, nous morigénons ; il morigéna. ● morigéner (synonymes) verbe transitif (latin médiéval morigenatus, du latin classique morigeratus, docile) Réprimander quelqu'un en lui faisant une leçon de morale ; sermonner.
Synonymes :
- attraper (familier)
- fustiger
- gronder
- réprimander
- secouer (familier)
morigéner
v. tr. Réprimander, tancer.
⇒MORIGÉNER, verbe trans.
A. —Vx. Former les moeurs de quelqu'un, instruire quelqu'un aux bonnes moeurs (d'apr. Ac. 1798-1878). Un père est bien condamnable, quand il n'a pas soin de bien morigéner ses enfants (Ac. 1798-1878).
— Au part. passé. Une société dûment réglée et morigénée (LEMAITRE, Contemp., 1885, p.288). Elle (...) continua d'écouter sans s'émouvoir, faite depuis longtemps à l'humeur de son homme. Comme les femmes bien morigénées de ce temps, elle l'aimait et respectait de coeur entier (POURRAT, Gaspard, 1922, p.28).
— Au fig. [Le compl. désigne une faculté, un art]:
• ♦ Puisque Moreau a pu (...) être quelquefois (...) si gracieusement original, combien ne l'eût-il pas été davantage et plus souvent s'il avait accepté la règle, la loi du travail, s'il avait mûri, morigéné et aiguillonné son propre talent!
BAUDEL., Art romant., 1867, p.567.
B. — Adresser des réprimandes à quelqu'un. Christophe n'était pas homme à se laisser morigéner. Il trouva fort mauvais qu'un âne se permît de lui dire ce qu'il devait faire, en musique (ROLLAND, J.-Chr., Amies, 1910, p.1131). Chaque fois que je voulais morigéner mon fils, Madame de La Pérouse prenait son parti contre moi (GIDE, Faux-monn., 1925, p.1028).
— Morigéner qqn pour/sur qqc. Drumont (...) s'est plaint assez vivement que Daudet n'ait point morigéné Geffroy sur sa conduite à son égard (GONCOURT, Journal, 1889, p.1019). Ayant été si brusquement morigéné pour ses méchants propos par le jeune avocat, Brignolles en conçut une immédiate rancune (G.LEROUX, Parfum, 1908, p.10).
— Emploi pronom. réfl. S'accuser soi-même et se promettre de se corriger. Naturellement, je me morigène et je m'en veux de cette haine exaltée. Je me dis que je suis un gosse (...), que je suis presque aussi ridicule qu'eux, en croyant si fort que j'ai raison (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1906, p.315). J'ai été pris tout à coup de la joie folle de l'enfance (...), la joie des vacances. «Quand donc auras-tu ton âge?» me suis-je demandé. Mais j'ai eu beau me morigéner, j'étais heureux comme jamais (GREEN, Journal, 1947, p.116).
♦Se morigéner de qqc. Il avait éprouvé une déception. Et, tout aussitôt, cette déception même lui avait paru absurde. Il s'était morigéné de la ressentir (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p.397).
C. —Péj. ,,Réprimander avec insistance et affectation, avec une sorte de pédantisme. C'est un homme qui passe son temps à morigéner tout le monde`` (Ac. 1935). Il faudra que madame de Rambouillet et sa fille viennent morigéner la Cour (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t.7, 1853, p.450).
— Absol. Ce poëte, qui passe généralement pour libertin et qui n'avait pas volé sa réputation, a ici le rôle d'un censeur qui prêche et morigène (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t.4, 1859, p.438).
Prononc. et Orth.: [], (il) morigène []. Ac. 1694, 1718: morigener; 1740: -giner ou -géner; dep. 1762: -géner. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1270 bien moriginé «bien élevé» (Grandes chroniques de France, éd. J. Viard, t.2, p.215); ca 1350 morigené (GILLES LI MUISIS, Poésies, I, 155 ds T.-L.); b) ca 1485 moriginer trans. «élever» (Myst. du V. Testament, éd. J. de Rothschild, 26599); 1671 morigéner (MOLIÈRE, Les Fourberies de Scapin, II, 1); 2. 1718 «réprimander, sermonner» (Ac.). Empr. au lat. médiév. moriginatus, morigenatus «complaisant, docile» (LATHAM; DU CANGE; BLAISE Latin. Med. Aev.), altération du lat. class. morigeratus, morigerari «(être) complaisant pour (essayer de plaire à quelqu'un)». Morigeratus a été empr. dès 1216 (ANGER, Trad. vie S. Grégoire, 709 ds T.-L.: morigerat). Morigenatus a pris le sens de «rendu docile, éduqué» sous l'infl. de morigerus «complaisant, docile, soumis». Fréq. abs. littér.:62.
morigéner [mɔʀiʒene] v. tr. [CONJUG. céder.]
ÉTYM. Fin XVIe, d'Aubigné; morigené, moriginé, 1314; lat. médiéval morigenatus « bien élevé », lat. class. morigeratus « docile, complaisant », de mori « les mœurs » et p. p. de gerare.
❖
1 Vx. Élever, « instruire aux bonnes mœurs » (Furetière). || Le premier devoir d'un père… est de bien morigéner ses enfants (Trévoux).
1 Il faut que tu sois bien mal appris (…) et bien mal morigéné, mon ami (…)
Molière, la Jalousie du barbouillé, 2.
2 (XVIIIe). Mod. Réprimander, « remettre dans l'ordre et dans le devoir » (Littré). ⇒ Admonester, chapitrer, corriger, gronder, gourmander, reprendre, réprimander, secouer (fig.), sermonner, tancer (→ Goût, cit. 30). || Il s'est fait sévèrement morigéner.
2 S'il consent à paraître au festin, c'est que (…) son père et sa mère lui ont promis de morigéner le prodigue, demain, et que lui-même il s'apprête à le sermonner gravement.
Gide, le Retour de l'enfant prodigue, I.
3 Aussitôt averti, le Chef de bureau appelle son employé, lui dit sa surprise, le morigène et lui demande sévèrement des explications.
Georges Lecomte, Ma traversée, p. 128.
♦ Péj. « Réprimander avec insistance et affectation, avec une sorte de pédantisme » (Académie). || Morigéner sa servante (→ Inoccupé, cit. 3). — Absolt. || Il aime à morigéner et à pontifier (→ Instruire, cit. 13).
4 Elle aimait à morigéner son monde, et elle faisait le plus souvent goûter la leçon. Il est vrai que si l'on ne s'y prêtait pas, si l'on se dérobait à son envie de conseiller et de redresser, elle n'était pas contente (…)
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 22 juil. 1850.
——————
se morigéner v. pron.
♦ Littér. et rare. S'accuser soi-même et se promettre de s'amender (→ Coulpe, cit. 3).
5 Quoi qu'il en soit, Mirabeau arrivait au fort de Joux près Pontarlier, dans le Jura, pour y être gardé sévèrement et pour s'y morigéner dans la solitude.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 7 avr. 1851.
❖
DÉR. Morigénateur.
Encyclopédie Universelle. 2012.