dévouer [ devwe ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1559; lat. devovere
1 ♦ Vx Vouer. ⇒ consacrer, offrir. « on dévouait aux Dieux infernaux quiconque passerait le Rubicon » (Montesquieu).
2 ♦ SE DÉVOUER v. pron. Se dévouer à (vieilli) :se consacrer entièrement à. Se dévouer corps et âme à une noble cause. Les femmes « se dévouent à des êtres souffrants, dégradés, criminels, qu'elles veulent consoler, relever, racheter » (Balzac). — Mod. Absolt Faire une chose pénible (effort, privation) au profit d'une personne, d'une cause. ⇒ se sacrifier. Il est toujours prêt à se dévouer. Elle s'est dévouée pour le soigner. Fam. Personne ne veut aller chercher le pain ? Allons, dévoue-toi !
♢ Il est entièrement dévoué à sa cause. Être dévoué, tout dévoué à qqn. ⇒ dévoué.
● dévouer verbe transitif (de vouer) Littéraire. Dévouer sa vie à quelqu'un, à quelque chose, la sacrifier pour eux, la leur consacrer entièrement. ● dévouer (expressions) verbe transitif (de vouer) Littéraire. Dévouer sa vie à quelqu'un, à quelque chose, la sacrifier pour eux, la leur consacrer entièrement.
dévouer
v.
rI./r v. tr. Vx ou litt. Vouer, consacrer. Dévouer sa vie à la science.
rII./r v. Pron.
d1./d Se consacrer, se livrer sans réserve (à qqch). Se dévouer à une grande cause.
d2./d Absol. Se sacrifier. Elle se dévoue pour ses enfants.
— Fam. C'est toujours lui qui se dévoue pour faire la vaisselle.
⇒DÉVOUER, verbe trans.
[Gén. suivi d'un obj. second. prép. à]
A.— Emploi trans.
1. Donner la vie d'une personne ou d'un animal en sacrifice à une divinité :
• 1. ... le fidèle prend les devants, il paie de sa personne ou de son bien, pour obtenir à ce prix l'accomplissement de son souhait. Ainsi d'Agamemnon, dévouant aux dieux sa fille, c'est-à-dire quelque chose du meilleur de lui-même, afin que se lève enfin le vent favorable au départ de la flotte grecque.
Philos., Relig., 1957, p. 3416.
Rem. Dévouer, dans ce sens, entre dans les formules imprécatoires. Caroline tombe évanouie, se relève et court chez Ferdinand, en dévouant Adolphe aux dieux infernaux (BALZAC, Ptes mis., 1846, p. 199).
— P. ext. Sacrifier, envoyer à la mort :
• 2. ... autour de lui [Napoléon] on admirait le sang-froid du grand homme, tandis qu'il y avait encore des blessés de ses derniers combats expirant dans des douleurs atroces, et que, par ce retard de quelques jours, il dévouait à la mort les cent mille hommes qui lui restaient.
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 443.
2. Consacrer son existence à. Elle avait maintenant donné sa vie au théâtre, à l'art du théâtre, comme son frère Laurent avait donné sa vie à la science et comme leur sœur Cécile avait, depuis l'origine des temps, dévoué la sienne à la musique (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 78).
B.— Emploi pronom. réfl.
1. Vx. Se consacrer par un vœu à la divinité. « Dieu, dit Platon, est la véritable mesure des choses, et nous devons faire tous nos efforts pour lui ressembler. » L'homme qui s'est dévoué à ses autels, y est plus obligé qu'un autre (CHATEAUBR., Génie, t. 1, 1803, p. 67).
2. P. ext.
a) Se sacrifier pour quelqu'un ou pour quelque chose. Le religieux me racontoit souvent les souffrances de ce Dieu, qui s'est dévoué pour le salut du monde (CHATEAUBR., Natchez, 1826, p. 184).
— Absol. S'offrir à l'accomplissement d'une tâche, d'une mission difficiles. Sans doute, elle se dévouerait, elle garderait quand même l'enfant et attendrait des temps meilleurs (ZOLA, Nana, 1880, p. 1309) :
• 3. ... cet héroïsme, qu'elle s'accordait, si exposé qu'il fût aux défaillances, était à ses yeux la meilleure raison qu'elle eût de s'estimer. Très jeune, elle manifesta un besoin de se dévouer qui n'alla pas sans choquer M. Henriot.
ARLAND, L'Ordre, 1929, p. 76.
b) Se consacrer entièrement à. Il y a des jours où j'aimerais tant pouvoir me dévouer, à quelque chose, à quelqu'un! (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 220) :
• 4. Cependant, malgré les lacunes, celles-ci [administrations] se dévouent comme eux [ministres] à leurs fonctions, non sans ce foisonnement de plans que provoque la perspective d'un pays à restaurer, mais avec une intelligence et une ardeur auxquelles je rends justice.
DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1956, p. 175.
Prononc. et Orth. :[devwe], (je me) dévoue [devu]. Ds Ac. 1694 avec des trémas devoüer pour maintenir la diérèse; ds Ac. 1718-1932 sans les trémas. Étymol. et Hist. 1559 se dévouer « se consacrer à quelque chose » (AMYOT, Diod., XVI, 15 ds GDF. Compl.) et dévoué [au service des dieux] « consacré » (ID., Camille, 21 ds HUG.); 1624-25 tout ce qui n'était pas dévoué à ses volontés [de Richelieu] (LA ROCHEFOUCAULD, Mémoires, éd. D. L. Gilbert et J. Gourdault, II, 3); 1649 se dévouer « se sacrifier » (ID., Apologie de M. le Prince de Marcillac, éd. D. L. Gilbert et J. Gourdault, II, 439). Dér. de vouer; préf. dé- à valeur intensive (lat. de-) d'apr. le lat. devorere; ca 1200 devoer « désavouer, contrarier » (Renart, éd. Martin, XI, 506) dér. de vouer; préf. dé- (lat. dis-). Fréq. abs. littér. :552. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 005, b) 880; XXe s. : a) 791, b) 539.
dévouer [devwe] v. tr.
