POLIOMYÉLITE
La poliomyélite, ou paralysie infantile, est l’une des premières maladies à virus de l’homme qui ait, après la rage (1881) et la fièvre jaune (1901), fait l’objet de recherches expérimentales et épidémiologiques systématiques (1909). Le grand neurologiste français A. Vulpian en avait donné en 1871 une définition remarquable qui a gardé toute sa valeur: «Cette paralysie atrophique est vraisemblablement une maladie infectieuse aiguë, laquelle dépend d’une infection généralisée du corps, qui se localise de préférence dans une région circonscrite de la moelle.»
Un paradoxe intrigua longtemps chercheurs et cliniciens. Plus se développaient dans le monde occidental l’hygiène, le niveau de vie et la prophylaxie des maladies infectieuses, plus les cas de poliomyélite augmentaient en fréquence et en gravité. On enregistra, au cours de la première moitié du XXe siècle, une véritable marée montante de cette infection de plus en plus redoutable. La pression de l’opinion publique, les progrès de l’étude des virus et de leur culture ont suscité la mise au point de vaccins contre la poliomyélite, et abouti au plus grand succès jamais enregistré par les seules méthodes vaccinales: le recul de la maladie allant jusqu’à sa disparition complète en certains pays, alors que la thérapeutique était et reste encore complètement désarmée devant elle.
1. La maladie
La poliomyélite est une maladie infectieuse aiguë de l’homme, dans laquelle la destruction des cellules motrices du système nerveux central a pour conséquence soit des paralysies des membres, soit une atteinte respiratoire, ces deux types de lésions pouvant se combiner et entraîner la mort par asphyxie bulbaire. Après une phase aiguë, fébrile, les paralysies peuvent régresser totalement; le plus souvent, cependant, persistent des séquelles motrices (paralysies) permanentes plus ou moins étendues, localisées en général dans les membres inférieurs.
Sous sa forme la plus classique dite paralysie infantile , la poliomyélite paraît avoir existé de tout temps (une stèle égyptienne de la XIXe dynastie thébaine [fig. 1] en apporte un témoignage graphique). Autrefois confondue avec les paralysies obstétricales ou traumatiques de l’enfance, elle a été individualisée cliniquement en 1840 par le médecin wurtembergeois J. von Heine. Le caractère infectieux de la poliomyélite, affirmé dès 1870 par Vulpian sur la base des lésions anatomo-pathologiques, a été démontré par l’épidémiologie: treize cas à Sainte-Foy-l’Argentière décrits en 1886 par M. Cordier; quarante-quatre cas en 1887 à Stockholm observés par K. O. Medin, d’où le nom de maladie de Heine-Medin parfois donné à la poliomyélite.
La maladie se présente tantôt sous forme de cas sporadiques sans relation apparente, tantôt sous forme de cas groupés en foyers où l’infection revêt, pendant un certain temps, une allure endémique. Enfin, on assiste périodiquement, chez les populations que ne protège pas l’immunisation spontanée ou vaccinale, à des épidémies massives frappant un grand nombre de personnes en un court espace de temps. Avant la pratique de la vaccination, les pays scandinaves étaient les plus atteints en Europe. Aux États-Unis, l’infection fut reconnue en 1894; la maladie s’y est manifestée comme ailleurs avec une fréquence croissante, ponctuée, tous les quatre ou cinq ans, par de grandes épidémies. En 1916, il y eut aux États-Unis 29 000 cas causant 6 000 décès; en 1952, 57 740 cas; en 1955, la vaccination cassait la courbe ascendante. Avec la fréquence accrue de la maladie, on observe son extension à tous les âges de la vie (France: 75 p. 100 des cas avant 21 ans, dont la moitié avant 5 ans, 21 p. 100 de 21 à 40 ans et 4 p. 100 au-delà).
La poliomyélite affecte plus particulièrement les régions tempérées froides; c’est là un caractère lié au niveau d’hygiène des populations, non au climat. Dans les régions tropicales, où l’hygiène est précaire, le virus est extrêmement répandu, mais les populations y résistent relativement bien, du fait d’une immunisation spontanée précoce; en revanche, les immigrants provenant de régions plus évoluées y sont particulièrement exposés.
