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AUTARCIE
AUTARCIE

Depuis 1936, on distingue soigneusement en France l’autarcie (l’auto-suffisance) et l’autarchie (le pouvoir absolu). En Angleterre – où l’on parle plus volontiers de self-sufficiency –, les termes autarky et autarchy sont employés indifféremment depuis le XVIe siècle, non sans quelque raison, car le mot grec 見羽精見福﨎精見 qui a donné autarcie signifie seulement auto-suffisance en général (autarcie est d’ailleurs apparu en français en 1796 dans le langage médical), et non pas du tout «auto-suffisance économique d’une nation» (unique sens moderne d’autarcie); d’autre part, historiquement et logiquement, l’idée de pouvoir absolu est étroitement liée à celle de politique d’auto-suffisance nationale.

Simple à réfuter sous sa forme absolue, facile à rejeter sous la forme pathologique et agressive qu’elle avait prise dans certains pays au cours des années trente, l’idée d’autarcie relative se révèle liée à l’existence même des États-nations – ou des ensembles communs d’États-nations – et soulève quelques-uns des problèmes les plus complexes de l’économie contemporaine: organisation des relations économiques internationales, notamment entre pays à niveaux différents de développement, planification nationale du développement et conditions internationales de la croissance.

1. Problèmes de l’autarcie

Autarcie naturelle et autarcie institutionnelle

Il existe une certaine forme d’autarcie naturelle dans les régions des pays sous-développés qui vivent en «économie de subsistance». Leur autarcie est relative: les ethnologues ont montré qu’en fait il y avait toujours échange. Mais ces régions se caractérisent par un faible degré de commercialisation et de monétisation, et par l’existence d’un équilibre de misère. Cette forme archaïque de l’autarcie (cf. chap. 3) retient de nos jours l’attention pour deux raisons: elle est un obstacle au développement, elle assure cependant un niveau de survie.

On parle aussi d’autarcie naturelle sous une autre forme: il existerait des zones géographiques propres par nature à devenir régions autarciques. Le bon sens indique en effet que certains pays sont moins dépendants que d’autres de l’extérieur. Or cette notion de région appelée par vocation à l’autarcie est dangereuse dans la mesure où elle peut servir à justifier une politique de conquêtes. Il convient donc de marquer que logiquement elle est irrecevable pour deux raisons: la définition d’une zone d’auto-suffisance demeure indéterminée, donc arbitraire, car elle varie avec les besoins des hommes qui y vivent, ou voudraient y vivre; d’autre part, les espaces économiques ne sont pas «naturels» mais formés, et déformés, par le jeu des forces de toutes natures, et non pas seulement économiques, qui s’y exercent, et des stratégies complexes qui les infléchissent.

Autarcie absolue et autarcies relatives

À la lettre, l’autarcie ne compte pas de degrés. Il y a donc une différence de nature entre l’autarcie absolue et les autarcies relatives. La première ne peut exister que sous forme de modèle abstrait. C’est ainsi que l’ont utilisée Fichte avec son État commercial fermé, parfaitement rationnel, mais dont il disait lui-même qu’il était irréalisable, von Thünen avec son État isolé, ou A. Lösch avec ses fermes auto-suffisantes situées sur une surface plane et uniforme.

Les secondes apparaissent – en dehors du cas particulier des régions archaïques – avec l’existence même des États-nations, ou des ensembles communs d’États-nations, dont, par définition, le territoire s’oppose institutionnellement au reste du monde.

La première est toute théorique et n’apparaît que par hypothèse, les secondes sont toutes pratiques, et ne peuvent pas ne pas exister à partir du moment où certains espaces économiques sont institutionnellement définis comme différents des autres.

Il n’y a pas d’autarcie absolue, il n’y a que des autarcies relatives. Aucun pays ne peut se développer ni même vivre de façon totalement isolée. Seul le monde en son entier pourrait être considéré comme se trouvant en situation d’autarcie à la fois absolue et naturelle.

