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DIPNEUSTES
DIPNEUSTES

Les Dipneustes sont des poissons osseux (Ostéichthyens) des fleuves et marécages tropicaux ou équatoriaux. Ils sont caractérisés par un grand nombre de spécialisations très poussées (plaques dentaires sur les mâchoires, etc.), mais ils partagent avec les vertébrés terrestres (Tétrapodes) plusieurs caractères (poumons, narines internes, autostylie, structure du cœur) dont la nature a longtemps été discutée. Comme les Tétrapodes, les Dipneustes utilisent pour respirer beaucoup plus leurs poumons que leurs branchies (qui peuvent même être absentes).

Il n’existe aujourd’hui que trois genres de Dipneustes: Neoceratodus (Australie), Protopterus (Afrique centrale) et Lepidosiren (Amazonie), ne comptant chacun que quelques espèces (fig. 1). En revanche, les Dipneustes furent très abondants dans les eaux douces au Mésozoïque, voire en milieu marin au Dévonien.

Caractéristiques des Dipneustes

Le corps des Dipneustes, très allongé (fig. 1), est recouvert par des écailles dérivées de celles des Sarcoptérygiens généralisés; il se termine par une nageoire caudale symétrique. Les nageoires pectorales et pelviennes, allongées ou formant palette, soutenues par un squelette entièrement cartilagineux, comportent un axe médian articulé sur lequel s’insèrent symétriquement des rayons eux aussi composés de plusieurs articles (fig. 2).

D’une façon générale, le squelette des Dipneustes actuels est en grande partie cartilagineux (phénomène de régression). En particulier, toute la boîte crânienne (endocrâne) est cartilagineuse, alors qu’elle était totalement ossifiée chez les formes fossiles les plus anciennes (Dipterus du Dévonien). Le toit crânien est composé d’un nombre d’os dermiques, réduit par rapport à celui qui existait chez les fossiles. Il est difficile de dire si, au cours de l’évolution, les os crâniens des Dipneustes actuels se sont formés par la fusion de plusieurs os hérités ou bien s’il y a eu purement et simplement disparition de certains territoires osseux.

En plus des narines externes, antérieures, qui font communiquer les sacs olfactifs avec l’extérieur, il existe des narines internes, postérieures, qui s’ouvrent dans le plafond de la cavité buccale (fig. 3). Ce plafond porte des plaques dentaires suppléant à l’absence de véritables dents péri-buccales, absence corrélative de celle des os maxillaires et prémaxillaires.

L’ensemble de la mâchoire supérieure (palais) est complètement soudé à la boîte crânienne, comme chez les Vertébrés Tétrapodes (suspension autostylique).

Les deux poumons, dont l’intérieur est tapissé par une mince couche tissulaire assurant facilement les échanges gazeux entre l’air et le sang, possèdent de nombreux alvéoles qui augmentent la surface respiratoire. Deux artères pulmonaires amènent le sang réduit aux poumons, et deux veines pulmonaires conduisent le sang oxygéné au cœur. Ce dernier est assez différent du cœur des poissons en général. En effet, le ventricule est incomplètement cloisonné en deux moitiés droite et gauche, tandis que l’atrium l’est complètement de telle sorte qu’il existe deux oreillettes (droite et gauche). Ainsi, le sang oxygéné arrive dans la cavité atriale gauche, comme chez les Vertébrés terrestres. L’absence d’étude physiologique ne permet pas de dire avec suffisamment de précisions comment circulent les flux sanguins (réduit et hématosé) à la sortie du cœur.

Aux caractères anatomiques très originaux des Dipneustes, il faut ajouter des particularités biologiques curieuses. Pendant la saison sèche, le poisson, enroulé sur lui-même, s’enfonce dans la vase des marécages asséchés, y creusant une sorte de terrier tapissé par un mucus sécrété par la peau. L’animal peut rester plusieurs mois ou même plusieurs années dans ce cocon, vivant sur ses réserves. Un tube muqueux creux relie sa cavité buccale à l’air libre, lui permettant ainsi de respirer. Pendant cette vie léthargique, seule la respiration pulmonaire est fonctionnelle.

Les œufs sont aussi incubés dans une sorte de nid creusé dans la vase. La larve de Dipneuste est un petit têtard, avec des branchies externes et une forte queue musculeuse, très semblable au têtard des Amphibiens Urodèles (fig. 4).

Place des Dipneustes dans l’évolution des Vertébrés

Les plus anciens Dipneustes connus ont été découverts dans le Dévonien inférieur du Yunnan (Chine) et conservent encore un grand nombre de caractères primitifs permettant de les enraciner dans – ou à proximité – des Porolépiformes [cf. CROSSOPTÉRYGIENS]. Dès le Dévonien moyen, on connaît des Dipneustes typiques, mais plus ossifiés que les formes mésozoïques et actuelles. C’est au Carbonifère que les Dipneustes quittent les eaux marines pour se confiner dans les eaux douces, bien que, peut-être, certaines formes restent ubiquistes jusqu’au Jurassique. Une révision des Dipneustes post-dévoniens (Martin, 1982) a montré que Neoceratodus a eu une distribution très vaste (Afrique, Amérique du Sud) au Crétacé, tandis que les Lépidosirénidés (Protopterus, Lepidosiren ) ont toujours été confinés à l’ensemble Afrique – Amérique du Sud.

