INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE
La gestation humaine dure neuf mois. Lorsqu’elle est interrompue après le sixième mois, c’est un accouchement prématuré; avant le sixième mois, il s’agit d’avortement, spontané ou non.
Il faut rappeler que l’avortement provoqué a toujours été une pratique largement répandue dans tous les pays et à toutes les époques. En France, en dépit de la loi de 1920 qui le considérait comme un délit correctionnel (mais qui n’était plus appliquée dans la réalité), l’avortement était pratiqué clandestinement, à une échelle qui lui donnait le caractère d’un véritable fléau social. Diverses méthodes empiriques étaient utilisées par les femmes elles-mêmes ou par des personnes non qualifiées, avec les risques plus ou moins graves qu’elles comportaient: mortalité, hémorragies, infections, avec, comme séquelle définitive, la stérilité.
Partant de cette situation de fait , la loi du 17 janvier 1975 (dite loi Veil) a voulu mettre un terme à ces pratiques clandestines dangereuses, dépénaliser l’avortement, et surtout le médicaliser , sous le nom d’interruption volontaire de la grossesse (I.V.G.). Ajoutons que la loi a pu être adoptée grâce à un contexte favorable d’évolution des mentalités, et à une certaine pression de l’opinion publique en faveur du droit des femmes à la libre disposition de leur corps et à une maîtrise totale de leur fécondité, ce que la libéralisation de la contraception, déjà acquise récemment, ne suffisait pas à satisfaire, du moins dans l’état actuel des choses.
Il faut noter, en effet, que l’évolution normale des civilisations, sur le plan mondial, va de l’absence de prévention des naissances à l’avortement, puis à la contraception (avec un certain taux irréductible d’avortements «résiduels»). C’est cette dernière formule qui, selon Tietze, comporte les moins grands risques sur le plan de la mortalité et de la morbidité. Il n’en reste pas moins que l’avortement spontané et les suites d’avortements clandestins continuent à préoccuper les médecins.
La législation française
Votée pour une période de cinq ans, à titre expérimental, la loi sur l’interruption de grossesse a été adoptée définitivement par la loi du 31 décembre 1979. Elle s’applique à toute femme «en situation de détresse», à condition que l’intervention soit faite avant la fin de la 10e semaine de la grossesse (12 semaines d’aménorrhée, c’est-à-dire d’absence de règles), par un médecin, et dans un établissement d’hospitalisation, public ou privé, agréé. Au-delà de la 10e semaine de la grossesse, l’avortement est autorisé seulement pour des motifs thérapeutiques. Ce délai se justifie médicalement, les risques étant moindres lorsque l’intervention est précoce.
La procédure réglementaire comporte trois étapes:
– une première visite , au cours de laquelle la femme doit présenter la demande d’I.V.G. au médecin de son choix. Celui-ci a la liberté de refuser cette demande (clause de conscience), mais il doit alors en avertir sa cliente immédiatement. S’il l’accepte, il doit l’avertir des risques médicaux et lui remettre un «dossier-guide» l’informant des droits et allocations garanties aux futures mères, ainsi que la liste des organismes habilités à recevoir la femme pour l’entretien à caractère social qui doit suivre. S’il ne pratique pas lui-même l’I.V.G., il doit remettre à la consultante un certificat de visite, daté, attestant qu’il s’est conformé aux dispositions ci-dessus;
– un délai de réflexion de huit jours, qui suit la première consultation et au bout duquel la femme devra confirmer par écrit sa demande au médecin, qui lui délivrera les attestations nécessaires à son admission dans un établissement public ou privé qui pratique l’I.V.G.;
– un entretien à caractère social , obligatoire et gratuit, auquel la femme devra se soumettre pendant le délai de réflexion et à l’issue duquel il sera délivré une attestation authentifiant cet entretien.
Sont habilités à assurer cet entretien: les centres de planification; les établissements de conseil familial; les services sociaux; les organismes publics ou privés agréés dans les conditions de la loi Veil (par décret du 13 mai 1975).
Des clauses spéciales concernent les mineures , pour lesquelles le consentement d’une des personnes qui exerce l’autorité parentale est nécessaire; les femmes étrangères , qui doivent résider en France depuis au moins trois mois au jour de l’intervention.
La tarification
L’I.V.G. n’est pas gratuite, mais depuis mars 1983 elle est remboursée par la Sécurité sociale. Lorsque sa situation financière est difficile et qu’elle ne peut pas faire l’avance des frais, la femme peut demander l’admission à l’aide médicale en s’adressant au service d’aide sociale de la Direction départementale de l’action sanitaire et sociale (D.D.A.S.S.).
Un article spécial de la loi précise que tout établissement dans lequel est pratiquée une I.V.G. doit assurer, après l’intervention, l’information des femmes en matière de contraception . Il stipule qu’en aucun cas l’I.V.G. ne doit constituer un moyen de régulation des naissances.
L’application de la loi
En ce qui concerne le nombre des I.V.G., il était officiellement évalué à 180 000 environ en 1982 en France. Mais comme les services qui pratiquent les I.V.G. ne les déclarent pas toujours, en dépit de l’obligation qui leur en est faite, le chiffre réel est sans doute plus important. Cela traduit le fait que l’application de la loi demande à être améliorée, car des difficultés subsistent en raison de la lourdeur de la procédure et de la difficulté d’une implantation des centres par rapport à la demande.