Autarcie de repliement et autarcie d’expansion

L’idée d’autarcie peut prendre spatialement et économiquement un double sens, le repliement ou l’expansion (et le plus souvent le repliement pour l’expansion).

Le repliement peut lui-même être double: repliement physique sur un territoire donné que l’on veut isoler (par exemple, pour le mettre à l’abri d’une crise extérieure), repliement économique et social (avec recul ou effondrement du niveau de vie) si les habitants se contentent des ressources de la région considérée – cette forme d’autarcie de misère était violemment rejetée par les autarcistes nazis qui en faisaient au contraire un argument pour l’autarcie d’expansion, afin de ne pas devenir «des demi-singes grimpant aux arbres» (E. Wageman).

L’autarcie d’expansion prend elle-même deux formes. Dans tous les cas, elle tendra à assurer de façon équilibrée le «développement interne» d’une économie complexe en fonction non pas des lois de la spécialisation internationale – coûts comparatifs – mais de l’échelle nationale de productivité des investissements. C’est en ce sens seulement que l’entendent les défenseurs de la politique d’autarcie pour le développement des pays non industriels; il ne s’agit pour eux que d’une autarcie relative et provisoire, une sorte de protectionnisme éducateur renforcé.

Devant l’impossibilité d’y parvenir sans tenir compte des conditions internationales de la croissance, l’autarcie peut devenir une arme d’expansion territoriale à l’extérieur. Les idées de «nation normale», de «frontières naturelles», d’«espace vital» qui tendent à faire coïncider zones économiques institutionnelles et zones dites naturelles d’auto-suffisance servent cette autarcie de conquête, dont la seule issue logique est la domination du monde entier.

2. Histoire de l’autarcie

Un partisan, L. C. Otálora, comme un adversaire, M. A. Heilperin, de l’autarcie sont d’accord pour trouver chez Aristote (La Politique , liv. VII) la première formulation de la théorie de l’autarcie. Pour Aristote, la cité «indépendante», la 神礼凞晴﨟 見羽精見福兀﨟, devait être la moins étendue possible, tout en assurant à ses habitants un bien-être suffisant. Il est notable que les Grecs aient continué dans leurs écrits à témoigner de cette exigence, en quelque sorte morale, de l’auto-suffisance bien longtemps après que la prospérité des cités grecques eut été en fait assurée par les échanges extérieurs; la notion d’autarcie est traversée d’éléments non économiques, l’on ne cessera de le vérifier par la suite.

Sauf peut-être dans un certain mercantilisme «sauvage», les auteurs du XVIe et du début du XVIIe siècle, qui furent les pionniers de l’économie politique constituée comme science, sont loin d’avoir défendu l’idée de l’autarcie absolue. Mais, à coup sûr, celle d’autarcie relative eut de nombreux adeptes: prohibition de l’importation des «marchandises de main-d’œuvre» concurrentes des produits nationaux, et de l’exportation des matières premières, nécessaires pour le développement de l’industrie nationale, et même accumulation du métal précieux qui représentait la volonté d’un type d’importation privilégié. Ils mettent cependant moins l’accent sur l’isolement de la nation que sur son développement (les manufactures). Il y a donc chez eux deux tendances, l’une vers le repli (Antoine de Montchrestien: «La France doit vivre pour elle-même et par elle-même»), l’autre vers l’expansion, l’économie de puissance (Colbert).

C’est avant tout dans L’État commercial fermé (Der geschlossene Handelstaat ) publié par J. G. Fichte en 1800 que les autarcistes allemands des années trente, comme les autarcistes contemporains, reconnaissent le premier modèle systématiquement constitué de l’autarcie. Pour Fichte, l’autarcie n’est qu’un instrument parmi d’autres pour parvenir à faire régner de façon rationnelle la justice et le bien-être dans une société donnée. Il développe à ce sujet une théorie minutieuse de la planification et du socialisme. C’est pour éliminer l’influence perturbatrice du commerce extérieur que cet État rationnel devrait être entièrement fermé. Mais, et la nuance est importante car c’est celle que retiendront surtout les auteurs allemands de l’entre-deux-guerres, cette «fermeture» ne devrait intervenir qu’après que l’État, pour devenir rationnel, aura conquis, au besoin par la guerre – Fichte le précise expressément – ses «frontières naturelles».

