Akademik

affranchir

affranchir [ afrɑ̃ʃir ] v. tr. <conjug. : 2>
XIIIe; de à et 2. franc
I
1Rendre civilement libre, de condition libre (un esclave, un serf).
(XIVe) Rendre politiquement indépendant. Affranchir un peuple de la tyrannie. « la guerre contre l'Autriche pour affranchir la nationalité italienne » (Bainville).
2(XVIe) Fig. Délivrer de tout ce qui gêne. « Épicure affranchit les âmes des vaines terreurs » (France). Pronom. « c'est le plus petit nombre qui s'est affranchi des traditions » (Loti). s'émanciper, se libérer.
3(1837) Vieilli Initier au métier de voleur, apprendre à vivre en marge des lois. (1900 ) Fam. Éclairer, mettre au courant (en fournissant des renseignements). C'est ton frère qui m'a affranchi.
II
1(fin XIIIe) Vx Exempter (d'une taxe).
(1802) Rendre (une lettre, un envoi postal) exempt de taxe pour le destinataire (en payant soi-même le timbre). P. p. adj. Lettre insuffisamment affranchie.
2(1877) Rendre (une carte) maîtresse en faisant tomber les cartes supérieures.
⊗ CONTR. Asservir, soumettre; assujettir, astreindre.

affranchir verbe transitif (de franc, libre) Rendre quelqu'un libre, rendre un pays, une institution politiquement indépendants. Faire d'un esclave ou d'un serf un homme libre. Libérer quelqu'un d'une contrainte : Tous ces appareils ont partiellement affranchi la femme des soins du ménage. Populaire. Renseigner quelqu'un, le mettre au courant de quelque chose. Argot. Initier quelqu'un aux pratiques du milieu. Arboriculture Enterrer le bourrelet de greffe d'un arbre pour permettre au greffon de développer des racines. Industrie du bois Couper un élément en bois perpendiculairement à son axe. Jeux Rendre une carte maîtresse, en faisant tomber toutes les cartes qui lui sont supérieures. Œnologie Procéder à l'affranchissement d'une cuve, d'un tonneau. Postes Payer le port au moment de l'expédition, généralement en y apposant des timbres-poste. ● affranchir (expressions) verbe transitif (de franc, libre) Machine à affranchir, machine destinée à imprimer sur les enveloppes une vignette qui remplace le timbre-poste. (Elle peut aussi imprimer des mentions publicitaires.) ● affranchir (synonymes) verbe transitif (de franc, libre) Rendre quelqu'un libre, rendre un pays, une institution politiquement indépendants.
Synonymes :
- délivrer
- émanciper
- libérer
Contraires :
- asservir
- assujettir
- astreindre
- contraindre
- courber
- enchaîner
- plier
- soumettre
- tyranniser

affranchir
v. tr.
rI./r
d1./d Rendre libre (une personne), indépendant (un pays). Affranchir un esclave.
|| v. Pron. Se rendre libre, indépendant. S'affranchir de la tyrannie.
d2./d Délivrer, libérer (d'une gêne, d'une contrainte). Sa cordialité m'avait affranchi de toute timidité.
|| v. Pron. Affranchissez-vous des préjugés de votre milieu.
d3./d (Belgique) Donner de l'assurance à (qqn), enhardir (qqn). Son stage l'a affranchi.
|| v. Pron. Gagner en assurance, en hardiesse.
rII./r Affranchir un envoi postal, en payer le port.

I.
⇒AFFRANCHIR1, verbe trans.
I.— Affranchir qqn (de...).
A.— Emploi trans.
1. [Avec compl. d'obj. second.] Affranchir une personne ou une collectivité de qqc. Libérer d'une sujétion, d'une dépendance; p. ext. d'une peine, d'un mal :
1. Il faut affranchir Naples de l'indépendance démagogique, et y établir la liberté monarchique; y briser des fers, et non pas y porter des chaînes.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 3, 1848, p. 74.
2. Nulle angoisse n'est plus terrible pour un mystique : se dire que son besoin de croire est tout subjectif, que sa foi de jadis sortait de lui-même et n'était que son œuvre! Et sur le fond vide du ciel se détache la redoutable et consolante figure de celle qui l'affranchira de tous les esclavages et le délivrera de tous les doutes : la mort, ...
