embarrasser [ ɑ̃barase ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1570; esp. embarazar, ou it. imbarazzare, du lat. barra « barre »
I ♦ V. tr.
1 ♦ Encombrer. Les livres qui embarrassent la table. Gêner dans les mouvements. Donnez-moi cette valise qui vous embarrasse.
2 ♦ Mettre dans l'embarras, dans une position difficile. ⇒ gêner . « Il s'agit de nous embarrasser pour se divertir ensuite de notre gêne » (Bourget). Sa demande m'embarrasse. Vous m'embarrassez beaucoup par une telle proposition. — Rendre hésitant, perplexe. ⇒ déconcerter, désorienter, troubler. « Quand on obligeait les chefs des prêtres à s'expliquer nettement sur ce point, on les embarrassait fort » (Renan).
II ♦ V. pron.
1 ♦ S'encombrer. Je me suis embarrassé inutilement d'un parapluie. Voyager sans s'embarrasser d'un compagnon de route.
♢ Se soucier, tenir compte exagérément de... ⇒ s'inquiéter, se préoccuper. « Il faut très peu s'embarrasser de l'avenir pour être heureux » (Stendhal). Il ne s'embarrasse pas de scrupules !
2 ♦ S'empêtrer. « Autant d'assujettissements dans lesquels il s'embarrasse » (Taine). S'embarrasser dans ses explications, dans ses mensonges. ⇒ s'embrouiller (cf. fam. S'emmêler les pinceaux).
⊗ CONTR. Débarrasser; aider.
● embarrasser verbe transitif (espagnol embarazar, du portugais embaraçar, de baraço, corde) Encombrer un lieu, gêner le passage, prendre trop de place : Des tas de livres et de papiers embarrassaient la table. Gêner quelqu'un dans ses mouvements : Ces paquets vous embarrassent, laissez-moi les porter. Encombrer quelqu'un, utiliser inutilement l'espace dont il dispose ; le gêner dans ses actions, être une présence inutile : J'espère que je ne vais pas vous embarrasser avec toutes mes affaires. Mettre quelqu'un dans l'embarras, le gêner, le déconcerter : Cette question l'a embarrassé. ● embarrasser (difficultés) verbe transitif (espagnol embarazar, du portugais embaraçar, de baraço, corde) Orthographe Avec deux r comme embarras, et deux r et deux s comme débarrasser. ● embarrasser (expressions) verbe transitif (espagnol embarazar, du portugais embaraçar, de baraço, corde) Ne pas embarrasser quelqu'un, en parlant de sentiments, de valeurs morales, indique que quelqu'un n'en fait aucun cas : Les scrupules ne l'embarrassent pas. ● embarrasser (synonymes) verbe transitif (espagnol embarazar, du portugais embaraçar, de baraço, corde) Encombrer quelqu'un, utiliser inutilement l'espace dont il dispose ; le gêner...
Synonymes :
- déranger
- embêter (familier)
Mettre quelqu'un dans l'embarras, le gêner, le déconcerter
Synonymes :
- déconcerter
- décontenancer
- dérouter
- désarçonner
- désorienter
- gêner
- troubler
Contraires :
- rassurer
embarrasser
v.
rI./r v. tr.
d1./d Gêner, entraver la liberté de mouvement de (qqn). Votre parapluie vous embarrasse.
d2./d Fig. Mettre (qqn) dans une situation difficile, gênante. Ces complications m'embarrassent.
|| Troubler, rendre perplexe. Cette question, visiblement, l'embarrassait.
rII./r v. Pron.
d1./d Entraver la liberté de ses gestes en se chargeant de. S'embarrasser de colis.
d2./d Se préoccuper, se soucier à l'excès de. S'embarrasser de tout et des autres. Ne pas s'embarrasser de scrupules.
d3./d S'empêtrer, s'emmêler dans. S'embarrasser dans les plis de sa robe.
|| Fig. S'embarrasser dans ses discours.
⇒EMBARRASSER, verbe trans.
A.— Emploi trans.