Tout au long du XIXe siècle se manifestèrent, en particulier aux États-Unis, mais aussi, par exemple, en France et en Allemagne, des tendances autarciques dont on a pu retracer l’histoire. Cependant, c’est surtout avec la crise générale de 1929 que va s’opérer un retour au nationalisme économique et se manifester une tendance au repliement économique au sein de zones protégées, phénomènes qui n’épargneront aucun pays, et notamment pas l’Angleterre, ancien bastion du libre-échange (conférence impériale d’Ottawa en 1932). John M. Keynes publiera en 1933 une étude sur la national self-sufficiency , où il développe l’idée que «dans les circonstances du moment, les avantages de la politique d’auto-suffisance sont très supérieurs à ceux qu’une nation obtiendrait par la spécialisation internationale».

Mais, par la conjonction de tout un ensemble de raisons («spectre du blocus» de la guerre de 1914, crise mondiale de 1929, catastrophe bancaire de 1931 et immobilisation des crédits étrangers, effets des restrictions britanniques, françaises et belges à l’importation de produits allemands, poids de quelque cinq millions de chômeurs, influence des idées lancées par F. Fried et diffusées par Die Tat et le Front noir d’O. Strasser, enfin, montée du nazisme lui-même et préparation systématique à la guerre), c’est en Allemagne que cette tendance générale au nationalisme économique se transforma dans les années trente en une doctrine cohérente de l’autarcie volontaire, conçue à la fois comme l’instrument et la justification de la préparation à la guerre.

Tout d’abord, avec le «plan nouveau» du Dr Schacht, l’Allemagne adopta en 1934 une série de mesures défensives fondées sur le principe de la réciprocité généralisée: accords de clearing et système de compensation en nature (troc). Mais ce retour à un bilatéralisme élémentaire s’accompagnait de la volonté de refondre les structures internationales du commerce par l’aménagement de zones constituées autour de «pays noyaux» (en fait, pays dominants), par exemple, pour l’Allemagne, la zone comprenant les pays de l’Europe orientale et méridionale et même certains pays d’Amérique du Sud.

Avec le «plan de quatre ans» annoncé par Hitler au congrès de Nuremberg en 1936, l’Allemagne passa directement à l’économie de guerre, Hermann Göring recevant les pleins pouvoirs pour l’approvisionnement du pays en devises et en matières premières indispensables (constitution de stocks stratégiques, préparation d’une «industrie ombre» prête à produire en cas de guerre, etc.). Sur le plan de la propagande, une dialectique combinant le mot d’ordre de l’autarcie et la conquête d’un espace vital de dimension quasi mondiale annonçait un paroxysme tragique de «conciliation des contraires» tandis que les mesures prises renforçaient effectivement l’autarcie de guerre (mise au point de divers produits synthétiques, exploitation de mines nouvelles ou abandonnées, recherche de l’auto-suffisance alimentaire).

Des tendances semblables se manifestèrent en Italie (bataille du blé, développement de l’équipement hydro-électrique, conquête coloniale) et au Japon (bloc du yen, avec, sous la dépendance du Japon, la Corée, Formose, le Guangdong et la Mandchourie).

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’idée d’autarcie relative est toujours demeurée présente, inavouée, à l’arrière-plan des grandes négociations internationales, et notamment lorsqu’il s’agit de constituer, puis de défendre, des ensembles communs d’États-nations (qui, du point de vue spatial, tendent à occuper ce que A. Predöhl appelle des «champs de force» homogènes, et, du point de vue économique, oscillent entre une politique de repli relatif et une politique de plus large ouverture à l’ensemble du commerce mondial).

