LUNE
La Lune est le seul satellite naturel de la Terre. Les caractéristiques de ses mouvements apparents sont connus depuis la plus haute antiquité, les valeurs approximatives de ses paramètres physiques et orbitaux depuis le XVIIIe siècle. La précision de ces valeurs a ensuite considérablement augmenté avec les progrès de l’astronomie et avec l’exploration directe de la Lune.
Depuis 1609, date à laquelle Galilée pointa pour la première fois sa lunette vers le ciel, on sait que la Lune est solide et qu’elle présente des plaines et des montagnes, des pics et des vallées. Au XVIIe siècle, les «femmes savantes» croyaient y voir des habitations ,mais les progrès accomplis dans la fabrication des lunettes et des télescopes conduisirent rapidement à l’abandon de ces idées et permirent d’acquérir une bonne connaissance du relief lunaire; aujourd’hui, la résolution obtenue avec les meilleurs instruments terrestres est d’environ 200 mètres. C’est depuis la Terre que l’on a défini les deux originalités majeures de la géographie lunaire, ou tout au moins de la face visible: la dualité des terrains et la présence d’innombrables cratères. En effet, la face visible de la Lune est constituée, pour environ 35 p. 100 de sa surface, de terrains sombres, assez plats, que l’on appelle depuis le XVIIe siècle «mers», bien qu’ils ne contiennent pas une seule goutte d’eau. Les autres 65 p. 100 de la surface sont constitués de terrains à la fois beaucoup plus clairs et montagneux, les «continents». Mers et continents sont criblés de dépressions circulaires, appelées cirques ou cratères, bordées de montagnes parfois très élevées.
Cependant, si la topographie lunaire était connue depuis longtemps, il n’en était pas de même de l’origine des structures, et en particulier de celle des cratères, qui fut très controversée jusqu’au milieu du XXe siècle. C’est à partir des années 1960 que nos connaissances sur la Lune firent un fantastique bond en avant, grâce à l’exploration spatiale. Nous ne citerons que les étapes les plus marquantes de cette exploration. En septembre 1959, la sonde soviétique Luna-2 percute pour la première fois la surface de la Lune. En octobre 1959, la sonde Luna-3 envoie à la Terre les premières photographies de la face cachée. En 1964 et 1965, les sondes américaines Ranger, destinées à s’écraser sur la Lune, en donnent les premières photographies détaillées. En février 1966, la sonde soviétique Luna-9 effectue un atterrissage en douceur et envoie les premières photographies prises depuis le sol. D’août 1965 à août 1966, une exploration photographique systématique de la face visible et de la face cachée est conduite par cinq satellites américains, les Lunar Orbiter; leurs clichés possèdent une résolution voisine de 10 mètres. De 1968 à 1972, neuf équipages effectuent des survols de la Lune lors des missions Apollo-8, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 et 17; ces survols améliorent la couverture photographique et les connaissances géochimiques. Des études géologiques au sol sont menées lors des six missions Apollo-11, 12, 14, 15, 16 et 17, et 382 kilogrammes d’échantillons lunaires sont ramenés sur Terre. De 1970 à 1976, les Soviétiques placent des engins en orbite lunaire et explorent la surface à l’aide de véhicules automatiques Lunakhod. Trois sondes automatiques Luna prélèvent un total d’environ 310 grammes d’échantillons lunaires et les acheminent sur Terre. En 1994, la sonde américaine Clementine-1 réalise une étude topographique complète de la Lune, ainsi qu’une analyse géochimique de sa croûte.
1. Caractéristiques physiques et astronomiques
La Lune a un rayon moyen de 1 738 kilomètres, une masse de 7,35 . 1022 kilogrammes et une densité moyenne de 3,34. Elle parcourt une orbite elliptique autour de la Terre, de rayon moyen égal à 384 402 kilomètres, d’excentricité voisine de 0,055, et inclinée en moyenne de 50 9 par rapport à l’écliptique. L’axe des pôles est incliné de 830 3 sur le plan orbital. La période de révolution autour de la Terre est égale à la période de rotation de la Lune sur elle-même (27,32 jours: mois sidéral). À cause de cette égalité entre révolution et rotation, la Lune dirige toujours la même face – appelée face visible – vers la Terre. Ce synchronisme est la conséquence du freinage de la rotation de la Lune par les marées créées sur cette dernière par la Terre. Ce freinage s’est poursuivi jusqu’à ce que le synchronisme soit atteint. Dès ce moment, le bourrelet créé par la Terre sur la Lune est devenu fixe et n’a plus causé aucun freinage. Les seules marées sur la Lune sont actuellement provoquées par la variation d’amplitude de ce bourrelet due à la fluctuation de la distance Terre-Lune du fait de l’excentricité de l’orbite.
L’albédo moyen de la Lune est très faible (0,083), ce qui signifie que seuls 8,3 p. 100 de la lumière solaire sont réfléchis par la surface. La Lune ne possède pas d’atmosphère: la pression au sol est inférieure à 10-13 atmosphère, ce qui est bien plus faible que les meilleurs vides obtenus en laboratoire. Cette absence d’enveloppe gazeuse explique les forts contrastes de température entre le jour et la nuit: la température atteint 130 0C au Soleil et 漣 150 0C la nuit. La Lune ne possède pas de moment magnétique décelable. Le champ magnétique actuel mesuré en surface est 1 000 fois plus faible que le champ qui règne à la surface de la Terre. Ce très faible champ magnétique superficiel est dû à un magnétisme rémanent des roches crustales, ce qui prouve qu’un très faible moment magnétique a existé il y a 4 milliards d’années.
L’aspect de la Lune vu depuis la Terre change au cours de sa révolution. À cause des positions relatives Terre-Lune-Soleil, la face visible peut être complètement éclairée par le Soleil (pleine Lune), entièrement plongée dans la nuit (nouvelle Lune), ou seulement partiellement éclairée (diverses phases de la Lune). L’intervalle entre deux phases identiques de la Lune – appelé mois synodique – est égal à 29,53 jours. Cette valeur est supérieure de 2,21 jours au mois sidéral à cause du mouvement de l’ensemble Terre-Lune autour du Soleil.
La vitesse de rotation de la Lune sur elle-même est presque parfaitement régulière, alors que sa vitesse orbitale varie périodiquement à cause de l’excentricité de son orbite (troisième loi de Kepler). La rotation de la Lune sur elle-même prend donc périodiquement «de l’avance» puis «du retard» par rapport à sa révolution. Ces avances et retards entraînent une oscillation apparente de la Lune en longitude par rapport à sa position moyenne. Par ailleurs, l’inclinaison de l’axe des pôles sur le plan orbital se traduit par des oscillations apparentes en latitude, appelées librations, et qui permettent de voir 59 p. 100 de la surface lunaire au cours d’un mois.
La rotation et la révolution de la Lune sont en fait encore plus complexes; en effet:
– d’une part, ni la Terre ni la Lune ne sont parfaitement sphériques ou homogènes; elles présentent un renflement équatorial (surtout la Terre), et des anomalies de répartition des masses internes; les attractions réciproques entre ces renflements et ces anomalies de masse entraînent de légères oscillations de la Lune, appelées librations physiques;
– d’autre part, le Soleil et les planètes perturbent l’orbite de la Lune à cause des inclinaisons relatives entre l’écliptique, le plan de l’orbite lunaire et les bourrelets équatoriaux terrestre et lunaire; l’inclinaison de l’orbite par rapport à l’écliptique varie entre 50 et 50 18 , avec une période de 173 jours; le grand axe de l’orbite lunaire accomplit une rotation complète en 8,85 ans; la ligne des nœuds (intersection entre l’écliptique et le plan de l’orbite lunaire) accomplit une révolution (en sens inverse) en 18,61 ans.
La connaissance de tous ces mouvements permet de prédire les éclipses avec une certitude absolue, et, pendant les siècles passés, a rendu possible la détermination de la longitude d’un lieu sur Terre avec une grande précision.
En plus de ces variations périodiques du mouvement de la Lune, il existe une variation continue et irréversible: la Lune s’éloigne de la Terre. Les réflecteurs lasers déposés sur notre satellite permettent de mesurer la distance Terre-Lune à quelques centimètres près. Depuis 1969, la Lune s’éloigne de la Terre de 4,4 (face=F0019 梁 0,6) centimètres par an. La connaissance précise de l’heure des éclipses relatées par les astronomes chinois ou babyloniens indique que cette vitesse d’éloignement est constante depuis l’Antiquité. L’origine de cet éloignement est à rechercher dans les phénomènes de marées: la Lune crée sur la Terre des marées qui libèrent de l’énergie par frottement, ce qui ralentit la vitesse de rotation de la Terre sur elle-même; le système Terre-Lune étant un système isolé, son moment cinétique ne peut qu’être constant; la diminution de la vitesse de rotation de la Terre doit être compensée par une augmentation du moment d’inertie du système Terre-Lune, donc par l’éloignement de la Lune.
On possède des preuves géologiques de la variation de la vitesse de rotation de la Terre et de l’éloignement de la Lune. En comptant le nombre de stries de croissance journalière comprises entre deux stries de croissance annuelle dans des coraux fossiles du Dévonien, on constate que l’année comportait 400 jours à cette époque, il y a 380 millions d’années. La journée ne durait donc que 22 heures. En extrapolant cette relation entre la vitesse de ralentissement de la Terre et l’éloignement de la Lune, on trouve que notre satellite devait être extrêmement proche de la Terre il y a 2 milliards d’années. Une telle proximité aurait dû créer sur la Terre et sur la Lune des marées colossales; or on possède de nombreuses preuves géologiques de l’absence de telles marées. L’histoire orbitale de la Lune constitue actuellement une des grandes énigmes du système solaire.
2. Cartographie et toponymie
Il existe deux façons d’établir une carte de l’ensemble de la Lune. La première consiste à représenter séparément, d’une part, la face visible telle qu’elle est aperçue depuis la Terre, d’autre part, la face cachée, avec le même type de projection. Cette cartographie est commode pour l’astronome amateur, qui retrouve sur la carte exactement ce qu’il voit dans son instrument. Adoptée dès le XVIIe siècle pour représenter la seule face connue alors, elle présente cependant deux inconvénients majeurs: en premier lieu, les éléments morphologiques situés à la limite des deux faces apparaissent sous une incidence rasante et les petits détails sont invisibles; en second lieu, ce type de carte accentue l’idée d’une discrimination en deux faces différentes, alors que cette distinction repose seulement sur le synchronisme de la rotation et de la révolution de la Lune, et non sur une différence fondamentale de nature entre les deux faces. On préfère maintenant représenter la Lune comme toutes les planètes, dont la Terre, à savoir par un planisphère où toutes les régions équatoriales et intermédiaires sont figurées avec une projection de type Mercator, et les régions polaires avec une projection de type stéréographique.
Toute la surface de la Lune est aujourd’hui cartographiée avec précision. Les cartes ont d’abord été fondées sur les photographies obtenues par les sondes Lunar Orbiter I, II, III, IV et V, puis, à partir de 1994, sur les images acquises dans différents domaines spectraux par les caméras de Clementine-1 et sur les données de son lidar.
