poissard, arde [ pwasar, ard ] n. et adj.
1 ♦ N. f. (1640) POISSARDE. Vieilli et péj. Femme de la halle; femme du bas peuple, au langage grossier. « cette belle poissarde, avec son gros embonpoint » (Diderot).
♢ Spécialt (par attr. de poisson) Marchande de poisson, aux halles. « un groupe de poissardes et d'écaillères qui se disputaient et jetaient de grands cris » (Vigny).
2 ♦ Adj. (1743) Hist. littér. Qui emploie ou imite le langage du bas peuple (spécialt au XVIIIe s.). Genre, style poissard. Un argot poissard. ⇒ grossier, populacier, trivial. — Subst. Le genre poissard. J'ai parlé « du poissard au XVIII e siècle. C'était une forme affectée à un grand nombre de “genres” » (Brunot).
● poissard nom masculin Genre littéraire de la fin du XVIIIe s., caractérisé par le recours au langage populaire. ● poissard, poissarde adjectif (moyen français poissard, voleur, avec l'influence de poisson) Péjoratif et vieux. Qui imite le langage, les mœurs du peuple. ● poissard, poissarde (synonymes) adjectif (moyen français poissard, voleur, avec l'influence de poisson) Qui imite le langage, les mœurs du peuple.
Synonymes :
- canaille
I.
⇒POISSARD1,-ARDE, subst. fém. et adj.
I. —Subst. fém.
A. —Vieilli. Marchande aux halles grossière et hardie dans ses manières et son langage. Ne trouveriez-vous pas encore très nécessaire, en prévision des séances orageuses, de convoquer parfois un camelot, une poissarde de la halle (...) pour mettre les élèves au courant du vocabulaire ordinairement employé dans ce genre de tumulte? (COPPÉE, Franc-parler I, 1894, p.11).
— En partic. Marchande de poissons aux halles. M. l'abbé Coignard (...) vida [des petits poissons] aussi facilement que s'il n'avait jamais vécu que parmi les poissardes de la halle (A. FRANCE, Rôtisserie, 1893, p.328).
B. —P. ext. Femme vulgaire dans ses manières, particulièrement grossière et insolente dans son langage. V. bacchante ex. 13.
II. —Adjectif
A. —Vieilli. Qui imite ou adopte un langage et des moeurs attribués au bas peuple. Elle conserva la robe à ramages, le fichu jaune, la marmotte des poissonnières classiques, avec la voix haute, le geste prompt, les poings aux côtes, l'engueulade du catéchisme poissard coulant des lèvres (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p.714). Celui-ci (...) homme de bonne compagnie un peu poissard, mêlant la halle à l'hôtel de Rambouillet [la majorité en 1849] (HUGO, Actes et par., 1, 1875, p.37). Augustine tenait l'emploi d'orateur poissard de la maison (E. DE GONCOURT, Élisa, 1877, p.123).
B. —En partic. Qui est propre à ce langage. Argot, style poissard. Avec le peuple, avec la populace du dehors (...) l'abbé Maury avait le propos également gai, gaillard et même poissard (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t.4, 1851, p.278):
• ♦ Avec eux la chanson a pris (...) une crânerie canaille (...) Elle parle l'argot des faubourgs. Au
XVIIIe siècle, elle parlait, avec Vadé, le langage poissard (...) C'est le ton des halles...
A. FRANCE, Vie littér., 1902, p.392.
— Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre, HIST. DE LA LITT. [À propos d'oeuvres de la seconde moit. du XVIIIes. aux sujets réalistes traités dans un style imitant le parler pop.] Aux confins du même genre, (...) tirant sur le poissard ou le grivois, les amateurs distinguent et goûtent fort les amours de Pierre et Pierrette [de Désaugiers] (SAINTE-BEUVE, Portr. contemp., t.5, 1845, p.67).
REM. Poissarderie, subst. fém. Acte ou propos poissard; style poissard. Et ton style, admettant plus d'un mot prohibé, Dans la poissarderie est mainte fois tombé (POMMIER, Crâneries, 1842, p.155).
