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LITURGIE
LITURGIE

LITURGIE

La liturgie est le protocole du culte. Elle ne se réduit pourtant ni à l’érudition du rubriciste, ni au savoir-faire du maître de cérémonie. Elle est redevenue une question d’actualité, en raison de la réforme liturgique entreprise depuis le 4 décembre 1963 par le catholicisme romain (messe en langue vernaculaire, communion reçue dans la main, participation plus active des fidèles aux célébrations du baptême, du mariage, des funérailles, etc.). En fait, il s’agit d’une adaptation plus que d’une révolution des formes (mais à terme, le renoncement à une langue cultuelle archaïque, le passage aux langues vernaculaires ne manqueront pas d’influer sur la doctrine elle-même, de la simplifier, pour qu’elle reste directement assimilable par le peuple): c’est dans les communautés marginales qu’il peut y avoir un renouveau, une création de formes.

Encore est-il douteux que la civilisation technique s’intéresse de près à la refonte d’une liturgie qui, dans ses moments les plus solennels, ressemble à un cérémonial de cour (Jean XXIII déclarait avec humour qu’on l’habillait comme un satrape oriental) et qui, pour son rite principal, l’offrande du pain et du vin, rappelle l’origine rurale et méditerranéenne du culte chrétien.

De plus, il semble que la liturgie catholique ait mêlé traditionnellement, sans les départager, deux styles d’expression. D’une part, la pratique eucharistique, qui est au centre du système sacramentaire, actualise en tout temps une présence divine que les participants peuvent s’assimiler. D’autre part, l’organisation de l’année liturgique répète un calendrier d’événements qui, désormais, ont surtout valeur symbolique et qu’on évoque de façon un peu factice. Dans le premier cas, on a affaire à une activité de type mystérique (il y a union à la divinité sous le voile du sacrement). Dans le second, on a affaire à un mimétisme de ce qu’était, en d’autres cultures, la reprise des événements primordiaux: pour l’homme archaïque, la reprise vivait l’événement lui-même; elle ne le recommençait pas, elle l’était ; quand cette mentalité disparaît, la reprise n’est plus qu’un simulacre, c’est-à-dire une représentation figurée. On croirait que la modernité menace le premier point plus que le second. Il n’en est rien. Le sacré comme effectuation résiste mieux que le sacré comme figuration.

La liturgie catholique n’est choisie ici qu’à titre d’exemple. Il est clair que toute religion a son rituel et que chaque rituel reflète une mentalité, c’est-à-dire une géographie, une économie, un segment d’évolution. (Telle secte hindoue n’honore que les éléments naturels: l’eau, le feu, l’air [rendu odorant par l’encens]; les six parties principales de l’organisme humain et l’exhalaison de son souffle, car, sans dédication du corps et sans maîtrise de la respiration, on est indigne de paraître devant le dieu ou d’être habité par lui; les produits d’élevage: le lait, le beurre; de culture ou de cueillette: grains de riz, bétel, plantes, fleurs; d’artisanat: parfums, poudres, colorants, bijoux, images, dessins, fétiches, ornements et vêtements de l’idole).

Bien plus même, le christianisme crée, suivant les régions, les époques, les groupes, les sous-groupes, des styles de liturgie profondément différents. Celui du catholicisme d’obédience romaine (même différencié en rites romain, milanais, lyonnais, gallican, etc.) s’inspire d’une liturgie sacrificielle au réalisme atténué, aux gestes mesurés, presque rigides; le célébrant ou les concélébrants sont les seuls véritables acteurs; les fidèles ne peuvent qu’assister ou les assister, bien qu’on déclare que toute la communauté participe; l’architecture, la musique (grégorien), le décorum ajoutent des dimensions nouvelles à ce spectacle où l’alternance des poses ou attitudes et la diversité des activités (prières, lectures, prédication, chants, effectuation sacramentelle) sont psychologiquement dosées et juridiquement réglées.

Au contraire, les liturgies de l’Orient orthodoxe gardent un sens cosmique autant qu’ecclésial; elles placent le lyrisme de la louange et de l’imploration (épiclèse) au-dessus du pathétique de la faute et de l’expiation; elles pratiquent une sacramentaire de nature pneumatique; elles se rapportent à une Trinité tour à tour apophatique (mysticisme d’inconnaissance) et économique (théologie des énergies divines ressaisies dans leurs manifestations), à un Christ en gloire et en puissance, victorieux de la Croix (ressuscité), maître du monde, à un Esprit qui est de silence et de paix (hésychasme), qui est aussi de joie et de beauté (philocalie); elles proclament la coliturgie du sacerdoce universel (laïcs) et du sacerdoce ministériel (clercs); enfin elles font jouer l’iconologie non seulement pour le culte des images, mais aussi pour le hiératisme de l’officiant, considéré lui-même comme l’icône du Seigneur.