Lors de leur découverte, au XIXe siècle, tous les Dipneustes avaient été classés parmi les Amphibiens et, jusqu’en 1942, il y avait un concensus pour les considérer comme les plus proches parents actuels des Tétrapodes. C’est Jarvik qui, en 1942, remit en question les ressemblances entre Dipneustes et Tétrapodes (notamment en ce qui concerne les narines internes ou choanes) et, plus tard, classa même les Dipneustes parmi les Plagiostomes en les rapprochant des Holocéphales [cf. CHONDRICHTHYENS]. Cependant, la possession des choanes par les deux groupes est certainement due à une convergence: Diabolepis , un Dipneuste du Dévonien inférieur de Chine, avait encore des narines postérieures externes (sur le bord de la bouche); les choanes des Dipneustes et celles des Tétrapodes seraient donc apparues indépendamment bien qu’il soit vraisemblable qu’elles représentent l’aboutissement d’une «tendance évolutive» préexistant chez l’ancêtre des deux groupes. D. Rosen, P. Forey, B. Gardiner et C. Patterson (1981) ont mis en évidence de très nombreux caractères propres uniquement à ces deux groupes (structure du cœur, des poumons, torsion des nageoires paires, mode d’articulation des deux premiers éléments squelettiques des nageoires pelviennes, physiologie, biochimie, etc.) qui sont suffisants pour justifier cette position. Du point de vue paléontologique, il est probable que Dipneustes et Tétrapodes s’enracinent dans un ensemble de formes voisines des Porolépiformes, dès le Dévonien inférieur.

dipneustes [ dipnøst ] n. m. pl.
• 1890 adj. et n. m.; lat. mod. dipneusta, de di- et gr. pnein « respirer »
Zool. Ordre de poissons d'eau douce, à branchies et poumons. Sing. Un dipneuste.

dipneustes
n. m. pl. ICHTYOL Sous-classe de poissons ostéichthyens d'eau douce possédant des branchies et des poumons. (Ils vivent dans des mares d'Afrique, d'Amérique du S. et d'Australie, et utilisent l'oxygène de l'air pour survivre.)
Sing. Un dipneuste.

⇒DIPNEUSTE(S), (DIPNEUSTE, DIPNEUSTES)adj. et subst. masc. plur.
ZOOLOGIE
I.— Adj. Qui possède à la fois des poumons et des branchies. Les lépidosirènes sont des poissons dipneustes (Nouv. Lar. ill., Lar 20e).
II.— Subst. masc. plur. Ordre de poissons d'eau douce, d'origine très ancienne, possédant à la fois des branchies et des poumons comme organes respiratoires :
Celle-ci [la tétrapodie] a dû germer quelque part au milieu des poissons à nageoires lobées et « membriformes » dont la nappe, jadis vivace, ne se survit plus aujourd'hui que par quelques fossiles vivants : les dipneustes (ou poissons pulmonés), et, surprise toute récente, un « crossoptérygien », dernièrement pêché dans les mers australes.
TEILHARD DE CHARDIN, Le Phénomène humain, 1955, p. 140.
Prononc. :[dipnøst]. Étymol. et Hist. 1890 paléont. (Lar. 19e Suppl.); 1892 (note de G. COTTEAU, Sur un genre nouveau d'Echinide crétacé, Dipneustes aturicus Arnaud, ds Comptes rendus Acad. sc. t. 114, p. 891). Adaptation du lat. sc. dipneustes (composé du gr. « deux fois » et « respirer » d'apr. des dér. du type « propre à la respiration », ces poissons ayant une respiration branchiale et pulmonaire). Fréq. abs. littér. :1.

dipneustes [dipnøst] n. m. pl.
ÉTYM. 1890, adj. et n. m.; lat. mod. dipneusta, du grec di-, et pneuein « respirer ».
Zool. Ordre de poissons d'eau douce, à branchies et poumons, qui forme une sous-classe des Ostéichtyens.
1 On divise les Choanichthyens en Crossoptérygiens, dont on n'a longtemps connu que des exemplaires fossiles, et en Dipneustes, ou poissons à double respiration.
(…) Les dipneustes ont les écailles cycloïdes et les opercules des Actinoptérygiens. Ils peuvent, quand l'eau devient impropre à la respiration, ou manque totalement, respirer l'air en nature (…)
R. et M.-L. Bauchot, les Poissons, p. 64.
2 Sur le terrain biologique, en effet, un organe peut changer de fonction et cela sans que ce changement résulte de l'histoire antérieure de la structure en jeu : si la vessie natatoire des Dipneustes, pour reprendre un exemple classique, leur sert actuellement de poumon, ce n'est pas en raison des facteurs historiques généraux qui ont assuré le passage des Invertébrés aux Poissons, mais c'est à la suite de changements imprévisibles de milieu.
J. Piaget, Épistémologie des sciences de l'homme, p. 338.
Au sing. || Un dipneuste.

Encyclopédie Universelle. 2012.