2. Le virus
Transmission du virus à l’animal
En 1909, à Vienne, K. Landsteiner et E. Popper transmirent la maladie au singe à partir de la moelle d’un enfant mort de paralysie infantile. À Paris, C. Levaditi et K. Landsteiner démontraient que le virus est filtrable et transmissible par passages en série de singe à singe. La maladie du singe reproduit dans tous ses caractères celle de l’enfant, mais la mortalité atteint jusqu’à 76 p. 100. On retrouve le virus dans le névraxe – principalement dans la moelle épinière –, dans l’intestin et son contenu, la muqueuse pharyngienne et les amygdales. Le liquide céphalo-rachidien, le sang, les différents viscères ne renferment généralement pas de virus; cependant, de faibles quantités peuvent être présentes dans les glandes salivaires et les ganglions lymphatiques. Des lésions histologiques affectent surtout les cellules motrices des cornes antérieures de la moelle et leur extension dans le bulbe et les parties inférieures du cerveau. Quelques souches particulièrement virulentes s’accompagnent de lésions de l’encéphale ou du myocarde.
Différents types de virus poliomyélitiques
On a longtemps expérimenté sur le virus de la poliomyélite sans mettre en doute l’unicité du virus, le singe étant seul réceptif à la maladie humaine. En 1937, C. H. Armstrong isolait, à Lansing (États-Unis), une souche de poliovirus qu’il réussissait à transmettre au rat du coton, Sigmodon hispidus , puis à la souris. Ce n’est qu’en 1940 que cette expérience put être répétée: la rareté des souches transmissibles aux Muridés donnait à penser qu’il existait plusieurs types du virus. Une vaste expérimentation (Isabel Morgan, 1948-1949) permettait de reconnaître trois types du virus sérologiquement distincts. Ainsi furent définis les types I, II et III dont les souches types sont mentionnées dans le tableau ci-dessus.
La proportion des souches isolées des différents types varie d’une année et d’une région à l’autre. D’une façon générale, on observe dans le monde entier une prédominance considérable des souches du type I qui représente 80 à 90 p. 100 des souches isolées chez les malades: ce sont les seules qui donnent naissance aux grandes épidémies. La fraction restante se partage de façon variable entre les types II et III, le type II étant plus endémique. En France, sur plus de 10 000 souches isolées en dix ans (P. Lépine et J. Maurin), la proportion est: pour le type I, de 85 p. 100, pour le type II, de 12 p. 100, pour le type III, de 3 p. 100. Comme on trouve des anticorps pour les trois types du virus chez tous les sujets normaux spontanément immunisés par l’infection naturelle, il en résulte que l’agressivité du virus diffère considérablement d’un type sérologique à l’autre. Autrement dit, les chances d’infection sont égales, mais celles de contracter une maladie paralytique sont considérablement plus élevées avec le type I qu’avec les deux autres types.
Étude physico-chimique du virus
La culture sur des cellules de Primates, d’origine humaine et simienne, a rendu possible l’étude systématique du poliovirus. On l’extrait, à l’état pur, des liquides virulents par précipitation au méthanol ou au butanol. Au microscope électronique, le virion paraît sphérique (fig. 2), son diamètre est de 27,3 nm 梁 2 (état hydraté), sa densité 1,6 et son poids 1,3 憐 10 size=1漣27 g. Aux forts grossissements électroniques et après coloration négative, on s’aperçoit que le virion est polyédrique, de section hexagonale correspondant à une structure icosaédrique, et sa surface (capside) parsemée d’aspérités (capsomères). Le nombre et la disposition exacte des capsomères ont été difficiles à déterminer avec certitude. Le virus purifié cristallise, à + 4 0C et pH 5,9, en beaux cristaux du système rhomboédrique (R. L. Steere et F. L. Shaffer, 1958).
L’acide nucléique viral est un acide ribonucléique (ARN) qui forme à lui seul 25 à 30 p. 100 du virion. C’est une nucléo-protéine à peu près pure d’un poids moléculaire théorique de 6,8 憐 106. L’ARN viral débarrassé de sa capside conserve son pouvoir infectieux; sous cette forme, il est capable d’infecter pour un seul cycle de multiplication des cellules de Mammifères (rein de veau), mais le virus recueilli est à nouveau un virion complet qui n’infecte exclusivement que les cellules de Primates.
