ÉVIDENCE
ÉVIDENCE
Elle est souvent définie comme une certitude immédiate: si un objet est donné, si l’on a présenté à l’esprit la signification d’une proposition bien formée, on n’en doute point, on les saisit d’emblée, ils paraissent évidents. En fait, le problème est plus compliqué. D’abord, la certitude peut être médiate, non immédiate, et quand elle l’est (au fil d’un raisonnement, ou par le détour d’un témoignage), elle peut être aussi ferme que lorsqu’elle est immédiate, voire davantage (dans les cas où le sentiment de l’immédiat ne recouvre qu’illusion, méprise, ignorance des médiations). Ensuite, il semble, comme l’a vu Husserl, que le vocabulaire de l’évidence et celui de la certitude appartiennent à des registres de pensée différents: l’évidence est langage d’intuition, la certitude est langage de vérification, de formalisation. Une chose peut être donnée ou comprise: elle est alors, à un titre ou à un autre, visée et appréhendée. Mais une démarche distincte consiste à se demander si elle est vraie ou non, puis à inventer une procédure pour en décider. Ne point se poser la question du vrai et du faux, ne point douter de l’objet parce qu’on le tient sous le regard des sens ou de l’esprit, n’est pas forcément un signe que l’évidence a tous les titres pour s’imposer: l’absence de mise en doute peut venir de mauvaises raisons (préjugé, habitude, inaptitude intellectuelle, passion); en outre, le seul moyen de trancher entre ce qui paraît évident et ce qui l’est effectivement est de consentir à la critique. Aussi bien, même si l’on accorde que la saisie du vrai a lieu par intuition (laquelle suppose proximité, présence de l’objet), il faut maintenir que toute évidence, même éprouvée, reste à prouver.
évidence [ evidɑ̃s ] n. f.
1 ♦ Caractère de ce qui s'impose à l'esprit avec une telle force qu'il n'est besoin d'aucune autre preuve pour en connaître la vérité, la réalité. ⇒ certitude. La force de l'évidence. Évidence empirique, sensible, fondée sur la constatation des faits. C'est l'évidence même (cf. Cela saute aux yeux). Se rendre à l'évidence : finir par admettre ce qui est incontestable. Nier l'évidence. « mes belles anglaises lui avaient permis de refuser l'évidence de ma laideur » ( Sartre).
♢ Par ext. Chose évidente. ⇒ lapalissade , truisme. C'est une évidence ! Démontrer une évidence (cf. Enfoncer une porte ouverte). « Une évidence qui saute aux yeux » (Rousseau).
2 ♦ EN ÉVIDENCE : en se présentant de façon à être vu, remarqué immédiatement. Être en évidence, bien en évidence : apparaître, se montrer très nettement (cf. Attirer, frapper l'œil, l'attention, le regard; crever les yeux, sauter aux yeux). « J'étais placé vis-à-vis d'eux, à deux pas de la table, bien isolé et bien en évidence » (Marmontel). Mettre un livre en évidence sur une table, l'exposer au regard. ⇒ exhiber, exposer, montrer. Fig. Mettre une chose en évidence pour la faire valoir. ⇒ montrer, souligner (cf. Mettre en lumière, en relief, en vedette; faire ressortir). Mettre un principe, un phénomène en évidence. ⇒ démontrer, prouver.
3 ♦ Loc. adv. À L'ÉVIDENCE;DE TOUTE ÉVIDENCE.⇒ certainement, évidemment (1o), sûrement. Démontrer à l'évidence que... De toute évidence, il nous a menti.
⊗ CONTR. Doute, improbabilité, incertitude.
● évidence nom féminin (latin evidentia) Caractère de ce qui est évident, immédiatement perçu comme vrai : L'évidence d'un axiome. Ce qui est évident : Démontrer une évidence. ● évidence (citations) nom féminin (latin evidentia) Jules Lagneau Metz 1851-Paris 1894 La philosophie n'est autre chose que l'effort de l'esprit pour se rendre compte de l'évidence. In Revue philosophique février 1880 Jean Paulhan Nîmes 1884-Neuilly-sur-Seine 1968 Académie française, 1963 Il est de la nature de l'évidence qu'elle passe inaperçue. De la paille et du grain Gallimard Pierre Reverdy Narbonne 1889-Solesmes 1960 L'évidence paralyse la démonstration. Le Gant de crin Plon ● évidence (expressions) nom féminin (latin evidentia) À l'évidence, d'une manière incontestable. De la dernière évidence, de toute évidence, sans aucun doute. En évidence, nettement apparent, immédiatement en vue. Mettre quelque chose en évidence, le démontrer d'une manière manifeste. Se mettre en évidence, se placer, agir de manière à attirer sur soi l'attention. Se refuser à l'évidence, nier l'évidence, persister à contester ce que tous perçoivent comme évident. Se rendre à l'évidence, reconnaître quelque chose dont l'existence ou la vérité apparaît indubitable. ● évidence (synonymes) nom féminin (latin evidentia) Caractère de ce qui est évident, immédiatement perçu comme vrai
Synonymes :
- réalité
Contraires :
- doute
- improbabilité
évidence
n. f.
d1./d Caractère de ce qui s'impose à l'esprit et que l'on ne peut mettre en doute. Se rendre à l'évidence.