1. [Le compl. désigne ordinairement un inanimé] Encombrer. Embarrasser le passage. Apparemment, ces gens-là font travailler ma pauvre folle de fille par les missionnaires qui embarrassent Nancy de leurs processions et de leurs fanfares (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 428).
2. [Le compl. désigne ordinairement un animé, une partie de son corps ou une de ses manifestations physiques] Gêner (dans son mouvement). Un tronçon de ma lance embarrasse ses pas (BAOUR-LORMIAN, Ossian, 1827, p. 106). Alors, pour vous obliger, je garderai ce petit paquet que vous avez sous le bras et qui pourrait vous embarrasser (MURGER, Scènes vie boh., 1851, p. 21) :
• 1. Et, luttant au-dessus contre ces tourbillons,
(Ah! je les reconnus), deux pauvres tourterelles,
Dont la poudre glacée embarrassait les ailes,
Cherchant à s'échapper de ce tombeau mouvant, ...
LAMARTINE, Jocelyn, 1836, p. 774.
— En partic. [Le compl. désigne un organe] Gêner (dans son fonctionnement).
♦ Embarrasser l'estomac. Mon estomac est embarrassé (MAINE DE BIRAN, Journal, 1817, p. 5).
♦ Embarrasser le larynx. Le larynx est-il encore embarrassé par des concrétions? (BRETONNEAU, Inflamm. tissu muqueux, 1826, p. 317).
— Fam. Gêner quelqu'un par sa présence. J'ai eu peur de l'embarrasser, de lui faire perdre son temps et je me suis par discrétion abstenu d'aller le voir (HUYSMANS, En route, t. 1, 1895, p. 81).
3. Au fig. Mettre dans l'embarras, dans une position difficile; placer dans l'incertitude. Son regard surpris embarrassa et irrita Julien (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 373). Je n'ai pas eu de veine, poursuivait-il, sans se rendre compte qu'il m'embarrassait avec ses confidences (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 201).
— Vx. Être embarrassé de. Avoir des difficultés sous le rapport de. Mais je suis aussi embarrassé d'argent que j'ai été au large jusqu'ici (LAMART., Corresp., 1835, p. 104).
B.— Emploi pronom. réfl.
1. S'embarrasser dans. S'empêtrer dans. La robe de Jenny s'embarrassa dans un buisson d'acacia (STENDHAL, Amour, 1822, p. 95).
♦ Au fig. Emma s'embarrassait un peu dans ses calculs (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 123).
— Emploi abs. Être entravé dans son fonctionnement normal. La respiration s'embarrasse (Ch. Dopter ds Nouv. Traité Méd., fasc. 1, 1926, p. 415). Sa parole s'embarrassa bientôt (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 358).
2. S'embarrasser de. S'encombrer.
a) de quelque chose. S'embarrasser d'un parapluie :
• 2. Celui-ci, (...), employa toute la réserve, le ménagement, la gravité possibles, pour leur persuader, avant de s'embarrasser de boulets rouges, d'essayer à froid, pour bien s'assurer de la portée.
LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 1, 1823, p. 92.
b) de quelqu'un. Un esprit négatif, un intellectuel, j'avais bien besoin de m'embarrasser de lui (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 244). Vous ne pensez pas que je suis assez bête pour m'embarrasser d'un pareil abruti (AYMÉ, Tête autres, 1952, p. 236).
— Au fig. Se préoccuper exagérément de. S'embarrasser de scrupules. Hartmann ne s'embarrasse pas de l'objection (Théol. cath., t. 4, 1re part. 1920) :
• 3. Mais alors les nations seront trop indifférentes en matières religieuses, et trop corrompues pour s'embarrasser de rêveries du nouvel envoyé, ...
