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SALADIN
SALADIN

Saladin (en arabe プal ム ed-d 稜n) est l’un des plus illustres souverains du Moyen Âge musulman. Sa popularité est surtout due à la «guerre sainte» qu’il a conduite contre les «Francs» établis en Syrie-Palestine depuis la croisade de 1097-1099. Champion de la contre-croisade, c’est lui qui reprit Jérusalem au nom de l’islam en 1187 et lutta contre la troisième croisade entre 1190 et 1192.

Les débuts de la reconquête

Au XIIe siècle, ce qui restait de Syrie mulsulmane était aux mains de princes turcs, dont le plus important, N r ed-d 稜n (1146-1174), avait clairement défini et propagé le programme de la reconquête: réunification politique pour se donner les moyens de la guerre sainte favorisée par la propagande rendant impopulaires les princes refusant de s’y engager; lutte, dans le même esprit de réunification, contre les hérésies intérieures et leur principal représentant extérieur, le califat f レimide du Caire, de doctrine ism ‘ 稜lienne.

N r ed-d 稜n avait finalement réalisé à son profit l’unité de la Syrie musulmane et d’une partie de son arrière-pays mésopotamien, envoyé son lieutenant Sh 稜rk h détruire le régime f レimide, et remporté sur les Francs des succès qui, pour être restés inachevés, n’en étaient pas moins déjà importants. Mais sa mort risquait de réduire son œuvre à néant, car il ne laissait qu’un jeune fils mal entouré.

Dans ses troupes avaient figuré, à côté des Turcs, des Kurdes, dont Sh 稜rk h était le plus éminent; mais ce dernier mourut au moment même de son triomphe. Le pouvoir nouveau avait été sauvé par la décision de son neveu, プal ム ed-d 稜n, Kurde comme lui et fils d’Ayy b qui donna son nom à la nouvelle dynastie; il écrasa les révoltes intérieures et les attaques extérieures franco-byzantines combinées. Pour tous ceux qui désiraient continuer ce qu’avait commencé N r ed-d 稜n, il apparaissait que seul プal ム ed-d 稜n en avait la volonté, la capacité et les moyens. プal ム ed-d 稜n sut merveilleusement profiter de cette situation pour reconstituer et étendre à son profit (ou à celui de sa famille) l’unification politique nécessaire à la guerre sainte commencée par son prédécesseur. Maître non seulement de la Syrie intérieure et d’une partie agrandie de la Mésopotamie, mais encore de l’Égypte, il encerclait les petits États francs de la bordure syro-méditerranéenne. La chance l’aida lorsque la lèpre du jeune roi de Jérusalem, Baudouin IV, et les querelles qui éclatèrent autour de lui eurent sapé ce que ces États pouvaient conserver de force de résistance. Les premiers combats livrés aux Francs par Saladin n’avaient pas été tous heureux; mais, en 1187, à la bataille de ネa 稜n près de Tibériade, l’armée franque fut anéantie et le nouveau roi de Jérusalem, Guy de Lusignan, fait prisonnier; Jérusalem alors fut reprise, après quelque quatre-vingt-huit ans de domination «infidèle»; puis, en quelques mois, lui furent ajoutés presque tout le royaume et d’importantes parties du comté de Tripoli et de la principauté d’Antioche, les Francs ne conservant plus que quelques ports reliés entre eux par mer. Les proclamations triomphales envoyées à travers le monde musulman y consacrèrent la gloire du vainqueur.

