BASTIA
BASTIA
Préfecture du département de la Haute-Corse, Bastia (38 700 hab. en 1994) jouit au nord-est de l’île, à 55 kilomètres de l’île d’Elbe et à 110 kilomètres de Livourne, d’une position très avantageuse: au nord, le cap Corse avec ses vignobles fameux (Patrimonio), région traditionnellement fertile, en net recul cependant; au sud, la vaste plaine orientale, mise en valeur depuis la fin de la guerre d’Algérie, terre déjà cultivée par les Romains, puis pendant des siècles tombée à l’abandon à la suite des grandes invasions et de l’implantation de la malaria.
Bastia est-elle Blesinôn, l’un des ports de l’île cités par Ptolémée? Cardo, Erbalunga, villages aujourd’hui, furent, pendant le haut Moyen Âge, mentionnés longtemps avant Bastia, qui ne fut d’abord que Marina di Cardo.
Le port est de toute évidence une création artificielle. Le nom de Bastia, qui signifie fortification, rappelle vraisemblablement sa fondation en 1383 par Lemello Lomellino. L’enceinte fut construite entre 1481 et 1488 et la citadelle ne fut elle-même achevée qu’en 1553.
Mais la proximité de l’Italie, qui lui valut d’être le siège du gouvernement génois et de son vicaire général dès 1453, fait très tôt de Bastia la vraie capitale de la Corse. Longtemps, le contraste reste marqué entre la population génoise de la citadelle ou Terra nova, protégée par ses fortifications, et le quartier peuplé d’autochtones de Terra vecchia.
Le contraste architectural est encore perceptible entre Terra nova et Terra vecchia: plan régulier, élégance des bâtiments ici, dédale de rues étroites et mouvementées là. La banque et le port connaissent au cours du XVIIe siècle une rapide progression, mais les forces vives de la population corse demeurent à l’intérieur de l’île, autour de Corte. Le commerce de Bastia, concurrencé fortement par celui des autres ports, en particulier par les florissantes marines du Cap, ne s’impose pas sans mal. Peu à peu, la nécessité de collaborer amène l’antagonisme des populations corse et génoise à s’atténuer. Le Cap, la région de Castaniccia envoient à Bastia de plus en plus d’habitants et Gênes doit en tenir compte: au début du XVIIIe siècle, le Conseil des anciens est composé à égalité de Corses et de Génois. D’ethnique, l’antagonisme se fait alors économique.
Les «révolutions» corses qui ont eu lieu au XVIIIe siècle s’en prennent fréquemment à Bastia comme siège du gouvernement colonialiste et comme ville de la bourgeoisie marchande.
La Corse est annexée par la France en 1769 mais c’est la Révolution française qui gagne Bastia et la Corse à la «cause française». Bombardée en février 1794 par la flotte de Nelson, qui profite des troubles de France pour créer un royaume anglo-corse, Bastia ne se rend qu’en mai. Sous le Directoire, la France doit reconquérir la Corse. L’enseignement est favorisé: un collège secondaire est créé à Bastia.
Pendant l’Empire, la Corse est constituée de deux départements: le Liamone, chef-lieu Ajaccio, et le Golo, chef-lieu Bastia. En 1811 a lieu la réunification de l’île en un seul département. Cette situation dure jusqu’en 1975, date à laquelle Bastia devient préfecture du département de la Haute-Corse.
Au début du XIXe siècle, la ville connaît pourtant un remarquable développement, avec la suppression des «droits à l’exportation des produits du sol». Le vin, l’huile d’olive, la soie même (industrie qui ne dure guère) sont expédiés sur le continent. L’artisanat prospérait alors comme aujourd’hui. Avec ses journaux, son théâtre, qui n’existe plus, son collège, ses cercles littéraires, Bastia s’affirme comme capitale culturelle. Sous le second Empire, après avoir élevé son palais de justice, Bastia, avec sa cour d’appel, arrache à Ajaccio devenu chef-lieu l’autorité juridique en Corse.
Les deux villes sont enfin reliées par le chemin de fer en 1894. Les communications sont restées difficiles. Plus que jamais, Ajaccio est ville administrative et Bastia ville de travail et de production.
Centre économique important, Bastia est en fait la seule ville vraiment active d’une île curieusement en marge de l’ère industrielle. Sur près de 20 kilomètres au sud de la ville s’étend la zone industrielle, qui ne cesse de se prolonger en liaison avec la mise en valeur de la plaine orientale. Au port aboutissent les produits de celle-ci et du Cap, vins, tabac, agrumes, essentiel des exportations de l’île, et sa propre ressource. Le port de Bastia, avec 60 p. 100 du trafic de marchandises de l’île et le premier rang des ports corses pour le trafic des passagers, se place parmi les importants ports français de la Méditerranée.
Des ateliers de mécanique, des fabriques de meubles, de matériaux de construction, des usines de cigarettes se succèdent sans interruption jusqu’à l’aérodrome international de Bastia-Poretta qui connaît un trafic croissant. C’est à Bastia qu’a été implantée en 1957 la Société de mise en valeur de la Corse (Somivac), société d’économie mixte financée par l’État et le Crédit agricole, chargée d’assurer la mise en valeur de terres dont elle n’était pas propriétaire. En 1984, la Somivac a été scindée en deux organismes: l’Office de développement agricole et rural et l’Office d’équipement hydraulique de la Corse. C’est à Bastia aussi que les mouvements autonomistes ont connu le plus de vigueur: autonomisme conservateur de l’Action régionaliste corse (A.R.C.), autonomisme socialiste du Partitu di u populu corsu (P.P.C.), auxquels s’ajoute le mouvement Giustizia paolina qui s’est illustré par de nombreux attentats et plasticages d’édifices publics. À une époque où l’avenir de l’île est sur ses côtes, Bastia, bien plus qu’Ajaccio et souvent contre Ajaccio, assume le rôle historique de conscience régionale, sinon nationale, et illustre de façon parfois violente le fossé qui sépare Paris des identités culturelles de la province.
Encyclopédie Universelle. 2012.