De son côté, la liturgie des Églises issues de la Réforme se détourne du faste et des symbolismes à éclat; elle se veut moins «festive», plus retenue: c’est avant tout une liturgie de la Parole, qui vise à instaurer une écoute de foi, dans l’égalité voulue de ceux qui profèrent le verbe et de ceux qui l’entendent, les uns et les autres ayant le même devoir, qui est de l’interpréter, c’est-à-dire de se laisser enseigner par lui.

liturgie [ lityrʒi ] n. f.
• 1579; lat. médiév. liturgia, gr. leitourgia « service public, service du culte »
Relig. chrét. Culte public et officiel institué par une Église. cérémonial, culte, service (divin). Liturgies catholiques : occidentales (liturgie romaine, gallicane, ambrosienne, mozarabe), orientales (de saint Jean Chrysostome, de saint Basile, de saint Jacques, arménienne, copte, maronite). Liturgie de l'Église anglicane. Liturgie presbytérienne. Réforme de la liturgie. Partisans de l'ancienne liturgie.

liturgie nom féminin (latin ecclésiastique liturgia, du grec leitourgia) Ensemble du culte public (rites, prières, chants) rendu à Dieu par l'Église, tel qu'il est déterminé ou reconnu par l'autorité compétente. Partie de ce culte ; cérémonial particulier : La liturgie de la messe. Dans l'Antiquité grecque, service public dont l'organisation et le financement étaient confiés aux citoyens les plus riches. (Les principales liturgies grecques étaient la chorégie et la triérarchie.) ● liturgie (expressions) nom féminin (latin ecclésiastique liturgia, du grec leitourgia) Liturgie des heures, livre de l'office qui dans la liturgie romaine a remplacé le bréviaire (1971).

liturgie
n. f. Culte public, ordre des cérémonies institué par une église. Liturgie catholique.

⇒LITURGIE, subst. fém.
A. — ANTIQ. GR. Charge d'un service public ou parfois religieux dont l'exécution était confiée aux citoyens les plus riches de la cité. Chez les Achéens de Phthiôtide, le prytanée s'appelle la « maison du peuple », leiton : le mot fait penser aux leitourgiai ou liturgies, ces prestations, surtout rituelles à l'origine, qui incombaient aux citoyens les plus riches et dont la plus caractéristique était l'hestiasis, le paiement et la préparation d'un banquet sacré (G. GLOTZ, La Cité gr., Paris, A. Michel, 1968 [1928], p. 29).
B. — Ensemble réglé des cérémonies et des prières composant le culte d'une divinité. Si l'on avait, au lever du soleil, célébré les matines de la déesse [Isis], on ne devait pas négliger de lui offrir ses salutations du soir et de lui souhaiter une nuit heureuse, formule particulière qui constituait une des parties importantes de la liturgie (NERVAL, Filles feu, Isis, 1854, p. 650).
RELIG. CHRÉT. Ensemble réglé et ordre des cérémonies et des prières composant le culte public officiellement institué par une Église. Liturgie catholique, occidentale, orientale; liturgie anglicane, presbytérienne; liturgie bénédictine; liturgie du mariage. Ce chant de joie [le Magnificat], consacré par la sublime liturgie de la chrétienté romaine pour exprimer l'exaltation de l'âme en présence des splendeurs du Dieu toujours vivant (BALZAC, Langeais, 1834, p. 201) :
Quant à la liturgie gallicane, l'on peut, en examinant son ossature, la croire issue, en partie, des Églises de l'Orient. Elle fut, en somme, à ses débuts, une savoureuse mixture des rites du Levant et de Rome; elle fut démantelée sous le règne de Pépin le Bref, de Charlemagne surtout, qui, sur les instances du pape saint Adrien, propagea la liturgie romaine dans les Gaules. Durant le Moyen Âge, elle s'augmenta d'hymnes admirables, de délicieux répons; elle créa tout un ensemble de proses symboliques, broda sur la trame italienne les plus candides fleurs.
HUYSMANS, Oblat, t. 2, 1903, p. 185.
P. métaph. Quand on admet que la nature est une belle liturgie qui s'accomplit sous l'œil de Dieu, il n'y a plus de solitude (RENAN, Hist. peuple Isr., t. 5, 1892, p. 74). Jean : Embrasse-moi! Lia : Je te dis de me laisser. Je t'en supplie. Épargnons-nous la liturgie du départ. Tu ne tiens même pas à m'embrasser (GIRAUDOUX, Sodome, 1943, I, 3, p. 76). La « romance à l'étoile » de Tannhauser, la prière de sainte Élisabeth et la marche des pèlerins appartenaient à notre liturgie des grandes vacances (MAURIAC, Mém. intér., 1959, p. 42).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. 1580 « cérémonie religieuse » (J. BODIN, Demonomanie, 84 ds DELB. Notes mss d'apr. FEW t. 5, p. 380b); 2. 1598 « forme officielle des cérémonies religieuses » (MARNIX DE STE ALDEGONDE, Œuvr., III, 194 ds GDF. Compl.); 3. 1680 « manière de dire et de célébrer la messe » (RICH.). II. 1879 antiq. gr. (R. DARESTE, Les Plaidoyers politiques de Démosthène, I, 38). I empr. au lat. chrét. liturgia « service de Dieu, du culte » (BLAISE Lat. chrét., empr. au gr. « tout service rendu au bien commun par les citoyens aisés », utilisé dans les Septantes et le Nouveau Testament pour désigner le service au temple des prêtres et des lévites. II empr. du gr. « service public dont l'exécution est confiée aux plus riches citoyens ». Fréq. abs. littér. : 215. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 144, b) 79; XXe s. : a) 890, b) 212.