Le poliovirus résiste bien à un pH de 4 à 10, et à l’extraction par l’éther, l’alcool, le benzène. Assez sensible aux oxydants, il est inactivé lentement par le formol et un certain nombre d’antiseptiques. En revanche, il résiste mal à la dessiccation, mais il se conserve pendant des années dans la glycérine ou par congélation. Il supporte une température de 40 0C, n’est inactivé qu’en trois minutes à 50 0C, en 31 secondes à 80 0C. Dans les milieux extérieurs (eaux contaminées), il peut demeurer virulent pendant des mois à la température ambiante.
Sélection de souches atténuées
Chacun des trois types du virus présente à l’état naturel une population mixte de virions offrant des degrés de virulence variables. Il est possible, par différents artifices (influence de la température de croissance, clonage des souches, action de certains sels, séparation chromatographique), de sélectionner des souches atténuées, mais antigéniques, dont l’intérêt est considérable pour la vaccination.
3. Épidémiologie
La poliomyélite est essentiellement une maladie de l’homme et l’accompagne dans ses déplacements: l’homme est la source du virus, comme il en est le réservoir principal sinon unique.
Sources potentielles d’infection
À partir d’un sujet atteint d’infection inapparente, les sources potentielles d’infection sont représentées, d’une part, par les sécrétions rhino-pharyngées et l’expectoration, d’autre part, par les matières fécales. Leur importance est loin d’être égale.
– L’élimination rhino-pharyngée du virus est précoce, mais de courte durée (de 48 h avant les premiers symptômes à la fin de la deuxième semaine).
– Au contraire, on a recueilli du virus dans les selles de sujets infectés jusqu’à trois semaines avant l’apparition des symptômes; durant la première semaine de la maladie, tous les sujets sans exception éliminent du virus dans les selles; après deux semaines, on le retrouve chez 67 p. 100 des malades, après cinq à six semaines chez 25 p. 100, et après quatre mois chez 1 à 3 p. 100. L’élimination intestinale dure d’autant plus longtemps que l’infection est plus latente et que les symptômes cliniques font défaut. Il est donc pratiquement impossible d’opposer une barrière à la diffusion du virus par le seul isolement des malades atteints de formes fébriles paralytiques. L’introduction d’un sujet contagieux dans une communauté entraîne la diffusion rapide de l’infection, la plupart du temps sous forme inapparente, chez 60 à 90 p. 100 des membres du groupe (fig. 3). Déposé dans les milieux extérieurs par les déjections contaminées, le virus peut, à distance, infecter d’autres sujets réceptifs, par l’intermédiaire de l’eau, du lait, ou encore des légumes crus.
Voies d’entrée et propagation du virus
La voie d’entrée du virus est le tube digestif sur toute sa longueur, ce qui explique la possibilité de contamination, aussi bien directe au niveau de la muqueuse pharyngée (par aérosols respiratoires ou mains sales du porteur de virus) qu’indirecte par la muqueuse intestinale (eau, aliments contaminés). Le virus se multiplie d’abord dans la paroi intestinale, puis gagne le système lymphatique (ganglions mésentériques, en particulier) et de là passe dans le sang (virémie de la période terminale de l’incubation). On ne sait pas encore si la localisation du virus dans le système nerveux se fait par la voie sanguine ou par cheminement le long des nerfs (neuroprobasie) à partir de la porte d’entrée. L’expérimentation fournit autant d’arguments en faveur d’une théorie que de l’autre, et il est probable que les deux modes d’atteinte du système nerveux central sont également vérifiés dans l’infection naturelle.
Immunité naturelle
Pourquoi alors, dans une population non vaccinée, le nombre des cas de poliomyélite paralytique est-il malgré tout relativement restreint? L’explication réside dans les anticorps neutralisants que l’on a trouvés non seulement chez les convalescents de la maladie (A. Netter et C. Levaditi, 1910), mais aussi (fig. 4) chez presque tous les individus normaux d’une population adulte (S. D. Kramer et W. L. Aycock, 1931). Ces anticorps sont le résultat d’infections inapparentes précoces survenant chez l’enfant; ils traduisent l’immunité spontanée observée surtout chez certaines populations.