Le système des coordonnées est défini astronomiquement à l’aide des axes principaux d’inertie de la Lune. Les pôles sont situés au niveau de l’axe de rotation; le pôle situé du même côté du plan de l’écliptique que le pôle Nord terrestre est conventionnellement le pôle Nord de la Lune. Le plan de l’équateur est perpendiculaire à cet axe. Remarquons que l’image que donnent de la Lune les lunettes et télescopes est renversée: le nord est en bas, le côté gauche à droite. La définition de l’est et de l’ouest a longtemps été ambiguë: avant l’ère spatiale, certaines cartes étaient marquées ouest à gauche, d’autres à droite. En 1961 fut adoptée la convention dite astronautique: la position des points cardinaux correspond à l’image de la Lune à l’œil nu vue depuis l’hémisphère Nord; ainsi, le nord est en haut et l’ouest à gauche; un observateur situé sur la Lune verrait le Soleil se lever à l’est et se coucher à l’ouest, tout comme sur la Terre. Les astronomes ont choisi comme méridien origine celui qui passe au centre de la face visible. Historiquement, les positions avaient d’abord été repérées par rapport à un petit cratère brillant, Mösting A. La détermination précise des coordonnées de ce cratère dans le nouveau système a permis de calculer les coordonnées absolues de toutes les autres formations.
La toponymie lunaire a plusieurs origines. Celle de la face visible date du XVIIe siècle et est due en partie à Johannes Hevelius et surtout à Giambattista Riccioli et Francesco Maria Grimaldi. Ces astronomes ont donné aux mers des noms de qualités humaines ou de phénomènes météorologiques (Mare Serenitatis, Mare Vaporum...). Ils ont baptisé les montagnes du nom des grands massifs terrestres (Montes Carpatus, Montes Apenninus...). Les cratères ont reçu les noms de savants, d’artistes, de philosophes, d’écrivains (Copernicus, Ptolemaeus...). Le latin, longtemps utilisé pour qualifier les formations lunaires, a été officiellement adopté en 1964.
Sur la face cachée, la toponymie est beaucoup plus récente et date du survol de la Lune par les sondes automatiques. Les plus visibles des traits topographiques ont été découverts en 1959 grâce aux images à très faible résolution transmises par Luna-3, lancée le 4 octobre 1959 par les scientifiques soviétiques, qui ont donné des noms russes à ces éléments morphologiques (Mare Moscoviense, Tsiolkovsky...). Les détails moins visibles découverts par la suite, surtout par les Lunar Orbiter, ont reçu des noms de grands scientifiques de toutes nationalités (Schrödinger, Fleming...).
3. Géologie
Caractères généraux
Que ce soit avec la plus modeste des lunettes ou avec la meilleure photographie Apollo, le cratère est l’élément morphologique dominant, tant sur la surface visible que sur la face cachée. Comme sur la plupart des planètes et des satellites, ces cratères présentent une grande variété de formes: les plus petits, ceux dont le diamètre est inférieur à 10 kilomètres, ont une forme de bol et ils sont entourés d’une couronne de débris, les éjecta; ils sont appelés cratères simples. Ceux dont le diamètre est compris entre 20 et 200 kilomètres ont une morphologie toute différente: leur fond est plat, leurs parois internes présentent de nombreux gradins, et ils possèdent un piton central; la couronne de débris périphérique est bien développée et perforée de chaînes alignées de petits cratères, rayonnant du cratère principal; ils sont appelés cratères complexes. Les cratères de plus de 200 kilomètres de diamètre portent le nom de bassins; ils ont les mêmes caractéristiques externes que les cratères complexes, mais, à l’intérieur, le piton central est remplacé par un anneau.
Cependant, cette variété de formes cache une unité d’origine, car toutes les formes intermédiaires existent et l’on passe graduellement des cratères simples aux cratères complexes et aux bassins. La communauté scientifique a été longtemps divisée quant à l’origine de ces cratères: s’agissait-il de phénomènes volcaniques ou d’impacts de météorites? Des comparaisons avec les cratères terrestres, volcaniques et météoritiques, et avec les cratères résultant d’explosions chimiques ou nucléaires, des simulations en laboratoire, la présence de cratères dans des régions lunaires non volcaniques, la découverte sur place des traces de l’onde de choc créée par la chute du météorite, ont prouvé de façon définitive que la quasi-totalité des cratères lunaires avaient une origine météoritique; les pitons et les anneaux centraux en particulier sont créés par des phénomènes de rebond lors de chocs particulièrement violents. Les terrasses sont créées par des glissements instantanés des lèvres.
Les deux plus grands bassins, Orientale et Imbrium, représentent les traits morphologiques dominants de la Lune. Ils ont une structure plus complexe encore et comportent trois ou quatre structures concentriques dont l’origine n’est pas encore parfaitement élucidée. Les éjecta de chacun de ces bassins recouvrent plusieurs centaines de milliers de kilomètres carrés et leur morphologie est très typique: ils se présentent sous forme de rides et de sillons disposés plus ou moins radialement aux bassins.
Une autre cause de la variété de formes des cratères et des bassins existe: il s’agit de leur oblitération par les chutes de météorites postérieures, phénomènes qui altèrent complètement les éléments caractéristiques primitifs. La plus ou moins grande importance de cette oblitération permet d’ailleurs d’établir une datation relative des cratères: les cratères jeunes ont subi évidemment moins de bombardements que les cratères anciens. De plus, les cratères les plus récents sont entourés d’un système de raies brillantes, constitué d’éjecta finement pulvérisés, comme le système rayonnant autour de Tycho, visible depuis la Terre avec une simple jumelle. Ces raies brillantes sont «rapidement» assombries par le vent solaire.
Sur les corps sans atmosphère, non soumis à l’érosion, toute forme de relief est quasi éternelle sauf en cas de recouvrement par des terrains postérieurs; les dénombrements de cratères permettent donc de dater les terrains. En effet, plus une formation géologique est ancienne, plus son temps d’exposition au bombardement météoritique a été long, et plus elle sera cratérisée. Une évaluation de la densité des cratères (nombre de cratères par unité de surface) permet donc d’établir une chronologie relative. Appliquée à la Lune, cette méthode montre qu’il existe du point de vue chronologique deux grandes catégories de terrains: les mers, peu cratérisées, donc relativement jeunes, et les continents, très cratérisés, donc relativement anciens. La dualité des terrains, d’abord mise en évidence par les deux types d’albédo (clair et sombre), est donc confirmée par la dualité des âges.
Les échantillons ramenés par les missions Luna et Apollo ont permis de déterminer et l’âge de la Lune et celui des terrains où ils ont été prélevés, grâce aux méthodes classiques mais hautement perfectionnées pour les études lunaires, fondées sur la radioactivité. On a ainsi trouvé un âge de 4,55 milliards d’années pour la Lune, un âge supérieur ou égal à 3,8 milliards d’années pour les continents, et un âge compris entre 3,8 et 3,2 milliards d’années pour les mers. Le dénombrement des cratères sur les terrains où ont été prélevés ces échantillons permet d’établir la relation entre l’âge du terrain et sa densité en cratères. Cette relation présente un double intérêt: d’une part, elle permet une datation absolue de n’importe quel terrain de la Lune, même si on n’y est jamais allé, donc de généraliser les âges obtenus ponctuellement aux sites d’atterrissage; d’autre part, elle montre que l’intensité du bombardement météoritique a varié au cours du temps. Avant 3,8 milliards d’années, ce bombardement a été catastrophique; il a très fortement décru entre 3,8 et 3,5 milliards d’années, période à la fin de laquelle il s’est stabilisé au taux très bas qu’il a encore aujourd’hui.
Si la chute de grosses météorites est aujourd’hui un phénomène très rare, il n’en est pas de même des petites météorites et des micrométéorites. Les sismographes déposés sur la Lune par les missions Apollo ont enregistré en moyenne la chute d’une petite météorite par mois dans un rayon de 200 kilomètres autour des instruments. Des traces d’impacts microscopiques occasionnés par des micrométéorites (masse inférieure au microgramme) ont été retrouvées sur les lentilles d’une des caméras de la sonde Surveyor-3 ramenée sur Terre par la mission Apollo-12. La chute de ces petites météorites et micrométéorites (qui, sur Terre, n’atteignent pas la surface à cause de la présence de l’atmosphère) pulvérise et remanie complètement le sol et lui confère une texture poudreuse. Un tel sol est appelé régolite. Depuis 3,5 milliards d’années qu’il dure, ce bombardement a engendré un régolite d’environ 1 à 10 mètres d’épaisseur, qui estompe complètement les reliefs lunaires; vus du sol, ceux-ci présentent toujours une morphologie usée et émoussée.
Les continents
Les continents (en latin terrae ), caractérisés par leur couleur claire et leur nature montagneuse, couvrent 80 p. 100 de la surface de la Lune. Morphologiquement, ils se présentent comme la juxtaposition, voire le recouvrement mutuel, d’une multitude de cratères de toutes tailles et de leurs éjecta. Dans cet enchevêtrement, certains bassins jouent, par leur taille, un rôle dominant. Il existe en effet sur la Lune vingt-neuf bassins dont le diamètre est supérieur à 300 kilomètres, également répartis sur les deux faces: quatorze sont situés sur la face visible, douze sur la face cachée et trois à cheval sur les deux faces. Les deux plus importants, les bassins Imbrium (1 100 kilomètres de diamètre) et Orientale (900 kilomètres de diamètre), sont également les moins anciens car leurs éjecta recouvrent tous les autres.
Mis à part les rares impacts «récents», les cratères et les éjecta des continents sont très dégradés et forment des «montagnes» au relief très arrondi, entre lesquelles s’étendent parfois des terrains relativement plats, les «plaines claires».
Les missions Apollo et Luna ont permis d’étudier la nature chimique et pétrographique des continents en quelques sites. Dans tous les cas, les échantillons ramenés sur Terre sont constitués en majorité de brèches d’anorthosite, associées à un peu de norites ou autres roches voisines, ainsi que de très rares basaltes, les «KREEP basaltes». Les éléments de ces brèches sont entièrement cristallisés et ils sont constitués, pour 90 p. 100, de feldspath calcique (Si2Al28Ca) dans le cas de l’anorthosite, et de l’association feldspath calcique, pyroxène (Si26[Fe,Mg]2) et olivine (SiO4[Fe,Mg]2) dans le cas de la norite. Ces minéraux sont représentatifs de la chimie des continents, mais leur intense fracturation et le caractère de brèche de ces roches proviennent de leur fractionnement par les innombrables impacts. Les «plaines claires» sur lesquelles des échantillons ont été recueillis lors de la mission Apollo-16 sont aussi constituées de brèches, mais la raison de la parfaite horizontalité de ces plaines n’est pas connue. Anorthosite et norite existent sur la Terre, mais celles des continents lunaires sont sensiblement différentes; en particulier, elles ne contiennent pas du tout d’eau et elles sont relativement riches en certains éléments comme les terres rares.