— Loc. adv. à l'évidence, de toute évidence: sûrement, sans conteste.
d2./d Chose évidente. Débiter des évidences.
d3./d Mettre une chose en évidence, la disposer de façon qu'elle attire le regard, l'attention.
⇒ÉVIDENCE, subst. fém.
A.— [En parlant d'une réalité concr.] Caractère de ce qui est immédiatement perçu par les sens et notamment par la vue. Évidence immédiate, sensible. Il faut comprendre que son élément [de Rubens] c'est la lumière, que son moyen d'exaltation c'est sa palette, son but la clarté et l'évidence des choses (FROMENTIN, Maîtres autrefois, 1876, p. 49) :
• 1. Ce qui revient à lui interdire [à un artiste] toute manifestation, toute évidence de vie personnelle et d'humeur privée...
COLETTE, Jumelle, 1938, p. 123.
— Mettre en évidence. Rendre visible, manifeste; exposer aux regards. Elle-même, en dirigeant l'arrangement de son salon, elle avait mis en évidence ces délicieuses babioles que produit Paris (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 208).
♦ P. anal. [Le compl. désigne une pers.] Se mettre en évidence et p. ell. en évidence (en emploi adj. apposé). Se montrer, qui se montre avec l'intention de se faire remarquer. Madame de Noailles était tenue, à l'étranger, pour l'écrivain et la maîtresse de maison les plus en évidence (BLANCHE, Modèles, 1928, p. 59).
— P. méton. Ce qui se voit. Un soir (...) il [Eustache] voulut se brûler les yeux à l'évidence et se rendit au Pré-aux-Clercs (...) sa vue se troubla en reconnaissant le jeu de boules où le duel avait eu lieu (NERVAL, Nouv. et fantais., La Main enchantée, 1832, p. 222).
Rem. L'emploi peu fréq. de cette accept. est illustré par l'énoncé suiv. : On peut s'efforcer de ramener l'évidence à l'expérience sensible. C'est l'explication de l'école sensualiste (COUSIN, Philos. écoss., 1857, p. 392).
B.— [En parlant d'une idée claire et distincte] Caractère qui entraîne immédiatement l'assentiment de l'esprit, soit à partir d'un raisonnement, soit à partir de la constatation de faits. Force, principe d'évidence; évidence rationnelle; nier l'évidence. Passons maintenant à l'évidence; selon la force du mot, elle consiste dans une vue claire de la vérité d'un principe ou d'une proposition (LAMENNAIS, Indifférence, t. 1, 1817-23, p. 115). Boutroux disait à Bourget que ce principe d'évidence qu'a posé Descartes venait de ce qu'il était profondément croyant et qu'il jugeait que Dieu ne peut pas nous tromper (BARRÈS, Cahiers, t. 14, 1923, p. 197). Qu'est-ce que cela signifiait? L'évidence était l'évidence. Elle luisait pour tout le monde. Elle éclairait tous ceux qui avaient des yeux (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 303). Cf. aussi cogito ex. 1 et déraisonner ex. :
• 2. Locke a parfaitement vu ailleurs que l'évidence de démonstration est fondée sur l'évidence d'intuition. Il a même dit qu'entre ces deux genres d'évidence, non seulement l'évidence d'intuition est antérieure à l'autre, mais qu'elle lui est supérieure, qu'elle est le plus haut degré de la connaissance.
COUSIN, Hist. philos. XVIIIe s., t. 2, 1829, p. 476.
• 3. Le degré d'évidence qui fait qu'une proposition peut être convenablement prise pour axiome, n'appartient pas toujours à la vérité primordiale, à celle que la raison conçoit comme étant le principe et l'origine des autres, mais au contraire, dans beaucoup de cas, à quelque résultat éloigné de cette vérité primordiale, lequel, à l'aide de circonstances accessoires, se présente à l'esprit sous un jour plus favorable.
COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 372.
