MIMÉTISME
Bien que le terme «mimétisme» ait pour le spécialiste une définition très restreinte (limitée à la ressemblance entre deux espèces animales zoologiquement éloignées dont l’une, inoffensive, « mime» l’autre), il évoque généralement tous les phénomènes de camouflage que de nombreux animaux présentent naturellement et grâce auxquels ils échappent aux regards de l’homme. Homochromie et homotypie, déguisements et mimétisme au sens strict sont les quatre mécanismes fondamentaux qui permettent aux animaux de se dissimuler. Ils ont aussi bien avantage à le faire lorsqu’ils sont des proies que lorsqu’ils sont des agresseurs. Car, dans la nature, une espèce animale, quelle qu’elle soit, est toujours convoitée par un ou plusieurs agresseurs qui disposent, pour le dépistage de leur proie, d’organes sensitifs plus ou moins développés: vue, ouïe, odorat, aidés parfois par une dissimulation de la couleur ou de la forme. À ces attaques, la victime répond par des adaptations diverses qui peuvent être le venin, l’odeur désagréable, la fuite ou la dissimulation (cachette, variation de couleur, etc.). Il s’établit ainsi un équilibre et on conçoit que dans cette continuelle lutte pour la vie la dissimulation, le camouflage, n’est que l’un des nombreux moyens employés par une espèce pour assurer sa survie.
Lorsqu’on parle de camouflage ou de mimétisme chez les animaux, il est bien entendu qu’il ne s’agit pas d’un effort conscient de l’animal, d’une étude raisonnée, comme l’homme en est capable; il s’agit d’adaptations, dont il serait présomptueux de prétendre connaître les raisons. S’il faut toujours se garder en la matière d’un excès de finalisme, on ne doit pas tomber non plus dans l’excès inverse, comme l’ont fait par exemple certains auteurs anglo-saxons qui ont voulu expliquer ces phénomènes par une action exclusive de la sélection naturelle: les individus les moins protégés par leur coloration seraient impitoyablement détruits par leurs agresseurs et seuls les individus les mieux adaptés subsisteraient. La position des auteurs français, comme L. Chopard, est plus souple, moins mécaniste; sans nier la valeur de la sélection naturelle, ils admettent qu’elle n’explique pas tout et ils réservent une place à l’adaptation individuelle.
Il s’agit là de doctrines et non de faits; mais les travaux consacrés au mimétisme ont souvent subi malencontreusement l’effet de ces doctrines. En effet, selon sa conviction propre, selon qu’il croit ou non à la valeur protectrice du camouflage, il est arrivé qu’inconsciemment le naturaliste le plus rigoureux exagère ou minimise la ressemblance de l’animal avec son milieu.
1. L’homochromie
Homochromie simple
L’homochromie est dite simple si la teinte prise par l’animal est uniforme et correspond à la couleur du milieu qu’il fréquente habituellement. Les petits criquets qui prennent la couleur des prairies ou les perroquets dont la couleur verte concorde exactement avec celle des feuillages des arbres où ils se trouvent en sont d’excellents exemples et prouvent que, pour être homochrome, un animal n’est pas obligatoirement revêtu de couleurs ternes. L’homochromie avec le terrain est également fréquente: c’est le cas du lièvre qui, lorsqu’il est tapi au creux d’un sillon, est à peu près complètement invisible. C’est aussi le cas de certains oiseaux des déserts (alouette du désert) ou de la faune des neiges (perdrix des neiges ou lièvre variable, qui sont blancs en hiver).
L’ombre inversée
Souvent la couleur d’un animal est différente sur sa face dorsale et sur sa face ventrale, généralement blanche chez les espèces sauvages. Or, H. B. Cott, entre autres, a remarqué que l’ombre d’un objet quelconque a une grande importance dans l’appréciation de sa forme et de son volume. Si donc la partie située dans l’ombre est blanche, alors que la partie éclairée est colorée, la différence est moins sensible et l’objet semble plus plat et devient moins visible: c’est le cas pour les oiseaux qui sont généralement éclairés par le haut. On appelle ce phénomène l’ombre inversée; d’après les auteurs anglais, cette particularité est capitale pour la dissimulation des animaux; parmi les preuves qu’ils fournissent, les plus convaincantes sont certainement données par le cas des animaux qui vivent avec le ventre en l’air et chez lesquels la partie dorsale est plus claire: cas de la chenille du sphinx du peuplier (Sphinx ocellata ) ou, plus spectaculaire encore, du poisson-chat du Nil qui nage en position normale à l’état jeune, puis se retourne et nage ensuite ventre en l’air cependant que la polarité pigmentaire s’inverse au cours de sa vie.