Dans les pays où la poliomyélite est absente ou rare et affecte seulement des enfants, on constate que, du fait des conditions d’hygiène déficientes, les nouveau-nés, pratiquement sans exception, présentent dans leur sérum, dès la naissance, des anticorps pour les trois types du virus; ce sont des anticorps transitoires reçus par voie transplacentaire de mères elles-mêmes immunisées. Au cours des six premiers mois de leur vie, les nourrissons étant infectés de façon répétée par des virus sauvages contre lesquels ils sont protégés par les anticorps maternels, le taux des anticorps remonte au lieu de s’annuler, de sorte que, à l’âge de un an pour certains pays, à deux ou trois ans dans d’autres, tous les enfants ont à nouveau dans leur sérum des anticorps acquis simultanément pour les trois types du virus.
Dans les pays évolués, au contraire, où les nouveau-nés sont placés dans des conditions strictes d’hygiène et où leur alimentation fait l’objet d’une surveillance minutieuse, on constate un décalage progressif dans l’apparition des anticorps qui, le plus souvent absents au moment de la naissance, ne surviennent en pratique qu’à partir de l’âge de quatre ou cinq ans, ou même plus tard, l’immunité étant acquise d’abord pour un seul type, puis pour deux, et tardivement, sinon jamais, pour les trois. Une population est d’autant plus sensible au virus que les trois anticorps spécifiques apparaissent plus tardivement et avec un plus grand décalage. L’état de prédisposition d’une population à la poliomyélite est jugé par l’âge où 50 p. 100 de cette population présente des anticorps vis-à-vis des trois types du virus (A. M. M. Payne, 1957).
Si la poliomyélite a pu prendre un cours galopant avec des épidémies de plus en plus massives et dangereuses dans les pays connaissant une hygiène évoluée, c’est qu’un nombre croissant d’enfants et de jeunes sujets arrivaient à l’âge adulte sans avoir jamais acquis cette immunité spontanée qui, autrefois et au prix d’une mortalité infantile élevée, assurait une protection durable due à des infections latentes et répétées par les virus sauvages des trois types du poliovirus.
4. Prophylaxie et vaccination
Les mesures générales (isolement des malades, contrôle des aliments) sont inefficaces contre la diffusion du virus dans une communauté infectée. Le pouvoir protecteur de la prophylaxie passive par les gammaglobulines spécifiques est aléatoire et de courte durée. Seule la vaccination a endigué l’extention de la maladie.
Il existe deux types principaux de vaccins:
– les vaccins inactivés (dits tués), dans lesquels le virus, transformé en antigène incapable de se reproduire, est introduit dans l’organisme par voie sous-cutanée ou intramusculaire en quantité suffisante pour provoquer l’apparition d’anticorps protecteurs;
– les vaccins atténués (dits vivants), dans lesquels l’administration par voie orale d’une petite quantité de virus sélectionné, non paralytogène, provoque par multiplication dans l’intestin une infection inapparente à laquelle l’organisme réagit par une résistance locale suivie de l’apparition d’anticorps dans le sang circulant.
Les deux types de vaccins ont été appliqués à des groupes de population atteignant des centaines de millions d’individus, et les résultats ont été, dans les deux cas, satisfaisants.
Vaccins inactivés
La culture du virus de la poliomyélite, due à J. F. Enders, T. H. Weller et F. C. Robbins (1949), a rendu possible la production de virus en quantités suffisantes pour fabriquer des vaccins inactivés qui, du fait de la sécurité qu’ils présentent, ont été les premiers mis au point: procédés américain (Salk, 1954), français (Lépine, 1955), suédois (Gard, 1955). Tous comportent la culture du virus sur des cellules rénales de singe; le virus est ensuite séparé des débris cellulaires et inactivé complètement par un procédé combiné (formol et chaleur; formol et 廓-propiolactone; formol et glycine), pendant une durée telle que le virus ne doit plus être capable de provoquer la paralysie, même lorsqu’il est injecté par voie intracérébrale chez le singe. La vaccination comporte l’injection de trois doses de vaccin espacées de trois semaines au moins d’intervalle, suivie un an après d’une injection de rappel. On peut associer le vaccin inactivé à d’autres vaccins (diphtérique, tétanique, coquelucheux), ce qui facilite l’immunisation des enfants.