Prononc. et Orth.:[], fém. [-]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. I. 1. 1640 subst. fém. poissarde (OUDIN Curiositez: une vendeuse de marée, par mespris); 1690 (FUR.: Terme injurieux que se disent les harangères les unes aux autres pour se reprocher leur vilenie et malpropreté); 2. 1835 «femme aux manières hardies, au langage grossier» (Ac.). II. 1. 1743 adj. «qui appartient à un genre littéraire imitant le langage grossier du peuple» (d'apr. FEW t.8, p.621); 1748 langue poissarde (Journal de Verdun, sept. d'apr. ESN.); 1749 (Les Quatre bouquets poissards de M. Vadé, v. TLF t.1, p.XCVIIc); 2. 1748 subst. désigne le genre littéraire correspondant (Journal de Verdun d'apr. ESN.: Langage que j'appellerai le Poissard). I fém. de poissard «voleur» (1531 JACQ. SYLVIUS, Isagoge, p.41 ds GDF.), dér. de poix (suff. -ard): propr. «celui qui a les mains comme enduites de poix pour voler» (cf. 1582 poissard subst. «celui qui enduit de poix» Bretin ds HUG.; 1611 adj. «enduit de poix» COTGR.), la poissarde étant réputée peu honnête dans ses transactions et habillée de vêtements crasseux, comme poissés; le sens «marchande de poissons», par rapprochement plais. avec poisson (FEW t.8, p.621b, note 2). II est tiré de I; v. aussi SAIN. Sources Arg. t.1, p.67). Fréq. abs. littér.:48. Bbg. CHAUTARD Vie étrange Argot 1931, p.141. — GOHIN 1903, p.243 (s.v. poissarderie).
II.
⇒POISSARD2,-ARDE, adj.
Arg. Qui a la poisse; malchanceux. Voir LACASSAGNE, Arg. «milieu», 1928, p.257.
Prononc.:[], fém. [-]. Étymol. et Hist. 1927 (arg. des sportifs et des lycéens d'apr. ESN.). Dér. de poisse1; suff. -ard.
poissard, arde [pwasaʀ, aʀd] n. et adj.
ÉTYM. 1531, « voleur »; dér. de poix, les voleurs ayant comme de la poix aux doigts; poissarde « femme de la halle », 1640 (le sens de « marchande de poisson » est dû à une confusion étymologique entre poisson et poix et à la réputation de grossièreté des harengères).
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1 Poissarde n. f. Vx, péj. (Surtout depuis le XIXe). Femme de la halle. (1835). Par ext. Femme du bas peuple aux manières hardies, au langage grossier.
1 (…) cette belle poissarde, avec son gros embonpoint, qui a la tête renversée en arrière, dont la couleur blême, le linge de tête étalé en désordre, l'expression mêlée de peine et de plaisir, montrent un paroxysme plus doux à éprouver qu'honnête à peindre ?
Diderot, Salon de 1765, Greuze.
2 On désigne toujours par le nom de poissardes les femmes qui sont allées de Paris à Versailles. C'est un malheur pour celles qui débitent les poissons.
3 (…) chacun de leurs chevaux portait deux ou trois poissardes, sales bacchantes ivres et débraillées.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. I, p. 220.
♦ Spécialt. (Par attraction de poisson). Marchande de poisson, aux halles (→ ci-dessus, cit. 2, Rivarol).
4 (…) un groupe de poissardes et d'écaillères qui se disputaient et jetaient de grands cris (…)
A. de Vigny, Cinq-Mars, XXV.
2 Adj. (1743). Hist. littér. (le mot s'est surtout employé pour désigner le style réaliste et populaire de Vadé, Lécluse…, au XVIIIe). Qui emploie ou imite le langage « du plus bas peuple » (Littré). || Genre, style poissard. || Un argot (cit. 9) poissard. ⇒ Grossier, populacier. || Les Bouquets poissards, œuvre de Vadé.
♦ N. m. (1748). Le genre poissard.
5 J'ai parlé (…) du poissard au XVIIIe siècle. C'était une forme affectée à un grand nombre de « genres » : lettres, chansons, vaudevilles, parades, etc. Dancourt, Dufrény, Vadé, Lécluse et d'autres avaient employé cette forme conventionnelle (…) Quand survint la Révolution, le poissard était depuis longtemps établi et consacré. Il était impossible qu'un langage qui avait servi aux controverses dès le temps des Mazarinades (…) ne fût pas utilisé dans la bataille révolutionnaire. C'était un style, comme par ailleurs le style marotique.
Brunot, Hist. de la langue franç., t. X, p. 259.
♦ Spécialt. Relatif au langage des « poissardes » des Halles.
6 Élevé dans les ordures des Halles, il épelait le catéchisme poissard, se mettait un poing sur la hanche (…) Alors les « salopes », les « catins » (…) les « combien qu'on te la paye, ta peau ? » passaient dans le filet de cristal de sa voix d'enfant de chœur. Et il voulait grasseyer, il encanaillait son enfance exquise (…) Les poissonnières riaient aux larmes.
Zola, le Ventre de Paris, III, t. I, p. 190.
Encyclopédie Universelle. 2012.