servitude [ sɛrvityd ] n. f.
• fin XIIe; bas lat. servitudo
1 ♦ Vx Esclavage; servage.
♢ (XVe) Mod. État de dépendance totale d'une personne ou d'une nation soumise à une autre. ⇒ asservissement, soumission, sujétion. La servitude dans laquelle les femmes étaient tenues. « Servitude et Grandeur militaires », œuvre de Vigny. Maintenir une minorité dans la servitude. ⇒ oppression.
2 ♦ Littér. Ce qui crée ou peut créer un état de dépendance. ⇒ contrainte, lien, obligation. « Il avait l'horreur des servitudes bureaucratiques » (Duhamel).
♢ Dr. civ. Charge établie sur un immeuble pour l'usage et l'utilité d'un autre immeuble appartenant à un autre propriétaire. ⇒ hypothèque. Servitude d'appui, d'écoulement des eaux. Servitude de passage, de puisage, de pacage. — Dr. publ. Restriction au droit de propriété immobilière, pour une raison d'intérêt général ou d'utilité publique.
♢ Mar. Bâtiments de servitude : bateaux destinés au service des ports (chalands, pontons, etc.).
⊗ CONTR. Affranchissement, émancipation, liberté.
● servitude nom féminin (latin médiéval servitudo, -inis) Littéraire. État de dépendance complète de quelqu'un envers quelqu'un d'autre : La servitude dans laquelle les femmes étaient tenues. Littéraire. État d'un pays qui a perdu son indépendance nationale, d'un peuple privé de la liberté politique. Nécessité, obligation qui est ressentie comme une limitation, une atteinte à sa propre liberté. Charge imposée et attachée à un fonds (fonds servant) au profit d'un autre fonds (fonds dominant). Restriction au droit de propriété immobilière instituée au nom de l'intérêt général. ● servitude (citations) nom féminin (latin médiéval servitudo, -inis) Gérard Bauër Le Vésinet 1888-Paris 1967 Il y a une chose pire encore que l'infamie des chaînes, c'est de ne plus en sentir le poids. Chroniques, I Gallimard Albert Camus Mondovi, aujourd'hui Deraan, Algérie, 1913-Villeblevin, Yonne, 1960 La passion la plus forte du vingtième siècle : la servitude. Carnets Gallimard Étienne de La Boétie Sarlat 1530-Germignan, Médoc, 1563 Soyez résolus de ne servir plus, et vous serez libres. Discours de la servitude volontaire Gustave Le Bon Nogent-le-Rotrou 1841-Paris 1931 Les révolutions n'ont généralement pour résultat immédiat qu'un déplacement de servitude. Aphorismes du temps présent Flammarion Jean-Paul Marat Boudry, canton de Neuchâtel, 1743-Paris 1793 La trop grande sécurité des peuples est toujours l'avant-coureur de leur servitude. Les Chaînes de l'esclavage Jean Paulhan Nîmes 1884-Neuilly-sur-Seine 1968 Académie française, 1963 Les seules libertés auxquelles nous soyons sensibles sont celles qui viennent jeter autrui dans une servitude équivalente. Le Bonheur dans l'esclavage Pauvert Jean Rostand Paris 1894-Ville-d'Avray 1977 Académie française, 1959 Certitude, servitude. Carnet d'un biologiste Stock Jean-Jacques Rousseau Genève 1712-Ermenonville, 1778 Les peuples une fois accoutumés à des maîtres ne sont plus en état de s'en passer. Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes Marie-René Alexis Saint-Leger Leger, dit, en diplomatie, Alexis Leger, et, en littérature Saint-John Perse Pointe-à-Pitre 1887-Giens, Var, 1975 Prenez garde qu'il peut y avoir une servitude aussi de la liberté, comme il y a une servitude de la malice et de la contradiction. Correspondance, à Jean Paulhan, 3 mai 1949 Gallimard Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues Aix-en-Provence 1715-Paris 1747 La guerre n'est pas si onéreuse que la servitude. Réflexions et Maximes Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues Aix-en-Provence 1715-Paris 1747 La servitude abaisse les hommes jusqu'à s'en faire aimer. Réflexions et Maximes Simone Weil Paris 1909-Londres 1943 Rien au monde ne peut empêcher l'homme de se sentir né pour la liberté. Jamais, quoi qu'il advienne, il ne peut accepter la servitude ; car il pense. Oppression et Liberté Gallimard Sénèque, en latin Lucius Annaeus Seneca, dit Sénèque le Philosophe Cordoue vers 4 avant J.