ÉTYM. 1559, se dévouer; de 2. dé-, et vouer, d'après le lat. devovere (cf. anc. franç. devoer, v. 1200).
❖
1 Vx. Vouer (à la divinité, à une puissance surnaturelle). ⇒ Consacrer, offrir, sacrifier. || Dévouer aux dieux une victime expiatoire.
1 Sénatus-consulte par lequel on dévouait aux Dieux infernaux quiconque passerait le Rubicon (…)
♦ Absolt :
2 Un loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal (…)
La Fontaine, Fables, VII, 1.
♦ Envoyer à la mort, sacrifier. || Dévouer des hommes, des soldats à la mort.
3 (…) par ce retard de quelques jours, il dévouait à la mort les cent mille hommes qui lui restaient.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. III, p. 222.
2 Relig. Consacrer par un vœu. ⇒ Vouer. || Dévouer un enfant à la Sainte Vierge.
3 (1624). Vouer, livrer sans réserve, consacrer à… ⇒ Dédier, donner, livrer, offrir, sacrifier. || Dévouer ses enfants à la patrie. || Dévouer sa personne au service de Dieu, d'une noble cause. || Dévouer sa vie, son existence à la science.
4 Vous lui dévouez vos personnes, et lui, il se livre tout entier à vous.
——————
se dévouer v. pron.
1 Relig. || Se dévouer à Dieu : se sacrifier, s'offrir comme victime expiatoire. || Jésus-Christ s'est dévoué au salut de tous les hommes.
5 Prince, je me dévoue à ces dieux immortels (…)
Racine, Britannicus, V, 8.
2 Cour. || Se dévouer à (vieilli) : se consacrer entièrement à. || Se dévouer corps et âme à une noble cause. || Se dévouer à ses amis. ⇒ Oublier (s'oublier soi-même); → Aimer, cit. 38. || Se dévouer au service de qqn. ⇒ Attacher (s'), servir. || Se dévouer à la science, à la vérité.
6 Un anachorète qui se dévoue au service de l'humanité, un Saint qui veut méditer les grandeurs de Dieu en silence, peuvent trouver la paix et la joie sur des roches désertes.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 345.
7 (…) elles (les femmes) se dévouent à des êtres souffrants, dégradés, criminels, qu'elles veulent consoler, relever, racheter (…)
Balzac, Séraphîta, t. X, p. 480.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., I, p. 656.
♦ Absolt. Faire une chose pénible (effort, privation) au profit d'une personne, d'une cause. ⇒ Sacrifier (se). || Le besoin (cit. 29) de se dévouer. || Il est toujours prêt à se dévouer. || C'est un terre-neuve toujours prêt à se dévouer pour sauver les autres. || La joie de se dévouer. || Elle s'est dévouée pour le soigner.
9 Partout même habitude de se donner corps et âme, même besoin de se dévouer, même désir de porter et d'exercer quelque part l'art de bien souffrir et de bien mourir.
A. de Vigny, Servitude et Grandeur militaires, III, I, p. 175.
10 Toute sa vie n'était qu'amour. Elle (la tante de Tolstoï) se dévouait sans cesse (…)
R. Rolland, Vie de Tolstoï, p. 9.
♦ Fam. || Personne ne veut aller chercher le pain ? Allons, dévoue-toi !
——————
dévoué, ée p. p. adj.
1 P. p. || Dévoué à… || Victime dévouée à Dieu. || Âme dévouée à Dieu. || Homme dévoué à sa patrie. || Personne dévouée aux bonnes œuvres. || Savant dévoué à la vérité.
11 Au long d'une vie tout entière dévouée à la connaissance, au travail de l'esprit, à
la recherche, à la découverte, il avait accoutumé de tout prendre avec méthode, même le chagrin, même le plaisir.
G. Duhamel, le Voyage de P. Périot, I, p. 9.
♦ Être dévoué à qqn, être prêt à le servir, lui être acquis, lui appartenir. || Il lui est entièrement dévoué, tout dévoué, il est à sa dévotion. ⇒ Créature; damner (âme damnée); féal, lige (homme lige).
2 Adj. (mil. XVIIe). Qui consacre tout ses efforts à servir qqn, à lui être agréable. || C'est l'ami le plus dévoué. ⇒ Fidèle, loyal, serviable, sûr. || Serviteur dévoué. ⇒ Empressé, zélé. || Un partisan dévoué. — ☑ Loc. Dévoué comme un caniche, comme un chien fidèle, très dévoué.
12 (…) il avait des devoirs, dont le premier était de conserver à l'État un serviteur dévoué et assidu (…)
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 4e tableau, III, p. 156.
13 Que cette noblesse française était étrange ! Tantôt fidèle, dévouée, prête à verser son sang, décimée à Crécy, décimée à Poitiers, décimée à Azincourt; tantôt insoumise et dressée contre l'État.
J. Bainville, Hist. de France, VII, p. 121.
14 Les gens de cette sorte se soignent bien, ils rencontrent presque toujours une femme dévouée qui leur fait tiédir leur flanelle (…)
G. Duhamel, Inventaire de l'abîme, VI.
♦ (Formules de politesse). || Votre dévoué, votre tout dévoué (→ Affectionné). || Veuillez croire à mes sentiments dévoués, formules par lesquelles on termine une lettre.
❖
CONTR. Abandonner, déserter. — Égoïste, indifférent.
DÉR. Dévouement.
Encyclopédie Universelle. 2012.