motif [ mɔtif ] n. m.
• 1361; de l'a. adj. motif « qui met en mouvement »; bas lat. motivus « mobile »
1 ♦ Mobile d'ordre psychologique, raison d'agir, et par ext. de ressentir. Quel est le motif de votre visite ? « Il me paraît impossible de comprendre les actes des hommes sans se représenter leurs motifs » (Seignobos). ⇒ intention. Je cherche les motifs de sa conduite. ⇒ cause, explication. Un motif d'inquiétude, de rancune. Les motifs qu'on a d'être heureux. Avoir des motifs de se plaindre, pour refuser. ⇒ occasion, raison, 3. sujet. Motif valable. ⇒ raison. Faux motif. ⇒ 2. prétexte. « les plus beaux motifs ne servent qu'à déguiser les plus petites choses » (Balzac). — Loc. vieilli Pour le bon motif, (par plais.) en vue du mariage. Il la courtise pour le bon motif. — Sans motif : sans raison. ⇒ immotivé. Des absences sans motif. Il y a motif à se fâcher. ⇒ matière.
♢ Dr. Exposé des raisons qui déterminent les magistrats à rendre un jugement. Les motifs et le dispositif des jugements. Exposé des motifs. ⇒ attendu, considérant. Requête rejetée au motif que l'intéressé est mineur.
2 ♦ Sujet d'une peinture. Travailler sur le motif, devant un modèle.
♢ Ornement isolé ou répété, servant de thème décoratif. Tissu imprimé à grands motifs de fleurs. ⇒ dessin.
♢ Mus. Phrase ou passage remarquable par son dessin (mélodique, rythmique). Motif dramatique répété. ⇒ leitmotiv.
⊗ CONTR. Conséquence, effet.
● motif nom masculin (bas latin motivus, mobile, du latin classique movere, mouvoir) Élément d'ordre intellectuel, affectif, qui est à l'origine d'un comportement ; mobile, raison : Se fâcher sans motif. Ce qui explique, justifie une action, un fait particuliers ; cause, objet : Indiquez ici le motif de l'absence. Partie du jugement où le juge indique les raisons de sa décision. (La formule utilisée est : « par ces motifs… ».) ● motif (citations) nom masculin (bas latin motivus, mobile, du latin classique movere, mouvoir) François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Nous aurions souvent honte de nos plus belles actions si le monde voyait tous les motifs qui les produisent. Maximes ● motif (expressions) nom masculin (bas latin motivus, mobile, du latin classique movere, mouvoir) Motifs d'un acte administratif, éléments de fait et de droit sur lesquels repose un acte administratif. Motifs d'une loi, ensemble des considérations qui la justifient et qui sont contenues dans l'exposé des motifs. Familier. Pour le bon motif, pour des raisons valables ; en particulier en vue du mariage. ● motif (synonymes) nom masculin (bas latin motivus, mobile, du latin classique movere, mouvoir) Élément d'ordre intellectuel, affectif, qui est à l'origine d'un comportement ;...
Synonymes :
- mobile
- raison
Ce qui explique, justifie une action, un fait particuliers ; cause...
Synonymes :
- cause
- mobile
- objet
- prétexte
- raison
Contraires :
- conséquence
- effet
Partie du jugement où le juge indique les raisons de...
Synonymes :
- attendu
- considérant
● motif
nom masculin
(de motif)
Ce que, dans la réalité visible, un peintre, un dessinateur, choisit comme sujet, comme modèle, notamment un paysage (d'où les expressions aller sur le motif, travailler sur le motif).
Structure visuelle expressive ou décorative, dans le spectacle extérieur ou dans l'œuvre.
Dessin, ornement, le plus souvent répété, sur un support quelconque : Tissu à motifs de fleurs.
Petit élément caractéristique d'une composition musicale, qui en assure l'unité. (Il peut être harmonique, mélodique ou rythmique.)
● motif (expressions)
nom masculin
(de motif)
Motif cristallin, arrangement des atomes d'une maille cristalline.
● motif (synonymes)
nom masculin
(de motif)
Dessin, ornement, le plus souvent répété, sur un support quelconque
Synonymes :
- dessin
Petit élément caractéristique d'une composition musicale, qui en assure l'unité.
