pourtant [ purtɑ̃ ] adv. ♦ Adverbe marquant l'opposition entre deux choses liées, deux aspects contradictoires d'une même chose. ⇒ cependant, mais, néanmoins, toutefois. « Oh ! argent que j'ai tant méprisé [...] tu as pourtant ton mérite » (Chateaubriand). Il faut pourtant avancer. C'est pourtant bien simple. C'est pourtant vrai. Je te l'avais pourtant bien dit. Quoique « les fiefs fussent amovibles, ils ne se donnaient pourtant ni ne s'ôtaient d'une manière capricieuse » (Montesquieu). — (Après le mot qu'il met en relief) « triste, découragée, souriante pourtant » (Proust).
♢ Et pourtant, unissant deux mots, deux propositions tout en les opposant. « c'est une note grave, douce et pourtant pénétrante » (Gautier). « Et pourtant elle tourne [la Terre] », mot prêté à Galilée après sa rétractation.— Mais pourtant, introduisant une opposition atténuée. « caractère efféminé, mais pourtant indomptable » (Rousseau).
● pourtant adverbe (de pour et tant) Marque l'opposition entre deux phrases ou deux mots : Il n'a pas compris ce qu'on lui disait, pourtant il est intelligent. Insiste sur une constatation qui s'oppose au contexte : Je te l'avais pourtant dit. ● pourtant (expressions) adverbe (de pour et tant) Et pourtant, coordonne en opposant : Nous sommes en retard, et pourtant voilà une heure que nous sommes partis. Mais pourtant, indique une opposition atténuée : Un voyage coûteux mais pourtant utile.
pourtant
adv. (Indiquant l'opposition entre deux choses liées, ou entre deux aspects d'une même chose.) Il avait travaillé, pourtant il a échoué. Syn. néanmoins, cependant.
⇒POURTANT, adv.
[Signifie l'opposition, souvent en alliance avec la conj. et (et pourtant)]
A. —[Signifie que la prop. qui le comporte constitue une objection de nature à mettre en doute la vérité de ce qui précède]
1. [La prop. qui comporte pourtant implique la fausseté de ce qui précède]
a) [La contestation a lieu dans le dialogue] Il ne faut pas chanter pour s'amuser. —Mais pourtant, quand on fait de la musique? (ROLLAND, J.-Chr., Aube, 1904, p.91):
• 1. —Vous ne m'aimez pas? —Pas du tout. (...) —Pourtant pas moins qu'il y a un mois? —Si, peut-être moins.
GOBINEAU, Pléiades, 1874, p.230.
— [Ce qui est constesté peut être implicite] —L'oncle, dit Michel, ça va vous faire du bien d'un peu marcher. (...) —Oh, moi, le bien... —Enfin, pourtant, ça va, la santé? (GIONO, Regain, 1930, p.15).
b) [La rectification a lieu dans le discours même du locuteur] C'est comme d'habitude. Pourtant il manque quelque chose (GIONO, Colline, 1929, p.76).
— [La rectification s'opère sous forme interr.] Ces gens-là, j'en conviens, ne me plaisent guère. Qui sait pourtant? Les connaissons-nous? (BLOY, Femme pauvre, 1897, p.250).
2. [La prop. qui comporte pourtant marque seulement l'étonnement, car ce qui précède pouvait être faux; on pouvait s'attendre au contraire] Cette héroïque mansuétude toucha le coeur du notaire, qui pourtant n'était pas tendre (ABOUT, Nez notaire, 1862, p.117):
• 2. Si j'étais à ta place, me dis-tu... et tu t'arrêtes. Pourtant, Adèle, que te demandé-je autre chose que tes conseils?
HUGO, Lettres fiancée, 1822, p.105.
— [La prop. qui comporte pourtant est de forme interr.] Tous sont occupés de me nuire. Eh! qu'ai-je fait pourtant?... que du bien (FLORIAN, Fables, 1792, p.187).
— [Elle est de forme exclam.] J'ai vaincu le désespoir au séminaire, se disait-il: pourtant quelle affreuse perspective j'avais alors! (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.413) Elle s'endormit; c'est pourtant vrai! Elle s'endormit profondément (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p.125).