La lutte contre la croisade

Cependant, le triomphe même provoqua la plus forte crise du règne. L’émotion suscitée en Occident par la chute de Jérusalem entraîna la formation d’une nouvelle croisade, à laquelle les rois de France et d’Angleterre et l’empereur allemand s’apprêtèrent à participer en personne, ainsi que les villes marchandes italiennes dont la flotte était nécessaire. Si l’empereur mourut au seuil de la Syrie, alors que son armée était épuisée, Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion, devancés par une partie de leurs hommes, vinrent effectivement, et l’ensemble de leurs forces constituait certainement la plus grande armée «franque» que l’Orient eût jamais vue. Guy de Lusignan, libéré, ne voulant pas abandonner au bénéfice de Conrad de Montferrat, qui avait sauvé Tyr, ses droits assez contestés à la couronne de Jérusalem, avait, avec les premiers renforts, réinvesti Acre, le principal port de la côte. Les hostilités se déroulèrent schématiquement de la façon suivante: dans Acre se trouvait la garnison musulmane, autour d’Acre l’armée assiégeante franque, mais à proximité de celle-ci les troupes de Saladin la tenant à son tour dans un demi-siège, préjudiciable à ses communications et à son ravitaillement. L’échec final des musulmans tint pour une part à leur mode de combat, insuffisamment adapté à celui de l’armée franque, mais surtout à la lassitude des alliés, voire des parents et des soldats de Saladin lui-même. Le prestige et la puissance de celui-ci avaient contraint ses alliés et ses vassaux à lui amener leurs contingents, mais jamais campagne n’avait été aussi longue, et celle-ci n’avait même pas la perspective d’un butin compensateur. Les terres dont les officiers tiraient leur revenu requéraient leur présence, et les trésors des États s’épuisaient à les soutenir au-delà de leur temps normal de service. Il fut impossible d’empêcher les croisés de réoccuper, après Acre, Jaffa et Ascalon, et l’on envisageait leur marche sur Jérusalem. Toutefois, eux aussi étaient fatigués, et les rois impatients de rentrer chez eux. Une sorte de trêve fut conclue entre Richard Cœur de Lion et Saladin; elle accordait aux croisés le droit de visiter les Lieux saints, laissait aux Francs les places côtières reconquises par eux, mais aux musulmans Jérusalem et le reste des conquêtes de Saladin. En fait, une sorte de coexistence pacifique résulta, pendant un demi-siècle, de la commune conscience de l’impossibilité où chacun était de détruire l’autre, et du prix démesuré payé pour les efforts contraires.

Saladin mourut le 4 mars 1193, laissant le souvenir d’une figure inégalée, mais sans avoir réalisé tout à fait ce qu’il avait rêvé. L’unité du monde musulman n’avait été que partielle; le califat, retenu par d’autres soucis, l’avait mollement soutenu; les Almohades d’Occident, dont on avait cherché l’aide navale, n’avaient pas répondu. Par scrupule religieux, Saladin avait supprimé des impôts, mais les victoires n’avaient pas procuré de rentrées équivalentes. La flotte qu’il avait reconstituée ne put être conservée.

Politique intérieure

La politique intérieure de Saladin, si elle a moins contribué à sa gloire, n’en mérite pas moins une mention. Sans parler des transformations introduites dans le régime des terres et l’organisation militaire par le seul fait de la prise du pouvoir par une armée mettant en place des institutions différentes de celles de l’Égypte, sans parler non plus de la construction au Caire de la puissante citadelle du Muqattam destinée à assurer son pouvoir, Saladin a marqué l’histoire de l’Égypte en y étendant la politique d’orthodoxie que N r ed-d 稜n avait inaugurée en Syrie: essentiellement par la fondation de madrasas , écoles juridico-religieuses semi-officielles destinées à la formation des cadres du régime. Néanmoins, il faut rappeler que la guerre sainte, pour Saladin comme dans la Loi musulmane en général, ne signifie pas persécution des non-musulmans soumis, tant qu’ils sont fidèles: s’il convient de se méfier de quelques éléments pro-latins, on peut d’autant mieux s’appuyer sur les autres, d’ailleurs majoritaires, et, dans Jérusalem reconquise, Saladin attira les melkites (chrétiens arabisés de rite grec) et les juifs. A fortiori ne refusait-il pas un accueil favorable aux marchands italiens qui, en échange des denrées importées par eux en Europe, fournissaient le bois et le fer indispensables aux armements de Saladin contre les croisés mêmes.

L’idée dominante de Saladin a été la guerre sainte; ce fut aussi, plus tard, celle de Saint Louis. Mais, chez l’un comme chez l’autre, elle n’avait de sens qu’accompagnée d’une absolue dignité de comportement qui lui conférait sa valeur. Cette élévation a pour tous deux, au-dessus des barrières confessionnelles, forcé l’estime des contemporains et de la postérité. Le grand écrivain ‘Im d ed-d 稜n al-I ルfah n 稜 et le q d 稜 Ibn Shadd d, entre autres, ont écrit des vies de Saladin, et un chef de l’Égypte moderne a relevé face à Israël le titre d’al-n ルir (le victorieux) que Saladin avait porté face aux croisés. Quant à ces derniers, une fois rentrés en Europe, ils colportèrent l’image d’un prince qui eût été digne d’être chrétien et chevalier. Il y avait eu un projet de mariage entre son frère al-‘ dil et une sœur de Richard Cœur de Lion. Les romans postérieurs ont fait de Saladin un personnage de souche chrétienne secrète, dont une reine de France devait être amoureuse... Aucun autre prince musulman n’a eu tel honneur!

Encyclopédie Universelle. 2012.