Premièrement, l’on constate généralement que le développement de ces pays passe par une phase d’économie «dualiste»: certaines régions étant encore vouées provisoirement à l’autarcie archaïque naturelle, tandis que se développent d’autres régions dites d’économie de marché et d’économie ouverte, généralement les régions côtières avec relations économiques internationales plus ou moins intenses.

Bien plus, devant les conséquences dramatiques au point de vue alimentaire de certaines expériences de développement par l’exportation ou par l’industrialisation, un certain nombre d’experts en sont arrivés à préconiser le retour volontaire, pour une durée limitée, à une simple économie de subsistance pour certaines régions sous-développées aux habitants desquelles cette forme d’autarcie archaïque naturelle peut assurer au moins un niveau de survie.

Deuxièmement, si nul ne refuse de prendre en considération les conditions internationales de la croissance (les liaisons entre le développement économique et les conditions de l’échange ou de l’investissement international), la gamme des politiques économiques et des théories est suffisamment vaste pour que certaines d’entre elles se rapprochent des théories de l’autarcie relative. C’est le cas, par exemple, dans une certaine mesure, de ce que l’on était convenu d’appeler «voie chinoise» du développement, fondée sur l’agriculture et l’accumulation nationale du capital. La plupart des théoriciens ont laissé au plan national, et non pas au simple jeu de la loi de proportion des facteurs (d’Heckscher-Ohlin), le soin de déterminer le choix des investissements. Enfin, dans la célèbre opposition (qui mérite d’ailleurs d’être nuancée à la fois théoriquement et historiquement) entre la théorie de la croissance équilibrée (Ragnar Nurkse) et celle de la croissance asymétrique (A. O. Hirschman), on peut signaler que la première fait davantage appel aux théories de l’auto-suffisance, notamment en ce qui concerne la formation du capital national. Mais on peut noter, par exemple, que même Hirschman recommande de diminuer les exportations pour augmenter les ressources disponibles pour l’industrie nationale. De même, au début des années cinquante, Maurice Byé soulignait-il la revendication d’un développement introverti dans les pays du Tiers Monde. La croissance extravertie, si souvent dénoncée au moment de leur accession à l’indépendance, fut envisagée comme une séquelle du «pacte colonial» [cf. MERCANTILISME]. Mais quelle allait être désormais la possibilité de concilier les plans nationaux et ceux des grandes firmes (désignées sous les initiales G.U.I., «grandes unités interterritoriales», avant que n’aient prévalu les expressions «firmes multinationales» ou «transnationales»).

Absolument distinctes des plaidoyers en faveur de l’autarcie, les thèses du développement autocentré ont été de plus en plus préconisées à l’échelle des regroupements régionaux (A. Grjébine) et sans doute en va-t-il de même des stratégies d’autonomie collective (E. Paléologue), dans la mesure où elles rejoignent l’affirmation de préférences nationales de structure et où elles se concilient avec le besoin de «coopération sans exclusive».

Troisièmement, en dehors des théories purement verbales de l’«indépendance» nationale proclamées par certains hommes politiques des nouvelles nations (ou «quasi-nations» selon l’expression de F. Perroux), qui conduisent chaque pays à «réclamer son haut fourneau» – c’est ce que l’on a appelé le «nationalisme du boulon» (dépendre de l’étranger, ne serait-ce que pour les boulons, c’est mettre toute l’économie nationale en situation de dépendance, a déclaré un chef d’État africain: à la limite une telle déclaration devrait évidemment conduire à l’autarcie absolue...) –, certains auteurs en sont arrivés à restaurer une théorie complète de l’autarcie. C’est le cas du professeur colombien L. C. Otálora qui, prenant notamment appui sur les idées de Fichte, de Keynes et des corporatistes italiens, ainsi que sur les modèles présentés en 1960 par Shinitu Ichimura, constate que l’autarcie est «la seule solution logique, naturelle et réaliste» du problème posé par le développement de ce qu’il appelle les «nations prolétaires», que l’organisation actuelle de la division internationale du travail et les fluctuations du marché mondial «exproprient» de leurs richesses au profit des grands pays industriels.