-C.-65 après J.-C. C'est une grande servitude qu'une grande carrière. Magna servitus est magna fortuna. Consolation à Polybe, 6 Aristote Stagire 384-Chalcis 322 avant J.-C. Il est beau de ne pratiquer aucun métier, car un homme libre ne doit pas vivre pour servir autrui. Rhétorique, I, 9, 27 (traduction J. Voilquin) ● servitude (expressions) nom féminin (latin médiéval servitudo, -inis) Bâtiment de servitude, bateau destiné au service des ports, des rades, tel que chaland, ponton, etc. Servitudes militaires, mesures prescrites par le génie militaire, interdisant ou limitant la construction ou la plantation autour de certains terrains militaires (champ de tir, dépôts, ouvrages fortifiés, etc.). ● servitude (synonymes) nom féminin (latin médiéval servitudo, -inis) Littéraire. État de dépendance complète de quelqu'un envers quelqu'un d'autre
Synonymes :
- servage
- vassalité
Contraires :
- émancipation
Littéraire. État d'un pays qui a perdu son indépendance nationale, d'un...
Synonymes :
Contraires :
- liberté
Nécessité, obligation qui est ressentie comme une limitation, une atteinte...
Synonymes :
- chaînes (littéraire)
- corvée
- joug (littéraire)
- sujétion
- tyrannie
servitude
n. f.
d1./d HIST état du serf; esclavage.
|| Mod. état d'une personne ou d'un peuple privés de leur indépendance. Réduire un pays en servitude.
d2./d Entrave à la liberté d'action; contrainte. Tout métier comporte ses servitudes.
d3./d DR Charge imposée sur une propriété, pour l'usage et l'utilité d'une autre propriété.
d4./d MAR Bâtiment de servitude, qui assure les services d'un port, d'une rade, d'un arsenal.
d5./d (Polynésie fr.) Impasse desservant, depuis une voie publique, des parcelles de terrain enclavées. Il habite servitude Hart, à Papeete.
⇒SERVITUDE, subst. fém.
A. — 1. HIST. (féod.). État de celui, de celle qui est serf. Synon. servage. Il a eu le bonheur de trouver dans ses archives le titre de servitude de l'un de ses vassaux (Le Moniteur, t. 1, 1789, p. 314). Les malheureux paysans de l'Ouest auraient pu mettre sur leurs drapeaux: « Servitude, ignorance et misère! » car c'était pour défendre ces choses qu'ils se battaient (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 366).
— P. méton., gén. au plur. Obligation impliquée par cet état. Des servitudes personnelles, telles que les corvées, et d'autres restes de la barbarie féodale, existaient encore partout (STAËL, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 225). La manière dont s'est opéré le rachat des charges et des servitudes féodales (FRANCE, Pierre bl., 1905, p. 192).
2. État d'absence de liberté, de soumission absolue à un maître. Synon. esclavage. Comment de prisonnier il était devenu esclave. Il raconta simplement, sans emphase et sans exagération, son séjour au fond de la Sibérie, six années de servitude au milieu de peuplades sauvages (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 158). Aphrodisia, encore esclave, triomphait dans un cercle d'hommes et fêtait sa dernière nuit de servitude par une débauche désordonnée (, Aphrodite, 1896, p. 152).
