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regretter

regretter [ r(ə)grete ] v. tr. <conjug. : 1>
XV e « se lamenter sur qqch. »; regreter « se lamenter » 1050; p.-ê. de l'a. scand. grâta « pleurer »
I
1Éprouver le désir douloureux de (un bien qu'on n'a plus, un bonheur passé); être fâché de ne plus avoir (ce qu'on a eu). Regretter le temps passé, sa jeunesse, son bonheur perdu. « Il regrettait ses montagnes depuis qu'il vivait dans la plate Beauce » (Zola). Absolt « Tu regardes en arrière, ton lot est de regretter toujours » (Fromentin).
2(1538) Regretter l'absence, la mort de (qqn). Quand vous partirez, on vous regrettera. « Madeleine la regretta et la pleura beaucoup » ( Sand). Notre regretté président : notre président mort récemment. X, regretté de tous.
(1801) Vieilli Regretter son argent : être fâché d'avoir fait une dépense.
II(1668)
1Être mécontent (d'avoir fait ou de n'avoir pas fait). se repentir (cf. Se mordre les doigts). Elle regrette d'être venue. « Je ne regrette pas d'avoir fait [cette] expérience » (Duhamel). Je ne regrette rien (cf. Si c'était à refaire, je le referais). Vous me feriez regretter mon indulgence. (Par menace ou dissuasion) Vous le regretterez ! (Comme encouragement à agir) Vous ne le regretterez pas ! Elle n'a rien à regretter, la chose n'en valait pas la peine (cf. Elle n'a rien perdu).
Désavouer (sa conduite passée). Regretter ses péchés. « Je regrette mon geste et présente [...] mes excuses » (Duhamel).
2Désapprouver; être mécontent de (ce qui contrarie une attente, un désir, un souhait). déplorer. « Je regrette cette décision » (Chardonne). Regretter d'être trop vieux pour... Nous regrettons qu'il ne puisse venir (cf. C'est dommage). On peut regretter que... regrettable.
3Se montrer fâché auprès de qqn (d'une action, d'une situation dont on est responsable). s'excuser. Je regrette de vous avoir fait attendre. Je regrette d'avoir été aussi vif. Je regrette, formule pour contredire ou s'excuser. « Tu l'as ratée. — Je regrette, je ne l'ai pas ratée » (Adamov). pardon. « La rue X, s'il vous plaît ? — Je regrette, je ne suis pas du quartier » (cf. Excusez-moi).
⊗ CONTR. Féliciter (se), réjouir (se). — Désirer, souhaiter.

regretter verbe transitif (peut-être ancien scandinave grāta, pleurer) Éprouver l'absence ou la disparition de quelqu'un, quelque chose comme un manque pénible, douloureux : Regretter ses amis disparus. Regretter sa jeunesse. Être mécontent de ce qu'on a fait, se reprocher d'avoir agi d'une certaine façon : Je ne regrette pas de m'être dérangé. Être mécontent d'une situation, d'une action qui va contre ce qu'on juge souhaitable : Nous regrettons que vous partiez.regretter (citations) verbe transitif (peut-être ancien scandinave grāta, pleurer) Pierre Jean de Béranger Paris 1780-Paris 1857 Combien je regrette Mon bras si dodu Ma jambe bien faite Et le temps perdu ! Chansons regretter (expressions) verbe transitif (peut-être ancien scandinave grāta, pleurer) Je regrette, exprime un désaccord avec courtoisie. Vous le regretterez, vous ne le regretterez pas, se dit pour faire pression sur quelqu'un, soit pour le dissuader d'agir, soit pour l'inciter à agir de telle ou telle façon. ● regretter (synonymes) verbe transitif (peut-être ancien scandinave grāta, pleurer) Éprouver l'absence ou la disparition de quelqu'un, quelque chose comme un...
Synonymes :
- pleurer sur
Être mécontent de ce qu'on a fait, se reprocher d'avoir...
Synonymes :
- se mordre les doigts de (familier)
- se repentir de
- s'en vouloir
Contraires :
- se féliciter
Être mécontent d'une situation, d'une action qui va contre ce...