3. Autarcie, libre-échange et coopération économique internationale

Les problèmes que posent les autarcistes sont loin d’être imaginaires. Mais la logique de la solution qu’ils proposent n’a-t-elle pas un point essentiel en commun avec celle du libre-échange qu’ils combattent? En effet, chacun des deux systèmes ou bien s’appliquerait au monde entier considéré comme un tout, et il n’y aurait plus entre eux de différences (il n’y aurait plus d’«extérieur» contre lequel se défendre ou auquel il faudrait s’ouvrir), ou bien ne s’appliquerait que dans une zone institutionnellement définie, qui, par définition, dans l’un et l’autre cas, s’oppose au reste du monde, les uns mettant l’accent sur le libre-échange existant à l’intérieur de la zone considérée, les autres sur l’opposition de cette zone au reste du monde; dans chacun des cas, l’on a affaire à un système mixte, composite, dont la logique participe à celle de l’autre. Ainsi s’expliquent d’ailleurs tant de polémiques sur les «marchés communs», pour les uns, début d’organisation du libre-échange dans une zone limitée, pour les autres, manifestation de tendances autarciques faisant obstacle au libre-échange sur le plan mondial.

D’autres polémiques resurgissent lors des sursauts des protectionnismes de crise, que les uns justifient, en reprenant l’accusation d’impérialisme, au détriment des pays de la périphérie (détérioration des termes de l’échange, aggravation de l’endettement, investissements étrangers, fuites de capitaux, etc.) tandis que les autres dénonceront un processus cumulatif, avec représailles d’un pays ou groupe de pays à un autre et marche inéluctable vers l’autarcie sous sa forme absolue. Cependant, en dépit des précédents évoqués, le protectionnisme de crise, même généralisé comme dans les années trente, ne se confond nullement avec celle-ci, d’ailleurs devenue, en se combinant avec une revendication d’espace vital, une autarcie d’expansion (ou de guerre): le relèvement des tarifs douaniers (aux États-Unis, dès 1930), les premiers contingents (en France), l’abandon du libre-échange (en Grande-Bretagne, après quelque soixante-quinze ans, en 1931), etc., témoigneraient plutôt de la résolution de maintenir, sinon les mêmes structures d’échange, du moins des mêmes lignes d’évolution structurelle.

On pouvait déjà le constater au cours des précédents «grands tournants de conjoncture» par exemple, pour la France des années 1880 et 1890 (continuité des préférences de structure du côté des importations et même des exportations en dépit d’un renversement apparent de politique commerciale, tout comme, à l’inverse, lors des traités libre-échangistes de 1860-1861). Une notable différence pour les réactions protectionnistes tient au jeu d’incessantes négociations internationales. Sans espérer encore les résultats décisifs dans le sens d’un nouvel ordre mondial, ce pourraient être d’importants progrès dans le sens de la coordination des politiques agricoles et industrielles – et des accords de coopération entre États à systèmes économiques et niveaux de développement différents.

En fait, puisqu’il n’existe pas de gouvernement mondial, puisque l’on doit admettre pour une période de temps encore longue la diversité des solutions escomptées dans les programmes ou plans de développement selon les pays ou les régions du monde, puisque pendant des décennies se manifesteront les grandes inégalités de niveau et de rythme de développement entre les nations ou groupes de nations, il semble bien qu’il faille tendre, grâce aux efforts de négociation et de coopération intergouvernementales, vers une harmonisation généralisée des croissances économiques et démographiques.