— P. méton. Rapport social de soumission volontaire ou imposée. C'est dans la question du travail que toute servitude a sa racine; c'est la question du travail qui a fait les maîtres et les serviteurs, les peuples conquérans et les peuples conquis, les oppresseurs de tout genre et les opprimés de tout nom (LACORD., Conf. N.-D., 1848, p. 233):
• 1. L'insoumis rejette la servitude et s'affirme l'égal du maître. Il veut être maître à son tour. La révolte de Spartacus illustre constamment ce principe de revendication. L'armée servile libère les esclaves et leur livre immédiatement en servitude leurs anciens maîtres.
CAMUS, Homme rév., 1951, p. 140.
— En partic.
♦ État d'un peuple sous la domination d'un autre. Cet enthousiasme guerrier qui met les peuples à l'abri de la servitude étrangère (CHATEAUBR., Essai Révol., t. 1, 1797, p. 116). C'est en mémoire de la servitude d'Égypte (...) que Dieu impose à la postérité de Jacob la charte du repos (LACORD., Conf. N.-D., 1848, p. 240). Un gouvernement tombé sous la servitude ennemie (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 299).
♦ État d'une collectivité, d'un peuple soumis à une autorité tyrannique dans l'ordre politique et moral. Nous n'examinerons point l'état de servitude où le peuple a gémi si longtemps (SIEYÈS, Tiers état, 1789, p. 32). Des lumières et des vertus. Sans elles, il [le peuple] passe rapidement de la servitude à l'anarchie, de l'anarchie à la licence, de la licence à l'oppression, et de l'oppression à la servitude (MARAT, Pamphlets, Appel à la Nation, 1790, p. 154).
— P. métaph. Au moyen âge, une philosophie qui à la place de la réalité met trop souvent de creuses formules et une espèce d'algèbre, médiocre parure, triste dédommagement de la servitude de la pensée (COUSIN, Hist. philos. mod., t. 2, 1846, p. 4).
3. P. ext.
a) Dépendance extrême qui affecte l'autonomie d'une personne, d'une collectivité. Précipitant le peuple dans l'ignorance et dans la servitude religieuse (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 18). Celui qui aime tombe sous la servitude de celui qui est aimé. Par là même. Celui qui aime tombe sous la servitude de celui qu'il aime. Dieu n'a pas voulu échapper à cette loi commune. Et par son amour il est tombé dans la servitude du pécheur (PÉGUY, Porche Myst., 1911, p. 252).
— P. anal. Dépendance économique. Le richard qu'il sert lui a fait sentir le poids de la dure servitude moderne: le salaire (BOURGET, Essais psychol., 1883, p. 247).
b) [La servitude concerne une pers.] Ce que l'on doit faire et qui entrave la liberté individuelle. Si l'égalité est la condition nécessaire de la société, la communauté est la première espèce de servitude (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 324). Mon état d'employé comporte des servitudes. Je ne peux renoncer au gilet: j'aurais l'air débraillé (DUHAMEL, Journ. Salav., 1927, p. 60).
— P. méton. [Le plus souvent avec un compl. déterminatif ou un adj. qui explicitent la contrainte] Assujettissement à une contrainte. Braver volontairement la gêne, les soucis, le malaise, me paraît insensé. Le bonheur du cœur est un doux rêve; mais la servitude de l'écu peut devenir une affreuse réalité (AMIEL, Journal, 1866, p. 45). L'habitude de préférer le plaisir au gain matériel. La liberté avec de petites ressources à une servitude sociale qui fait vivre dans une grande aisance (LARBAUD, Journal, 1935, p. 351).
— P. anal. [La servitude concerne une chose] Contrainte. Au théâtre, certaines conventions servent à compenser faiblement de terribles servitudes (...). Le roman, lui, ne connaît pas de vraies servitudes (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. XII) . La SNCF a des servitudes que n'a pas la route en tant que service public (PINEAU, S.N.C.F. et transp., 1950, p. 38).