Les datations, par des méthodes fondées sur la radioactivité, des échantillons ramenés des continents indiquent que l’époque de la transformation en brèches par les météorites s’étend des origines jusqu’à 3,8 milliards d’années, sauf très localement, près des rares cratères récents. L’époque de la cristallisation des minéraux s’étend entre 4,4 et 4,6 milliards d’années, ce qui correspond au tout début de l’histoire de la Lune. Les deux grands bassins les plus récents, Imbrium et Orientale, ont un âge de 3,9 et 3,8 milliards d’années. La méthode de dénombrement des cratères montre qu’il n’existe aucune surface continentale qui soit plus jeune que 3,8 milliards d’années.
Les mers
Les mers (en latin maria ) représentent un des éléments caractéristiques de la physionomie lunaire. Ce sont elles qui forment les taches sombres donnant à la pleine Lune l’aspect d’une figure humaine. Ce sont en fait de vastes plaines peu cratérisées et constituées d’un matériau assez sombre. Elles sont le plus souvent de forme circulaire car elles «remplissent» de nombreux bassins et cratères. Abondantes sur la face visible, où elles occupent 35 p. 100 de la surface, elles sont très rares sur la face cachée. La surface de ces mers est horizontale; elles se cantonnent dans les régions basses. Les limites entre mers et continents sont toujours du même type: les mers recouvrent les continents en laissant «émerger» les parties hautes de ceux-ci sous forme d’îles, de caps et de péninsules. Tous ces caractères indiquent une mise en place à l’état liquide et font penser à l’envahissement des parties basses par des nappes de laves extrêmement fluides.
Les spectres de réflexion obtenus depuis la Terre, la présence à la surface des mers de structures d’origine indiscutablement volcanique (fronts de coulée de lave, dômes, quelques volcans à cratères, etc.) avaient fortement suggéré, avant même le retour sur Terre des échantillons lunaires, la nature volcanique de ces plaines. Par analogie avec des structures terrestres équivalentes, d’autres structures, longtemps plus énigmatiques, sont maintenant interprétées comme étant d’origine volcanique; il s’agit des sillons flexueux représentant les ultimes chenaux empruntés par la lave en fusion. Les échantillons ramenés des mers lors des missions Apollo ont confirmé l’origine volcanique des mers, et ont permis de connaître la nature de ce volcanisme. Les mers sont en effet constituées de basaltes, assez semblables aux basaltes terrestres, mais qui en diffèrent cependant légèrement par les abondances relatives de certains éléments: les basaltes lunaires sont plus riches en fer ferreux, en titane et en magnésium, et plus pauvres en éléments alcalins et en éléments volatils; ils ne contiennent ni eau ni fer ferrique. La composition chimique globale de ces basaltes diffère complètement de celle des continents (ils contiennent beaucoup plus de fer et de magnésium, et moins de silicium et d’aluminium); ils ne peuvent donc provenir de leur fusion.
L’âge des échantillons de basaltes de type «mer» rapportés par les véhicules Apollo et Luna s’échelonne entre 3,8 et 3,2 milliards d’années. Les dénombrements de cratères montrent que les grandes surfaces basaltiques ont commencé à être émises vers 3,7 milliards d’années (Mare Tranquillitatis); les plus vastes (Mare Imbrium, Oceanus Procellarum) datent de 3,5-3,3 milliards d’années; les plus jeunes ont environ 3 milliards d’années. Les plaines les moins cratérisées, donc les plus jeunes, situées à l’extrémité ouest d’Oceanus Procellarum, ont un âge légèrement inférieur à 3 milliards d’années. Mais, en tout état de cause, l’activité volcanique de la Lune était complètement et définitivement terminée il y a 2,5 milliards d’années.
Il existe une relation géographique évidente entre les grands bassins d’impacts et le volcanisme basaltique qui, en général, les a remplis. Cependant, on peut remarquer que certains bassins ne contiennent pas de basalte (il s’agit par exemple de Hertzsprung, dont le diamètre est de 450 kilomètres) et que la plus grande mer, l’Oceanus Procellarum, n’est associée à aucun bassin. De plus, quand un bassin est envahi de basalte, ce n’est que très longtemps après sa formation: on estime à 500 millions d’années l’écart qui existe entre l’impact d’Imbrium et son remplissage le plus superficiel. De plus, la répartition des mers est très dissymétrique alors que les bassins sont répartis de façon uniforme. Contrairement à ce qui s’est passé sur Mercure, les impacts ne semblent pas être la cause directe du volcanisme et les dépressions que forment les bassins ne sont que des «pièges» à basalte. Il est toutefois probable que l’amincissement de la croûte et sa fracturation, ainsi que d’autres modifications profondes causées par l’impact, ont pu ultérieurement favoriser l’ascension du magma.
4. Tectonique et structure
La Lune est remarquable par l’absence quasi complète, tout au long de son histoire, d’importants mouvements tectoniques comme on peut en observer sur la Terre ou sur Mars. On peut néanmoins distinguer trois types d’activité tectonique très modérée, en plus, bien sûr, des mouvements du sol qui accompagnent les impacts, tels les phénomènes de rebond ou de glissement des lèvres (slumping ).
Le premier type d’activité est associé aux dépressions possédant un important remplissage basaltique. Ces plaines volcaniques sont parfois affectées de déformations en forme de rides, interprétées comme des plis ayant pour origine une compression; une même ride peut traverser les frontières entre plusieurs nappes de laves, et même légèrement empiéter sur le continent voisin, attestant par là même sa nature tectonique, et non volcanique. De telles rides sont en général disposées concentriquement au centre de la dépression, qui est souvent un ancien bassin. L’extérieur de ces mêmes bassins présente d’ailleurs un système de grabens et de fentes d’extension plus ou moins concentriques. Ces deux types d’accidents sont interprétés comme le résultat indirect de mouvements verticaux: sous le poids du basalte qui l’a rempli, le fond de la dépression s’est ployé, engendrant ainsi la compression qui formera les rides. Corrélativement à cet enfoncement central, la périphérie de la dépression s’est relevée, entraînant ainsi son extension et sa fracturation.
En plus de ces accidents, l’ensemble de la surface de la Lune est affecté ici ou là de failles et de grabens d’extension, attestant une tendance de la Lune à l’extension au moment même où le volcanisme des mers était en plein développement. Ces grabens sont en majorité dirigés radialement ou tangentiellement au bassin Imbrium, dont la présence semble avoir «orienté» l’expansion de la Lune. On observe là un phénomène qui n’est pas sans rappeler l’orientation de la compression sur Mercure par le bassin Caloris. Cette expansion est toutefois extrêmement modérée et l’accroissement du rayon lunaire ainsi suggéré est en tout état de cause inférieur à 1 p. 1 000.
Depuis longtemps, les astronomes ont noté que tous les accidents topographiques de la Lune sont statistiquement orientés dans trois directions dominantes: nord-sud, nord-est -sud-ouest et nord-ouest - sud-est. Cette disposition, à laquelle on a donné le nom de grille lunaire, serait le reflet d’anciennes dislocations dues au ralentissement de la rotation de la Lune par effet de marées.
Si l’activité tectonique passée a été très faible, comparée à celle de la Terre, l’activité actuelle est quasi nulle. Les sismographes déposés par les missions Apollo ont permis de montrer que l’énergie sismique libérée par la Lune est cent milliards de fois plus faible que celle qui est libérée sur la Terre (rappelons que les masses de ces deux corps sont dans un rapport d’environ 100). Les foyers des rares séismes enregistrés sur la Lune se situent en majorité soit entre 600 et 900 kilomètres de profondeur, soit très près de la surface. Les premiers sont relativement périodiques et sont corrélés avec le cycle des marées lunaires, ce qui laisse supposer que des interactions gravitationnelles sont à l’origine de ces séismes. Les seconds sont très bien synchronisés avec les levers et les couchers du Soleil; ils seraient dus à des phénomènes d’extension et de contraction thermiques. Seulement 1 p. 100 des séismes lunaires ont des caractéristiques voisines des séismes terrestres (origine tectonique), mais ils n’ont pu être localisés avec précision car ils étaient tous situés loin des sismographes.
Outre la localisation des séismes naturels, les sismographes laissés sur la Lune ont aussi permis d’analyser les signaux émis par ces tremblements de Lune naturels ou artificiels, ces derniers ayant été provoqués par les impacts du troisième étage de la fusée Saturn V ou du module lunaire, lors des missions Apollo. Cette analyse a permis d’étudier la propagation des ondes sismiques à l’intérieur de la Lune. La variation de vitesse de ces ondes étant fonction de la densité et de la viscosité des terrains traversés, on peut en déduire la structure interne de la Lune. La discontinuité majeure se situe entre 50 et 75 kilomètres de profondeur; elle sépare une croûte anorthosito-noritique d’un matériau plus dense (péridotite) formant le manteau. Le basalte des mers recouvre localement cette croûte sur une épaisseur de quelques kilomètres, 20 au maximum. Cette croûte est d’ailleurs un peu plus mince sur la face visible que sur la face cachée, ce qui expliquerait la rareté relative du volcanisme sur cette dernière. Cette anisotropie de masse (excès de croûte légère sur la face cachée) est d’ailleurs à mettre en relation avec le synchronisme de la rotation et de la révolution de notre satellite. Une deuxième discontinuité existe vers 1 000 kilomètres de profondeur. Elle ne correspond pas à une discontinuité chimique mais à une discontinuité rhéologique: elle sépare un manteau rigide (la lithosphère), à la base duquel se situent les rares séismes lunaires profonds, d’un manteau légèrement moins visqueux (l’asthénosphère) qui atténue les ondes sismiques cisaillantes. On n’a pas de données suffisantes pour affirmer ou infirmer la présence d’un noyau métallique. En tout état de cause, ce noyau, s’il existe, est petit (d’un rayon inférieur à 500 kilomètres). La détermination du moment d’inertie de la Lune, très voisin de celui d’une sphère homogène, permet d’abaisser encore la valeur maximale du rayon de l’éventuel noyau à trois cent cinquante kilomètres.
La détermination du champ de gravité de la Lune par l’étude précise de la trajectoire des satellites artificiels en orbite lunaire a montré que celui-ci n’était pas régulier: la pesanteur est plus forte sous certains grands bassins d’impact (Mare Imbrium, Mare Serenitatis, Mare Crisium, Mare Nectaris et Mare Humorum). Ces anomalies de gravité traduisent la présence, au niveau de chacun de ces cinq bassins, d’un excès de masse, que l’on nomme mascon. Cet excès de masse est la conséquence de l’existence, sur une dizaine de kilomètres d’épaisseur, de basalte, matériau dense (3,3 grammes par centimètre cube), à la surface d’une croûte anorthositique de masse volumique plus faible (2,9 grammes par centimètre cube). La persistance, jusqu’à notre époque, d’une telle anomalie montre que la lithosphère était, même au moment du remplissage, il y a 3,4 milliards d’années, trop épaisse pour que l’équilibre isostatique se rétablisse complètement, malgré les faibles mouvements d’enfoncement attestés par la tectonique.
L’exploration lunaire a permis de montrer l’absence d’un champ magnétique contemporain propre de la Lune. En revanche, on a pu mettre en évidence un magnétisme fossile dans certaines roches, mais l’origine de cet ancien champ (datant de 4 milliards d’années) n’a pas pu être déterminée; diverses hypothèses ont été émises: champ lunaire propre ancien, champ magnétique solaire, phénomène magnétique accompagnant les impacts?