Les dessins disruptifs
Une complication plus efficace encore du camouflage est fournie par le bariolage (dessins disruptifs) dont l’effet est de rompre la forme, de dissocier en quelque sorte l’animal qui n’est plus visible dans son ensemble, mais paraît formé de plusieurs parties indépendantes (fig. 1). Ces dessins peuvent être formés de taches ou de bandes, ces deux procédés se combinant d’ailleurs de toutes les façons possibles (cf. LÉPIDOPTÈRES, pl. IV). Ils s’ajoutent d’ailleurs souvent à l’homochromie (Œdipoda cœrulescens , certains poussins d’oiseaux et même leurs œufs lorsqu’ils ne sont pas abrités dans un nid, comme ceux de l’avocette).
L’homochromie variable
Certains animaux ont la possibilité d’adapter à tout moment leur coloration à celle du milieu sur lequel ils se trouvent. Le cas célèbre du caméléon n’est pas le plus spectaculaire. On peut citer de tels exemples d’homochromie variable dans les groupes les plus divers: Crustacés (crevettes), Batraciens (rainette verte), Reptiles (geckos), mais aussi chez les Mollusques Céphalopodes (seiche), enfin surtout chez des poissons plats (sole, limande, turbot). Tous ces animaux, si différents au point de vue zoologique, ont un point commun: leurs téguments possèdent des organes spéciaux, colorés et mobiles, les chromatophores, dont la rétraction ou l’épanouissement déterminent des changements de couleur (fig. 2). Les chromatophores, en effet, se présentent sous forme de cellules élastiques contenant des pigments; si ces pigments sont concentrés au centre du chromatophore (en contraction), ils forment une minuscule boulette presque invisible (l’animal est de teinte claire). Si au contraire ces mêmes pigments s’étalent à la surface de la peau (chromatophore en expansion), ils forment une plaque mince délicatement ramifiée mais parfaitement visible, et à ce moment l’animal prend une couleur sombre. La vitesse d’expansion et de contraction des chromatophores est extrêmement variable: très lente chez les crevettes, elle se fait au contraire chez la seiche en deux tiers de seconde. Le mécanisme de changement de couleur est également variable selon les espèces, il peut être humoral ou nerveux ou combiner ces deux mécanismes. Chez les crevettes, on a pu montrer que le mécanisme est exclusivement humoral (Köller, 1928; Carlisle, 1951; Knowles, 1955). Deux glandes antagonistes (fig. 3) sont responsables du changement de couleur: la glande du sinus, située dans le pédoncule oculaire (qui provoque l’éclaircissement), et les organes postcommissuraux, situés en arrière du cerveau, dont l’hormone produit l’extension des chromatophores donc l’assombrissement. Chez la seiche, au contraire, le mécanisme est purement nerveux, ce qui explique la rapidité des mouvements des chromatophores. Quant aux poissons, ils ont un mécanisme mixte nerveux et humoral [cf. TÉLÉOSTÉENS ET HOLOSTÉENS]. Chez les espèces les plus primitives (lamproies, raies), le mécanisme humoral (hormones hypophysaires) semble prédominant, mais chez les espèces les plus évoluées (poissons pleuronectes), la commande nerveuse se serait ajoutée puis substituée au contrôle humoral. Elle dominerait chez les Reptiles.