Synonymes :
- thème
motif
n. m.
d1./d Raison qui détermine ou explique un acte, une conduite. Les motifs d'un refus.
— Se tourmenter sans motif, sans raison.
|| DR Motifs d'un jugement, exposé des raisons de droit et de fait qui le justifient.
d2./d Sujet d'un tableau. Travailler sur le motif, d'après nature.
d3./d Dessin, ornement répété. Motifs décoratifs.
|| MUS Partie délimitée d'une ligne mélodique, dont l'articulation est caractéristique.
⇒MOTIF, subst. masc.
I. A.— Élément d'ordre (généralement) mental qui incite à agir ou, selon le cas, à réagir (en fournissant, le cas échéant et a posteriori, une justification de l'action ou de la réaction). Une dernière métaphore peut être introduite, la plus importante puisqu'elle donne son étymologie au mot motif, la plus dangereuse puisqu'elle invite à une interprétation naturaliste du vouloir. Le motif est comme une motion, une impulsion. La volonté ne meut que sous la condition d'être mue (RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 78). Le sens propre de « motif », n'est-ce pas : ce qui met en marche, ce qui meut et émeut? (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 72) :
• 1. On montrerait sans peine que ces actions insignifiantes sont liées à quelque motif déterminant. C'est dans les circonstances solennelles (...) que nous choisissons en dépit de ce qu'on est convenu d'appeler un motif; et cette absence de toute raison tangible est d'autant plus frappante que nous sommes plus profondément libres.
BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p. 135.
1. [À propos d'une action volontaire, d'une décision]
a) Synon. de cause, raison. Il tente de justifier ce qu'il entreprend plutôt que d'en chercher les motifs ou les conséquences réelles. Comme tout le monde. La crainte des motivations inclina toujours aux justifications (NIZAN, Conspir., 1938, p. 101).
— Motif de + verbe. Motif de croire, de voter; (n'avoir aucun) motif de se plaindre. Il y a un drame perpétuel en moi entre raison et volonté. C'est pour cette dernière que j'ai opté! Je veux croire (...), avoir foi dans les destinées de l'humanité. Ce n'est que de la sorte que j'ai un motif d'agir, une raison de vivre (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 499).
♦ P. méton. Pour tirer de chacun de ses élèves la somme de ce qu'il pouvait donner, personne ne l'égalait. (...) il était pour chacun d'eux l'excitateur toujours présent, le motif de vivre et de travailler (RENAN, Souv. enf., 1883, p. 179).
— Motif de + subst. Motif de divorce; motif d'une conduite, d'un retard. Vous êtes petit, et rapetissez tout à votre mesure. Je vous ai toujours vu abaisser le motif de mes entreprises : croire que je faisais par avidité ce que je faisais pour le bien du royaume (MONTHERL., Reine morte, 1942, I, 1er tabl., 3, p. 145). Voici deux ordonnances (...) [qui contiennent] les motifs de la discrimination que vous voulez introduire entre les Juifs et les Maures qui vivent en Castille (CAMUS, Chev. Olmedo, 1957, 2e journée, 12, p. 775).
— Locutions
♦ Pour un/des motif(s) qui échappe(nt) (à qqn). Pour une/ des raison(s) inconnue(s) (de quelqu'un). Pour un motif qui nous échappe (...) les pneumonies du sommet sont plus fréquemment centrales (CADET DE GASSICOURT, Mal. enf., t. 1, 1880, p. 66).
♦ Pour ce motif. Pour cette raison. Pour ce motif, les Allemands ont désigné ces phyllades sous le nom de Thonschiefer (LAPPARENT, Abr. géol., 1886, p. 150).
♦ Sans motif. Sans raison. Sa jeune force impatiente voulait se dépenser. Avec ou sans motif, il voulait se décider. Agir, employer, user son énergie (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1531).
b) Synon. de intention, raison. Préciser le(s) motif(s) d'une démarche; deviner les motifs d'une personne. Écoutez, Malek Adhel, écoutez quel motif m'a conduite ici (COTTIN, Mathilde, t. 2, 1805, p. 162). Il soupçonna quelque motif secret à cette prompte réunion d'hommes, et peut-être devina-t-il bien en croyant qu'ils voulaient se procurer des armes (BALZAC, Chouans, 1829, p. 9).