Le perfectionnement des méthodes de culture (fermenteurs de grande capacité) et de purification du virus a conduit à l’obtention de vaccins inactivés doués d’un pouvoir immunisant élevé qui, joint à leur complète innocuité, leur vaut une faveur croissante aux dépens du vaccin atténué.
Vaccins atténués
Des souches sélectionnées de chacun des trois types du virus, spontanément ou artificiellement atténuées, sont capables de se multiplier dans l’intestin des sujets vaccinés, mais elles ont suffisamment perdu leur neurotropisme pour ne plus causer de paralysies. Trois séries de souches atténuées ont été essayées (H. Koprowski, 1956; A. B. Sabin, 1957; H. R. Cox, 1959). Aujourd’hui, à la suite d’incidents divers, seules les souches Sabin sont utilisées à une large échelle dans le monde car ce sont les plus atténuées. Appliquée à de très nombreux sujets en U.R.S.S. et dans les pays de l’Est d’abord, puis dans le reste du monde, la vaccination par virus atténué a montré une grande efficacité du point de vue épidémiologique. La sécurité des vaccins atténués est raisonnablement assurée et leur application n’expose pas les vaccinés, dans les conditions normales, à un danger particulier. Le taux de conversion – c’est-à-dire la proportion des individus qui, à l’issue de la vaccination, ont acquis un titre d’anticorps significativement protecteur – a été diversement apprécié suivant les régions et les populations vaccinées. En bref:
– les taux de conversion sont plus élevés chez l’enfant que chez l’adulte, chez les populations à l’hygiène évoluée que chez les populations primitives, ces dernières étant fréquemment affectées d’infections intestinales à entérovirus qui interfèrent avec le virus vaccinal;
– des doses relativement élevées de vaccin sont nécessaires pour obtenir une conversion régulière;
– la répétition des vaccinations augmente considérablement les taux de conversion.
Il est maintenant coutumier de vacciner les enfants ou les adultes par trois prises successives, à un mois d’intervalle au moins, d’un vaccin trivalent, c’est-à-dire renfermant les trois types du virus. Pour augmenter les chances de succès du vaccin, on a été conduit à augmenter le titre de chaque prise et à répéter celles-ci périodiquement pendant un certain nombre d’années, ce qui revient à imiter la nature. Enfin, pour diminuer les risques aléatoires d’une reprise de virulence du vaccin, on vaccine simultanément un grand nombre d’individus, voire la totalité d’une population d’une même région, afin d’éviter la diffusion interhumaine du virus pendant la durée d’élimination de celui-ci (normalement plusieurs semaines et jusqu’à quatre mois).
Résultats des vaccinations
D’après l’Organisation mondiale de la santé, les résultats des vaccinations varient selon que l’on considère soit les pays dont l’hygiène est assez bien contrôlée grâce à une législation concernant l’immunisation des enfants, soit les pays moins policés où la réglementation est plus difficile à appliquer à des populations dispersées, indociles ou indifférentes à l’hygiène.
Le groupe le plus évolué, soit vingt et un pays européens, les États-Unis d’Amérique, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, a connu de 1951 à 1955 une moyenne annuelle de 70 160 cas de poliomyélite paralytique. Cette moyenne, calculée sur des périodes de cinq ans, s’accroissait jusque-là selon une courbe régulière. À la suite de l’application de la vaccination, cette même moyenne s’est abaissée graduellement à 7 471 cas de 1961 à 1965 et, en 1966, le total des cas observés dans l’ensemble des pays du groupe (plus de 600 millions d’habitants) a été de 911 seulement.
Les pays où la maladie a disparu sont ceux qui ont généralisé la vaccination, que l’on ait employé exclusivement le vaccin inactivé (Suède, Australie, Nouvelle-Zélande, pays autrefois les plus atteints) ou le vaccin atténué (ex-U.R.S.S., Bulgarie, Tchécoslovaquie, Hongrie), ou encore que l’on ait eu recours simultanément ou successivement aux deux méthodes de vaccination (États-Unis, Roumanie, France).