Méthodes médicales modernes d’interruption de grossesse
Jusqu’à la 10e semaine de la grossesse, la technique d’aspiration endo-utérine reste très utilisée malgré l’existence des méthodes hormonales et notamment l’emploi du RU 486 [cf. CONTRACEPTION], de plus en plus souhaité par les femmes qui désirent interrompre leur grossesse par une méthode chimique et non par l’aspiration. L’aspiration à la seringue , dite méthode de Karman, est pratiquée jusqu’à la 6e semaine d’aménorrhée, par le moyen d’une sonde en plastique semi-rigide, de 4 à 8 mm de diamètre. Cette sonde est adaptée à une seringue de 50 cc, transparente, permettant l’aspiration avec une dépression de 40 à 60 cm de mercure. Après désinfection du col et du vagin, la sonde est introduite dans l’utérus, et on lui imprime un mouvement de rotation pour évacuer son contenu.
La dilatation du col étant minime et l’opération à peu près indolore, elle peut être pratiquée sans anesthésie (avec administration d’un léger tranquillisant), ou avec anesthésie locale. L’opération dure entre 5 et 15 minutes. La patiente se repose ensuite environ une heure sous surveillance, puis elle peut rentrer chez elle sans thérapeutique spéciale; elle devra seulement surveiller sa température et ses pertes sanguines, qui ne doivent pas excéder celles des règles normales.
Les avantages de cette méthode sont sa simplicité, son innocuité, la rareté de ses complications. Les infections, dues à l’introduction dans l’utérus, à la faveur de l’intervention, de germes vaginaux pathogènes, sont rares. L’administration d’antibiotiques n’est pas considérée en général comme indispensable.
L’inconvénient est un certain taux d’échecs, dû à une évacuation incomplète (rétention placentaire), qui nécessite alors un curetage secondaire.
L’aspiration sous vide est pratiquée de la 7e à la 12e semaine d’aménorrhée. Les canules d’aspiration, un peu plus rigides que les sondes de Karman (de 8 à 12 mm de diamètre), sont reliées par un tube à un bocal où est fait le vide grâce à un appareil d’aspiration mécanique ou, de préférence, électrique. La dépression est plus forte qu’avec l’appareillage manuel (de 70 à 80 cm de mercure). On doit vérifier le produit d’aspiration contenu dans le bocal. En général, on procède à une légère dilatation préliminaire du col, progressive et limitée, avec des bougies en plastique souple (préférables aux bougies métalliques).
L’anesthésie peut être loco-régionale, comme dans la méthode de Karman, mais certains médecins préfèrent une anesthésie générale, légère et de courte durée (de 5 à 15 minutes). Une courte hospitalisation est indiquée (de 24 à 48 heures, suivant l’âge de la grossesse).
Les risques des méthodes d’aspiration endo-utérine sont faibles: 18 p. 100 de réadmissions après l’intervention; 4 p. 100 en moyenne de rétention placentaire; 8 p. 100 de complications diverses (petites hémorragies, infections).
Il est souhaitable, autant que possible, de faire participer la patiente, et de lui donner des explications avant et pendant l’opération; elles contribuent à dédramatiser l’I.V.G., et même à la rendre moins pénible (c’est ce qu’on a appelé «l’anesthésie verbale»).
Au-delà de la 10e semaine de la grossesse, on sort du domaine légal de l’avortement sur demande, pour entrer dans celui de l’avortement thérapeutique . Du point de vue technique, jusqu’à la 16e semaine de la grossesse, on utilise la méthode classique du curetage , bien connue, et seule pratiquée autrefois; au-delà de la 16e semaine, on préfère maintenant à l’hystérotomie (micro-césarienne) l’injection intra-amniotique d’une solution hypertonique de chlorure de sodium à 20 p. 100, ou de sérum glucosé à 40 p. 100 (à laquelle on ajoute depuis peu des prostaglandines), ce qui entraîne l’expulsion du fœtus dans les 36 heures. La technique est délicate; elle exige l’hospitalisation et un personnel qualifié.
En conclusion, l’I.V.G., pratiquée dans les conditions médicales par un personnel entraîné et attentif, est une opération à faibles risques. Les statistiques mondiales donnent un taux de mortalité inférieur à 1 p. 100 000, et l’ensemble des complications varie de 1 à 15 p. 100. Elles sont notablement accrues dans le cas d’avortements répétés, dont le risque principal est la béance du col, qui entraîne la prématurité ou l’avortement spontané lors des grossesses ultérieures. Par ailleurs, les synéchies (adhérences des parois de l’utérus) contribuent à diminuer la fertilité ultérieure, voire à entraîner la stérilité.
C’est pourquoi l’I.V.G. (souvent combattue, pour des raisons éthiques, notamment aux États-Unis et en Europe occidentale) devrait être peu à peu remplacée par la contraception, grâce à une bonne information des couples (et des médecins), car il s’agit de passer d’une attitude palliative à une attitude préventive, et celle-ci est le fruit d’un certain niveau de développement.
● Interruption volontaire de grossesse avortement provoqué au tout début de la grossesse pour des raisons non exclusivement médicales.
Encyclopédie Universelle. 2012.