liturgie [lityʀʒi] n. f.
ÉTYM. 1579; lat. médiéval chrétien liturgia, grec leitourgia « service public », de leitos « public », et ergon « œuvre ».
1 Culte public et officiel institué par une Église chrétienne. Cérémonial, culte (cit. 4), service (divin). || « On réduit trop souvent la liturgie à être la somme des prescriptions rituelles, l'ordonnance officielle du culte public, le code des gestes purement extérieurs, des rites matériels et des cérémonies (…) La liturgie est au contraire la vie de l'âme chrétienne » (R. Lesage, Dict. de liturgie romaine).Liturgies catholiques ( Catholicisme, église [supra cit. 5]); liturgie occidentale : liturgie romaine, gallicane, ambrosienne, mozarabe. || Liturgies orientales; liturgie de saint Jean Chrysostome, de saint Basile, de saint Jacques, liturgie arménienne, copte, maronite.Liturgie de l'Église anglicane. || Liturgie presbytérienne ( Protestantisme).Livres de liturgie, contenant la liturgie romaine : bréviaire (calendrier liturgique; ordinaire : diurnal, vespéral, etc.; psautier; temporal), missel (antiphonaire, graduel, évangéliaire, lectionnaire, etc.); rituel; pontifical; martyrologe; cérémonial; propres (des offices, etc.); octavaire (→ aussi Eucologe, paroissien).Actions, paroles de la vie religieuse, réglées par la liturgie. Cérémonie (1.), fête (I., 1.), heure (infra cit. 40), messe, mystère, office, rit(e), sacrement; chant, hymne (2.), leçon (A.), lecture, litanie, prière. || La liturgie romaine utilise l'eau, l'huile, le pain ( Hostie, II.) et le vin.(1680). Spécialt. Manière de célébrer la messe. || Actes, rites particuliers de la liturgie : aspersion, bénédiction, communion, consécration, dédicace, élévation, lavement, offrande, onction, procession, salut.Réforme de la liturgie. || Participation des laïcs à la liturgie. || Usage de la langue moderne à la place du latin dans la liturgie. || Intégristes partisans de l'ancienne liturgie.
0.1 Alors, par le son extérieur des mots, sans l'aide du recueillement, sans l'appui même de la réflexion, l'Église agit.
Et c'est là, le miracle de la liturgie, le pouvoir de son verbe, le prodige toujours renaissant des paroles créées par des temps révolus, des oraisons apprêtées par des siècles morts !
Huysmans, En route, I, I, p. 23-24.
0.2 (…) la voix pure et faible, du vieux trappiste, chanta, comme avant l'office des Complies, la veille :
— « Deus, in adjutorium meum intende. »
Et la liturgie se déroula, avec ses « Gloria Patri », etc. pendant lesquels les moines courbaient le front sur leurs livres et sa série de psaumes articulés sur un ton bref, d'un côté et long, de l'autre.
Huysmans, En route, II, II, p. 268.
1 Il (Léopold) ne disait pas (…) qu'un service funèbre a plus de grandeur qu'une messe nuptiale, persuadé, jusqu'au plus intime de sa raison, que toutes les formes de la Liturgie sont également saintes et redoutables.
Léon Bloy, la Femme pauvre, II, VIII.
Par anal. Utilisation liturgique (de qqch.). || La liturgie des plantes (→ Liturgique, cit. 1).
Par ext. (dans d'autres religions). || Les liturgies de la déesse Isis. || La liturgie du bouddhisme japonais. || Une liturgie.
2 (1879). Didact. Antiq. grecque (empr. grec leitourgia). Service public dont les citoyens riches avaient la charge.
3 Didact. ou littér. Cérémonie réglée. || « Épargnons-nous la liturgie d'un départ » (Giraudoux, in T. L. F.). Cérémonial.
2 Une liturgie, c'est-à-dire (…) une opération mystique ou symbolique, décomposée en actes ou en phases, organisée en spectacle (…)
Valéry, Variété V, p. 49.
3 Toute révolution de l'imaginaire, avant de se marquer par la substitution d'un genre à un autre, se marque par un changement de liturgie. On avait découvert que l'on pouvait prier seul, on découvre que l'on peut imaginer seul, écouter un livre comme on priait sa Vierge d'ivoire.
Malraux, l'Homme précaire et la Littérature, p. 92.
DÉR. et COMP. Liturgiste. Paraliturgie. V. Liturgique.

Encyclopédie Universelle. 2012.