— [Elle peut être ell., à la limite se réduire à l'adv.] Mais je préférai ne pas répondre et je changeai la conversation. Et pourtant!... (LÉAUTAUD, In memor., 1905, p.204):
• 3. Je la préfère —disons mieux —
Au plus plaisant galbe de femme.
Et Dieu sait pourtant, ô mon âme!...
PONCHON, Muse cabaret, 1920, p.48.
— [Elle peut se réduire à un adj.] Ce qui frappait surtout, c'était l'harmonie esthétique de ces êtres d'origines pourtant si diverses (ESTAUNIÉ, Empreinte, 1896, p.13).
B. —[Signifie que la vérité de ce qui précède pouvait laisser prévoir que ce qu'affirme la prop. contenant pourtant n'est pas vrai ou ne se produira pas] Synon. mais. J'ai fait une couronne; Elle est fanée, hélas! Pourtant je te la donne (DESB.-VALM., Idylles, 1833, p.27). J'étais folle... je ne suis pas méchante pourtant (ZOLA, M. Férat, 1868, p.224). La joie fait passer des brumes chaudes devant les yeux de l'homme, il regarde pourtant (JOUVE, Paulina, 1925, p.72):
• 4. Ainsi les chrétiens ont placé à côté des dogmes de morale, que l'on retrouve chez tous les philosophes anciens, une foule de préceptes et de règles de conduite qui tendent à dégrader l'ame, à avilir notre raison, et auxquelles pourtant on attache les récompenses les plus distinguées de l'élysée.
DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p.528.
— [L'oppos. vient de tout le cont. qui précède]:
• 5. Le silence est lourd comme un plomb. Gondran est le seul bruit du matin; il va et vient avec ses gros souliers à clous. D'habitude les plus matineux sont les pigeons de Jaume; l'aube aux mains molles jongle avec eux. Aujourd'hui le pigeonnier semble mort. Gondran va voir la pendule: quatre heures pourtant.
GIONO, Colline, 1929, p.46.
— Rare. Mais pourtant. Je tremble devant toi, mais pourtant je t'adore; Je suis moins criminel puisque je t'aime encore? (VIGNY, Poèmes ant. et mod., 1837, p.66).
— [Fréq. dans des syntagmes adj. (ou participiaux) juxtaposés ou coordonnés] Sa voix rude, pourtant caressante, où il y avait de l'homme et de l'oiseau (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p.8). Cette mort prédite et pourtant imprévue de Swann (PROUST, Prisonn., 1922, p.200):
• 6. Elle se sentait curieusement attirée vers ce jeune homme réservé et cependant expansif à ses heures, timide et enthousiaste, à l'esprit cultivé et pourtant naïf, auquel l'éducation provinciale donnait le charme et la verdeur d'un fruit sauvage.
THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p.67.
♦[En postposition] Non d'une jeune enfant, mais d'une femme faite, aimable encor pourtant (COLLIN D'HARL., Vieux célib., 1792, IV, 2, p.89).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 «à cause de cela, pour cette raison» (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 7091); ca 1165 (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 17365); 2. ca 1445 marque l'opposition «malgré cela, cependant» dans une phrase nég. (PIERRE DE HAUTEVILLE, La Confession et Testament de l'amant trespassé de deuil, éd. R. M. Bilder, 632: Ne pourtant croiez que remecte Ou pardonne de vraye science A la mort mauldicte et infaicte); 1588 dans une phrase affirm. (MONTAIGNE, Essais, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, I, 3, p.18); id. mais pourtant (ID., op. cit., I, 43, p.270; III, 7, p.916; III, 10, p.1014). Comp. de pour et de tant. Fréq. abs. littér.:22564. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 20272, b) 31198; XXes.: a) 36209, b) 40173. Bbg. ANSCOMBRE (J.-Cl.). Pour antant, pourtant,... Cah. Ling. fr. Genève. 1983, n° 5, pp.65-83. — LETOUBLON (Fr.). Pourtant, cependant, quoique, bien que. Cah. Ling. fr. Genève. 1983, n° 5, p.85-110. — MINARY (O.). Approche ling. de pourtant interdiscursif. BULAG. 1982, n° 9, pp.72-107. — MOESCHLER (J.). Contraintes structurelles et contraintes d'enchaînement... Cah. Ling. fr. Genève. 1983, n° 5, pp.131-150. — MOESCHLER (J.), SPENGLER (N. de). La Concess. ou la réfutation interdite. Cah. Ling. fr. Genève. 1982, n° 4, pp.20-27. — MOREL (M.-A.). Ét. sur les moy. propres à exprimer la concess. en fr. contemp. Thèse, Paris, 1980, passim. — SPENGLER (N. de). Première approche des marqueurs. Cah. ling. fr. Genève. 1980, n° 1, p.131, 138, 140.
pourtant [puʀtɑ̃] adv.