— Loc. fam., p. plaisant. (Pour) le bon motif. (Avec) intention de mariage. Gladiator : (...) Commandeur, j'aime votre nièce! Jean : Très bien (...). Je n'ai pas besoin de vous demander si c'est pour le bon motif! (LABICHE, Trente millions Gladiator, 1875, IV, 4, p. 103).
♦ [P. méton.] Ou bien, peut-être, est-elle la promise Du menuisier qu'on voit en manches de chemise Raboter en chantant au fond de notre cour; Ivres de bon motif et de parfait amour, Ils s'aiment! (COPPÉE, Aband., 1871, p. 101).
♦ Pour le mauvais motif/l'autre motif. Il ne se serait par conséquent jamais mis dans sa petite tête (...) de faire une cour pour le mauvais motif (...) chez des gens calés comme les Leclercq (VERLAINE, Œuvres compl., t. 4, L. Leclercq, 1886, p. 110).
c) Synon. de but, objet. L'heure du bain était celle où Chrysis commençait à s'adorer. Toutes les parties de son corps devenaient l'une après l'autre l'objet d'une admiration tendre et le motif d'une caresse (, Aphrodite, 1896, p. 19). Une fois les thèmes religieux écartés, le professeur n'a plus qu'un seul motif, le savoir, l'érudition (BARRÈS, Cahiers, t. 9, 1911, p. 53).
d) Synon. de sujet. Motif de brouille, de discorde, de réjouissances. On voudra savoir le motif de cette grosse querelle (CHAMPFL., Bourgeois Molinch., 1855, p. 239). Après une longue conversation qui roulait presque tous les matins sur le même motif, le docteur retourna déjeuner chez lui (CHAMPFL., Souffr. profess. Delteil, 1855, p. 65).
SYNT. Principal, puissant motif; motif apparent, avouable, cupide, désintéressé, futile, grave, plausible, réel, secret, solide, valable, véritable; alléguer, cacher un motif; préciser les motifs qui ont déterminé, porté, poussé (qqn) à agir, à commettre un acte.
2. [Dans le cadre de l'affectivité] Motif d'amertume, d'apaisement, d'aversion, de dégoût, de désolation, de haine, d'inquiétude, de jalousie, d'orgueil.
— Motif (de) + subst. Synon. sujet. Il n'en voulait pas sur le moment à Solange de s'être cru obligé (...) de dîner dans un restaurant à prétentions, mais il mettait de côté, soigneusement, ce motif de rancune, et de rancune généreuse, (...) pour le retrouver le jour où il aurait envie de se détacher d'elle (MONTHERL., J. filles, 1936, p. 1064). Alors que l'attentat doit être connu de tous. Elle n'y voit aucun motif d'espérance, elle l'accepte au contraire ainsi qu'un présage sinistre (BERNANOS, Mouchette, 1937, p. 1321).
— Motif (+ prép.) + verbe. Synon. raison. Que de motifs pour ressentir avec désespoir ma solitude actuelle (BOURGET, Actes suivent, 1926, p. 32). Vous avez de la chance. D'autres le sont moins [heureux], monsieur, d'autres souffrent. D'autres n'ont pas les mêmes motifs que vous de se réjouir (ANOUILH, Répét., 1950, V, p. 112).
B.— Spécialement
1. DROIT
a) DR. PRIVÉ. Argument développé par un plaideur dans ses conclusions (et qui fonde la raison de la plainte et le recours en justice). Motif de plainte; motifs légitimes. Comme il la menaçait de sa mère, elle le menaça de sa femme, qui cherchait à ce moment les motifs d'une séparation judiciaire (PÉLADAN, Vice supr., 1884, p. 148). Il a reçu une lettre de ses locataire, qui lui mandaient qu'il y avait des punaises dans sa maison et que c'était un motif de résiliation (GONCOURT, Journal, 1895, p. 884) :
• 2. ... cette prise de possession était irrégulière, puisque les héritiers et ayans-droit n'avaient pas été sommés de donner leurs motifs d'opposition à la saisie et adjudication de la terre.
BARANTE, Hist. ducs Bourgogne, t. 2, 1821-24, p. 33.