autarcie [ otarsi ] n. f.
• 1931; « sobriété, frugalité » 1793; gr. autarkeia, de autos « soi-même » et arkein « suffire »
Didact. État d'une collectivité humaine qui se suffit à elle-même, a très peu d'échanges commerciaux avec l'extérieur. Vivre en autarcie. Politique, régime d'autarcie. autoconsommation. Autarcie forcée en cas de blocus. Par ext. État de ce qui se suffit à soi-même, n'entretient pas d'échange avec l'extérieur. Autarcie intellectuelle.

autarcie nom féminin (grec autarkeia, de autos, soi-même, et arkein, suffire) Situation d'un pays qui tend volontairement à se suffire à lui-même sur le plan économique. (Elle peut résulter de la volonté d'un État de modifier la structure sociale et économique à l'abri des influences étrangères ou, en vue de la préparation à la guerre, du refus de toute dépendance économique à l'égard de l'étranger.) Doctrine qui préconise cette situation.

autarcie
n. f. Système économique d'un état, d'une région fermés aux échanges avec l'extérieur et vivant de leurs propres ressources.

⇒AUTARCIE, AUTARCHIE, subst. fém.
I.— Vx et inus. ,,Satisfaction intérieure; modération, tempérance`` (Ac. Compl. 1842).
MÉD. ,,Frugalité, tempérance et sobriété. C'est l'opposé d'aplessie`` (BESCH. 1845).
Rem. Seul sens mentionné par NYSTEN 1824, Ac. Compl. 1842, BESCH. 1845, LITTRÉ-ROBIN 1865, Lar. 19e.
II.— Usuel. État d'une collectivité qui se suffit à elle-même pour la production et la consommation des biens.
ÉCON. POL. Régime économique dans lequel un État n'effectue pas ou effectue peu d'échanges commerciaux avec l'extérieur, soit par politique délibérée, soit contraint par les circonstances (guerre). Synon. économie fermée :
1. ... cependant qu'elles [les nations] tendent à se constituer chacune en système autonome, en économie fermée, en autarcie (comme on dit aujourd'hui), elles font de leur mieux pour produire bien plus qu'elles ne peuvent consommer, avec l'idée naïve d'écouler à l'extérieur leur surabondance, tout en recevant le moins possible de la surabondance des autres.
VALÉRY, Regards sur le monde actuel, 1931, p. 203.
2. Il n'y a pas cinquante ans, chacun de ces domaines avait son four à pain, rouissait son chanvre, filait sa laine, ne vendait, n'achetait ou n'échangeait presque aucun produit, vivait enfin dans une autarcie presque complète. Chaque chef de famille était une sorte de roi patriarcal. Cette autonomie économique avait été favorable au développement des fortes personnalités.
VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 138.
3. Fréquent en temps de guerre où il est imposé par les circonstances, ce système est, dans les temps modernes, non réaliste étant donnée la multiplication des communications et la diversité des ressources. En tant qu'isolationnisme, l'autarcie condamne à une vie réduite la collectivité qui l'applique.
MUCCH, Sc. soc., 1969.
Au fig. Tout système autonome. Autarcie intellectuelle :
4. Il leur [aux musiciens] paraît glorieux de constituer avec leur musique une autarchie — pour ne point dire un système cosmique à part — qui s'administre par ses seules lois. Ils excluent de leur analyse des formes musicales tous les éléments psychologiques et historiques, comme étrangers.
R. ROLLAND, Beethoven, t. 1, 1928, p. 16.
5. L'Allemagne, jusqu'en 1933, a tenu à cœur de traduire presque toutes les œuvres importantes de la littérature européenne contemporaine. L'autarchie intellectuelle du régime politique actuel, allant de pair avec l'autarchie industrielle et commerciale, entrave l'activité traductrice.