B. — DROIT
1. DR. CIVIL. Charge imposée sur un immeuble (fonds servant) pour l'usage d'un immeuble (fonds dominant) appartenant à un autre propriétaire. Servitude conventionnelle, légale; servitude rurale, urbaine; servitude d'égout, d'écoulement des eaux, de passage, de vue; immeuble frappé de servitude. Ce terrain jouit en effet d'une servitude ancienne sur le fonds de M. Givry, parfaitement, sur notre jardin, sur ce jardin dont nous sommes les locataires (DUHAMEL, Terre promise, 1934, p. 140):
• 2. Les servitudes continues sont celles dont l'usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l'homme: tels sont, les conduites d'eau, les égouts, les vues, et autres de cette espèce. Les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées: tels sont les droits de passage, puisage, pacage et autres semblables.
Code civil, 1804, art. 688, p. 126.
♦ Servitude « non aedificandi ». Obligation de ne pas bâtir sur un fonds. (Ds Lar. Lang. fr., ROB. 1985). Servitude « non altius tollendi ». Obligation de ne pas bâtir au-delà d'une certaine hauteur (Ds Lar. Lang. fr., ROB. 1985).
2. DR. PUBL. Restriction qui pèse sur l'exercice du droit de propriété immobilière en vertu de l'intérêt général ou de l'utilité publique. Servitude aérienne, d'alignement, de marchepied, de reculement; servitudes militaires. Ne pas établir de construction, plantation ou clôture à moins de 3 m 25 sur le bord opposé au halage marchepied. Cette obligation porte le nom de servitude de halage (BOURDE, Trav. publ., 1929, p. 328).
3. DR. INTERNAT. Servitudes internationales. ,,Limitation de la compétence internationale et territoriale d'un état au profit d'un autre état ou de la communauté internationale`` (ROB.).
C. — MAR. Bâtiment de servitude. Engin flottant destiné au service des ports et n'allant pas en haute mer. En France, on double en zinc les bâtiments de servitude qui sont, pour la plupart, de vieux navires en bois (CRONEAU, Constr. nav. guerre, t. 1, 1892, p. 348).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1269-78 fig. servitude « dépendance, attachement à » (JEAN DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 5130); 2. 1283 « état d'asservissement, servage » (PHILIPPE DE BEAUMANOIR, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 1437); 3. a) 1283 « assujettissement imposé à la personne » (ID., ibid., § 1438: servitudes de cors); b) ca 1395 [éd. 1603] « assujettissement imposé à une chose » (BOUT[EILLER], Som. rur., p. 127 ds LA CURNE); 1473 « charge que doit supporter une propriété » (10 juill., Chirogr., A. Tournai ds GDF. Compl.); 4. 1871 mar. (LITTRÉ). Empr. au b. lat. servitudo-, -idinis « servitude, esclavage » déb. Ve s. ds BLAISE Lat. chrét., dér. de servus « serf », pour servir de subst. abstr. à servir, moins fréq. que le class. servitus, -tutis « condition d'esclave », fig. « état de dépendance », « assujettissement de terres, d'immeubles », d'où une forme servitute, fin XIIIe s. [ms.] (MARIE DE FRANCE, Fables, Du leu et du lien, ms. BN fr. 2173, éd. K. Warnke, Suppl. XXVI, p. 332), servituit fin XIIe s. (Sermon saint Bernard, éd. K. Wollmöller, p. 128, 34 — 1661, COTGR.); cf. aussi la forme servitune, servitume 1176-81 (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier charrette, éd. M. Roques, 643 et 2095). Fréq. abs. littér.:1 256. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 2 601, b) 1 254; XXe s.: a) 1 229, b) 1 710. Bbg. Archit. 1972, p. 20. — DUB. Pol. 1962, p. 419. — VARDAR Soc. pol. 1973 [1970] p. 307.
servitude [sɛʀvityd] n. f.
ÉTYM. V. 1265; servitute, v. 1180; bas lat. servitudo, lat. class. servitus, servitutis, d'où servitute, également en anc. français.
❖
1 État de dépendance. — Vx. Esclavage (→ Affranchi, cit. 2; ilote, cit. 1). || Éléments de la plèbe (cit. 1) romaine tombés dans une demi-servitude. — Servage.