La détermination du flux thermique de la Lune a pu être effectuée grâce aux forages d’Apollo-15 et 17; ce flux est égal à la moitié du flux moyen terrestre, mais, rapporté à la masse de la Lune, cela montre que la production de chaleur par unité de masse est deux fois plus forte sur la Lune que sur la Terre, ce qui indique une abondance relativement forte d’éléments radioactifs sur la Lune.
5. Chimie
Les descriptions morphologiques et pétrographiques de la Lune ont permis de connaître les manifestations externes de son évolution. Mais ce sont surtout les études géochimiques qui ont contribué à la connaissance de son origine et de sa dynamique interne.
La principale source d’information chimique est fournie par l’analyse des échantillons rapportés par les missions Apollo et Luna. Ces analyses portent sur les éléments majeurs (les plus abondants), mais aussi sur les éléments en traces (comme les terres rares) et sur la composition isotopique des différents éléments. Ces analyses extrêmement fines, portant sur de toutes petites quantités de matériaux, ont d’ailleurs nécessité le développement de techniques analytiques nouvelles et ont fait accomplir de très importants progrès à la géochimie dans son entier.
L’analyse chimique poussée d’une roche permet, par application des lois de la thermodynamique, de connaître les conditions physico-chimiques du lieu où elle a pris naissance. Par exemple, l’analyse d’une lave permet de déduire la nature exacte du corps dont la fusion lui a donné naissance et de savoir la température et la profondeur auxquelles s’est faite cette fusion. On a pu ainsi déterminer, dès le retour des premiers échantillons, que les basaltes lunaires s’étaient formés entre 300 et 600 kilomètres de profondeur, à 1 200 0C, au détriment de la fusion partielle d’un manteau péridotitique de composition chimique légèrement différente de celle du manteau de la Terre. Les modèles de chimie de ce manteau qui ont été élaborés indiquaient également que ce dernier avait subi une fusion antérieure qui en avait «extrait» certains éléments, comme l’europium. Les missions Apollo ultérieures ont confirmé toutes ces déductions; en particulier, on a «retrouvé» dans les continents l’europium manquant dans le manteau.
De plus, si la composition superficielle de la Lune n’est connue avec une extraordinaire précision qu’à l’endroit des neuf sites d’atterrissage, on a cependant pu extrapoler ces résultats à toute la surface grâce aux mesures géochimiques effectuées en orbite lunaire par les modules Apollo-15 et 16 :
– l’étude du spectre des rayons gamma d’énergie comprise entre 0,55 et 2,75 mégaélectronvolts (radioactivité naturelle) émis par la croûte nous renseigne sur sa teneur en éléments radioactifs (uranium, thorium, potassium 40);
– les neutrons du rayonnement cosmique qui frappent les noyaux des atomes de la croûte engendrent un rayonnement gamma d’énergie bien précise, dont l’étude indique l’abondance de tel ou tel élément (fer et titane, par exemple);
– certains éléments réémettent par fluorescence une partie du rayonnement X qu’ils reçoivent du Soleil; l’étude du spectre de cette fluorescence X nous renseigne sur la chimie superficielle, en particulier sur les concentrations en silicium, aluminium et magnésium.
La composition chimique interne est déduite des analyses pétrographiques superficielles, mais aussi de la densité globale de la Lune, de l’importance relative des différentes enveloppes révélées par la géophysique, et du flux de chaleur, ce dernier donnant directement des renseignements sur la teneur globale en éléments radioactifs et, indirectement, sur la teneur des éléments qui ont des comportements physico-chimiques voisins.
Toutes ces données, internes et externes, montrent que la Lune a globalement une chimie voisine de celle du manteau terrestre (tableau); cependant, des différences sensibles existent: par rapport au manteau terrestre, la Lune est en particulier pauvre en éléments volatils comme les alcalins ou le plomb, et riche en éléments réfractaires comme le titane ou le zirconium.
6. Origine et histoire
L’origine de la Lune a toujours posé un problème et l’on proposait, pour le résoudre, trois scénarios bien distincts:
– l’hypothèse de la fission suppose que la Lune est un morceau du manteau terrestre qui s’en serait détaché, par exemple sous l’effet de marées; les différences notables de composition chimique entre la Lune et la «patrie» supposée infirment complètement ce modèle;
– la deuxième hypothèse, celle de la planète double, suppose l’accrétion de deux corps (Terre et Lune) au voisinage l’un de l’autre; cette hypothèse est aussi contredite par la chimie lunaire; en effet, deux corps dont l’accrétion aurait eu lieu dans une même zone du système solaire devraient avoir la même proportion fer/silicate; or, dans la Terre, le fer représente 30 p. 100 de la masse totale, d’ailleurs principalement contenue dans le noyau, alors que, dans la Lune, il en représente trois fois moins;
– l’hypothèse d’une capture suppose que la Lune, initialement sur orbite solaire, a été capturée par la Terre; cependant, cette capture n’a pu être que très précoce; elle n’a pu avoir lieu qu’avant la cristallisation de la croûte, il y a 4,4 milliards d’années, car les variations de vitesse et d’énergie cinétique causées par une telle capture auraient entraîné le réchauffement et la fusion totale de la Lune; de plus, la mécanique céleste montre que la probabilité de capture n’est non nulle que si l’orbite du corps capturé a un rayon et une excentricité voisins de ceux de la Terre, ce qui repose le problème de la différence de teneur en fer.
Aucun des trois modèles classiques n’est donc compatible avec toutes les données actuellement disponibles, et l’origine de la Lune reste encore un problème.
Un scénario nouveau a été proposé pour expliquer toutes les données aujourd’hui disponibles: la Lune se serait formée par coalescence de débris issus de la collision tangentielle entre une proto-Terre et une autre proto-planète. Tant que ce scénario, proposé en 1975, est resté qualitatif, il n’a guère retenu l’attention de la communauté
scientifique. Mais, dès 1984, l’apparition des ordinateurs ultrarapides a permis de simuler de telles collisions, ce qui a montré qu’un tel scénario était plausible, et pouvait effectivement engendrer un système Terre-Lune possédant les caractéristiques qu’on lui connaît.
Le résultat d’un choc tangentiel entre la Terre et une planète d’une masse voisine de Mars est simulé sur ordinateur. Les deux corps sont supposés différenciés, et possèdent donc un noyau ferreux et un manteau silicaté. Juste avant le choc, les marées déforment rapidement la planète incidente. Après le choc, une partie des débris arrachés aux deux corps peuvent former un disque autour de la Terre, qui par accrétion est susceptible de donner un satellite unique.
On peut simuler plusieurs types de collisions en fonction de la masse de la planète incidente. Si cette dernière a une masse supérieure à 0,17 masse terrestre, la majeure partie des débris retombe sur Terre ou est éjectée dans l’espace. Les débris restant en orbite terrestre sont de masse trop limitée pour former un corps ayant la masse de la Lune. Si la planète incidente a une masse inférieure à 0,12 masse terrestre, la quasi-totalité des débris viennent de la planète incidente, et très peu se perdent dans l’espace. Il pourrait donc se former un satellite de la masse de la Lune, mais celui-ci ne devrait pas être appauvri en fer, comme l’est la Lune. Ces deux scénarios sont donc incompatibles avec les données.
En revanche, si la masse de la planète incidente est comprise entre 0,12 et 0,17 masse terrestre, les simulations aboutissent à un scénario complexe qui peut conduire à la Lune telle qu’on la connaît (cf. hors-texte, PL. II): la partie silicatée de la planète incidente se désagrège presque complètement, et seule une masse voisine de celle de la masse lunaire actuelle reste en orbite terrestre. Après une trajectoire complexe, le noyau de la planète incidente heurte de nouveau la Terre pour y être complètement absorbé. Tout cela est accompli en moins de 24 heures. Les matériaux silicatés restant en orbite terrestre ont été suffisamment chauffés par l’impact pour avoir perdu une part notable de leurs éléments volatils, et être de ce fait enrichis en matériaux réfractaires.
Cette simulation numérique, où l’on donne à la proto-Terre et à la planète incidente des valeurs de masses, de vitesses et de directions de mouvement judicieusement choisies, montre que ce scénario est possible, ce qui ne signifie pas qu’il a réellement eu lieu. Cependant, ce modèle est le seul actuellement imaginé qui «fabrique» une Lune conforme à la réalité, et il a de ce fait les faveurs de la communauté scientifique. La faible probabilité d’une telle collision avec les «bons» paramètres expliquerait pourquoi le système Terre-Lune est unique dans le système solaire. Mais que ce scénario soit l’expression de la réalité ou non, on sait de façon formelle que la Lune est individualisée en tant qu’astre isolé depuis 4,5 milliards d’années, et que sa croûte est cristallisée depuis 4,4-4,3 milliards d’années. Ce choc hypothétique aurait donc été contemporain de la fin de l’accrétion de la Terre.
Si l’origine de la Lune demeure un problème non définitivement résolu, son histoire est en revanche comprise dans ses grandes lignes. Après son individualisation en tant qu’astre, achevée vers 4,5 milliards d’années, la chaleur dégagée par l’accrétion et la radioactivité (en particulier celle des éléments à courte période comme l’aluminium 26) a fondu la Lune au moins sur ses 400 kilomètres les plus superficiels. Cet océan de magma refroidit et il se cristallisa lentement. Les plus denses des minéraux (olivine, pyroxène) «tombèrent» au fond de l’océan et formèrent le manteau, alors que les plus légers d’entre eux (les feldspaths) flottèrent en surface pour donner une écume anorthositique, qui se cimenta progressivement et
forma la croûte, qui représente environ 10 p. 100 du volume de la Lune. Les derniers niveaux à s’être cristallisés concentreraient en eux certains éléments chimiques aujourd’hui présents en très faibles proportions dans le manteau et dans les feldspaths, comme le potassium (K), les terres rares (Rare Earth Elements) et le phosphore (P), d’où le nom de KREEP donné à certaines roches de la croûte. Les basaltes des continents (les basaltes KREEP) représenteraient les ultimes manifestations éruptives de cet océan magmatique. Cette différenciation et cette cristallisation se sont faites entre 4,5 et 4,4 milliards d’années, époque pendant laquelle la croûte naissante était complètement disloquée par un bombardement météoritique catastrophique, qui ne devait s’achever que vers 3,8 milliards d’années. C’est à la fin de ce bombardement que sont d’ailleurs tombées les plus grosses météorites, qui ont engendré les grands bassins comme Orientale et Imbrium. Vers 3,9 milliards d’années, le manteau, probablement entièrement cristallisé vers 4,4-4,2 milliards d’années, recommence à fondre très partiellement sous l’action de la chaleur dégagée par la radioactivité des éléments à longues périodes. Cette fusion entraîne l’émission des basaltes des mers, qui va durer près de 1 milliard d’années mais qui ne représente que 1 p. 100 du volume de la Lune. Et depuis la dernière éruption basaltique, vers 3-2,5 milliards d’années, la Lune semble être un astre intérieurement mort, qui n’évolue plus qu’en surface, sous l’action du très faible bombardement météoritique résiduel.
lune [ lyn ] n. f.