P. BOURGET, Essais de psychologie contemporaine, 1883, p. 13.
3. ... l'individu, pour peu qu'il soit affranchi du joug religieux, n'est maintenu dans la voie droite que par la peur du gendarme, ou, tout au moins, du scandale.
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, p. 961.
Rem. Syntagmes fréq. affranchir qqn de l'esclavage, de la tyrannie, de la dépendance, des entraves, de la gêne, du joug, des liens, des fers, des servitudes, de la tutelle de ..., des devoirs, des lois, des nécessités, de la douleur, de la mort, du destin...; affranchir sa patrie, un pays, une ville... de l'esclavage, de la tyrannie.
a) [Le subst. compl. d'obj. dir. désigne une composante morale ou spirituelle ou encore une manifestation de la pers. hum.] :
4. Jeune soldat, où vas-tu? Je vais combattre pour affranchir de la tyrannie de l'homme, la pensée, la parole, la conscience.
F.-R. DE LAMENNAIS, Les Paroles d'un croyant, 1834, pp. 254-255.
Rem. Syntagmes rencontrés affranchir l'esprit d'un mal, la pensée d'un doute...
b) Rare. Affranchir qqn de qqn (c'est-à-dire de l'emprise de qqn) :
5. Les liens de famille, si intimes dans le mariage, le sont très-peu sous d'autres rapports, parce que les substitutions affranchissent trop les fils aînés de leurs parents, et séparent aussi les intérêts des frères cadets de ceux de l'héritier de la fortune.
G. DE STAËL, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, t. 2, 1817, p. 370.
2. [Sans compl. d'obj. second.] Affranchir qqn.
a) DR. Rendre quelqu'un de condition libre. Affranchir un esclave, un serf :
6. ... quelque désireux qu'il fût de maintenir à la jeune dame créole la position et l'état de fortune qu'elle avait toujours eu, il ne s'embarqua pas sans accomplir, de son consentement, un acte religieux et sacré. Ce fut d'affranchir ses esclaves, ceux du moins qui étaient majeurs; pour les enfants, que la loi américaine interdit d'affranchir, ils reçurent de lui leur liberté future, et purent, à leur majorité, rejoindre leurs parents; jamais il ne les perdit de vue. Il les avait présents, savait leur nom, leur âge et l'heure de leur libération.
J. MICHELET, L'Oiseau, introd., 1856, XXV.
b) Plus gén. Rendre quelqu'un indépendant, libérer (sa conscience, etc.).
[L'ob. dir. désigne une pers. ou une collectivité] :
7. Le moyen de confondre la criminelle conspiration des despotes de l'Europe, c'est de respecter leur complice. Craignez-vous les peuples étrangers? Vous croyez donc encore à l'amour inné de la tyrannie. Pourquoi donc aspirez-vous à la gloire d'affranchir le genre humain?
M. DE ROBESPIERRE, Discours, Sur le jugement de Louis XVI, t. 9, 1792, p. 127.
8. Le despotisme muselle les masses, et affranchit les individus dans une certaine limite; l'anarchie déchaîne les masses, et asservit les indépendances individuelles.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 595.
Rem. Syntagmes affranchir la femme, les individus; affranchir le genre humain, un pays, un peuple.
[Le subst. compl. d'obj. dir. désigne une composante morale ou spirituelle ou encore une manifestation de la pers. hum.] :
9. J'ai vu l'esprit humain libre, et le cœur de l'homme esclave; et j'ai voulu l'affranchir à son tour, et j'ai tâché de mettre en liberté l'amour.
V. HUGO, Les Contemplations, t. 3, 1856, p. 31.
Rem. Syntagmes affranchir le cœur, l'esprit, la pensée...
Emploi abs. :
10. Sachent donc ceux qui l'ignorent, sachent les ennemis de Dieu et du genre humain, quelque nom qu'ils prennent, qu'entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la foi qui affranchit.
H.-D. LACORDAIRE, Conférence de Notre-Dame, 1848, p. 246.
3. Emplois arg.
a) Dépuceler :
11. Dépuceler. Affranchir... « elle avait été affranchie à douze berges... »
A. BRUANT, Dict. français-argot, suppl., 1905, p. 154.
Châtrer (cf. II B 5) :
12. Initier un adepte. Le débarrasser de ses derniers scrupules. Se dit également pour châtrer. Le châtré est en effet affranchi de certaines passions.