Synonymes :
- déplorer
Contraires :
- se réjouir

regretter
v. tr.
d1./d éprouver de la peine, du chagrin, au souvenir de (ce qui n'est plus, ce que l'on n'a plus). Regretter sa jeunesse.
|| Regretter qqn (une personne défunte ou durablement absente).
Pp. adj. Notre regretté ami: notre ami défunt.
d2./d éprouver du mécontentement, de la contrariété (d'avoir ou de ne pas avoir fait qqch). Il regrette amèrement de ne pas l'avoir dit plus tôt.
|| Regretter ses erreurs, ses péchés, les désavouer, s'en repentir.
d3./d être mécontent de (ce qui s'oppose à la réalisation d'un désir, d'un souhait, d'un projet). Regretter la présence de qqn. Regretter que qqn soit présent.
d4./d Déplorer (une action dont on est responsable). Je regrette de vous avoir retardé.
|| (Formule de politesse.) Je regrette, mais...: excusez-moi, mais...

⇒REGRETTER, verbe trans.
I. — Éprouver un sentiment plus ou moins pénible au sujet d'une action passée ou rêvée.
A. — 1. Qqn regrette qqc. Éprouver de la peine, du déplaisir à la pensée ou au souvenir d'une perte, d'une absence d'un bien, ou au souvenir d'un mal. Synon. littér. pleurer; anton. espérer. Regretter le passé, son enfance, sa jeunesse, le temps passé, le temps perdu, une occasion manquée. Un de ces taudis qui, sitôt entré, vous font regretter la rue, quelle qu'elle soit, que l'on vient de quitter (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 124):
1. Hélas! naître pour vivre en désirant la mort!
Grandir en regrettant l'enfance où le cœur dort,
Vieillir en regrettant la jeunesse ravie,
Mourir en regrettant la vieillesse et la vie!
HUGO, Feuilles automne, 1831, p. 756.
Loc. verb., au fig., vieilli. Regretter les oignons d'Égypte. V. oignon B 2 c.
Empl. abs. Que voulez-vous, Monsieur, quand on a travaillé toute sa vie, il vient un moment où on s'aperçoit qu'on aurait pu faire autre chose, et, alors, on regrette, oh! oui, on regrette! (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Bois, 1886, p. 557).
2. Qqn regrette qqn
a) Éprouver de la peine, être affligé de ne plus être en présence de ou en relation avec quelqu'un de vivant. Synon. pleurer (sur). Nous avons bien souvent pensé à vous après votre départ de Rome, nous vous avons bien des fois regretté dans nos soirées de l'hiver dernier (DELÉCLUZE, Journal, 1825, p. 243):
2. Il regrettait, dans son petit souvenir encore vague, il regrettait les petits camarades du sentier de hêtres, et les cajoleries de ses grands-parents, et les chansons de sa vieille grand'mère. Là-bas, tout le monde s'occupait de lui, tandis qu'ici il était presque toujours tout seul.
LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 232.
Empl. pronom. réfl. Rendez-moi ma lettre. Depuis que je l'ai perdue, je ne suis plus moi-même, je me regrette et j'ai hâte de retourner à ma réalité (L. DE VILMORIN, Lettre ds taxi, 1958, p. 98).
b) Éprouver du chagrin d'être séparé d'une personne défunte. Être regretté des siens, de tous. Nous allions même souvent chez le menuisier pour lire l'épitaphe (...) « Ici, repose Joséphine (...) Malaudain (...) décédée à l'âge de soixante-deux ans, regrettée de sa famille (...) » (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Surprise, 1882, p. 15).
[P. méton. du subst.] Regretter l'absence, la disparition, la perte de qqn. Je regrettais la mort de cette fille comme on regrette la destruction totale d'une belle œuvre (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p. 11).
B. — Qqn regrette qqc., qqn regrette de + inf.
1. a) Éprouver de la contrariété, du mécontentement envers soi-même d'avoir fait ou de n'avoir pas fait dans le passé quelque chose, une action dont le résultat a un aspect négatif. Synon. s'en vouloir de, se repentir de, se mordre les doigts, les poings, les pouces de (au fig., fam.). Regretter une démarche, une imprudence; regretter amèrement, vivement, sincèrement qqc. Elle lui tendit la main. — Je vous remercie. Je savais bien que je n'aurais pas à regretter la confiance que j'avais mise en vous (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 348). Oh, j'ai tort de raconter tout ça... Je sens que je le regretterai... Mais je suis si fatigué ce soir... Je ne peux pas me retenir (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 715).