• 1080; lat. luna
I ♦
1 ♦ Satellite de la Terre, recevant sa lumière du Soleil; son aspect vu d'un point de la Terre. Le disque de la lune. Pleine lune, nouvelle lune. Croissant de (la) lune. Le clair de lune. « Au clair de la lune », chanson enfantine. Nuit sans lune, sans clair de lune. — Face de lune : visage rond. Le « visage en pleine lune » (Courteline) . Loc. fig. Être dans la lune, très distrait, hors de la réalité (cf. Être dans les nuages). Tomber de la lune : éprouver une vive surprise (cf. Tomber des nues). « Avec son air de toujours tomber de la lune » (Dorgelès). Demander, promettre la lune, l'impossible. Décrocher la lune : obtenir l'impossible. Chien qui aboie à la lune. Fam. Con comme la lune : très stupide. — Astron. (L majuscule) Premier, dernier quartier de la Lune. La face visible, la face cachée de la Lune (depuis la Terre). Lune dichotome. Déclin, décours de la Lune. Révolution synodique de la Lune. Action de la Lune sur les marées. Éclipses de (la) Lune. — Envoyer un engin, une fusée sur la Lune. Envoyer des astronautes sur la Lune. Se poser, atterrir sur la Lune. ⇒ alunir. Paysages de la Lune (⇒ 1. lunaire, 2. sélénite) . Cratères ou cirques, plaines (dites mers), chaînes de montagnes de la Lune. — Étude de la Lune. ⇒ sélénologie.
2 ♦ Par anal. Vieilli Satellite (d'une planète). Les lunes de Saturne.
3 ♦ Vx Mois lunaire. ⇒ lunaison. « Il perdit encore trois lunes à équiper les éléphants » (Flaubert). — Mod. Lune rousse.
♢ Loc. fig. Vieilli Être dans une bonne, une mauvaise lune, bien, mal luné. — Mod. Vieilles lunes, temps passé, époques révolues. — (d'apr. l'angl. honeymoon) LUNE DE MIEL : les premiers temps du mariage, d'amour heureux et de bonne entente.
II ♦ Par anal.
1 ♦ Lune de mer, ou poisson-lune : môle.
2 ♦ Lune d'eau : nénuphar blanc, nymphéa.
3 ♦ Fam. Gros visage joufflu.
♢ Derrière.
● lune nom féminin (latin luna) Satellite naturel de la Terre (avec une majuscule). Clarté que la Lune envoie à la Terre. (On dit aussi clair de lune.) Familier. Visage rond, joufflu. (On dit aussi face de lune.) Populaire. Derrière, fesses. Satellite naturel d'une planète quelconque. (Les lunes de Jupiter, par exemple) Rotation complète avant du corps tendu, exécutée par les femmes au cheval de saut et par les hommes à la barre fixe. ● lune (citations) nom féminin (latin luna) Jules Laforgue Montevideo 1860-Paris 1887 Ah ! ce soir, j'ai le cœur mal, le cœur à la Lune. L'Imitation de Notre-Dame la Lune, États Jules Laforgue Montevideo 1860-Paris 1887 Penser qu'on vivra jamais dans cet astre, Parfois me flanque un coup dans l'épigastre. L'Imitation de Notre-Dame la Lune, Clair de lune la Lune Guy de Maupassant château de Miromesnil, Tourville-sur-Arques, 1850-Paris 1893 L'homme qui aime normalement sous le soleil, adore frénétiquement sous la lune. Sur l'eau Alfred de Musset Paris 1810-Paris 1857 C'était, dans la nuit brune, Sur le clocher jauni, La lune, Comme un point sur un i. Premières Poésies, Ballade à la lune Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval Paris 1808-Paris 1855 Notre pauvre lune de miel n'a guère eu qu'un premier quartier… Lettres à Jenny Colon Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Nous partagions ce fruit de féeries La lune amicale aux insensés. Album de vers anciens, le Bois amical Gallimard Virgile, en latin Publius Vergilius Maro Andes, aujourd'hui Pietole, près de Mantoue, 70 avant J.-C.-Brindes 19 avant J.-C. … dans le silence amical de la lune complice. … tacitae per amica silentia lunae. L'Énéide, II, 255 Rafael Alberti Puerta de Santa Maria 1902-Puerta de Santa Maria 1999 Nous savions seulement […] qu'une éclipse de lune trompe les fleurs et fait avancer la montre des oiseaux. Sólo sabíamos […] que un eclipse de luna equivoca a las flores y adelanta el reloj de los pájaros. Sobre los ángeles, Los ángeles colegiales Robert Burton Lindley, Leicestershire, 1577-Oxford 1640 La lune se soucie-t-elle de l'aboiement d'un chien ? Doth the moon care for the barking of a dog ? The Anatomy of Melancholy, II Minamoto no Sanetomo Kamakura 1192-Kamakura 1219 Ah si je pouvais Ne plus jamais l'entendre Le soir sous la lune Il fait croire que l'on vient Le vent qui effleure les roseaux ! Kinkai-shû, II, 426 Sato Norikiyo, dit Saigyo 1118-Osaka 1190 En ce monde vain que j'ai quitté et rejeté puisse la lune plus ne demeurer, de sorte que mon cœur ne s'y attache ! Sanka-Sho, I, 405 (Recueil d'une hutte de montagne) ● lune (difficultés) nom féminin (latin luna) Orthographe Avec ou sans majuscule, selon le sens. 1. La lune (= le disque lumineux de l'astre) s'écrit avec une minuscule : la pleine lune, un croissant de lune. - On écrit également avec une minuscule les expressions figurées : être dans la lune, demander la lune, tomber de la lune, la lune de miel, etc. La Lune (= le satellite naturel de la Terre) s'écrit avec une majuscule : la Lune tourne autour de la Terre ; l'homme a marché sur la Lune en 1969. 2. Une lune (= un satellite naturel d'une planète quelconque) s'écrit avec une minuscule : les lunes de Jupiter, de Saturne. ● lune (expressions) nom féminin (latin luna) Populaire. Con comme la lune, complètement stupide. Coup de pied à la lune, en natation, plongeon renversé avec départ face à l'eau et retournement en arrière. Demander, promettre la lune, des choses impossibles. Familier. Depuis des lunes, depuis un temps immémorial, depuis longtemps. Être dans la lune, être distrait, perdu dans ses pensées. Faire voir la lune en plein midi, abuser de la crédulité de quelqu'un. Lune de miel, les premiers temps, réputés les plus heureux, du mariage (calque de l'anglais honeymoon) ; période de bonne entente après un accord entre deux partis, deux pays, etc. Lune rousse, lunaison qui commence après Pâques, souvent accompagnée de gelées nocturnes qui font roussir les jeunes pousses. Nouvelle lune (N.L.), phase de la Lune dans laquelle celle-ci, se trouvant placée entre le Soleil et la Terre, tourne vers celle-là son hémisphère obscur et est donc invisible. Pleine lune (P.L.), phase de la Lune dans laquelle celle-ci, se trouvant à l'opposé du Soleil par rapport à la Terre, tourne vers celle-là son hémisphère éclairé et est donc visible sous l'aspect d'un disque entier. Pigeon lune, race de pigeons d'agrément, à pattes emplumées. Tomber de la lune, être surpris par un événement imprévu. Vieux. Vieilles lunes, idées dépassées, périmées. ● lune nom masculin (de lune) Énorme poisson marin au corps discoïde, à caudale régressée, à peau tuberculeuse, mauvais nageur mais bon plongeur. (Taille 3 m pour un poids de 2 t.) ● lune (synonymes) nom masculin (de lune) Énorme poisson marin au corps discoïde, à caudale régressée, à...
Synonymes :
- môle
lune
satellite unique de la Terre. Son diamètre s'élève à 3 476 km et sa distance moyenne par rapport à la Terre est de 380 400 km, soit un peu plus de 30 diamètres terrestres. La Lune nous présente toujours la même face, car sa période de rotation sur elle-même est exactement égale à celle de sa révolution autour de la Terre: 27 j 7 h 43 min 14,95 s. Quand la Lune est en conjonction avec le Soleil, c.-à-d. située entre le Soleil et la Terre, sa face éclairée par le Soleil nous est entièrement cachée; c'est la phase de la nouvelle lune. De 6 jours 1/2 à 7 jours 1/2 après la nouvelle lune, le disque lunaire apparaît sous la forme d'un demi-cercle (premier quartier). Quinze jours après la nouvelle lune, celle-ci est en opposition avec le Soleil (pleine lune). La phase suivante est celle du dernier quartier, qui précède une nouvelle conjonction. Les marées terrestres sont dues à l'attraction de la Lune sur les masses océaniques; le Soleil intervient, à un degré moindre toutefois, pour amplifier ou contrarier cette action. Le relief lunaire comprend de vastes plaines unies parsemées de collines, les mers, et des régions présentant un aspect tourmenté et chaotique, avec des chaînes de montagnes (8 200 m au mont Leibniz), les continents. Le sol lunaire est parsemé de cratères d'origine météoritique, dont les plus grands, les cirques, ont un diamètre impressionnant: 270 km pour le cirque Bailly, 340 km pour le cirque Schiller. Nos connaissances doivent beaucoup à l'exploration spatiale: engins automatiques sov. déposés sur le sol lunaire (V. Lunik); programme amér. Apollo (1968-1972) qui, notam., permit de débarquer le premier homme sur la Lune, N. Armstrong, le 20 juil. 1969. Les observations de la sonde amér. Lunar Prospector mise en orbite lunaire le 11 janv. 1998 enrichiront encore cette connaissance. Le sol lunaire est recouvert d'une couche poudreuse ou granuleuse dont la composition est intermédiaire entre celle des météorites et celle des cendres volcaniques. Les éléments princ. sont le silicium, l'aluminium, le fer, le titane, le calcium et le magnésium. Les plus vieilles roches rapportées de la Lune ont l'âge des plus vieilles roches terrestres (4,6 milliards d'années). La pesanteur à la surface de la Lune est égale au 1/6 de la pesanteur terrestre; aussi, la vitesse nécessaire pour qu'un corps se libère de l'attraction lunaire n'est que de 2,38 km/s, contre 11,2 km/s sur la Terre.
————————
lune
n. f.
rI./r Satellite de la Terre.
d1./d ASTRO et cour. La Lune: l'unique satellite de la Terre. V. Lune.
d2./d Cour. Clair de lune: lumière de la Lune qui éclaire la Terre, certaines nuits.
|| Croissant de lune: partie de la Lune vue de la Terre avant et après la nouvelle lune.
d3./d Phases de la Lune, les divers aspects qu'elle présente vue de la Terre.
|| Nouvelle lune: période où la Lune est invisible.
|| Pleine lune: période où la Lune est visible sous forme d'un disque lumineux.
d4./d Loc. fig. Visage, face en pleine lune, de forme toute ronde.
|| Fam. Demander, promettre la lune, une chose impossible.
|| Fam. être dans la lune: être distrait, inattentif.
|| SPORT Coup de pied à la lune: plongeon renversé.
rII./r Période comprise entre deux nouvelles lunes.
d1./d Mois lunaire.
d2./d Lunaison.
|| Fam. Vieilles lunes: époque révolue; fig. idées dépassées.
|| Lune de miel: débuts du mariage (que l'on suppose être une période de bonheur).
rIII/r Ce qui est de forme ronde.
d1./d Fam. Gros visage tout rond.
d2./d Lune de mer ou poisson-lune: poisson au corps en forme de disque (V. môle 3).