— Motifs (p. ex. d'un jugement, d'un arrêt). Ensemble des arguments (de fait, de droit) qui justifient une décision des magistrats (et qui s'énoncent sous la forme d'attendus [tribunal de 1re instance] ou de considérants [cour d'appel]). Tout génie est naïf (...). Il [Jean-Jacques] ne pouvait supporter sa solitude, et cette surveillance, ce contrôle dont un décret de justice le faisait l'objet. Des motifs du décret, il ne disait pas un mot (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, p. 277). Le défaut ou la contradiction des motifs constitue un cas de pourvoi en cassation (Jur. 1974). Les motifs précèdent le dispositif (FAVR.-VETTR. 1981) :
• 3. S'il en résulte que, dans l'opinion du tribunal, les parties ont satisfait aux conditions et rempli les formalités déterminées par la loi, il admettra le divorce (...) : dans le cas contraire, le tribunal déclarera qu'il n'y a pas lieu à admettre le divorce, et déduira les motifs de la décision.
Code civil, 1804, art. 290, p. 55.
— P. anal., domaine du dr. admin., milit. et relig. (Dénonciation d'un contrat) pour motifs disciplinaires; motif de dispense militaire. C'est l'affaire de l'autorité ecclésiastique d'expliquer les motifs et les considérants des condamnations qu'elle prononce (MARITAIN, Primauté spirit., 1927, p. 74). Sa fiche dont nous avons pu recopier le signalement (...) porte qu'il aurait déjà bénéficié d'un premier ajournement pour motif d'insuffisance mitrale (MARTIN DU G., Thib., Sorell., 1928, p. 1194) :
• 4. Un mot a été prononcé, il y a quelques années, par un postulant venu du monde et que nous avons d'ailleurs congédié, pour motif de non vocation; ce mot (...), le voici : « On ne mange pas mal dans ce cloître, on y dort suffisamment, on n'y travaille pas et l'on y fait son salut, c'est mon affaire. »
HUYSMANS, Oblat, t. 2, 1903, p. 210.
b) DR. PUBL., au plur. Ensemble des raisons qui justifient le dépôt et la rédaction d'un texte, notamment d'un projet de loi (et qui sont souvent exprimés dans un « exposé des motifs »). Exposé des motifs d'un décret, d'une ordonnance, d'une proposition de loi (v. exposé A 1).
2. PSYCHOL., PHILOS. [P. oppos. à mobile, d'emploi plus restreint] Élément d'ordre intellectuel qui porte à agir. [Chez certains névrosés] l'incontinence des centres à fonction projective livre l'activité à des décharges de mouvements et d'automatismes centrifuges, dépourvus de motifs intellectuels ou même affectifs, marqués d'absurdité (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 420). La liberté n'est pas exclusivement là où des motifs rationnels l'emportent sur des motifs affectifs (ou mobiles) (RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 143).
Rem. Le couple motif/mobile, dans lequel mobile est senti comme inconscient, d'ordre affectif ou irrationnel, voire biologique, se trouve parfois en concurrence avec le couple motif rationnel/motif affectif, ce qui accroît l'emploi de motif.
II.— ARTS. Sujet qui domine une œuvre d'art, un ouvrage. Pour l'art rien n'est laid (...) rien n'est impur (...) Les objets de la nature les plus repoussants lui donnent des motifs admirables (HUGO, Fr. et Belg., 1885, p. 113). L'artiste, si réaliste soit-il, a planté son chevalet devant le « motif » (et ce terme (...) indique déjà que la nature ne lui fournit qu'un prétexte et un départ...) (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 72).
A.— BEAUX-ARTS. [En peinture, à propos du sujet d'un tableau (...); en sculpture, d'une figure, d'un groupe; en architecture, d'un ensemble de décoration peint ou sculpté (d'apr. ADELINE, Lex. termes art, 1884)]
1. ARCHIT., DÉCOR., GRAV., SCULPT. Sujet ornemental ou figuratif formant en lui-même un tout. Les motifs les plus dramatiques [des sculptures romanes du XIIe siècle] sont traités parfois comme de simples arabesques (HOURTICQ, Hist. art, Fr., 1914, p. 34). Dès sa naissance, la gravure s'emparera de ce motif [la danse macabre] (HOURTICQ, Hist. art, Fr., 1914 p. 128). La maison (...) présente une façade ornée, du haut en bas, d'un motif géométrique en relief (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p. 225) :
• 5. Je viens d'acheter une garde de sabre, où dans un ciel écorné par un quartier de lune d'argent, deux feuilles d'automne tombant à terre sont tout le motif de la ciselure.