2. Les homotypies
En plus de la couleur, l’animal a pris la forme d’un objet sur lequel il se tient habituellement. La grande majorité des exemples se rencontre chez les insectes qui sont capables d’imiter toutes sortes d’organes végétaux comme les écorces (certains papillons, certaines mantes religieuses du Zaïre ou de Java) et aussi les feuilles (la phyllie originaire de l’Inde et de l’Australie est un cas typique); mais il existe aussi des sauterelles-feuilles et des papillons-feuilles (Kallima, Oxydia ). En Europe, le Drepanopteryx phalenoides (Planipennes) imite parfaitement une feuille légèrement abîmée sur le bord. Parmi les insectes imitant les branches, les phasmes sont universellement connus, mais les chenilles arpenteuses des Géométrides (Lépidoptères) sont encore plus surprenantes et leur position habituelle ainsi que leur immobilité contribuent grandement à accroître leur ressemblance avec le rameau qui leur sert de support. Enfin, il faut signaler un cas très particulier d’imitation des bourgeons de l’épicéa par le cocon fabriqué par la larve d’une Cécidomie qui auparavant avait provoqué l’atrophie du bourgeon dont elle a pris la place. Mais des comptages effectués sur une population naturelle ont montré que le cocon ne se place en position correcte, donc presque invisible, que dans 54 p. 100 des cas seulement (R. Gaumont, 1958).
3. Valeur protectrice de l’homochromie et de l’homotypie
Les expériences faites pour déterminer la valeur protectrice des homochromies ou homotypies ont eu des résultats parfois contradictoires, mais la plupart ont conclu à une protection certaine. Des gambusies, poissons qui changent facilement de couleur, ont été soumis à l’attaque de prédateurs (héron ou pingouin). En plaçant dans un bac noir deux cent quatre-vingt-huit poissons de couleur claire et autant de couleur noire, on a constaté que deux cent un poissons blancs ont été mangés et soixante-treize noirs seulement.
De nombreuses expériences ont été faites en présentant à des oiseaux des insectes placés sur fond homochrome ou hétérochrome (di Cesnola, 1904; F. B. Isely, 1938; F. Bourlière, 1942) et on constate que les oiseaux découvrent également ces derniers. Ruiter, en donnant à des oiseaux de volière des chenilles de Géométrides et des bâtons de bois, constate qu’au début de l’expérience les oiseaux ne savent pas reconnaître les bâtons des chenilles, mais qu’ils l’apprennent vite et que les erreurs deviennent rapidement de moins en moins fréquentes.
Mais pour que de telles expériences gardent toute leur portée, il ne faut pas oublier que la dissimulation vis-à-vis de l’homme n’est certainement pas valable pour tous les agresseurs. Enfin, les préférences alimentaires des agresseurs dans la nature devraient toujours être connues avant l’expérience et bien souvent la captivité change leur comportement.
4. Le mimétisme proprement dit
On dit qu’il y a mimétisme lorsqu’une espèce animale inoffensive imite la forme, la couleur ou l’allure d’une espèce naturellement défendue par son venin, par sa mauvaise odeur ou par toute autre cause susceptible d’éloigner les prédateurs. Au lieu de se dissimuler, l’espèce mimétique a donc intérêt à être vue pour échapper à ses ennemis. Bien entendu, il ne s’agit pas d’espèces voisines, mais d’animaux qui n’ont rien de comparable au point de vue zoologique sinon leur coloration extérieure. Une étude sérieuse du mimétisme doit s’appuyer sur des règles qui ont été formulées voici déjà longtemps (Wallace, 1865), mais qui n’ont rien perdu de leur valeur: l’espèce mimante doit exister dans les mêmes régions que l’espèce mimée; elle n’est pas défendue (tandis que le modèle éloigne naturellement les prédateurs); elle diffère de l’aspect normal de son groupe par des caractères très visibles capables de produire l’illusion, mais la ressemblance est uniquement superficielle et entièrement indépendante des affinités zoologiques réelles.
En Europe, les exemples abondent: les sésies (papillons) imitent les guêpes (cf. LÉPIDOPTÈRES, pl. IV), certaines araignées myrmécophiles (Myrmecium ) imitent les fourmis (fig. 4). Divers papillons africains sont encore plus spectaculaires: certaines espèces possédant une glande à odeur nauséabonde (Danais chrysippus , Danaïnés) sont mimées par Hypolimnus nisipus (familles des Nymphalidés) de façon si parfaite que les mâles de ces deux espèces arrivent, paraît-il, à se tromper et à poursuivre une femelle d’une espèce différente de la leur.