Regretter de + inf. Regretter d'avoir manqué une occasion. Je regrette presque de lui avoir dit ce que je pense: lui, au moins, il travaille et il croit (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p. 40).
[À la forme nég., pour exprimer une satisfaction] Ne rien regretter. Rien n'est charmant comme ces courses du matin au printemps, et je ne regrette pas de me lever de bonne heure pour me donner ce plaisir (E. DE GUÉRIN, Journal, 1835, p. 66). S'il abandonnait certaines de ses marottes d'écolier, il ne regrettait rien de ses actions et préférait son douloureux apprentissage au confortable reniement d'un Hogg (MAUROIS, Ariel, 1923, p. 207).
b) Subir les conséquences néfastes de. Synon. s'en repentir, le payer cher, s'en souvenir, payer les pots cassés (fam.; v. pot1).
Expressions
Vous le regretterez! [En phrase exclam., pour dissuader qqn d'accomplir un acte, le menacer d'une déception, de conséquences fâcheuses; en partic. comme menace de vengeance (synon. vous me le paierez cher)] Antoine: (...) En attendant, si je me permets de vous donner un conseil, c'est de prendre ce que Mademoiselle Lili vous offre. Carlos: Jamais de la vie! Antoine: Vous avez tort: vous le regretterez! (BOURDET, Sexe faible, 1931, III, p. 419).
Vous ne le regretterez pas(!), Vous n'aurez pas à le regretter, à regretter de + inf. [Pour exhorter qqn à faire qqc., le décider à accomplir une action enrichissante, bénéfique] Synon. vous ne serez pas déçu. Antoine, à Carlos qui remonte. [Après lui avoir passé la bague au doigt] Vous ne le regretterez pas, vous verrez, Monsieur Carlos (BOURDET, Sexe faible, 1931, p. 473).
N'avoir rien à regretter, ne rien regretter. N'avoir rien perdu dans une entreprise, dans un achat; n'avoir rien à se reprocher:
3. Ne t'inquiète point pour mon corps. J'ai la jambe morte et le bras mort et me voici comme un vieil arbre. (...) — Tu ne regrettes rien, géomètre? — Que regretterais-je? J'ai le souvenir d'un bras valide et d'une jambe valide. Mais toute la vie est naissance. Et l'on s'adopte tel que l'on est.
SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 782.
Ne pas regretter (son argent, sa peine, son temps). Avoir le sentiment de ne pas avoir perdu. Suis resté au balcon et n'ai pas trop regretté mon temps à regarder jouer Andromaque, car Mlle Rachel a été fort bonne (BARB. D'AUREV., Memor. 2, 1839, p. 399). On entre, mais on paie. Du reste, on ne regrette pas son argent. Cette abside, comme celles de Flandre, est un musée, et un musée varié (HUGO, Rhin, 1842, p. 368):
4. ... la fatigue de ces visites [d'appartements] fait que toutes les pièces se brouillent dans ma tête. Je ne regrette pas ma peine, cependant; il est toujours curieux de pénétrer dans des maisons qu'on ne connaît pas...
GREEN, Journal, 1937, p. 106.
c) Désavouer, être mécontent d'une action, d'une conduite passées, moralement répréhensibles, ou que la conscience désapprouve. Synon. se repentir de, avoir des remords de. Regretter une faute, sa faute, son erreur, ses fautes, ses péchés, son geste, des paroles; regretter vivement, sincèrement qqc. Le jeune homme s'était approché, regrettant sa brutalité (ZOLA, M. Férat, 1868, p. 237). Si je t'ai dit tout à l'heure cette phrase, que je regrette puisqu'elle t'a fait de la peine, c'était par pure taquinerie, sans y attacher aucune importance (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1939, p. 136).
2. a) Désapprouver, considérer comme fâcheux, contrariant, un fait qui s'oppose à la réalisation d'une attente, d'un désir, d'un souhait, d'un projet, ou un événement néfaste qui aurait pu ne pas avoir lieu. Synon. être contrarié de, fâché de, mécontent de, déçu de; déplorer. Regretter la perte, la suppression, l'absence, le manque de qqc., une décision. Nous avons bien regretté le contretemps qui nous a privés de toi (MALLARMÉ, Corresp., 1866, p. 222). Je travaillerai pour que vous n'ayez pas à regretter mon élection [à l'Académie Goncourt] (RENARD, Journal, 1907, p. 1141).