GONCOURT, Journal, 1876, p. 1151.
— P. méton. Il passa une affreuse nuit à pleurer, sur son lit, (...) vis-à-vis un petit motif sculpté composé d'un carquois croisé avec trois fléchettes aiguës qui lui entraient dans le cœur (BOYSLESVE, Leçon d'amour, 1902, p. 153).
2. DESSIN, PEINT. Sujet d'un dessin, d'une peinture. Motif agréable; à la recherche du motif. La lumière en est si subtile et si éclatante [dans un paysage impressionniste] qu'elle a paru fournir un motif suffisant pour composer un tableau (HOURTICQ, Hist. art, Fr., 1914 p. 429). De la marelle à l'affiche je reconnais presque tous les motifs que Picasso adopte dans les différents quartiers. Ils jouent pour lui le rôle du motif des paysagistes, mais il les amalgame à domicile et les hausse à la dignité de servir (COCTEAU, Diff. d'être, 1947, p. 217) :
• 6. ... si vous ôtez à un Titien, à un Murillo, à un Van Dyck (...) cette exécution qui fait oublier l'art et l'artiste, vous ne trouvez dans l'invention du sujet ou dans sa disposition qu'un motif souvent dénué d'intérêt pour l'esprit...
DELACROIX, Journal, 1857, p. 35.
— Loc. (Dessiner) sur le motif. Directement devant (un objet, un paysage) un modèle en général. Il aurait peint sur le motif si la saison s'y était prêtée. Malheureusement, on allait entrer dans l'hiver, il était difficile de faire du paysage avant le printemps (CAMUS, Exil et Roy., 1957, p. 1646).
♦ P. métaph. Je découpai récemment un article sur les écrivains français et le régionalisme. Ils étaient sur deux pages énumérés, liés à des noms de pays. Chacun embrassait une province, un village. Quelquefois, comme les peintres, ils étaient trois ou quatre « sur le même motif » (MORAND, Ouv. la nuit, 1922, p. 8).
3. P. anal.
a) BIJOUT., ORFÈVR. Elle (...) épingle à son cou un nœud où le satin s'enlace à la dentelle, autour d'un motif de plomb qui imite la marcassite (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p. 104). Armes d'honneur, sabres, pistolets, carabines, dont les poignées, les gardes, les plaques reproduisent les motifs que nous avons trouvés sur les orfèvreries (HAUTECŒUR, Art sous Révol. et Emp., 1954, p. 118).
b) COUT., TRICOT. Jeunes filles en pantalon fuseau, au chandail décoré de motifs Jacquard (BUTOR, Modif., 1957, p. 53). La jupe longue, faite de cotonnades multicolores, un peu raides, en motifs joints bord à bord comme une marqueterie, absorbe quelque quarante mètres de tissu (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1963, p. 113).
c) ÉBÉN., MARQUET. Le flambeau de l'amour avait été écorné pendant le déménagement; plusieurs motifs de l'armoire s'étaient décollés (MAURIAC, Myst. Frontenac, 1933, p. 246).
d) POTERIE. Les poteries sont ornées alors de motifs géométriques : lignes brisées ou courbes, points, cercles, spirales (S. BLANC, Init. préhist., 1932, p. 43). Les motifs favoris, utilisés par le céramiste anglais [Wedgwood], sont de petits personnages d'une extrême délicatesse, imités de camées antiques, se détachant en blanc sur un fond bleu pâle (VIAUX, Meuble Fr., 1962, p. 107).
e) TISS., TAPISS. Motif compliqué. Les tissus à compte très élevé, les soieries à grands motifs (ARAUD, Ch. THOMAS, Fabric. drap., 1921, p. 42).
— P. anal. Le myrte et le jasmin qui fleurissent dans les patios fleurissent aussi sur les murs onctueux : partout se retrouve le motif de la fleur suave à cinq pétales (T'SERSTEVENS, Itinér. esp.,1933, p. 104).