⇒LUNE, subst. fém.
A. — Astre lumineux qui éclaire la terre pendant la nuit. Rayon de lune; la lune brille, se lève. La nuit était superbe, les étoiles brillaient de tout leur éclat et la lune jetait sur les montagnes son reflet argenté (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 201). V. lettre i ex. 4, louer1 ex. 1:
• 1. La lune se leva bizarrement cornue
Parmi les tulipiers au bout de l'avenue,
Ce soir. Ô la villa proprette et ses blancs murs,
Et son balcon de bois chargé de raisins mûrs.
MORÉAS, Cantil., 1886, p. 125.
SYNT. Lune éclatante, voilée; lune blanche, rouge; lueur, lumière, reflet de la lune; regarder la lune; la lune paraît, monte; la lune éclaire (en plein) quelque chose; des nuages passent sur la lune.
♦ Croissant de (la) lune.
— (Clair de) lune. Clarté émise par la lune sur la terre. Nuit de lune, sans lune; flaques de lune; sous la lune. Le ciel baigné de lune était singulièrement lumineux et profond (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 243):
• 2. Il y avait de la lune, un clair de lune éblouissant, et la route crayeuse de Villeneuve, avec ses maisons blanches, en était éclairée comme en plein midi, d'un éclat plus doux, mais avec autant de précision.
FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 10.
♦ Faire lune (rare). La nuit s'était faite (...). «Il faisait lune» (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 441).
♦[P. allus. à la chanson pop. Au clair de la lune]:
• 3. Au clair de la lune,
Mon ami Pierrot,
Filons, en costume,
Présider là-haut!
LAFORGUE, Poés., 1887, p. 128.
— À la lune
♦À la clarté de la lune. Il souleva le collier de perles, l'ôta, le fit briller à la lune et le remit peureusement (LOUYS, Aphrodite, 1896, p. 100).
♦Au moment où la lune brille. Il y avait aussi des pique-niques et des parties de chasse (...) d'où l'on revenait à la lune (NIZAN, Conspir., 1938, p. 119).
— Aboyer, hurler à la lune.
— [En parlant d'un inanimé concr.] (Couleur) de lune. Qui a la couleur de la lune; qui est blanc. C'était Botticellina, drapée dans une robe flottante, couleur de lune (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 206):
• 4. Seuls les arbres et leur feuillage paraissent, sous cette dispersion de blancheurs, plus noirs. Mais le sol est blanc (...)! Mais les routes sont des routes en linge blanc! Mais la Pombo et la Bamba ne roulent que des eaux de lune!
MARAN, Batouala, 1921, p. 81.
— Spécialement
♦ HÉRALD. Lune héraldique. Disque à visage humain. Des parents (...) s'entretenaient de quartiers de noblesse, de lunes héraldiques, de cérémoniaux surannés (HUYSMANS, À rebours, 1884, p. 6).
♦ SPORTS
GYMN. Grand tour à la barre fixe en appui dorsal. Les «changers» de lune en soleil ou de soleil en lune constituent l'exercice typique de la barre fixe (PETIOT 1982).
NATAT. Coup de pied à la lune. Plongeon en avant avec retournement. Parmi nos adeptes actuels du saut de l'ange ou du coup de pied à la lune (L'Œuvre, 24 févr. 1941).
B. — ASTRON., MÉTÉOR., MÉTROL.
1. Planète du système solaire, plus petite que la Terre dont elle est le satellite, autour de laquelle elle tourne en 27 jours 7 heures 43 minutes en lui présentant toujours la même face, et qu'elle éclaire la nuit selon ses phases et les conditions météorologiques, en réfléchissant la lumière du Soleil. L'éclipse de lune éveillait une terreur proprement religieuse (ALAIN, Propos, 1921, p. 311). L'un d'eux [satellites artificiels] a contourné la Lune et nous a fourni une première image de sa face inconnue (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 511).
SYNT. Disque, orbite de la Lune; déclin, décours de la Lune; carte, habitants, taches de la Lune; aller sur la Lune.
♦ Âge de la lune.
Rem. En ce sens, peut tout particulièrement prendre une majuscule.
— P. anal. Satellite d'une planète autre que la Terre. Saturne avec son anneau et ses lunes (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 359).
2. [La lune et ses phases] La lune est dans son plein.
— En partic.
a) Nouvelle lune, lune nouvelle. Phase où la lune présente sa face obscure à la terre. L'année civile des Juifs (...) s'ouvre à la nouvelle lune de septembre (CHATEAUBR., Génie, t. 1, 1803, p. 125). L'arbre, taillé à la lune nouvelle (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 83).
b) Pleine lune, lune pleine. Phase où la lune présente à la terre toute sa face éclairée par le soleil; la lune dans cette phase. Ah! la belle pleine Lune, Grosse comme une fortune! (LAFORGUE, Complaintes, 1885, p. 102). Soir de lune pleine (GIDE, Journal, 1896, p. 66).
c) Premier, dernier quartier de (la) lune.
d) Absol. Une des phases de la lune. On le sème alors [le blé]. On attend la lune et l'époque propices (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 138).
3. [La lune et la mesure du temps, les saisons]
a) Vieilli, littér. Mois lunaire, lunaison. Ces vieux chênes (...) à l'ombre desquels je folâtrois pendant mes premières lunes (CRÈVECOEUR, Voyage, t. 2, 1801, p. 168). Il y était habitué depuis tant de lunes! (MARAN, Batouala, 1921, p. 25).
♦ Il y a des lunes. Il y a (très) longtemps. N'as-tu jamais entendu parler du projet que formèrent, il y a bien des lunes, les chefs des nations d'en haut (...)? (CRÈVECOEUR, Voyage, t. 2, 1801 p. 89).
— [Chez Chateaubriand] Les douze lunes tirent leurs noms des labeurs, des biens et des maux des Sauvages, des dons et des accidents de la nature (CHATEAUBR., Voy. Amér. et Ital., t. 1, 1827, p. 189). [Avec déterm. spécificateur] Lune de feu, des chasses. J'en étois sorti sans expérience, dans ma dix-septième lune des fleurs (CHATEAUBR., Natchez, 1826, p. 249).
b) Lune rousse. Lunaison d'avril-mai à laquelle on attribue les gelées tardives qui roussissent les jeunes pousses. Ainsi faisait ma mère, coiffant de cornets en papier toutes les petites créatures végétales assaillies par la lune rousse (COLETTE, Sido, 1929, p. 36).
c) Lune de (+ mois, saison). Lune d'automne, d'hiver. Nous nous promenons dans la prairie, au clair de lune, lune d'avril (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 160).
C. — [À propos de choses concr., d'êtres vivants présentant des ressemblances avec certains aspects de la lune]
1. P. anal. (de forme). Les points de repère étaient de petites lunes peintes en blanc sur les troncs (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p. 95).
— En partic. Plaque de métal ronde que les mulets avaient autrefois au front et sur les côtés de la tête, et qui portait gravées les armes du maître ou tout autre signe de reconnaissance. Ces mulets, leur harnachement tintant et leur lune de cuivre qui portait gravé:«J'aime Marion, j'aime son nom» (POURRAT, Gaspard, 1931, p. 273).
— Spécialement
♦ BOT. Crachat de lune.
♦ ICHTYOL. Poisson(-)lune, lune (de mer). Synon. môle.
— Fam. (Pleine) lune. Visage large, rond. Un domestique apparut, homme aux yeux de jars écarquillés dans une pleine lune de saindoux (COURTELINE, Linottes, 1912, VI, p. 78).
— Argot
♦ Rare. Pièce d'un franc. On arrivait à supprimer tout risque en achetant (...) l'argousin (...). C'était affaire de quelques lunes (A. HUMBERT, Mon bagne, 1880, p. 44).
♦ (Pleine) lune. Fesses. Montrer sa lune. En voilà une bonne! il a pris la lune de Pétronille pour sa figure (P. DE KOCK ds LARCH. 1872, p. 192).
♦ Lune à douze quartiers. Roue, instrument de torture. Voir CARABELLI, [Lang. pop.], s.d.
2. P. anal. (de couleur ou en rapport avec celle-ci)
a) Vx. Argent. (Dict. XIXe et XXe s.).
b) BOT. Lune d'eau. Nénuphar blanc (Dict. XIXe et XXe s.).
c) MINÉR. Pierre de lune. Orthose ayant des reflets nacrés. Coffret d'ébène orné de pierres de lune (MAURIAC, Robe prétexte, 1914, p. 36).
D. — P. métaph. et au fig., loc. et expr. fig., souvent plais. ou fam.
1. [P. réf. à l'astre de la nuit, à sa forme ronde, à ses cornes, à l'expression naïve que semble avoir sa face visible]
a) Amant de la lune. Amoureux timide ou malheureux qui fait en vain le pied de grue la nuit, attendant sa belle ou soupirant sous ses fenêtres (d'apr. FRANCE 1907). Puis (...) un tas d'amants de la lune (CORBIÈRE, Am. jaunes, 1873, p. 46).
b) Confrère de la lune. Cocu:
• 5. Adoncque, ej' me r'mémore la bounne histoire ed' ce vieux confrère ed' la lune, qui disait, sans y voir malignité: — «Ej' voudrais qu' tous les cornards fusse' en la rivière!» — «Apprends sitôt à nager», y répond sa femme.
MARTIN DU G.,Gonfle, 1928, III, 2, p. 1230.
c) Face, figure, visage de (pleine) lune, en (pleine) lune. Visage qui est rond comme la lune (supra C 1 fam.). Courtecuisse, petit homme de quarante-six ans, à figure de pleine lune (BALZAC, Paysans, 1844-50, p. 149). Gourier (...), un gros homme commun, rougeaud, à la nuque renflée, au visage en lune (ZOLA, Travail, t. 1, 1901, p. 101).
d) (Être) con comme la lune.
e) Vieilli. Faire voir, montrer la lune en plein midi. Abuser de la naïveté de quelqu'un en affirmant des choses invraisemblables. Ce noble se fâche! il nous montre la lune en plein midi (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 70).
f) Faire un trou, son petit trou à la lune. Disparaître, s'enfuir, généralement en laissant des dettes:
• 6. ... parlez, je vous écoute (...). Je suis un vieux prêtre (...). Vous n'avez sans doute encore mangé que votre patrimoine ou l'argent de votre maman. Vous aurez fait votre petit trou à la lune, et nous avons de l'honneur jusqu'au bout de nos jolies petites bottes fines...
BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 708.
— Faire un trou à la lune avec qqn. S'enfuir avec quelqu'un. Mme de Gontaut a fait un trou à la lune avec un ténor (MÉRIMÉE, Lettres ctesse de Montijo, 1868, p. 341).
g) Voir la lune. Perdre sa virginité. Oui, elle avait vu la lune, avant lui (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 700).
2. [P. réf. aux phases de la lune, aux lunaisons] Moments d'obscurcissement et de pesanteur (...) je ne me crois bon en ces lunes-là qu'à me cacher et à me taire (SAINTE-BEUVE, Corresp., 1833, p. 389).