1 Enfin en 1167, le pape Alexandre III déclare (…) « que tous les chrétiens devaient être exempts de la servitude ». C'est en vertu de cette loi que longtemps après, le roi Louis Hutin, dans ses chartes, déclara que tous les serfs qui restaient encore en France devaient être affranchis (…)
Voltaire, Essai sur les mœurs, LXXXIII.
2 (1420; servitute, XIIIe). Mod. État de dépendance totale d'un individu soumis à un maître. ⇒ Abaissement, asservissement, infériorité, soumission, sujétion; et aussi, par métaphore, bagne, cage, chaîne, joug. || « La servitude abaisse (cit. 10) les hommes jusqu'à s'en faire aimer » (Vauvenargues). || Dans l'obédience (cit. 2), l'obéissance et la servitude (→ Écraser, cit. 11). || La servitude où l'homme tient la femme (→ Égalité, cit. 13). || La servitude ouvrière (→ Artifice, cit. 12). || Servitude et Grandeur militaires, œuvre de Vigny (1835).
2 Quelle différence entre un soldat et un chartreux, quant à l'obéissance ? car ils sont également obéissants et dépendants, et dans des exercices également pénibles. Mais le soldat espère toujours devenir maître, et ne le devient jamais (…) au lieu que le chartreux fait vœu de n'être jamais que dépendant. Ainsi ils ne diffèrent pas dans la servitude perpétuelle, que deux ont toujours, mais dans l'espérance, que l'un a toujours, et l'autre jamais.
Pascal, Pensées, VII, 539.
3 La Servitude militaire est lourde et inflexible comme le masque de fer du prisonnier sans nom, et donne à tout homme de guerre une figure uniforme et froide.
A. de Vigny, Servitude et Grandeur militaires, I, III.
4 Catherine-Nicaise-Elisabeth Leroux (…) pour cinquante-quatre ans de service dans la même ferme, une médaille d'argent — du prix de 25 francs ! (…) Alors on vit s'avancer sur l'estrade une petite vieille femme de maintien craintif (…) des manches de sa camisole rouge dépassaient deux longues mains (…) à force d'avoir servi, elles restaient entr'ouvertes, comme pour présenter d'elles-mêmes l'humble témoignage de tant de souffrances subies (…) Ainsi se tenait, devant ces bourgeois épanouis, ce demi-siècle de servitude.
Flaubert, Mme Bovary, II, VIII.
♦ Par ext. Situation de dépendance psychologique; absence de liberté.
4.1 Certes, il ne songeait pas à se marier, car il ne se sentait pas le courage de se condamner à la mélancolie, à la servitude conjugale, à cette odieuse existence de deux êtres, qui, toujours ensemble, se connaissaient jusqu'à ne plus dire un mot qui ne soit prévu par l'autre (…)
Maupassant, Duchoux, Pl., t. II, p. 997.
3 (XVe). Vieilli ou littér. État d'une nation privée de son indépendance, ou d'un peuple privé de sa liberté politique. ⇒ Oppression (cit. 2). || Mettre, réduire en servitude. ⇒ Asservir (cit. 1), subjuguer. || Tomber dans la servitude (→ aussi Avilissement, cit. 7). || Les nobles âmes qui réclamèrent contre la servitude de la France (→ Prosterner, cit. 6).
5 L'ambition des principaux profita de ces circonstances pour perpétuer leurs charges dans leurs familles; le peuple, déjà accoutumé à la dépendance, au repos et aux commodités de la vie, et déjà hors d'état de briser ses fers, consentit à laisser augmenter sa servitude pour affermir sa tranquillité; et c'est ainsi que les chefs, devenus héréditaires, s'accoutumèrent (…) à se regarder eux-mêmes comme les propriétaires de l'État dont ils n'étaient d'abord que les officiers (…)
Rousseau, De l'inégalité parmi les hommes, II.