B.— LITT. Élément thématique ou narratif. [Gabriel Volland] imite bassement et maladroitement Henri de Régnier, dans les motifs comme dans la forme (LÉAUTAUD, Journal, t. 2, 1908, p. 170). Il [Somerset Maugham] tient beaucoup aux motifs. C'est un des points forts de ses récits (...) Il ne comprend pas les affres du style telles que Flaubert nous les décrit (GREEN, Journal, 1952, p. 154) :
• 7. Tout ce motif [it. ds le texte], la manière dont il est conçu et exécuté [dans un Mémoire de Beaumarchais], avec tant de largeur, de supériorité, de gaieté et d'ironie, (...) compose un des plus admirables morceaux d'éloquence que nous puissions offrir dans notre littérature oratoire.
SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 6, 1852, p. 217.
— SÉMIOTIQUE. [P. oppos. à type qui est une succession de motifs, obéissant à une organisation narrative et discursive particulière] Élément constituant du conte (susceptible de se retrouver tel quel dans la tradition populaire) et pouvant à la limite constituer un microrécit parfaitement autonome (d'apr. GREIMAS-COURTÉS 1979). Les folkloristes n'ont pas manqué d'observer le caractère migratoire des motifs, non seulement d'une littérature ethnique à une autre ou de l'un de ses récits à l'autre, mais aussi parfois à l'intérieur d'un même conte (GREIMAS-COURTÉS 1979).
C.— CHANT, MUS.
1. CHANT. Motif (principal). Phrase de chant qui domine tout le morceau. Le motif de cet air est heureux (Ac.). Voici mille âmes dans une salle, un motif s'élance du gosier de la Pasta (...) la phrase de Rossini transmise dans ces âmes y développe autant de poëmes différents (BALZAC, Gambara, 1837, p. 62).
2. MUS. Phrase mélodique possédant un sens expressif propre, qui parvient à prendre un certain relief dans une œuvre musicale (ou une partie de celle-ci) et qui en assure l'unité. Motif musical; motif d'un allegro. Tous les autres thèmes, motifs et mélodies sont de ma propre invention (STRAVINSKY, Chron. vie, 1931, p. 43). Encore verrons-nous, dans notre étude de la sonate, que l'apparition de ce motif, qui va réveiller et faire rebondir tout l'Allegro, jusqu'alors incertain de son cours, n'est pas compris de Beethoven, au premier instant (17 avril 1818), puisqu'il l'applique à un compliment de cour! (ROLLAND, Beethoven, t. 1, 1937, p. 213).
♦ Motif (harmonique). Enchaînement(s) d'accords repris au cours d'un morceau. Il arrive parfois que deux ou même trois divertissements [dans une fugue] soient formés des mêmes motifs (KOECHLIN, Écrit. fugue, 1933, p. 8).
♦ Motif (mélodique). Enchaînement de sons revenant plus ou moins librement. Les meilleurs procédés ne sont jamais assez sûrs (...) pour (...) guider le rythmicien à travers les variétés innombrables des motifs mélodiques (MOCQUEREAU, Nombre mus. grégor., 1927, p. 341).
♦ Motif (rythmique). Ensemble de valeurs rythmiques pouvant se répéter indépendamment du contexte mélodique et harmonique. La joie fut générale; elle redoublait au retour d'un motif très rythmé, que les contrebasses accentuaient d'une façon burlesque (ROLLAND, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 505).
D.— DANSE. Figure. Des bandes vont et viennent, s'arrêtant ici, puis là, et infatigablement attaquent des motifs aussi nouveaux que la polka des Cloches ou la valse des Cent Vierges (BOURGET, Profils perdus, 1884, p. 281). [Le ballet italien présente] un motif de milieu encadré dans des motifs secondaires (MOYNET, Machinerie théâtr., 1893, p. 80).
— P. anal. [À propos de la démarche d'une pers.] Elle se leva, alla dans l'embrasure de la fenêtre par une démarche pleine de motifs magnifiques (BALZAC, Secrets Cadignan, 1839, p. 358).
REM. Motif, -ive, adj., philos., rare. Qui détermine l'action. Cause motive (Lar. 20e).