Regretter de + inf. Regretter d'être..., de ne pas être..., d'avoir..., de n'avoir pas... Le préfet (...) va poser une première pierre à Corte; je m'imagine que ce doit être une cérémonie bien imposante, et je regrette fort de n'y pas assister (MÉRIMÉE, Colomba, 1840, p. 108).
Regretter que + subj. (quand le suj. du verbe est différent). Regretter que qqn soit parti, absent. M. Méline encore a fort bien parlé de la loi. Je regrette seulement pour lui qu'il dépense tant d'efforts pour en maintenir la violation quand c'est un juif qui est en cause (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p. 220).
Loc. Il est à regretter que. Synon. il est regrettable, fâcheux que, c'est dommage que. Brichot aurait pu constituer aisément la matière d'un fort volume. Il est à regretter qu'il n'en ait pas publié, car ces articles si nourris sont maintenant difficiles à retrouver (PROUST, Temps retr., 1922, p. 792).
b) En partic. Éprouver de la contrariété, de la peine à l'idée d'une action imaginaire, irréalisable, inexistante ou non réalisée dans le passé. L'homme qui s'exprime avec tristesse sur son isolement et semble regretter un bonheur rêvé et irréalisable, inspirera toujours une vive sympathie à une femme (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 1, 1859, p. 605). En proie aux affres de l'épuisement nerveux, cette pénible rançon des bienfaits du monde moderne, nous nous prenons à regretter les âges lointains de l'énergie sauvage ou de la foi profonde (BOURGET, Essais psychol., 1883, p. 114).
Regretter de + inf. passé à la forme nég. Il semble que son traitement donne des résultats et j'ai constaté une amélioration relativement grande. Que j'ai de fois regretté de n'être pas médecin moi-même et de ne pouvoir l'être! (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1901, p. 388).
II. — Éprouver du déplaisir et exprimer des excuses, dans des formules de politesse.
A. — 1. Exprimer à quelqu'un son déplaisir, formuler des excuses pour une action, une situation dont on endosse la responsabilité, ou pour annoncer un refus à une offre. Synon. s'excuser, demander pardon, présenter ses excuses (v. excuse), prier qqn de l'excuser, être désolé de, fâché de, navré de, au désespoir de (littér.), au regret de. Je regrette de vous avoir fait attendre; je regrette de vous avoir manqué; je regrette de ne pas pouvoir vous recevoir, vous aider. Au milieu, une table éclairée par une lampe de roulis. C'était petit, mais propre. « Je regrette de n'avoir pas mieux à vous offrir » (VERNE, Tour monde, 1873, p. 112). Je regrette de vous déranger de si bonne heure, Francine, dit-elle, et un jeudi encore! Il y a tant d'ouvrage! Nous aurons la lessive demain (BERNANOS, Joie, 1929, p. 539).
[Dans une formule excusant une prétérition présentée comme obligée] Ceux qui me liront avec soin, tout en regrettant peut-être que les choses ne soient pas plus simples (LEBESGUE, Intégr. et rech. fonctions primit., 1904, p. VI).
2. Formuler des excuses, exprimer du remords, du repentir pour un acte moralement répréhensible. Synon. être désolé, navré, peiné de, demander pardon pour. Regretter d'avoir été trop vif, de s'être emporté. Madame Fernande, je regrette de vous avoir injuriée, pardonnez-moi, j'ai mes nerfs (BERNANOS, Joie, 1929, p. 619).
B. — Souvent en empl. abs.
1. a) [Pour contredire qqn, le contester, s'opposer] Le Président: Toi, cesse de regarder cet oiseau, tu m'agaces! Agathe: Je regrette. C'est la seule chose au monde qui m'intéresse (GIRAUDOUX, Électre, 1937, II, 7, p. 184).
b) [Pour introduire des raisons servant d'excuses] Synon. pardon, nos regrets, mille regrets, mille excuses. C'est ainsi? C'est une plaisanterie? Excusez-moi, je regrette, mais je vais dans cinq minutes au recrutement (MONTHERL., Exil, 1929, I, 4, p. 41). Je regrette de vous irriter, mais je ne peux pas partir cette nuit (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 255).