L’utilité du mimétisme n’est pas certaine, malgré ce que suggèrent des expériences comme celles les de P. J. Darlington en 1938 qui ont montré que des lézards du genre Anolis refusent les Cérambycides mimant un Lycide non comestible mais acceptent les autres.
Enfin une place particulière doit être réservée aux œufs de coucous, qui sont particulièrement curieux. Tout le monde sait que les femelles du coucou déposent leurs œufs dans le nid d’autres oiseaux, abandonnant à l’espèce nourricière le soin d’en assurer l’incubation. Or, chaque coucou ne pond que dans le nid de quelques espèces bien déterminées. La femelle choisit le nid où elle déposera son œuf, puis elle élimine un œuf de l’hôte et dépose le sien. Or celui-ci ressemble toujours par sa taille et sa couleur à l’œuf de l’hôte. Tout se passe donc comme si la femelle du coucou connaissait la couleur de ses propres œufs et choisissait en conséquence le nid de l’hôte qu’elle va parasiter. D’ailleurs la couleur des œufs varie beaucoup selon les individus puisque le coucou commun, par exemple, parasite un grand nombre d’espèces. Les œufs placés dans le nid du pipit des prés sont brun foncé violacé, mais ils sont rosâtres tachetés de brun avec le rouge-gorge, blanchâtres tachés de brun avec la fauvette. De tels phénomènes sont difficilement explicables. Cependant il semble que la plupart des oiseaux sont capables de reconnaître l’œuf de coucou et que cette reconnaissance amène souvent sa destruction ou la désertion du nid. On peut donc supposer que l’adaptation de l’œuf de coucou à la couleur de l’œuf de l’hôte est le résultat de la destruction constante des œufs les plus dissemblables à la couleur de l’hôte. C’est un des cas où l’hypothèse de la sélection naturelle serait la plus satisfaisante.
5. Les déguisements
Dans tous les cas précédents, c’est le corps même de l’animal qui prend une couleur ou une forme donnée et assure le camouflage. Mais il est des cas où l’animal emprunte au milieu des éléments dont il se couvre, semblant ainsi s’habiller. Il s’agit là non pas de faits d’intelligence, mais de faits de comportement. Ce cas, le moins fréquent dans la nature, bien que le plus varié, est celui qui se rapproche le plus des réalisations humaines. De tels déguisements se rencontrent parfois chez des insectes qui cachent leur corps dans un fourreau (larves des Trichoptères ou porte-bois, chenilles des Psychides). Certains Planipennes (Chrysopa prasina ) recouvrent leur corps de leurs vieilles exuvies et des cadavres des pucerons dont elles se nourrissent. Les fausses chenilles de la tenthrède limace sont recouvertes d’un mucus gluant contenant leurs excréments. Chez les Crustacés (crabes, pagures), les déguisements sont plus fréquents. Les bernard-l’hermite, ou pagures, Crustacés à abdomen mou, vivent cachés dans les coquilles vides des Gastéropodes marins, mais ils cherchent là plus une protection contre les chocs qu’une dissimulation. Cependant ces coquilles sont souvent recouvertes d’éponges ou d’anémones de mer (actinies) et il ne s’agit pas là d’un hasard, car il y a de véritables associations entre le pagure et l’actinie qui le camoufle et le défend. Aussi chaque espèce de pagure possède-t-elle une actinie qui lui est inféodée (Sagartia parasitica sur Eupagurus bernhardus , et Adamsia palliata sur E. prideauxi ). Le pagure ne subit pas passivement la présence de l’actinie, puisqu’il emporte son actinie lorsqu’il change de coquille.
