affourcher [ afurʃe ] v. tr. <conjug. : 1> ♦ Mar. Mouiller sur deux ancres, dont les lignes de mouillage sont disposées en V. Affourcher un navire.
● affourcher verbe transitif (de fourche) Mouiller en disposant deux chaînes de mouillage en V, ou en fourche.
⇒AFFOURCHER, verbe trans.
Disposer en forme de fourche.
I.— MAR. ,,Assurer une meilleure tenue au mouillage d'un navire en laissant tomber successivement deux ancres dans une direction perpendiculaire au courant ou au vent régnant`` (GRUSS 1952), de manière que leurs câbles se croisent en fourche.
— Loc. citées ds Ac. Compl. 1842 : Affourcher à la voile ,,porter l'ancre d'affourche avec le navire, après que celui-ci a mouillé une ancre de bossoir, et en profitant de l'erre qu'il a conservée``; affourcher en patte d'oie (ou en barbe de chat) ,,mouiller sur trois ancres disposées en patte d'oie`` (cf. affourché, ex. 1).
A.— Emploi trans.
1. [Le compl. désigne les ancres] :
• 1. Dans le moment que nous affourchons nos ancres, le soleil par les échancrures de la montagne qui l'occulte dirige sur la terre quatre jets d'un feu si dense qu'ils semblent une émission de sa substance même.
P. CLAUDEL, Connaissance de l'Est, 1907, p. 100.
2. [Le compl. désigne un navire ou une partie de navire] :
• 2. Mon premier soin, après avoir affourché la frégate, fut de descendre à terre avec M. de Langle, pour remercier le gouverneur de l'accueil obligeant qu'il avait fait à M. Boutin...
Voyage de La Pérouse autour du monde, t. 2, 1797, p. 318.
• 3. En quinze ou vingt minutes, la panse fut ajustée sous la durande. Elle y fut presque embossée. Gilliatt, au moyen de ses deux ancres, affourcha la panse.
V. HUGO, Les Travailleurs de la mer, 1866, p. 306.
• 4. Le premier soin de John Mangles fut d'affourcher solidement son navire sur deux ancres.
J. VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, t. 2, 1868, p. 60.
• 5. Pour diminuer la surface qu'exigent ces évolutions [des navires autour de leur ancre], on peut affourcher ou embosser les navires.
QUINETTE et ROCHEMONT, Travaux maritimes, 1900, p. 144.
— P. méton. [Le compl. désigne les passagers] :
• 6. Dès que nous fûmes affourchés, les canots et les chaloupes des deux frégates reçurent, de M. de Langle et de moi, leur destination particulière; ...
Voyage de La Pérouse autour du monde, 1797, p. 58.
• 7. Puis je laissai dériver la corvette sur la côte, mouiller l'autre ancre, et nous fûmes alors affourchés avec nos deux ancres de poste, celle de bâbord ayant 72 brasses de chaîne dehors, et celle de tribord 50 brasses.
DUMONT D'URVILLE, Voyage au Pôle Sud et dans l'Océanie, t. 1, 1841, p. 92.
Rem. 1. Le verbe est fréquemment empl. au part. passé passif, avec valeur résultative (supra ex. 6 et 7, et en outre) :
• 8. Le soir, le vent souffla avec force et par rafales; le port était tellement étroit, que le navire Le Havre nous tomba dessus, bien qu'il fût affourché.
DUMONT D'URVILLE, Voyage au Pôle Sud et dans l'Océanie, t. 9, 1846, p. 125.
• 9. ... il n'y avait pas à craindre que la carcasse du brick fût entraînée par la mer, car elle était déjà enlisée, et aussi solidement fixée que si elle eût été affourchée sur ses ancres.
J. VERNE, L'Île mystérieuse, 1874, p. 458.
• 10. Il [un vaisseau] était affourché au milieu du bassin B. Des coulées de rouille décoloraient le goudron de ses flancs.
M. VAN DER MEERSCH, L'Empreinte du dieu, 1936, p. 95.
B.— Emploi abs. :
• 11. ... il joindra à chaque plan une instruction qui présentera tout ce qui concerne l'approche et la reconnaissance des côtes, l'entrée et la sortie des ports, la manière de prendre le mouillage et d'y affourcher, et le meilleur endroit pour faire de l'eau; ...
Voyage de La Pérouse autour du monde, t. 1, 1797, p. 46.
• 12. ... comme la baie dans cet endroit se trouve très resserrée, il avait été obligé d'affourcher, dans la crainte d'être jeté sur la côte par les rafales violentes qui descendent des collines environnantes.
DUMONT D'URVILLE, Voyage au Pôle Sud et dans l'Océanie, t. 9, 1846, p. 102.