H. FRANCE, Dict.-journal; les compléments, vocabulaire de la langue verte, 1907.
b) Initier, renseigner :
13. Une femme... qui m'affranchirait sur les choses bien, ... qui m'explique leurs salades de musique et de littérature. Tu comprends, j'ai besoin d'une femme qui m' relève!
A. SIMONIN, J. BAZIN, Voilà taxi! 1935, p. 127.
Se laisser affranchir. Être initié au métier de voleur, apprendre à vivre en marge des lois :
14. Lorsque je me suis laissé affranchir à la rebiffe par les fanandels... Ici affranchir est mis pour lorsque j'ai commis mon premier vol, puis un deuxième.
F. VIDOCQ, Les Vrais mystères de Paris, t. 3, 1844, p. 325.
c) Corrompre :
15. ... ainsi l'on dira [au sens de « corrompre »] : affranchir un sinve avec de l'auber, corrompre un honnête homme avec de l'argent, l'engager à taire la vérité; ...
F. VIDOCQ, Les Voleurs, 1836, p. 6.
B.— Emploi pronom.
1. [Avec un compl. d'obj. second.]
a) S'affranchir de qqc.
[Le suj. désigne une pers. ou une collectivité] :
16. ... loin de rester dans leur pays soit pour triompher de l'opinion dominante, soit pour s'y réunir, ils ont trouvé plus simple d'invoquer la gendarmerie européenne, afin de mettre Paris à la raison. C'était disaient-ils, pour délivrer la majorité du joug d'une minorité factieuse, qu'on recourait aux armes des alliés voisins. Une nation qui aurait besoin des étrangers pour s'affranchir d'un joug quelconque serait tellement avilie, qu'aucune vertu ne pourrait de longtemps s'y développer : elle rougirait de ses oppresseurs et de ses libérateurs tout ensemble.
G. DE STAËL, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, t. 1, 1817, p. 344.
17. Tous ceux qui sont religieux du fond de l'âme, tous ceux qui donnent leur vie à la défense de Dieu, — s'ils ont eu l'audace de se détacher de la règle catholique et de s'affranchir de l'autorité de Rome, — aussitôt ils deviennent à l'indigne horde qui se dit catholique, non seulement indifférents, mais hostiles; ...
R. ROLLAND, Jean-Christophe, Dans la maison, 1909, p. 1006.
[Le suj. désigne une composante morale ou spirituelle ou encore une manifestation de la pers. hum.] :
18. Encore que la psychologie et la sociologie modernes aient rarement reconnu le principe qui leur permettait de progresser, c'est cependant la présence du travail qui leur a permis de s'affranchir des illusions de la représentation et des mythes intérieurs de la conscience. Sans doute ont-elles, d'abord payé cette libération d'un prix bien lourd, puisque pour éviter le gouffre de la réflexion, elles sont tombées dans celui de la nature et qu'elles ont cru identifier leur méthode avec celle des sciences dites objectives.
J. VUILLEMIN, L'Être et le travail, 1949, p. 145.
Rem. Le suj. peut être personnifié :
19. Le ciel achevait de s'affranchir des ombres de la nuit. Seule une mince barre violette persistait autour de la terre.
G. GUÈVREMONT, Le Survenant, 1945, p. 232.
b) [Le suj. désigne une pers.] S'affranchir de qqn :
20. L'ancienne loi tolérait l'esclavage et les apôtres l'ont toléré comme elle. Ils n'ont pas dit à l'esclave : « affranchis-toi de ton maître », tandis qu'ils disaient au luxurieux par exemple : « affranchis-toi de la chair et tout de suite! »
G. BERNANOS, Journal d'un Curé de campagne, 1936, p. 1067.
2. [Sans compl. d'obj. second.] :
21. Une autre sorte d'héritiers, qui lira Hegel plus sérieusement, choisira le second terme du dilemme et pro noncera que l'esclave ne s'affranchit qu'en asservissant à son tour.
A. CAMUS, L'Homme révolté, 1951, p. 182.
3. HORTICULTURE :
22. Affranchi (qui a brisé ses entraves). Mot très fréquemment employé en horticulture pour indiquer qu'un végétal greffé a produit des racines sur la partie greffée sur lui, qu'il s'est affranchi de son sujet pour vivre en grande partie de son propre fonds. On dira : cet arbre qui a boudé longtemps, pousse vigoureusement depuis qu'il s'est affranchi.
É.-A. CARRIÈRE, Encyclopédie horticole, 1862, p. 10.
II.— Affranchir qqc. (de...).
A.— Rare. Affranchir qqc. de qqc.