1 (V. 1265). Littér. Ce qui crée ou peut créer un état de dépendance. ⇒ Contrainte, lien, obligation, tyrannie. || Les servitudes de la condition humaine (→ Renoncer, cit. 26). || Délivré de toute servitude (→ Patrie, cit. 14), de toute sorte de servitudes (→ Avocat, cit. 6). ⇒ Émanciper (s'). || Les servitudes bureaucratiques (→ Élévation, cit. 6), de la mode (→ Journal, cit. 12). || Une servitude grammaticale (→ Quoique, cit. 1).
5.1 (…) cette espèce d'inépuisable et vague réserve où se tiennent ceux que nous n'avons rencontrés que quelques heures ou que quelques jours, sans passé, sans avenir, échappant à ces fatidiques servitudes auxquelles sont habituellement soumis les humains, c'est-à-dire principalement de passer par des phases successives (l'enfance, l'adolescence, et à la fin l'inévitable décrépitude), de changer de visage, de vêtements, d'avoir un nom (…)
Claude Simon, le Palace, p. 27.
2 (Fin XVe). Dr. a Dr. civ. « Charge établie sur un immeuble pour l'usage et l'utilité d'un autre immeuble appartenant à un autre propriétaire » (Capitant). ⇒ Hypothèque, service (I., A., 4.). || Supporter une servitude, être frappé d'une servitude. || Comment s'établissent ou s'éteignent (cit. 21) les servitudes (Code civil, art. 637 à 710). || Servitude continue, qui s'exerce sans le fait actuel de l'homme et par le seul établissement de l'état des lieux (ex. : [1690] servitude de vue). — Servitude discontinue, qui a besoin du fait actuel de l'homme (ex. : servitude de passage). || Servitude conventionnelle, légale, naturelle, du fait de l'homme. || Servitude rurale, urbaine. || Servitude d'appui, d'échelage, d'écoulement des eaux, d'égout, de pacage ou pâturage, de passage, de puisage, de vaine pâture, de vue… || Servitude « non ædificandi » (consistant en l'obligation de ne pas bâtir sur un fonds), « non altius tollendi » (obligation de ne pas bâtir au-delà d'une certaine hauteur).
b (Fin XVe). Dr. publ. Restrictions au droit de propriété immobilière, pour une raison d'intérêt général ou d'utilité publique. — (1936). || Servitude aérienne (imposée aux propriétaires de terrains aux abords des aérodromes), militaire (imposée aux propriétés privées dans le voisinage des places de guerre et ports militaires). || Servitude de halage, de marchepied, d'alignement et de reculement, de voirie…
c Dr. internat. publ. || Servitudes internationales : limitation de la compétence territoriale d'un État au profit d'un ou de plusieurs États étrangers, de la communauté internationale.
6 (…) l'abus des sentiers est une des grandes plaies de la campagne. Le dixième des procès portés devant les tribunaux de paix a pour cause d'injustes servitudes. L'on attente ainsi, presque impunément, au droit de propriété dans une foule de communes.
Balzac, le Médecin de campagne, Pl., t. VIII, p. 433.
7 La première comprenait, sur tout son périmètre bordant les fortifications, une zone large de quelques centaines de mètres, où une servitude interdisait toute construction. La seconde comprenait vingt-sept ouvrages militaires (…) entourés de terrains frappés de la même servitude.
Giraudoux, De pleins pouvoirs à sans pouvoirs, V, p. 124.
8 Les Muselier y accédaient par une large trouée ménagée dans une haie, sans avoir la garantie d'un droit de servitude.
M. Aymé, la Vouivre, p. 20.
3 (1871). Mar. || Bâtiments de servitude : bateaux destinés au service des ports, des rades (chalands, pontons, maries-salopes, citernes, etc.). — Milit. || Véhicule de servitude, capable d'assurer des fonctions variées (missions de combat, mais aussi transport de matériel, de personnes, évacuation sanitaire, etc.). ⇒ Utilitaire.
❖
CONTR. Affranchissement, émancipation, franchise, liberté. — Domination, maîtrise, omnipotence.
Encyclopédie Universelle. 2012.