Les crabes Oxyrhynques (araignées de mer), eux, déguisent littéralement leur carapace avec des algues, des cailloux, des morceaux de coquilles. Si on les débarrasse de leur revêtement, ils s’en recouvrent aussitôt. Le crabe saisit l’éponge ou l’algue, la porte à sa bouche, non pour la manger, mais pour y déposer un liquide agglutinant et, à l’aide de ses longues pattes, l’accroche sur son dos aux poils recourbés en crochets et souvent barbelés dont la carapace est garnie. Mais le fait le plus remarquable chez ces crabes, c’est qu’ils recherchent des substrats sur lesquels ils sont homochromes et qu’ils sont capables de changer de déguisement lorsque leur camouflage ne correspond plus à la couleur du milieu. Des expériences faites en France par R. Minkiewicz (1907) sont caractéristiques. Il constate que des crabes du genre Maia dont la carapace a été débarrassée de tous ses débris, placés dans des aquariums dont les parois sont couvertes de papiers de couleur, choisissent, pour se couvrir, les papiers correspondant à la couleur du milieu. Si ces crabes ainsi habillés sont ensuite transportés dans des aquariums dont les deux moitiés sont différemment colorées, ils se dirigent vers la moitié de l’aquarium dont la couleur correspond à leur revêtement. D’autres crabes du genre Hyas , revêtus d’algues rouges et introduits dans des aquariums tapissés uniquement avec des éponges, sont capables de changer leur déguisement et dès le lendemain ils sont recouverts exclusivement d’éponges. Ces comportements si proches du comportement humain sont d’interprétation controversée. On peut les rapprocher des activités d’imitation si répandues, par exemple, chez les oiseaux. De toute façon, le seul hasard ne saurait être invoqué à leur propos.
mimétisme [ mimetism ] n. m.
• 1874; du gr. mimeisthai « imiter »
1 ♦ Propriété que possèdent certaines espèces animales, pour assurer leur protection, de se rendre semblables par l'apparence au milieu environnant, à un être de ce milieu, à un individu d'une espèce mieux protégée ou moins redoutée. Mimétisme des couleurs (homochromie), des formes. Le mimétisme du caméléon.
2 ♦ Par ext. Processus d'imitation; ressemblance produite par imitation machinale. Madame de Chateaubriand « écrivait, elle aussi [...] : ainsi le veut le mimétisme » (Henriot). Agir par mimétisme.
● mimétisme nom masculin (grec mimeisthai, imiter) Particularité des espèces qui, en raison de leur forme et/ou de leur couleur, peuvent se confondre avec l'environnement ou avec les individus d'une autre espèce. Reproduction machinale, inconsciente, de gestes et d'attitudes des gens de l'entourage.
mimétisme
n. m.
d1./d Aptitude de certaines espèces animales à prendre l'aspect d'un élément de leur milieu de vie et spécial., celui d'une autre espèce vivant dans ce milieu.
d2./d Par anal. Tendance d'une personne à prendre les manières, les habitudes d'une personne, d'un milieu, etc.
⇒MIMÉTISME, subst. masc.
A. — ÉTHOLOGIE. Propriété que possèdent certaines espèces animales ou plus rarement végétales, de ressembler, temporairement ou de façon permanente, par la couleur ou par la structure, au milieu environnant physique ou biologique, avec une finalité (notamment protectrice ou offensive) ou sans finalité apparente. Cette sorte de mimétisme qui fait que certaines fleurs se donnent l'apparence des insectes qu'elles veulent attirer (PROUST, Sodome, 1922, p.646). La bécasse use du mimétisme avec un rare bonheur et on peut dire qu'elle cherche d'abord le terrain, sinon la place, où sa couleur se confondra avec celle du milieu ambiant (VIDRON, Chasse, 1945, p.58).
B. — P. anal. [À propos de l'homme en tant qu'individu social] Comportement de celui qui reproduit plus ou moins inconsciemment les attitudes, le langage, les idées du milieu ambiant ou d'un autre individu auquel il veut ressembler; p. ext. tout phénomène de ressemblance plus ou moins volontaire, de communion, d'identification avec un modèle. Mimétisme de l'acteur, du petit enfant, des foules; mimétisme de classe, de groupe; mimétisme parfait. Un beau voyage, c'est un cas de mimétisme. Gautier épanouit une âme orientale, Stendhal milanaise, Corneille espagnole et M. Taine britannique (BARRÈS, Voy. Sparte, 1906, p.28). Merveille du mimétisme, cette dame ressemblait à ses belles-soeurs, à son beau-frère, à son mari (...). Elle sentait le vieux cuir comme les uns et la poudre de riz comme les autres (DUHAMEL, Notaire Havre, 1933, p.99). Parfois, dans ces petits poèmes en prose, les caractères du rêve sont reproduits avec un mimétisme très habile (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p.243):
• —. Les oeuvres d'art obligent à un certain mimétisme: de même que devant un portrait de Degas on devient photographe, devant un Van Gogh légèrement délirant, devant Cézanne, on se sent envahi par un enthousiasme profond et comme silencieux...
LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p.131.
— [À propos d'un acte] Pour qui a oublié le pouvoir communicatif et le mimétisme magique d'un geste, le théâtre peut le lui réapprendre (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p.97).
REM. Mimétiser (se), verbe pronom. réfl., éthologie. [Correspond à supra A] Prendre l'apparence du milieu ambiant. Peut-être que je déteignais sur elle, oui, là, au coeur de l'Afrique, en pleine mer, et que, d'instinct, la chère fille pensait intéresser le romancier. Il y a bien des animaux qui se mimétisent! Et pourquoi pas la psychologie d'une femme? (CENDRARS, Homme foudr., 1945, p.75). P. métaph. Avec son blocus, ses raids lointains, (...) ses usines qui se mimétisent selon leur entourage ou qui rentrent sous terre, avec tous ses trucs de camouflage et sa machinerie ultra-moderne, la guerre actuelle tient de la magie des Mille et une nuits (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.292).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist.:1874 «faculté que possèdent certains animaux de prendre les apparences des objets qui les entourent» (Lar. 19e); 1906 p. ext. (BARRÈS, loc. cit.). Dér. sav., avec suff. -isme, du gr. , adj. verbal de «mimer, imiter». Fréq. abs. littér.:60.
mimétisme [mimetism] n. m.
ÉTYM. 1874, Larousse; dér. sav. du grec mimeisthai « imiter » (→ Mime), ou de mimeteos, adj. verbal.
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1 (1874). Sc. nat. Propriété que possèdent certaines espèces animales, pour assurer leur protection défensive ou offensive, de se rendre semblables par l'apparence au milieu environnant, à un être quelconque de ce milieu, à un individu d'une espèce mieux protégée, moins redoutée ou plus redoutée (par protection). || Mimétisme des couleurs (homochromie), des formes (homotypie). || Mimétisme permanent, temporaire. || Mimétisme agressif, ostentatoire. || Le mimétisme, phénomène d'adaptation au milieu. || Cas de mimétisme. || Mimétisme du caméléon (⇒ Caméléonisme), de la vanesse… || Comportement de mimétisme. ⇒ Mimétique. || Animal doué de mimétisme. ⇒ Mime (III.).
1 (…) vous n'avez pas compris comment j'ai pu échapper aussi complètement à vos regards. C'est bien simple. Il ne faut voir là qu'un phénomène de mimétisme (…) La nature est une bonne mère. Elle a départi à ceux de ses enfants que des dangers menacent, et qui sont trop faibles pour se défendre, le don de se confondre avec ce qui les entoure (…) Vous savez que les papillons ressemblent aux fleurs, que certains insectes sont semblables à des feuilles, que le caméléon peut prendre la couleur qui le dissimule le mieux, que le lièvre polaire est devenu blanc comme les glaciales contrées où (…) il détale presque invisible.
Apollinaire, L'Hérésiarque…, p.165.
2 (1906, Barrès in T. L. F.). Processus d'imitation; ressemblance produite par imitation. || Mimétisme volontaire, spontané. || Contrefaire (cit. 4) quelqu'un par mimétisme. ⇒ Imitation. || Mimétisme de l'acteur, de l'interprète (cit. 16). — Mimétisme parfait. || Il agit comme son frère par une sorte de mimétisme inconscient.
2 Car elle (Mme de Chateaubriand) écrivait, elle aussi, et il eût été en effet assez surprenant qu'elle ne s'y fût pas mise : ainsi le veut le mimétisme. On ne vit pas impunément dans l'ombre d'un Chateaubriand sans prendre quelques-unes de ses habitudes (…)
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 277.
Encyclopédie Universelle. 2012.