• 4. Je revins glorieux et tondu. Il y eut des cris mais pas d'embrassement et ma mère s'enferma dans sa chambre pour pleurer : on avait troqué sa fillette contre un garçonnet. Il y avait pis : tant qu'elles voltigeaient autour de mes oreilles, mes belles anglaises lui avaient permis de refuser l'évidence de ma laideur.
SARTRE, Mots, 1964, p. 85.
— Expr. et loc.
♦ Mettre en évidence. Démontrer de manière indiscutable. La rotation du plan de polarisation de la lumière sous l'influence d'un champ magnétique créé par des aimants ou des courants est le phénomène le plus remarquable de ceux qui mettent en évidence les actions réciproques de la lumière et de l'électricité (POINCARÉ, Électr. et opt., 1901, p. 192).
♦ Se rendre à l'évidence. Finir par reconnaître ce qui est indiscutable. Il faut se rendre à l'évidence. Tout est exact, sinistrement exact! (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 704).
♦ Montrer, prouver avec (jusqu'à l')évidence. La hardie négation de Kant se trouve réfutée d'avance par cette analyse même qui nous montre avec évidence la raison de la valeur représentative des impressions sensibles (COURNOT, Fond. connaiss., 1851 p. 222). Oh! madame, il y a une preuve aveuglante, la ressemblance extraordinaire de l'enfant... Puis, les dates sont là, tout s'accorde et prouve les faits jusqu'à la dernière évidence (ZOLA, Argent, 1891, p. 153). Mais ta douleur, si elle est sincère, le montre jusqu'à l'évidence! (CUREL, Nouv. idole, 1899, I, 6, p. 184).
♦ L'évidence saute aux yeux. Tais-toi, mon poignard vient directement du Pérou, l'évidence saute aux yeux (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p. 107).
♦ À l'évidence, de toute évidence, loc. adv. De manière absolument sûre, indiscutable. Il était même sûr, à l'évidence, que nulle entente réelle ne coordonnait leurs efforts (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 107).
SYNT. Évidence de démonstration, d'intuition; évidence de la vérité, des faits; évidence géométrique, irrésistible, mathématique; de la dernière évidence; aller contre, refuser l'évidence; contre toute évidence.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. [1314 (H. DE MONDEVILLE, f° 97 v° ds LITTRÉ ds DG)]; 1362 (Rym., 2e éd., t. VI, p. 390 ds GDF. Compl.). Empr. au lat. class. evidentia, de même sens. Fréq. abs. littér. :1 911. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 888, b) 883; XXe s. : a) 2 000, b) 4 845. Bbg. VERSINI (L.). Néol. et tours à la mode ds Angola. In : [Mél. Pintard (R)]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t. 13, n° 2, p. 517.
évidence [evidɑ̃s] n. f.
ÉTYM. V. 1314; lat. evidentia, de evidens. → Évident.
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1 Caractère de ce qui s'impose à l'esprit avec une telle force qu'il n'est besoin d'aucune autre preuve pour en reconnaître la vérité, la réalité. ⇒ Certitude. || L'évidence de quelque chose. || Se manifester avec évidence, d'une manière évidente. — La force de l'évidence. || Principe d'évidence (→ Aboutir, cit. 6; cogito, cit.). || Évidence empirique, sensible, fondée sur la constatation des faits. || Évidence apodictique. || Évidence immédiate d'un axiome. ☑ C'est l'évidence même. → Cela saute aux yeux; la chose parle d'elle-même. || Évidence absolue. ☑ Se rendre à l'évidence : finir par admettre ce qui est incontestable. ⇒ Reconnaître (→ Élocution, cit. 1). ☑ Se refuser à l'évidence : s'obstiner à contester ce qui est incontestable. || Aller contre l'évidence. || Nier l'évidence. || Nier une chose contre toute évidence (→ Nier la lumière en plein midi). || La clarté et la distinction des idées, critérium de l'évidence chez Descartes.
1 (…) lorsque je considère que je doute, c'est-à-dire que je suis une chose incomplète et dépendante, l'idée d'un être complet et indépendant, c'est-à-dire de Dieu, se présente à mon esprit avec tant de distinction et de clarté, et de cela seul que cette idée se trouve en moi (…) je conclus si évidemment l'existence de Dieu (…) que je ne pense pas que l'esprit humain puisse rien connaître avec plus d'évidence et de certitude.
Descartes, Méditations métaphysiques, IV.
2 (…) Dieu ne se manifeste pas aux hommes avec toute l'évidence qu'il pourrait faire.
Pascal, Pensées, VIII, 556.