2. [Pour exprimer un refus, pour s'excuser de ne pouvoir répondre à une offre, à une demande] « Nous dînons ensemble, je suppose? » Le ton n'admettait guère de réplique, mais il y eut une espèce de retrait du jeune homme qui répondit, les yeux lointains: « Je regrette, je suis pris » (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 200).
[Renforçant une nég.] Hélène: L'affaire du mont Ida... (...). Vous n'avez pas de nouveaux détails? Calchas: Non... je regrette... (MEILHAC, HALÉVY, Belle Hélène, 1865, I, 5, p. 175).
Prononc. et Orth.:[], [--], (il) regrette [-]. Ac. 1694: regreter; dep. 1718: -gretter. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1050 « se livrer à des lamentations au sujet d'(un mort, etc.) » (Alexis, éd. Chr. Storey, 130: La bone medre s'em prist a dementer E sun ker filz suvent a regreter); b) ) ca 1200 « ressentir de façon plus ou moins pénible la perte ou l'absence de quelque chose ou de quelqu'un » (Bueve de Hantone, I, 725 ds T.-L.); ) 1694 regreter son argent (Ac.); 2. a) 1534 regretter que « être mécontent de ce que » (RABELAIS, Gargantua, éd. R. Calder et M. A. Screech, chap. 48, p. 276); b) 1563 estre à regretter « être regrettable » (B. PALISSY, Recepte veritable ds Œuvres, éd. A. France, p. 27); 3. a) 1668 regretter qqc. « donner quelque chose à regret » (LA FONTAINE, Fables, VI, 6 ds Œuvres, éd. H. Régnier, t. 2, p. 20); b) ) 1718 « être mécontent d'(avoir fait ou de n'avoir pas fait) » (Ac.: je regrette de ne luy avoir pas donné ce conseil); ) 1918 vous ne le regretterez pas (PROUST, J. filles en fleurs, p. 577); 1920 tu le regretteras (ID., Guermantes 1, p. 180); 4. 1864 « se montrer fâché auprès de quelqu'un (d'une action, d'une situation dont on est responsable) » (GONCOURT, R. Mauperin, p. 254). Étymol. discutée, v. FEW t. 16, p. 53b-54a et P. SKÅRUP ds St. neophilol. t. 37, 1965, pp. 45-50 et t. 41, 1969, p. 25-30. On a voulu y voir une orig. lat. (la dernière hyp. étant celle de H. MEIER ds Arch. St. n. Spr. t. 117, 1965-66, p. 266-269, qui propose un lat. , dér. à itératif double de « se plaindre »), mais les étymons lat. présentant de graves difficultés, il vaut mieux accepter un étymon germ. pourvu du préf. re- prob. tiré p. anal. d'autres nombreux verbes de la vie affective et intellectuelle (repentir, remembrer, recorder, etc.). Wartburg propose l'a. scand. « pleurer » (apparenté aux got. gretan « id. » et m. h. all. « id. ») dont le résultat regreter au lieu de regrater (forme rarement att., en a. fr.: ca 1180 « se livrer à des lamentations » GUILLAUME DE BERNEVILLE, Gilles, 3562 ds T.-L.) fait difficulté; Wartburg l'explique comme acheter en face de achater. Pour aboutir à regreter, Skårup propose de partir d'un a. b. frq. greotan « pleurer » (d'apr. l'ags. gréotan « pleurer » et l'a. sax. griotan/greotan « id. »). Fréq. abs. littér.:4 879. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 6 741, b) 7 803; XXe s.: a) 6 749, b) 6 754.
DÉR. Regretteur, -euse, subst., rare. Personne qui regrette quelque chose (supra I A 1). Regretteurs du temps passé. Bien qu'étant, avec la généralité des gens ordinaires, louangeur des temps passés et regretteur des premières années de ma vie, je n'ai pu m'empêcher, altesse, d'aujourd'hui envier en quelque sorte mon bonheur actuel (VERLAINE, Œuvres posth., t. 3, Prose, 1896, p. 109). [], fém. [-ø:z]. 1re attest. 1866 (CHAMPFLEURY ds Figaro, 16 févr. d'apr. LITTRÉ); de regretter, suff. -eur2.