1. Rendre une chose indépendante d'une autre :
23. Comme la science du droit affranchit la norme juridique des préjugés subjectifs, dont le type idéal alourdissait la rationalité de la finalité interne, le « néo-marginalisme » libère les catégories transcendantales qui gouvernent l'économie de toute référence à la psychologie, à la sociologie et aux sciences des faits naturels en général.
J. VUILLEMIN, L'Être et le travail, 1949, p. 110.
2. DR. COMM. Rendre franc, exempter d'un impôt, d'une taxe. ,,Cette marchandise est affranchie de tous droits à l'entrée.`` (LITTRÉ).
B.— Emplois spéc. Affranchir qqc.
1. ARTS MÉT. Affranchir une futaille. Nettoyer un tonneau de manière que le vin ne soit pas gâté par le bois ou par la lie (Ac. 1835, Ac. Compl. 1842).
2. DR. FÉOD. Affranchir un héritage. Le libérer de quelque servitude, de quelque charge.
3. JEUX. Affranchir une carte. ,,La rendre imprenable, en faisant jouer toutes les cartes qui lui sont supérieures.`` (Lar. 19e Suppl. 1878).
4. MAR. ,,Épuiser au moyen des pompes l'eau qui se trouve dans les cales d'un navire.`` (GRUSS 1952).
5. MÉD. VÉTÉR. Affranchir un animal. (S'emploie particulièrement en fr. région.). Le châtrer. (cf. Ac. 1835, Ac. Compl. 1842; cf. I A 3 a) :
24. J'ai acheté deux beaux petits gorins, mais ils ne sont point affranchis.
VERR.-ON. t. 1 1908.
6. TECHNOL. Affranchir une bille de bois. ,,Dans le façonnage des grumes, sectionner la culée d'abattage perpendiculairement à l'axe, avec une scie passe-partout pour obtenir une bille de qualité marchande.`` (Lar. encyclop.).
Étymol. ET HIST. — 1. Fin XIIe s. pronom. « se rendre libre (d'un serf) » (COUCI, Chansons, p. 123 ds GDF. Compl. : Ses sers ui sans racheter; Ja ne m'en quier afranchir); 1270-1285 « se rendre libre de ce qui grève » (BEAUMANOIR, XI, 36 ds LITTRÉ : Se clers est marceans, il ne pot afrancir se marceandise par le priviliège de se clergie); 2. 1752 (Trév. : Affranchir un paquet, Affranchir une lettre, affranchir les ports des lettres ou des paquets, c'est payer le port d'un paquet, d'une lettre, en les mettant à la poste, en carrosse, au messager, afin que celui à qui on l'envoie ne le paye pas).
Dér. de franc; préf. a-1, dés. -ir.
II.
⇒AFFRANCHIR2, verbe trans.
Affranchir une lettre, un envoi postal. Payer la taxe postale imposée pour l'envoi d'une lettre, d'un colis; y placer le timbre correspondant :
Désormais, chère amie, quand je t'écrirai par la poste, j'affranchirai la lettre. Affranchis de ton côté quand tu m'écriras par Mme Taillet, car je ne sais comment faire pour rembourser les ports de lettres.
V. HUGO, Correspondance, 1852, pp. 42-43.
Rem. Dans l'ex. de V. Hugo, la valeur primitive « rendre exempt de taxe pour le destinataire en payant soi-même le timbre » est encore nettement sensible; cette valeur n'est plus sentie auj.
Étymol. ET HIST. — Voir affranchir1 étymol. 2.
III.
⇒AFFRANCHIR3, verbe trans.
ÉQUIT. Affranchir un fossé (LITTRÉ). ,,Sauter par delà`` (LITTRÉ), le franchir.
Prononc. — Forme phon. :[], j'affranchis []. Enq. :/, /. Conjug. agir. 2. Dér. et composés : affranchement, affranchi, affranchissable (cf. Pt Lar. 1968), affranchissant, affranchissement, affranchisseur. Cf. franc.
Étymol. ET HIST. — 1583 équit. « sauter par-dessus » (GAUCHET, Plaisir des champs ds GDF. Compl. : affranchir les buissons).
Dér. de franchir; préf. a-1.
STAT. — Fréq. abs. litt. :639. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 1 285, b) 801; XXe s. : a) 876, b) 663.