ÉTYM. Fin XIIe; portant, v. 1130; de pour, et tant.
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1 Vx. Pour cela, pour tout cela. || « Pourtant, mon fils bien-aimé, le plus tôt que faire pourras,… retourne… » (Rabelais, Gargantua, I, XXIX).
2 (XIVe). Mod. Adverbe marquant l'opposition entre deux choses qui restent liées, deux aspects contradictoires d'une même chose. ⇒ Cependant, mais, néanmoins, pour (autant), toutefois. || Pourtant « marque une opposition moins accusée que celle de mais, plus forte que celle de cependant » (G. et R. Le Bidois, Syntaxe du français moderne, §1138). — || « Argent (cit. 44) que j'ai tant méprisé (…) tu as pourtant ton mérite » (Chateaubriand). || Barrès qui n'avait aucun don oratoire sut pourtant se faire acclamer (→ À-propos, cit. 4). || Il faut pourtant avancer (→ Hasarder, cit. 4). || « Pourtant j'avais quelque chose là », phrase prononcée par A. Chénier, en se frappant le front, au moment de monter à l'échafaud. || Elle n'était pourtant pas mal (2. Mal, cit. 25). || Que de pages pourtant charmantes ! (→ Intimiste, cit. 2). || C'est pourtant bien simple (→ Dessus, cit. 24). || Voilà pourtant où nous en sommes (→ Opérette, cit. 3). || Si pourtant il fait imprimer un ouvrage (→ Impression, cit. 4).
♦ (En liaison avec quoique : → Amovible, cit.).
1 (…) Et qu'il est pourtant temps, comme dit la chanson,
De sortir de ce siècle ou d'en avoir raison.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Une soirée perdue ».
2 La rue Saint-Jacques n'est pas une île déserte; pourtant je me sentis cruellement seul, en revenant chez moi, le soir de ce jour-là.
G. Duhamel, la Pierre d'Horeb, XI.
♦ (Après le mot auquel il se rapporte et qu'il met en relief). || Mince… grasse pourtant, avec de petits os (cit. 4). || Elle est bien laide (cit. 6), elle est délicieuse pourtant !
3 (…) triste, découragée, souriante pourtant (…)
Proust, Du côté de chez Swann, Pl., t. I, p. 12.
♦ (1580, Montaigne). || Et pourtant, servant à unir deux mots, deux propositions tout en les opposant. || Une note grave, douce et pourtant pénétrante (cit. 4). || Façon de parler impertinente (cit. 1) et pourtant en usage. || L'âme (cit. 43) est… la partie éminente de notre être; et pourtant c'est aussi un hôte de passage. ☑ « Et pourtant elle tourne » (la Terre), mot prêté à Galilée après sa rétractation (en italien, eppur si muove).
4 Et pourtant quelque chose est changé dans la vie,
Nous n'aurons plus jamais notre âme de ce soir (…)
Anna de Noailles, le Cœur innombrable, « Il fera longtemps clair ».
♦ Mais pourtant, servant à introduire une opposition atténuée. || Caractère efféminé, mais pourtant indomptable (→ Flotter, cit. 15). || Mais pas pourtant jusqu'au point de… (→ Aristocratique, cit. 4). — REM. L'inversion après pourtant est exceptionnelle.
5 (Ces graves questions) si je ne me les formulais pas nettement encore, pourtant m'habitaient-elles déjà, et me retenaient-elles de trouver mon confort dans un hédonisme de complaisance (…)
Gide, Si le grain ne meurt, II, II, in Souvenirs, Pl., p. 607.
Encyclopédie Universelle. 2012.