BBG. — BRÉAL (M.). Regret et regretter. B. Soc. Ling. 1903-1905, t. 13, pp. 147-148. — KLEIN (H.-W.). Regretter et déplorer. Classe de fr. 1954, t. 5, pp. 220-221. — LYNE (A. A.). A Lexicometric approach to the description of a language variety. Thèse, Sheffield, 1981, pp. 341-342.

regretter [ʀ(ə)gʀete; ʀ(ə)gʀɛte] v. tr.
ÉTYM. V. 1460; « se lamenter sur la perte de qqn », v. 1050; p.-ê. de l'anc. scandinave grâta « pleurer », étym. écartée par Guiraud, qui évoque un dér. de la famille du lat. crepitare « bruire » et, fig., « parler sans cesse de… », recrepitare signifiant « faire éclater sa douleur (en cris et lamentations) » (Guiraud).
———
I
1 Éprouver le désir douloureux de (un bien qu'on n'a plus, un bonheur passé); être fâché de ne plus avoir (ce qu'on a eu). || Regretter le temps passé (→ Devancier, cit. 2), sa jeunesse…, son bonheur perdu. Pleurer; lamenter (se). || Il regrettait ses montagnes depuis qu'il vivait dans la plate Beauce (→ Incident, cit. 3). || Je ne regrette rien de cette Babylone (→ Entendre, cit. 73).
Par ext. Rare. (En parlant d'un bien imaginaire, qu'on aurait pu avoir). → ci-dessous, cit. 4, Valéry.
1 Ainsi le bon temps regrettons
Entre nous, pauvres vieilles sottes (…)
Villon, le Testament, LVI.
2 Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Ronsard, Sonnets pour Hélène, II, XLIII.
3 Et il était comme le jardinier devenu roi qui, obligé à chausser des sandales de pourpre, regrette ses sabots lourds de glaise et de pauvreté.
Francis Jammes, le Roman du lièvre, p. 47.
Absolt. || Regretter est vain. || Tu regardes en arrière, ton lot (cit. 9) est de regretter toujours.
Par ext. Rare. Être fâché de ne pas avoir, de ne pas connaître.
4 Il est naturel et absurde de regretter les belles choses qui ne sont pas faites, et qui nous semblent encore avoir été possibles, bien après que l'événement a démontré qu'il n'y avait pas de place pour elles dans le monde.
Valéry, Variété, in Œ., t. I, Pl., p. 493 (cf. Beau, cit. 57).
(1801). Regretter son argent : être fâché d'avoir fait une dépense.
2 (1538). Ressentir péniblement l'absence, le départ de (qqn). || Je vous regretterai longtemps (→ Éteindre, cit. 40).Ressentir la mort de (qqn). → Mourir, cit. 6. || J'eus un maître autrefois que je regrette fort (→ Attendre, cit. 118). || Personnes qu'on regrette plus qu'on n'en est affligé (cit. 14). || Elle la regretta et la pleura beaucoup (→ Consoler, cit. 4). || Mourir regretté ou mourir exécré (cit. 1).
5 Eh ! qu'ai-je fait pourtant ?… Que du bien. Les ingrats,
Ils me regretteront, mais après mon trépas.
Florian, Fables, V, 14.
6 Ne me regrettez pas : mon mépris pour vous était égal à mon admiration.
Balzac, Splendeurs et Misères des courtisanes, Pl., t. V, p. 1036.
Pron. (Récipr.). || Personnes séparées qui se regrettent (→ Monde, cit. 40).(Réfléchi) :
7 La vicomtesse d'Houdetot, encore jeune, se mourait d'une affection de poitrine; elle parut fort rêveuse quelques jours avant sa mort. À quoi rêvez-vous, lui demanda-t-on ? Je me regrette, répondit-elle.
P. Larousse, Dict., art. Regretter.
———
II (1668).
1 Être mécontent (d'avoir fait ou de n'avoir pas fait). || Il commence à regretter son attitude, sa confiance, son indulgence. || Vous me feriez regretter ma patience !(Le complément est un pronom). || Je ne regrette rien. Cf. Je le referais; « je le ferais (cit. 56) encor si c'était à refaire ». || Vous le regretterez !(En encouragement à agir). || Vous ne le regretterez pas ! || Elle n'a rien à regretter, la chose n'en valait pas la peine (cf. Elle n'a rien perdu).