BBG. (affranchir1-3). — ARVEILLER (R.). Doc. lexicogr. tirés des dictionnaires. In :[Mélanges Wartburg (W. von)]. Tübingen, 1968, t. 2, p. 264. — AUBERT DE LA RÜE (E.). Le Français parlé aux îles Saint-Pierre-et-Miquelon. Vie Lang. 1969, n° 208, p. 406. — BAILLY (R.) 1969 [1946]. — BAR 1960. — BARBER. 1969. — BARR. 1967. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — Bible 1912. — BOUILLET 1859. — BOISS.8. — BONNAIRE 1835. — CAPUT 1969. — DHEILLY 1964. — DUP. 1961. — Éd. 1913. — ÉD. 1967. — ESN. 1965. — GRUSS 1952. — GUIRAUD (P.). Mélanges d'étymologies argotiques et populaires. Cah. Lexicol. 1967, n° 10, pp. 12-15. — GUIZOT 1864. — HANSE 1949. — JAL 1848. — KOLD. 1902. — KUHN 1931, p. 43. — LAF. 1878. — LARCH. 1880. — LA RUE 1954. — LAV. Diffic. 1846. — LAVEDAN 1964. — LE BRETON 1960. — LEM. 1966. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — MARCEL 1938. — MICHEL 1856. — ROMEUF t. 1 1956. — SANDRY-CARR. 1963. — SOÉ-DUP. 1906. — SOMMER 1882. — SPR. 1967. — ST-EDME t. 1 1824. — Synon. 1818. — TIMM. 1892. — SANDRY-CARR. Joueurs 1963. — WILL. 1831.

affranchir [afʀɑ̃ʃiʀ] v. tr.
ÉTYM. XIIIe; de à, et franc.
———
I
1 Rendre civilement libre, de condition libre (un esclave, un serf). || Affranchir qqn de l'esclavage. Libérer.(Sans compl. second). || Affranchir un esclave. || Il a été affranchi. Affranchi.
1 Auguste (…) fit des lois pour empêcher qu'on n'affranchît trop d'esclaves (…)
Montesquieu, Grandeur et Décadence des Romains, 13.
2 Affranchir (qqn, qqch.) de (qqch.). Rendre indépendant, tirer d'une situation d'asservissement. Briser (les fers, les liens, le joug…), délivrer, émanciper. || Affranchir un pays, un peuple, de la tyrannie, de la dépendance.Par ext. || Affranchir les consciences des fausses contraintes, d'une morale factice.
2 Et d'un si rude joug affranchissons ces lieux.
Corneille, Nicomède, IV, 6.
3 On affranchit Néron de la loi conjugale.
Racine, Britannicus, III, 3.
4 Pour elle, l'union libre est la vraie formule de la vie conjugale, celle qui affranchira l'homme et la femme, non pas de la moralité, mais du mensonge.
Paul Bourget, Un divorce, VI.
(Sans compl. second).
5 (…) la guerre contre l'Autriche pour affranchir la nationalité italienne tournait court et tournait mal.
J. Bainville, Hist. de France, XX.
Affranchir quelqu'un de quelqu'un, de son pouvoir.
(Fin XIIIe). Vx. Exempter d'une taxe. || Affranchir qqn d'un impôt, d'une taxe, d'une redevance, d'une servitude. Décharger, dégrever, exempter, exonérer.
3 (XVIe). Sujet n. de personne ou, plus souvent, n. de chose. Délivrer (qqn) de tout ce qui gêne psychologiquement : peine, mal, etc. Libérer. || Affranchir qqn des devoirs, des nécessités. || Affranchir l'homme de la douleur, de la mort.Passif et p. p. → cit. 10, 11. || L'assurance d'être affranchis des misères de la vie (→ 1. Mourir, cit. 6).
6 Le savoir mourir nous affranchit de toute sujétion et contrainte.
Montaigne, Essais, I, 20.
7 (…) pouvoir d'un péril affranchir ce qu'on aime.
Molière, la Princesse d'Élide, I, 3.
8 (…) ma vue est pour elle un supplice,
Et sans doute il vaut mieux que je l'en affranchisse.
Molière, Tartuffe, II, 4.
9 (…) vous affranchir de trouble et de souci.
Molière, Amphitryon, III, 9.
10 (Ces jeunes gens) se trouvent affranchis de la passion des femmes dans un âge où l'on commence ailleurs à la sentir.
La Bruyère, les Caractères, VIII, 74.