Prononc. et Orth. :[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1370-72 « raison d'agir » (ORESME, Ethiques, éd. A. D. Menut, p. 426); 1377 dr. (GACE DE LA BUIGNE, Deduis, éd. Å. Blomqvist, 11829). II. 1. 1703 mus. (BROSSARD, p. 54); 2. 1824 « sujet de peinture » (DELACROIX, Journal, p. 92). I tiré de l'anc. adj. motif « qui donne le mouvement, moteur » (1314, Chirurgie Henri de Mondeville, éd. A. BOS, 80 — 1771, Trév.), empr. au b. lat. motivus « relatif au mouvement, mobile » (III-IVe s.), dér. du supin motum de movere « mouvoir », également att. en lat. médiév. comme subst. neutre motivum « motif, raison » (XIIIe s. ds NIERM.). II 1 Empr. à l'ital. motivo de même sens (av. 1719 d'apr. DEI, v. aussi BROSSARD, p. 54) de même orig. que le fr.; 2 serait un empr. sém. à l'all. motiv, terme généralisé dans les arts cf. ZUMTHOR ds FEW t. 6, 3, p. 162a. Fréq. abs. littér. :4 487. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 8 715, b) 5 350; XXe s. : a) 4 862, b) 5 853. Bbg. DUB. Pol. 1962, p. 348. — MACK. t. 2 1939, p. 240. — QUEM. DDL t. 19. — RAYMONDIS (L. M.), LE GUERN (M.). Le Lang. de la just. pénale. Paris, 1976, p. 50.
motif [mɔtif] n. m.
ÉTYM. 1314, adj. « qui met en mouvement »; bas lat. motivus « mobile ».
❖
1 (1370). Mobile d'ordre intellectuel; raison d'agir, de ressentir. ⇒ Cause (cit. 16, 21), mobile, raison. || Le motif d'une action (cit. 16), d'une démarche, d'un avis (cit. 26), d'un crime (→ Gratuitement, cit. 8), d'un changement de religion (→ Embrasser, cit. 14). || Se représenter les motifs pour comprendre les actes (cit. 4). ⇒ Intention. || Expliquer la conduite de qqn par certains motifs (→ Haine, cit. 9). || Je cherche les motifs de sa conduite. ⇒ Explication. || Pour quel motif avez-vous agi, avez-vous pu agir ainsi ? ⇒ Comment, pourquoi. || Je vais vous en donner le motif : c'est que… || Connaître le motif (→ Connaître le secret, le fin mot). || La jalousie (cit. 17) a son motif dans les passions sociales. ⇒ Origine. || Les motifs qu'on a d'être heureux (→ Humeur, cit. 16). || Il m'a donné des motifs de le haïr. ⇒ Occasion, raison, sujet. || Motifs véritables (→ Fond, cit. 25). || Faux (1. Faux, cit. 18) motif. ⇒ Prétexte (→ Sous couleur de…). || Motif avouable, inavouable. || Motifs louables (cit. 2); justes motifs (→ Adoption, cit.) d'une action coupable. ⇒ Excuse. || Beau motif dont on excuse une vilaine action. || Motif intéressé. — ☑ Pour le bon motif : pour des raisons valables (→ Méprise, cit. 4). — (1839). Fam. En vue du mariage. || Il la courtise pour le bon motif. — ☑ Sans motif : sans raison. || Venir chez qqn sans motif (→ Maison, cit. 34). || Se disputer sans motif sérieux (cf. À propos de bottes). || Souffrir, être tourmenté; être gai sans motif. ⇒ Matière, propos (→ Croissance, cit. 1; irritabilité, cit. 2). || Crainte sans motif. ⇒ Immotivé.
1 Le motif seul fait le mérite des actions des hommes (…)
La Bruyère, les Caractères, II, 41.
2 C'est lui (Richardson) qui porte le flambeau au fond de la caverne; c'est lui qui apprend à discerner les motifs subtils et déshonnêtes qui se cachent et se dérobent sous d'autres motifs qui sont honnêtes et qui se hâtent de se montrer les premiers.
Diderot, Éloge de Richardson.