C.— Emploi pronom., arg. :
• 13. Affourcher sur ses ancres (S'), v. réfl. Prendre du repos; se retirer du service, — dans l'argot des marins.
A. DELVAU, Dict. de la langue verte, 1re éd., 1866, p. 5.
Rem. Cf. en outre G. DELESALLE, Dict. argot-français et français-argot, 1896, p. 5 et H. FRANCE, Dict.-Journal; les compléments, vocabulaire de la langue verte, 1907.
II.— P. ext., CHARPENT. ,,Joindre ensemble deux pièces de bois dont l'une est à languette et l'autre à rainure.`` (CHABAT, t. 1, 1875).
III.— Vx, fam.
A.— Enfourcher une bête, un objet (cf. affourché II).
B.— Mettre à califourchon (quelqu'un sur quelque chose).
Rem. Attesté ds BESCH. 1845, POIT. 1860, LITTRÉ, Lar. 19e Suppl. 1878.
Prononc. — 1. Forme phon. :[], j'affourche []. 2. Dér. et composés : affourchage (cf. Lar. encyclop.), affourche, affourchement (cf. ibid.). Cf. fourche.
Étymol. ET HIST. — XIIe s. « disposer en fourche, écarter (les jambes) » (WACE, Rou, III, 2041, Andresen ds GDF. : Dunc veissiez home viser, Piez afurchier, arc enteser); d'où 1. a) XVe s. « enjamber » (ANTHITUS FAURE, Euryal. et Lucr. ds GDF. Compl. :Car on povoit tout a coup afourcher D'une paroy sur l'autre, aisement); b) début XVIIe s. « se mettre à cheval sur, enfourcher » (MALHERBE, Ép. de Sénèque, 88, 2 ds DG :Après ma barque rompue, je m'affourche encore sur les éclats);
2. a) 1670 mar. « mettre au mouillage en jetant deux ancres dont les câbles se croisent en fourche » (COLBERT à Colbert de Terron, 11 déc. 1670 ds Ord. du Roy, vol. XIII, f° 623, Arch. de la Mar. ds JAL 1848 s.v. Bord. 4 : Sur ce que vous m'escrivez de la pratique des capitaines de quitter leur Bord quand ils ont une fois moüillé l'ancre et affourché leur navire, je vous dirai que c'est une pratique d'une marine foible et mal réglée); b) 1743 menuis. « faire entrer une pièce de bois à languette dans une pièce à rainure » (Trév. : Affourcher. terme de menuiserie, pour signifier un double assemblage de deux pieces de bois, avec une languette et rainure de l'un dans l'autre).
STAT. — Fréq. abs. litt. :11.
BBG. — BARBER. 1969. — BARB.-CAD. 1963. — BÉL. 1957. — CHABAT t. 1 1875. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 264. — HARTOY 1944. — JAL 1848. — LE CLÈRE 1960. — PRÉV. 1755. — SAIN. Lang. par. 1920, p. 174. — SOÉ-DUP. 1906. — WILL. 1831.
affourcher [afuʀʃe] v. tr.
ÉTYM. 1670; XIIe, « disposer en fourche, écarter les jambes »; de à, et fourche.
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1 Mar. Mouiller sur deux ancres (anc. et rare : trois ou plus) dont les chaînes ou les câbles sont disposés en V (forment une fourche). || Affourcher un navire, ou, absolt, affourcher. || Affourcher en patte d'oie : mouiller sur trois ancres en patte d'oie. → Affourche, cit. — Passif et p. p. || Le navire est affourché, affourché sur ses ancres.
1 Gilliatt, au moyen de ses deux ancres, affourcha la panse.
Hugo, les Travailleurs de la mer, II, II, VI.
1.1 Il fallut suspendre les travaux de sauvetage. Du reste, il n'y avait pas à craindre que la carcasse du brick fût entraînée par la mer, car elle était déjà enlisée, et aussi solidement fixée que si elle eût été affourchée sur ses ancres.
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. II, p. 652.
♦ Affourcher les ancres (même sens).
2 Un villageois sur son âne affourché (…)
J.-B. Rousseau, le Capricieux, Préface.
3 Techn. Joindre par une languette et une rainure (deux pièces de bois). — REM. Dans ce sens, on parle aussi d'affourchement.
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affourché, ée p. p. adj.
♦ || Navire affourché (sur ses ancres), à l'ancre. — Fig. et fam. (Argot anc.). || Affourché sur ses ancres : planté sur ses jambes; immobile, qui refuse de travailler.
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DÉR. Affourche.
Encyclopédie Universelle. 2012.