11 Une minute affranchie de l'ordre du temps a recréé en nous pour la sentir l'homme affranchi de l'ordre du temps.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XV, p. 15.
12 Épicure affranchit les âmes des vaines terreurs.
France, les Opinions de Jérôme Coignard, p. 315.
13 M. de Cordouan m'affranchissait de la situation inférieure où me mettait mon âge et me rendait l'égalité humaine.
Edmond Jaloux, Fumées dans la campagne, III.
4 Rendre (qqch.) indépendant (de…). || Affranchir la science des préjugés.
5 (1837). Argot et fam. a Initier au métier de voleur, apprendre à vivre en marge des lois.
b Fam. Rendre affranchi; spécialt, mettre au courant (en fournissant des renseignements). Informer, renseigner.
13.1 (…) avant de nous séparer, je crois bon de t'informer que le mot de passe entre les divers éléments qui travaillent avec nous dans le secteur, est « Avignon et Chambéry » (…) Demain quelqu'un ira te voir de ma part pour t'affranchir plus complètement.
Francis Carco, les Belles Manières, p. 37.
13.2 (…) chauffeur de nuit, ça rapporte, et puis c'est intéressant, t'as pas idée, on en voit des choses, tu apprends la vie, je te le dis, c'est ça qui vous affranchit le bonhomme.
Robert Merle, Week-end à Zuydcoote, p. 19.
13.3 Tu prétends que Gilbert était ton ami… Bon… Et toi, tu as une réputation solide dans le milieu. Comment se fait-il qu'on ne t'ait pas affranchi ? Pourquoi Gilbert ne t'a-t-il pas dit avec qui il a fait le coup ?
J.-P. Melville, Dialogue du film le Doulos, 1963, in l'Avant-scène, no 24, p. 31.
c Vx. || Affranchir une fille, lui faire perdre sa virginité.
———
II Emplois spéciaux. (Compl. n. de chose concrète ou d'animal).
1 (1802). Rendre (une lettre, un envoi postal) exempt de taxe pour le destinataire (en payant soi-même le timbre). Timbrer. || Ne pas affranchir suffisamment une lettre.Au p. p. || Une lettre insuffisamment affranchie (→ Pèse-lettre, cit.).
2 Techn., mar. Pomper l'eau dans (un lieu) jusqu'à épuisement; mettre à sec en pompant.
13.4 (…) nos douze pompes capables de noyer votre incendie ou d'affranchir vos cales (…)
Roger Vercel, Remorques, p. 17.
Hortic. Enterrer le bourrelet de greffe (d'un arbre).
Techn. Sectionner (une bille de bois abattue) pour éliminer la partie inutilisable.
Vétér. || Affranchir un animal : le châtrer.
3 (1877). Cour. || Affranchir une carte : la rendre maîtresse en faisant tomber les cartes supérieures.
———
III (1583; → Franchir). Équit. || Affranchir un fossé : le franchir en sautant.
——————
s'affranchir v. pron.
Se rendre libre. Débarrasser (se), délivrer (se), émanciper (s'), libérer (se); briser, rompre (ses liens), rejeter, secouer (un joug), soustraire (se). || S'affranchir d'un joug, d'un pouvoir. || S'affranchir des illusions, des préjugés.
14 Ils croyaient s'affranchir (en) suivant leurs passions :
Ils étaient esclaves d'eux-mêmes.
La Fontaine, Fables, XII, 1.
15 Et pour s'en affranchir (de la tyrannie) tout s'appelle vertu.
Corneille, Cinna, II, 1.
16 Tu voudras t'affranchir du joug de mes bienfaits.
Racine, Britannicus, V, 6.
17 (…) c'est le plus petit nombre qui s'est affranchi des traditions (…)
Loti, Jérusalem, VII.
18 Un homme ne s'affranchit pas plus du passé de l'humanité qu'il ne se libère de son propre corps.
A. Maurois, Un art de vivre, I, 8.
Hortic. (d'un sujet provenant d'une greffe). Pousser, vivre sur ses racines.
——————
affranchi, ie p. p. adj.
(Au sens I.). Affranchi adj. et n.(Au sens II.). || Lettre affranchie, non affranchie. → ci-dessus, II.
CONTR. Asservir, assujettir, astreindre, contraindre, forcer, grever, imposer, obliger, soumettre, subjuguer, tyranniser.
DÉR. Affranchi, affranchissable, affranchissant, affranchissement, affranchisseur.

Encyclopédie Universelle. 2012.