8 Revenons à notre sujet : accompagnez-moi chez Legrain, vous ne le regretterez pas.
G. Duhamel, Salavin, V, IV.
Trans. ind. || Regretter de… (et inf.). Repentir (se). || Elle regrette d'être venue (→ Calculateur, cit. 3; ennui, cit. 18). || Il regrettait amèrement (cit. 3) de n'y être pas allé. || Je ne regrette pas d'avoir fait cette expérience (→ Cachot, cit. 4).
9 Et autant que je peux me représenter le sens dans lequel s'oriente l'activité de votre agence, vous n'auriez pas à regretter de vous être mis en rapport avec eux.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, VI, p. 50.
Être mécontent de (ce qu'on a fait), désavouer (une conduite passée). || Regretter une faute, ses péchés. || Regretter des paroles dures (→ Échapper, cit. 19). || Je regrette mon geste et présente (cit. 10) mes excuses. || Regretter un don. || Il regrettait les dîners qu'il lui avait offerts (→ 1. Livre, cit. 42). || « Ce qu'on donne (cit. 25) aux méchants, toujours on le regrette ».
10 Regretter ses fautes, c'est bien; les réparer en exerçant la vertu contraire, c'est mieux.
Max Jacob, Conseils à un jeune poète, p. 104.
11 (…) je crains que tu ne cèdes encore une fois, un peu légèrement, à un mouvement généreux que tu regretteras quand il sera trop tard.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 293.
2 Désapprouver, être mécontent de (ce qui contrarie une attente, un désir, un souhait). Déplorer, désapprouver. || Regretter la perte, la suppression, le retrait de… (→ Épigrammatique, cit.). || Je regrette cette décision (→ Honorable, cit. 12). || Une inaptitude que j'ai vivement regrettée (→ Gouverner, cit. 46).Regretter d'être trop vieux pour…, d'être ignare (cit. 2) dans un domaine.
12 On regrette de vivre encore, quand on apprend de pareilles horreurs (…)
Laclos, les Liaisons dangereuses, CLXXI.
Regretter que… (et subj.). || Je regrette qu'il soit sorti, que vous ne l'ayez pas vu. Dommage (que). || Il regrettait qu'il n'y ait pas un uniforme de l'École (→ Habit, cit. 15).Il est à regretter que… Regrettable (→ Gaulois, cit. 7).
13 Ils vécurent longtemps comme deux époux, et il est à regretter que l'orgueil des Lorédans, blessé de cette liaison publique, ait détruit le portrait de Béatrice (…)
A. de Musset, Nouvelles, « Fils du Titien », VIII.
14 Comme lui (Polyeucte) regrette que Sévère ne soit pas chrétien, il faut, il veut (Corneille) que Sévère aussi regrette que Polyeucte ne soit pas demeuré païen.
Ch. Péguy, Note conjointe, Sur Descartes, p. 187.
3 Trans. ind. || Regretter de… (et inf.). Se montrer fâché auprès de qqn (d'une action, d'une situation dont on est responsable). Excuser (s'); → Être désolé, navré, au désespoir de, au regret de. || Je regrette de vous avoir fait attendre. || Je regrette d'avoir été aussi vif (→ Fâcher, cit. 19).Absolt. || Je regrette, formule pour contredire ou s'excuser. || « Tu l'as ratée. — Je regrette ( Pardon), je ne l'ai pas ratée » (→ Ping-pong, cit.). || « La rue X, s'il vous plaît ? — Je regrette, je ne suis pas du quartier ».
15 Il fut charmant au demeurant, confus d'être si mal tombé : — Combien je regrette, vraiment (…) je ne sais comment me faire excuser !
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 2e tableau, II.
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regretté, ée p. p. adj.
|| Un passé regretté.(1683). Antéposé à un nom de personne. Défunt, décédé. || Notre regretté président. || Le regretté X…
CONTR. Féliciter (se), réjouir (se réjouir de…).(De II., 2.) Désirer, souhaiter.
DÉR. Regret, regrettable, regretteur.

Encyclopédie Universelle. 2012.