— En partic.
a) Lune de miel. Mois qui suit le mariage; premiers temps de vie commune où règnent l'entente, le bonheur dans le couple. Il repassait par toutes les phases de son étrange amour pour la chère absente, depuis leur lune de miel jusqu'aux orages domestiques qui avaient déterminé leur dernière rupture (MURGER, Scènes vie boh., 1851, p. 276):
• 7. Non loin de la tombe du magistrat, est celle d'une femme étrangère: mariée à l'âge de vingt-deux ans, au mois de janvier, elle décéda au mois de février suivant. Elle ne voulut pas aller au delà de la lune de miel.
CHATEAUBR., Mém., t. 4, 1848, p. 355.
♦ P. anal. Bonne entente entre personnes, groupes de personnes; début heureux, moment heureux de quelqu'un dans une situation donnée. Même aux fêtes du sacre, pendant la lune de miel de son règne, elle [la reine] avait eu peur de lui [le peuple] (A. DAUDET, Rois en exil, 1879, p. 225). Huit jours plus tard, le village et la brigade goûtaient les joies pures de la lune de miel (MAUROIS, Silences Bramble, 1918, p. 113).
b) Lune rousse (supra B 3 b). Temps où la bonne entente entre époux se détériore, où il y a des querelles. Les nouveaux époux commençaient par la lune rousse leur existence conjugale (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 4, 1859, p. 106).
c) Gén. au plur. Vieilles lunes, lunes d'autrefois. Choses, personnes du passé; idées surannées. Dommage (...) que la kleptomanie, l'acte gratuit, la disponibilité aient passé de mode, se rangent parmi les vieilles lunes! (ARNOUX, Rêv. policier amat., 1945, p. 306). Les sornettes, c'était bon pour vous, pour les vieilles lunes comme toi (CAMUS, Possédés, 1959, 2e part., 5e tabl., p. 994).
♦ Aller rejoindre les vieilles lunes. Disparaître. Mes projets de mariage, mon cher, (...) vont rejoindre les vieilles lunes (FEUILLET, Honn. d'artiste, 1890, p. 130).
3. [P. réf. à l'aspect changeant de la lune, à l'influence qu'on lui attribue sur les créatures]
a) Ce cheval est sujet à la lune. ,,Il a la vue grasse, sa vue se charge et s'obscurcit de temps en temps`` (Ac. 1835, 1878).
b) ASTROL. [La lune est considérée dans son influence et dans ses incidences sur la psychol.] La Lune a trait à l'instinct, l'imagination, la mémoire, la passivité ou la réceptivité (on y ajoute aujourd'hui l'inconscient); elle est (...) en rapport avec la femme, l'enfant, la foule (BARBAULT, De psychanal. à astrol., 1961, p. 101).
c) Bonne, mauvaise lune. Bonne, mauvaise humeur. Ti as la mauvaise lune, dis la vérité (MUSETTE, Cagayous chauffeur, 1909, p. 116).
— En partic., vieilli
♦ Être dans sa bonne, dans sa mauvaise lune. Je vais profiter de ce qu'il est dans sa bonne lune pour lui demander la permission d'aller voir mon frère (LECLERCQ, Prov. dram., Humor., 1835, p. 399).
♦ Prendre qqn dans sa bonne lune, dans sa mauvaise lune (Ac. 1835, 1878).
d) Gén. au plur. Lunes (de qqn). Caprices, fantaisies, folies de quelqu'un. Être sujet à des lunes. Il n'y a jamais que toi pour excuser ses lunes (MORAND, Folle amour., 1956, p. 57).
♦ Avoir des lunes (dans la tête), avoir ses lunes. Hippolyte passa à Caroline toutes les lunes qu'elle avait dans la tête. Ils furent heureux (A. FRANCE, Livre ami, 1885, p. 102):
• 8. — Qu'a donc Madame? lui demandait Bébelle (...).
—Des lunes! répondait M. Georges affectant le dédain...
LA VARENDE, Indulg. plén., 1951, p. 71.
4. [P. allus. à l'éloignement de la lune]
a) [La lune symbolise l'éloignement dans le temps] Après... c'est dans la lune... Demain me paraît toujours devoir arriver dans cent ans (SUE, Juif errant, 1844-45, p. 73).
b) [La lune symbolise le rêve, la distraction] Vivre dans la lune. Vous voulez qu'on vous serve des personnages de la Lune (...) ici, on a horreur de la vérité (GONCOURT, Journal, 1886, p. 615):
• 9. C'est un projet dans la lune, ou quelque chose qui doit être organisé par toi, ou par l'Association des artistes révolutionnaires, ou par le ministère, ou par la Société des aigles et des hippopotames, ou quoi?
MALRAUX, Espoir, 1937, p. 472.
— En partic.
♦ Pêcheur de lune. Rêveur, poète. Je ris en pensant que Watrin avec ses airs de pêcheur de lune s'envoie la petite Archambaud en cachette (AYMÉ, Uranus, 1948, p. 73).
♦ Être dans la lune. Être distrait:
• 10. Je devinais un hameau, des chaumières qui fumaient, un berger, des villageois dansant (...). Le professeur, en m'appelant par mon nom, me tira de ma rêverie. — Dormez-vous? Vous êtes dans la lune. Allons! Allons! Soyez attentif et écrivez.
A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 269.
♦ Tomber de la lune. Être surpris. Synon. tomber de haut. Je suis un homme toujours étonné, qui tombe, à chaque instant, de la lune (RENARD, Journal, 1898, p. 465).
c) [La lune symbolise le caractère impossible de qqc.]
♦ Demander, réclamer, vouloir la lune. J'irai jusqu'à Boulogne, voilà tout. Croirait-on pas que je te demande la lune? (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 103).
♦ Donner, promettre la lune. Que voulez-vous! Je ne puis pourtant pas leur donner la lune! (...) J'ai tenté l'impossible (ZOLA, E. Rougon, 1876, p. 276).
♦ (Vouloir) prendre la lune avec les dents. (Vouloir) faire quelque chose d'impossible. Tu vois bien qu'en ce moment-ci tu veux prendre la lune avec les dents (FABRE, Rom. peintre, 1878, p. 163).
♦ (Aller) décrocher la lune (pour qqn).
REM. 1. Luner, verbe impers. [En parlant de la lune] Briller. Une nuit qu'il faisait très chaud et qu'il lunait doucement (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 47). 2. Lunerie, subst. fém. Acte fantaisiste, fou. Farce détestable ou «service» cru rendu, je me perds en conjectures, à propos d'une telle (...) lunerie (VERLAINE, Corresp., 1887, p. 188). 3. Luneux, -euse, adj. Éclairé par la lune. Soirées étoilées, ou luneuses, ou éclairées par les rayons bleus des lampes électriques (MILLE, Barnavaux, 1908, p. 266). 4. Luniens, subst. masc. plur. Habitants de la lune. Alors notre planète montrera toujours la même face à la lune (...). Quelle monotonie! Comme je plains les Luniens! (ARNOUX, Visite Mathus., 1961, p. 216). 5. Lunologue, subst. masc. Spécialiste de la lune. Blancs enfants de choeur de la Lune, Et lunologues éminents (LAFORGUE, Imit. Lune, 1886, p. 227). 6. Lunure, subst. fém. Défaut du bois apparaissant sur la tranche du bois, ayant la forme d'un cercle ou d'un arc de cercle, composé de plusieurs couches annuelles de couleur et d'aspect différents des couches voisines. [Pour l'emploi des bois les] défauts à éviter [sont] (...) gélivure, (...) lunure (GUILLEMIN, Constr., calcul et essais avions, 1929, pp. 7-8).
Prononc. et Orth.:[lyn]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 «planète satellite de la terre» (Roland, éd. J. Bédier, 2512); 2. 1556 «mois lunaire» (THEVET, Cosmographie du Levant, p. 137 ds DELB. Notes mss); 3. 1686 «satellite d'une autre planète que la terre» (FONTENELLE, Mondes, 6e soir ds LITTRÉ); 4. 1748 lune du miel (VOLTAIRE, Zadig, chapitre 3, éd. G. Ascoli, t. 1, p. 13); 1818 (La Minerve Française, p. 253 d'apr. BARBIER ds Mod. Lang. R. t. 16, 1921, p. 257: le premier mois de cette union, ce mois précieux que les Anglais nomment énergiquement the honeymoon, la lune de miel). B. 1529 lune d'eau «nénuphar blanc» (J. et R. PARMENTIER, Disc. de la navigation, 56 ds DELB. Notes mss). C. 1. Ca 1495 tenir un quartier de lune «être un peu fou» (Jehan de Paris, éd. E. Wickersheimer, p. 47); 2. 1680 «folie, caprice» (RICH.); 1808 être dans sa bonne, mauvaise lune (HAUTEL). D. 1. 1640 pleine lune «gros visage» (OUDIN, Recherches ital. et françoises, Paris); 2. 1872 «derrière» (LARCH., p. 192). Du lat. luna «lune» et «mois lunaire»; lune de miel est un calque de l'angl. honeymoon attesté dep. 1546 (v. NED). Fréq. abs. littér.:6 421. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 8 710, b) 9 224; XXe s.: a) 10 778, b)8449. Bbg. BUYSSENS (É.). Les Noms des corps célestes. Ling. antwerp. 1972, t. 6, pp. 17-19; Les Noms sing. Cah. F. Sauss. 1973, n° 28, pp. 25-34. — QUEM. DDL t. 5.
lune [lyn] n. f.
ÉTYM. 1080, Chanson de Roland; du lat. luna « lune » et « mois lunaire ».
❖
———
1 a Planète satellite de la terre, qui décrit autour de celle-ci une orbite elliptique en 27 jours 7 heures 43 minutes 11 secondes (révolution sidérale). ⇒ Lunaire; sélén(o)-. || Apparence de la lune vue de la Terre. → ci-dessous, b. || La face visible, la face cachée de la lune. || L'orbite de la lune autour de la Terre. || Le volume, la masse de la lune. || La distance moyenne de la terre à la lune est de 385 000 km. || De la Terre à la Lune, roman de Jules Verne. || Distances maximales (apoastre) et minimale (périastre) de la lune à la terre. ⇒ Apogée; périgée. || Apsides (cit.) de la lune. || Librations de la lune. || Inégalités qui affectent le mouvement de la lune. ⇒ Évection, variation. — Révolution synodique de la lune. ⇒ Lunaison. — Âge de la lune (⇒ Épacte). — Éclipse (cit. 2) de lune. — Influence de la lune sur les marées.
REM. On écrit souvent lune avec un L majuscule, notamment en astronomie (→ Terre).
1 Puisque la Lune est un corps opaque qui réfléchit une partie de la lumière qu'elle reçoit du Soleil, nous ne pouvons voir de sa surface que la partie qui est éclairée et de cet hémisphère seulement la portion qui est tournée vers la Terre. Quand la Lune est entre le Soleil et la Terre (nouvelle Lune) le côté non éclairé est présenté directement vers nous et la Lune est totalement invisible. Une semaine après, au premier quartier, la moitié de l'hémisphère éclairé est visible; entre la nouvelle Lune et le premier quartier la portion éclairée est inférieure à un demi-hémisphère, c'est la phase du croissant; entre le premier quartier et la pleine Lune, on voit plus d'un demi-hémisphère éclairé. Après la pleine Lune les mêmes apparences se produisent mais en sens inverse.