En contraste avec ces résultats, qui constituent la plus éclatante victoire jamais obtenue par les vaccinations, les rapports de l’O.M.S. montrent que, en d’autres régions (Afrique, Amérique latine), sur trente-quatre pays vaccinés par vaccin vivant, vingt-quatre ont enregistré une augmentation des cas de poliomyélite: de sorte que, si l’on considère soixante-dix pays des régions tropicales ou subtropicales, on constate qu’il y a eu en 1966 une augmentation des cas de poliomyélite allant jusqu’à 300 p. 100. Cet échec apparent tient à des méthodes négligentes, à la faible qualité de certains vaccins, à leur mode défectueux de conservation et à la non-répétition de la vaccination, enfin au mauvais état sanitaire des populations vaccinées dont l’infection latente par des entérovirus réduit les chances de succès du vaccin. On doit donc recommander partout le maintien et la répétition des vaccinations contre la poliomyélite sous peine de voir celle-ci réapparaître sous une forme d’autant plus grave que les populations auront été à la fois dépourvues de la protection vaccinale et privées d’immunisation spontanée.
poliomyélite [ pɔljɔmjelit ] n. f. ♦ Méd. Inflammation ou atteinte dégénérative de la substance grise de la moelle épinière. — Spécialt, cour. Maladie infectieuse et contagieuse d'origine virale qui atteint les cornes antérieures de la moelle épinière et se manifeste essentiellement par des paralysies progressives pouvant atteindre les centres respiratoires du bulbe. ⇒ fam. polio. Séquelles d'une poliomyélite. Vaccin contre la poliomyélite. ⇒ antipoliomyélitique.
● poliomyélite nom féminin (grec polios, gris) Maladie infectieuse due à une atteinte par un poliovirus transmis par contamination alimentaire des cornes antérieures de la moelle épinière. (Abréviation : polio.) ● poliomyélite (expressions) nom féminin (grec polios, gris) Poliomyélite antérieure aiguë, maladie virale aiguë due à un entérovirus, le poliovirus, qui détruit les neurones moteurs de la corne antérieure de la moelle épinière et les noyaux moteurs des nerfs crâniens, provoquant une paralysie des muscles innervés par ces neurones.
poliomyélite
n. f. Maladie infectieuse aiguë, due à un virus neurotrope qui, lésant les cornes antérieures motrices de la moelle, provoque des paralysies locales parfois mortelles et des atrophies musculaires souvent irréversibles.
⇒POLIOMYÉLITE, subst. fém.
MÉD. Inflammation de la substance grise de la moelle épinière; p.ext., processus dégénératif de cette substance (d'apr. MAN.-MAN. Méd. 1977). Cette doctrine de la poliomyélite postérieure s'applique aux zonas (...) de l'extrémité céphalique (RAVAUT ds Nouv. Traité Méd. fasc. 2 1928, p.395).
— En partic. Poliomyélite antérieure aiguë, ou plus couramment poliomyélite. Maladie virale contagieuse, souvent épidémique, caractérisée par des lésions inflammatoires aiguës de la moelle épinière entraînant dans les formes les plus graves, des paralysies parfois irréversibles de certains groupes musculaires et qui atteint plus particulièrement les jeunes enfants. Synon. vieilli paralysie infantile. Épidémie de poliomyélite; séquelles d'une poliomyélite; vaccin contre la poliomyélite; être atteint de la poliomyélite; être paralysé des suites d'une poliomyélite. En 1890, Medin étudie en Suède une série de cas de poliomyélite survenus sous forme épidémique (DOPTER ds Nouv. Traité Méd., fasc. 4 1925, p.1). La paralysie spinale infantile —dite encore paralysie infantile —, infectieuse et épidémique, correspond à un processus inflammatoire intéressant la partie antérieure de la corne grise (...) de la moelle épinière (...); d'où son nom de poliomyélite antérieure aiguë (La Gde encyclop., Paris, Larousse, t.46, 1975, p.9623).