3 Ainsi il y a de l'évidence et de l'obscurité, pour éclairer les uns et obscurcir les autres; mais l'évidence est telle, qu'elle surpasse, ou égale pour le moins, l'évidence du contraire (…)
Pascal, Pensées, VIII, 564.
4 N'est-ce pas l'évidence de la vérité qui nous fait discerner le faux, comme le jour marque les ombres ?
Vauvenargues, Réflexions sur divers sujets, 4.
5 Une évidence qui saute aux yeux.
Rousseau, Émile, II.
6 (…) l'évidence immanente de certaines lois inscrites par la nature dans les plus secrètes profondeurs de notre personne morale.
Paul Bourget, Un divorce, IV.
7 Lorsqu'on avait appris, par Rumelles, la chute de l'avion en flammes, lorsqu'elle avait lu la copie de la note officielle, il avait bien fallu qu'elle se rendît à l'évidence.
Martin du Gard, les Thibault, t. VIII, p. 239.
8 Le signe auquel on reconnaît l'ordre naturel c'est (selon les Physiocrates) « l'évidence » (…) Mais encore faut-il que cette évidence soit perçue — la lumière la plus éclatante ne peut être vue que par l'œil — par quel organe le sera-t-elle ? Par l'instinct ? par la conscience ? par la raison ? (…) on peut dire que l'ordre naturel était celui qui apparaissait comme « évidemment » le meilleur, non pas à n'importe qui, mais à des esprits raisonnables, cultivés, libéraux, tels qu'étaient les Physiocrates.
Gide et Rist, Hist. des doctrines économiques, p. 10.
9 (…) la force de l'évidence se manifeste précisément par les répugnances dont elle triomphe.
Lalande, Voc. de la philosophie, art. Évidence.
2 (Une, des évidences). Chose évidente. ⇒ Lapalissade, truisme. || Démontrer une évidence. → Enfoncer une porte ouverte. — Évidence résultant d'une démonstration, d'une preuve. || Prouver jusqu'à l'évidence. || C'est une évidence. || Amonceler (cit. 2) des évidences, débiter des évidences.
3 ☑ (1580). En évidence : en se présentant de façon à être vu, remarqué immédiatement. ⇒ Apparaître, montrer (se); attention, œil, regard, vue. → Attirer, frapper l'œil, le regard, l'attention; crever les yeux, sauter aux yeux. || Être en évidence, bien en évidence : apparaître, se montrer très nettement (→ Diamant, cit. 2).
10 J'étais placé vis-à-vis d'eux, à deux pas de la table, bien isolé et bien en évidence (…)
Marmontel, Mémoires, V.
11 (…) les enseignes et les affiches à lettres énormes, échappent à l'observateur par le fait même de leur excessive évidence; et ici, l'oubli matériel est précisément analogue à l'inattention morale d'un esprit qui laisse échapper les considérations trop palpables, évidentes jusqu'à la banalité et l'importunité.
Baudelaire, Trad. E. Poe, Histoires extraordinaires, « La lettre volée ».
♦ ☑ Mettre en évidence : rendre visible, manifeste; faire apparaître. || Mettre un livre, un objet en évidence sur une table. ⇒ Exposer (→ Babiole cit. 5). || Mettre une chose en évidence pour la faire valoir. ⇒ Montrer, ressortir (faire), souligner; lumière, relief, vedette (mettre en). — Fig. || Mettre un principe, un phénomène en évidence, le mettre en relief, en lumière. ⇒ Démontrer, montrer, prouver (→ Dépeuplement, cit. 2).
12 Je lui mettrai un fait en évidence
Qu'il ne pourra rejeter nullement
(Au moins s'il a le vrai en révérence).
Clément Marot, Opuscules, VIII.
13 (…) aux désirs qu'il met en évidence.
Molière, l'Étourdi, V, 7.
14 (…) je ne veux que mettre ici en évidence tous les fondements de cette religion chrétienne qui sont indubitables, et qui ne peuvent être mis en doute par quelque personne que ce soit.
Pascal, Pensées, IX, 619.
15 Son étude de la pébrine lui avait permis de mettre en évidence la contagion, l'incubation, l'apport héréditaire du germe (…)
Henri Mondor, Pasteur, p. 109.
♦ Par anal. ☑ Se mettre en évidence : se montrer, se mettre en avant pour se faire remarquer.
4 ☑ Loc. adv. À l'évidence; de toute évidence. ⇒ Certainement, évidemment, sûrement; littér. apertement. || De toute évidence, cet écrit annule l'autre (→ Diminuer, cit. 19). || Démontrer à l'évidence que…
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CONTR. Doute, improbabilité, incertitude, obscurité, vague.
Encyclopédie Universelle. 2012.