Pierre Guintini, les Planètes, p. 43-44.
♦ Observation, étude de la lune. ⇒ Sélénographie, sélénologie. || Observer la lune à la lunette, au télescope. || Photographier la face cachée de la lune. || Envoyer un engin, une fusée sur la lune, autour de la lune (⇒ Circumlunaire). || Autour de la Lune, roman de Jules Verne. || Distances maximale et minimale d'un satellite de la lune. ⇒ Apolune, aposélénie; périlune. || Envoyer des astronautes sur la lune. || Atterrir sur la lune. ⇒ Alunir (terme critiqué). || Marcher sur la lune. || On a marché sur la Lune, album de Hergé (Tintin). || Échantillons ramenés de la lune. — La surface tourmentée de la lune. → 1. Lunaire, cit. 1. || Cratères ou cirques, plaines (dites « mers »), chaînes de montagnes de la lune. || Le sol de la lune est recouvert d'une couche de poussière sous laquelle se trouve une épaisseur de roches brisées (⇒ Régolite); il est riche en éléments réfractaires (magnésium, titane, etc.) et en terres rares.
b Aspect, apparence de cet astre vu de la Terre; partie éclairée, visible, de cet astre (pour un observateur terrestre). || Phases de la lune, aspects successifs de sa partie éclairée : nouvelle lune (⇒ Néoménie), pleine lune (le plein de la lune; → Plein, cit. 54, 55 et 56), premier et dernier quartier de la lune. ⇒ Quadrature, syzygie (→ ci-dessus, cit. 1). || Lune dichotome (→ aussi Lumière cendrée). || La lune est dans son croissant (elle croît), dans son décroît. || La lune est pleine. || Déclin, décours de la lune. — Le disque, l'orbe de la lune (→ Embrumer, cit. 4). || Le croissant (cit. 1, 2) de la lune; un croissant de lune. || Halo, auréole autour de la lune. || Lune qui se lève (1. Lever, cit. 32). || Lune qui court (cit. 31) dans les nuées. || Lune voilée de nuages (→ Clarté, cit. 5; épaissir, cit. 5). || Chien qui aboie (cit. 2), hurle (cit. 2) à la lune. || La lune s'est appelée en argot ancien la cafarde (→ 1. Cafard, 3.). — Rayon, reflets de lune (→ Changeant, cit. 9; exhaler, cit. 22). || Lueur blafarde (cit. 4), diffuse (cit. 6) de la lune. || Clarté, « lumière gris de perle » de la lune (→ Emplir, cit. 13; forêt, cit. 2). || Il y a clair de lune. || Une nuit de clair de lune, et, ellipt., une nuit de lune, une nuit sans lune (→ Émouvoir, cit. 16). || Au clair (cit. 21 et 22) de lune. — Mus. || Au clair de la lune, chanson populaire dont l'air est attribué à Lulli. — ☑ Allus. littér. « La lune, comme un point sur un i » (cit. 2, Musset).
2 (…) un soir il aperçut
La lune au fond d'un puits : l'orbiculaire image
Lui parut un ample fromage.
La Fontaine, Fables, XI, 6.
3 La lune était sereine et jouait sur les flots.
Hugo, les Orientales, X.
4 La lune était au plus haut point du ciel; on voyait çà et là, dans de grands intervalles épurés, scintiller mille étoiles (…) La scène sur la terre n'était pas moins ravissante : le jour céruléen et velouté de la lune flottait silencieusement sur la cime des forêts, et, descendant dans les intervalles des arbres, poussait des gerbes de lumière jusque dans l'épaisseur des plus profondes ténèbres.
Chateaubriand, Essai sur les révolutions, Nuit chez les Sauvages de l'Amérique.
5 (…) le Kaïd étendit le bras vers l'horizon; et nous vîmes, tous ensemble, apparaître dans la pâleur du couchant le demi-cercle mince et long de la lune naissante.
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, p. 263.
6 Je lui récitai des vers ou des phrases de prose sur le clair de lune, lui montrant comment d'argenté qu'il était autrefois, il était devenu bleu avec Chateaubriand, avec le Victor Hugo d'Éviradnus et de la Fête chez Thérèse, pour redevenir jaune et métallique avec Baudelaire et Leconte de Lisle.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XII, p. 258.
7 La lune entre chez moi comme elle veut, avance à pas de chat, étire une griffe blanche à l'assaut de mon lit : il lui suffit de m'éveiller, elle se décourage tout de suite et redescend. Vers le moment de son plein, je la retrouve, à l'aube, toute nue et pâle, fourvoyée dans une froide région du ciel.
Colette, l'Étoile Vesper, p. 99.
♦ Poét. || La lune aux cornes d'argent (cit. 6). || La lune est appelée l'astre au front d'argent (cit. 4). || La lune, astre (cit. 8), flambeau (→ Funèbre, cit. 9) de la nuit, reine de la nuit. — Diane, Phœbé, Séléné, noms de déesses et noms poétiques de la lune.
8 La lune se montrait à la cime des arbres, une brise embaumée, que cette reine des nuits amenait de l'Orient avec elle, semblait la précéder dans les forêts, comme sa fraîche haleine. L'astre solitaire gravit peu à peu dans le ciel (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, I, VII, 7, t. I, p. 302 (éd. Levaillant).
♦ Astrol. || Influence de la lune (→ Influer, cit. 3).
c Par anal. (vieilli). || Une, des lunes : satellite (d'une planète quelconque). || Les lunes de Saturne.
9 Notre système solaire (…) consiste principalement en un soleil et seize planètes au moins, auxquelles (…) s'ajoutent quelques autres (…) accompagnées de dix-sept lunes connues (…)
Baudelaire, Trad. E. Poe, Eurêka, XII.
d ☑ Par compar. ou par métaphore (fam.). Avoir un visage rond comme une lune, une face de pleine lune, une face de lune, une face ronde, joufflue. → ci-dessous, II., 3.
10 Joussiaume, dont un rire silencieux élargissait le visage en pleine lune, se sentit changer de couleur.
Courteline, le Train de 8 h 47, I, IV.
e ☑ Loc. Aboyer à la lune.
♦ ☑ Faire un trou à la lune : s'enfuir sans payer ses créanciers, après une banqueroute.
♦ ☑ Demander, promettre la lune : demander, promettre une chose impossible — ☑ Vouloir prendre la lune avec ses dents. — ☑ Elle irait décrocher la lune pour lui : elle tenterait l'impossible pour le satisfaire.
10.1 Les types vous promettent la Lune : pour ce que ça leur coûte.
Claude Courchay, La vie finira bien par commencer, p. 254.
♦ ☑ Dans la lune. || Être dans la lune : être distrait, n'avoir pas l'esprit à ce que l'on fait, à ce qui se fait ou se dit autour de soi. || Il ne retiendra rien de ce que vous lui avez dit; il est bien trop dans la lune. || Il est toujours dans la lune : il n'a pas les pieds sur terre (⇒ 1. Lunaire).
♦ ☑ (1904). Avoir l'air de tomber de la lune, l'air étonné. → Tomber des nues.
11 Mon cher, tu me fais l'effet pour le moment d'être situé dans la lune, royaume du rêve, province de l'illusion, capitale Bulle de Savon.
Hugo, les Misérables, IV, VIII, III.
12 Il n'était pourtant pas si sot, avec son air de toujours tomber de la lune (…)
R. Dorgelès, le Cabaret de la belle femme, p. 205.
♦ ☑ Faire voir, montrer la lune en plein midi : abuser de la naïveté, de la crédulité de qqn. — REM. L'expression s'emploie aussi au sens II, 3, b, « montrer son derrière ».
♦ ☑ Vx. Confrère de la lune (par allus. aux cornes de la lune).
♦ ☑ Trivial. Il est con comme la lune.
2 Vx ou dans une évocation historique, culturelle. Mois lunaire. ⇒ Lunaison; consécution (mois de). || Il y a sept lunes que… (→ Blanc, cit. 38). || Passer trois lunes à… (→ Garnir, cit. 3). — Astron. || Lune intercalaire. — (Qualifié, dans certains décomptes chronologiques traditionnels) :
13 C'était le vingt-septième soleil, depuis notre départ des cabanes, la lune de feu avait commencé son cours, et tout annonçait un orage.
Chateaubriand, Atala, Les chasseurs.
13.1 Il tendit aux nomades la tête exsangue de Jester et il refit le récit de tout ce qui s'était passé depuis près d'une lune et dont il rejeta sur Jester l'entière responsabilité.
J. d'Ormesson, la Gloire de l'Empire, t. II, p. 374.
♦ ☑ Loc. Lune rousse : lunaison d'avril-mai, à laquelle on a longtemps attribué les gelées tardives qui roussissent les bourgeons, les jeunes pousses.
3 ☑ Loc. (D'après l'angl. honeymoon). Lune de miel : les premiers temps du mariage, d'amour heureux et de bonne entente (→ Indéfiniment, cit. 2).
14 Dans l'intimité établie, affermie et confiante, l'amour donne plus que cette fête, un peu rapide, si heureusement nommée en Angleterre lune de miel (…)
É. de Senancour, De l'amour…, p. 156.
15 Une lune de miel n'a pas trente quartiers,
Comme un baron saxon. — Et gare les derniers !
L'amour (hélas ! l'étrange et la fausse nature !)
Vit d'inanition, et meurt de nourriture.
A. de Musset, Premières poésies, « Mardoche », XVI.
16 Depuis leur arrivée au pavillon, cet heureux ménage savourait les douceurs de sa lune de miel, en harmonie avec la Nature (…)
Balzac, les Paysans, Pl., t. VIII, p. 157.
17 Sa lune de miel (de V. Hugo) avec le Paris de 1870 était devenue, en 1872, comme eût dit Byron, lune de mélasse.
A. Maurois, Olympio…, X, II.
4 ☑ Loc. fig. Vieilli. Au plur. Avoir des lunes, avoir ses lunes : être changeant et capricieux. ⇒ Lunatique. — ☑ Il est dans une bonne, une mauvaise lune. ⇒ Luné (bien, mal).
♦ ☑ Les vieilles lunes, les lunes d'autrefois : le temps passé dont il ne reste aucun souvenir — ☑ S'en aller rejoindre les vieilles lunes : disparaître complètement, tomber dans l'oubli.
———
II
A (Objets circulaires).
2 Zool. || Poisson lune, lune de mer. ⇒ Môle.
➪ tableau Noms de poissons.
b Derrière. — ☑ Loc. Il montre la lune en plein midi. — ☑ Argot. Se faire taper dans la lune : se faire sodomiser.
B Minér. (allus. à la lumière lunaire). || Pierre de lune : feldspath de couleur nacrée. ⇒ Adulaire.
❖
DÉR. Lunaison, luné, lunette, lunure.
COMP. Alunir, apolune, demi-lune, luni-solaire.
Encyclopédie Universelle. 2012.