Arts et litt. dans la société contemp., 1936, p. 5612.
SYNT. Autarcie de repliement, — nationale, — impériale « vie en circuit fermé avec les territoires d'outre-mer » (cf. Lar. encyclop.). Autarcie d'isolement, — d'expansion (PERROUX, L'Écon. du XXe s., 1964, p. 88), — du IIIe Reich (H. TINARD, L'Automob., 1951, p. 345), politique d'- et d'expansion économique (B. CHENOT, Les Entr. nationalisées, 1956, p. 10), vivre en — (ROB.).
PRONONC. : autarcie [].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. 1793 méd. autarcie (J.-F. LAVOISIEN, Dict. portatif de méd., Paris, Barrois : Autarcie ... frugalité, sobriété, tempérance; ... contentement que l'on reçoit de son état. Il est opposé à aplestie [avidité insatiable]), ,,inusité`` d'apr. NYSTEN 1814-20; 2. 1896 pol. autarchie « gouvernement considéré comme personne autonome, ne subissant aucune contrainte et pratiquant un système d'économie fermée » (P.E.M. REVEILLÈRE, Tutelle et Autarchie — titre d'un ouvrage cité par DAUZAT, Ling. fr., p. 198); 1918 autarchie (LICHTENBERGER, PETIT, L'Impérialisme économique allemand, p. 73, ibid. : autarchie économique), forme très empl. surtout apr. la 1re guerre, jusque vers 1930 où triomphe autarcie; 1931 écon. autarcie « système d'économie autonome, économie fermée », VALÉRY, supra.
1 empr. au gr. « qualité de celui qui se suffit à soi-même » (ARISTOTE, Nic., 1, 7, 5 ds BAILLY) d'où « qualité de celui qui se contente de ce qu'il a »; 2 prob. créé à partir du préf. auto- et de l'élément suff. -archie (Meillet ds Fr. mod., t. 1, p. 116); le mot s'est répandu apr. la 1re guerre mondiale à la faveur du terme all. Autarkie [la finale étant assimilée à -archie] (KLAPPENBACH-STEINITZ, Wörterbuch der deutschen Gegenwartssprache, t. 1, p. 395), directement empr. au gr. dans l'accept. pol. et écon. aristotélicienne, recouvrant à la fois l'idée de « gouvernement autonome, pouvoir absolu » (gr. ) et l'idée d'« indépendance économique », de « système où le pays doit se suffire à lui-même » selon la doctrine d'autarcie nationale répandue dans les pays totalitaires av. la 2e guerre mondiale (v. ROMEUF); autarcie restitué par les philologues d'apr. l'étymon gr. (Dauzat, Meillet, loc. cit.; Spitzer ds Fr. mod., t. 2, p. 29).
STAT. — Fréq. abs. littér. :8.
BBG. — AQUIST. 1966. — BARR. 1967. — BAUDHUIN 1968. — BIROU 1966. — DAUZAT Ling. fr. 1946, p. 197. — FOULQ.-ST-JEAN 1962. — GEORGE 1970. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — MUCCH. Sc. soc. 1969. — NYSTEN 1824. — ROMEUF t. 1 1956. — SCHÖNE (M.). À l'Office de la lang. fr. R. universitaire. 1938, n° 1, pp. 422-423. — SUAVET 1970. — TOURNEMILLE (J.). Étymol. et impropriétés. Déf. Lang. fr. 1966, n° 34, p. 20.

autarcie [otaʀsi] n. f.
ÉTYM. 1931; autarchie, 1896; autarcie « sobriété, frugalité; bien-être », 1793; grec autarkeia, de autos « soi-même », et arkein « suffire ».
Didact. État d'un groupe, d'un pays qui se suffit à lui-même, n'a pas besoin de l'étranger pour satisfaire à ses besoins; économie fermée. || Vivre en autarcie. || Politique d'autarcie, d'isolement économique. Autoconsommation, autosuffisance.
Par ext. État de ce qui se suffit à soi-même, n'entretient pas d'échanges avec l'extérieur. || Autarcie intellectuelle. Autonomie.
DÉR. Autarcique.

Encyclopédie Universelle. 2012.