REM. 1. Polio, subst. a) Au fém. Abrév. de poliomyélite (antérieure aiguë). Beaucoup d'autres maladies nerveuses: (...) polio —encéphalite subaiguë (QUILLET Méd. 1965, p.347). Certains anticorps (...) traversent bien le placenta, comme ceux de la rougeole, de la diphtérie, du tétanos, de la polio (R. SCHWARTZ, Nouv. remèdes et mal. act., 1965, p.125). b) Abrév. fam. de poliomyélitique (infra dér.). Les petits polios. Des centres de traitement (...) se sont multipliés au même titre que les associations de polios, d'amis de polios (L'Est Républicain, Magazine dimanche, 27 mai 1984, p.8, col. b). 2. Poliovirus, subst. masc., méd. Virus responsable de manifestations paralytiques (poliomyélite) ou purement infectieuses (rhinopharyngite, diarrhée) (d'apr. Méd. Flamm. 1975, p.590). L'agent causal [de la poliomyélite] est un entérovirus [virus ayant la propriété de se localiser dans le tube digestif] appartenant au groupe des poliovirus et ayant trois types antigéniques différents (PERLEMUTER, CENAC, Dict. prat. de méd. clinique, Paris, Masson, 1977, p.1138).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1892 (L. GUINON et L. ROMME, trad.: BAGINSKY, Traité des maladies des enfants, II, p.129 ds QUEM. DDL t.8). Formé du gr. «gris blanchâtre», et de «moelle»; suff. -ite. Cf. l'angl. poliomyelitis de même sens dep. 1878 ds NED Suppl.2.
DÉR. Poliomyélitique, adj. et subst. a) Adj. Relatif, propre à la poliomyélite. Un virus spécifique (...) capable de reproduire (...) les symptômes, non seulement poliomyélitiques, mais aussi bulbo-protubérantiels (DOPTER ds Nouv. Traité Méd., fasc. 4 1925, p.2). Quand le virus poliomyélitique détruit des cellules multipolaires de la substance grise médullaire, on observe aussi la dégénérescence de cylindraxes dans des fibres des nerfs rachidiens correspondants (CAMEFORT, GAMA, Sc. nat., 1960, p.221). b) Adj. et subst. (Personne) atteint(e) de poliomyélite. Assurer dans les meilleures conditions de sécurité et de rapidité le transport des poliomyélitiques, atteints de formes hautes (Organ. hospit. Fr., 1957, p.36). Les établissements pour enfants et adolescents atteints d'infirmités motrices dans lesquels la réadaptation revêt le double aspect de rééducation fonctionnelle et d'enseignement sont au nombre de 50 environ. Certains relèvent des services d'hôpitaux: mentionnons celui de Garches, à l'hôpital Raymond-Poincaré, spécialisé dans la rééducation des poliomyélitiques (Encyclop. éduc., 1960, p.206). — []. — 1re attest. 1925 adj. et subst. (DOPTER, op. cit., p.2, 14); de poliomyélite, suff. -ique; cf. l'angl. poliomyelitic de même sens dep. 1911 ds NED Suppl.2, s.v. poliomyelitis.
poliomyélite [pɔljɔmjelit] n. f.
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♦ Méd. Inflammation ou atteinte dégénérative de la substance grise de la moelle épinière. ⇒ Myélite. — Poliomyélite postérieure (inflammation des cornes postérieures). ⇒ aussi Zona. || Poliomyélite antérieure aiguë de l'enfance ou maladie de Heine-Medin, qui atteint surtout les jeunes enfants et se présente sous deux formes, l'une sporadique (paralysie spinale infantile) et l'autre épidémique.
♦ Spécialt. (Cour.). Maladie infectieuse et contagieuse d'origine virale qui atteint les cornes antérieures de la moelle épinière et se manifeste essentiellement par des paralysies progressives pouvant atteindre les centres respiratoires du bulbe. || Poliomyélite aiguë de l'adulte. || Poliomyélite chronique. || La poliomyélite, maladie due à des virus, s'accompagne ordinairement de paralysie plus ou moins étendue; elle entraîne parfois la mort. || Vaccin contre la poliomyélite. ⇒ Antipoliomyélitique. || Être atteint de la poliomyélite, ou, fam., de la polio. || Séquelles d'une poliomyélite.
REM. Pour désigner la poliomyélite, la langue médicale évite l'expression paralysie infantile, qui fut longtemps employée dans le langage courant.
0 Les hommes et les femmes, ils pouvaient échapper à tous les massacres et à toutes les guerres, ils pouvaient sortir indemnes des poliomyélites et des accidents de chemin de fer, mais ils n'échapperaient pas à leurs enfants.
J.-M. G. Le Clézio, la Fièvre, p. 223.
➪ tableau Principales maladies et affections.
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DÉR. Poliomyélitique.
COMP. Antipoliomyélitique. — Poliovirus.
Encyclopédie Universelle. 2012.