3 Si l'amour vous dominait au point de vous inspirer ces fureurs, malgré leur déraison, je les excuserais; j'oublierais peut-être, en faveur du motif, ce qu'elles ont d'offensant pour moi.
Beaumarchais, le Mariage de Figaro, II, 16.
4 (Un avocat…) qui a trop étudié les hommes et les affaires pour ne pas savoir que les plus beaux motifs ne servent qu'à déguiser les plus petites choses, et qui n'a pas encore rencontré de cœurs exempts de calculs.
Balzac, Paméla Giraud, II, 6.
5 (…) ces créatures-là n'ont-elles pas toujours des soupçons pareils, sans l'ombre d'un motif, sur toutes les honnêtes femmes ?
Maupassant, Pierre et Jean, IV.
6 Car le mobile, le motif du crime, c'est l'anse par où saisir le criminel.
Gide, les Caves du Vatican, II, 12.
7 Il sentait bien qu'il ne donnait à son aversion aucun motif valable; mais les bons arguments, les vrais, étaient trop vivaces, trop intimement enracinés en lui, pour être extirpés sur l'heure et étalés au grand jour.
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 265.
♦ ☑ Loc. Au motif que : en donnant pour raison que. || Ils « revendiquent le statut de réfugiés politiques au motif que leur pays est soumis à une “dictature” » (le Monde, 30 sept. 2000, p. 16).
2 (Fin XIVe). Spécialt. Dr. « Exposé des raisons de fait ou de droit qui déterminent les magistrats à rendre un jugement » (Capitant). ⇒ Motival. || Les motifs et le dispositif des jugements (cit. 1). ⇒ Attendre (attendu), considérant. — Législ. || Exposé des motifs d'un projet de loi.
3 (XIXe). Peint. a Sujet d'une peinture. || Les impressionnistes (cit. 1) peignent le même motif à des moments différents. — ☑ Loc. Travailler sur le motif, devant un modèle observé.
8 La sauvagerie d'attitude, l'accoutrement étrange et la couleur extraordinaire de ce groupe, en eussent fait un excellent motif de tableau pour Callot ou Salvator Rosa.
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 179.
9 L'artiste, si réaliste soit-il, a planté son chevalet devant le « motif » (et ce terme, même dans sa bouche, indique déjà que la Nature ne lui fournit qu'un prétexte et un départ; le sens propre de « motif » n'est-ce pas : ce qui met en marche, ce qui meut et émeut ?); il prémédite de créer quelque chose qui n'existe pas encore : un tableau.
René Huyghe, Dialogue avec le visible, p. 72.
b Ornement architectural servant de thème décoratif. || Le mascaron, motif architectural. — Ornement isolé ou répété en art décoratif. || Tête de clou ornée, bulle servant de motif décoratif. || Menus motifs qui ornent les panneaux d'un meuble (→ Marqueterie, cit. 1). || Tissu imprimé à grands motifs de fleurs. ⇒ Dessin. || Motifs d'une porcelaine, d'un papier peint…
10 Les boiseries sont de Bagard. Ce qui est assez gentil, voyez-vous, c'est qu'elles ont été faites pour les sièges de Beauvais et pour les consoles. Vous remarquez, elles répètent le même motif décoratif qu'eux.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. VIII, p. 217.
11 (Vincent) franchit le seuil d'une maison neuve, surchargée de motifs ornementaux selon le goût des entrepreneurs modernes.
F. Mauriac, l'Enfant chargé de chaînes, VI.
4 (1765). Mus. Phrase ou passage remarquable par son dessin (mélodique, rythmique). ⇒ Motivique. || Motif d'une mélodie, d'un allégro (cit. 2). || Motif à valeur dramatique répété dans une œuvre. ⇒ Leitmotiv.
12 (…) une émotion semblable à celle que lui aurait causée quelque motif original parmi les accompagnements d'un opéra ennuyeux.
Balzac, la Femme abandonnée, Pl., t. II, p. 211.
13 Même en celle-ci (la sonate de Vinteuil), je ne m'attachai pas à remarquer combien la combinaison du motif voluptueux et du motif anxieux répondait davantage maintenant à mon amour pour Albertine (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XI, p. 195.
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CONTR. Conséquence, effet.
DÉR. Motival, motiver, motivique.
Encyclopédie Universelle. 2012.