CHATEAUBRIAND, Essai sur les Révolutions, t. 2, 1797, p. 393.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Trans. 1570-71 « causer de la gêne (à quelqu'un), (le) mettre dans une situation difficile » (MONTLUC, Commentaires, in PETITOT, Coll. Mém. Hist. Fr., XXII, 1 ds BARB. Misc. VII, n° 8 : Ce qui me fit resoudre de me retirer de la cour, afin de n'estre embarassé parmy les uns ou les autres); spéc. 1665 « gêner (quelqu'un) par sa présence » (MOLIÈRE, Dom Juan, IV, 6); 1690 « entraver l'usage normal (de quelque chose) » (FUR.). B. Pronom. 1580 abs. (MONTAIGNE, Essais, éd. A. Thibaudet, 1. II, chap. 12, p. 580 : [l'humaine raison] se perd, s'embarrasse et s'entrave, tournoyant et flotant dans cette mer vaste, trouble et ondoyante des opinions humaines); 1663 s'embarrasser de (qqc.) « s'en préoccuper exagérément » (MOLIÈRE, École des femmes, IV, 1, éd. E. Despois, t. III, p. 231). C. Part. passé adj. 1580 embarrassé « dans l'embarras » en parlant d'une pers. (MONTAIGNE, op. cit., 1. I, chap. 9, p. 58). D. Part. prés. adj. 1606 embarrassant « qui embarrasse » (H. VICTOR, Thresor des trois langues, p. 216, s.v. embaraçóso). Empr., de même que l'ital. imbarazzare, à l'esp. embarazar, « id. », attesté dep. ca 1460 (d'apr. COR.), lui-même empr. au léonais ou port. embaraçar, dér. de baraço « courroie, corde », d'orig. incertaine (v. COR.; DEI; cf. Baist ds Rom. Forsch. t. 32, p. 894). Le fait que le mot n'a qu'un seul -r- dans le domaine ibérique s'oppose à une dérivation à partir de barra (barre; FEW t. 1, p. 260a; BL.-W1-5). Le mot fr. est sans doute d'abord apparu sur le territoire wallon, occupé par les Espagnols au XVIe s. (v. K. Baldinger ds Z. rom. Philol. t. 67, p. 9; cf. embarras). Fréq. abs. littér. :974. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 878, b) 1 579; XXe s. : a) 1 364, b) 872. Bbg. QUEM. 2e s. t. 1 1970. — WIND 1928, p. 77, 192.
embarrasser [ɑ̃baʀase] v. tr.
ÉTYM. 1570; esp. embarazar, ou ital. imbarazzare; rac. lat. barra « barre ».
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1 Vieilli. Arrêter, gêner par un obstacle. || Embarrasser la rue, le passage, la circulation… ⇒ Congestionner, embouteiller, encombrer, gêner, obstruer. || Glaçons, icebergs qui embarrassent la navigation.
1 Il eut à combattre un grand nombre de nations qui embarrassaient la navigation avec leurs canots, et qui, du rivage, l'accablaient de flèches (…)
♦ Mod. Priver (qqn) de sa liberté de mouvement. ⇒ Gêner. || Ce colis volumineux vous embarrasse. || Laissez votre manteau au vestiaire, il ne vous embarrassera plus. || Liens, entraves qui embarrassent la marche.
2 Son fils, ce faible enfant qu'il porte entre ses bras,
D'un cher et doux obstacle embarrasse ses pas (…)
♦ Gêner le fonctionnement de (un organe; spécialt, le système digestif). || Aliments qui embarrassent l'estomac. — Rhume de cerveau qui embarrasse le nez. ⇒ Enchifrener.
2 Fig. (En parlant de choses de l'esprit). Gêner par des complications, des surcharges. || Embarrasser son style par l'abus des épithètes. ⇒ Alourdir. || Ces détails oiseux embarrassent le récit. || Incidents qui embarrassent l'action dramatique. ⇒ Ralentir. — Rendre plus difficile à résoudre. || Embarrasser une question, un problème de (par des) considérations étrangères au sujet. ⇒ Brouiller, compliquer, embrouiller, enchevêtrer; confus (rendre confus).
3 Puisque M. Jurieu, pour embarrasser la matière, veut nous parler du divorce, ayons la patience de l'entendre (…)
Bossuet, Hist. des Variations, 4e avertissement, 6.
3 Fig. (Sujet n. de personne). Encombrer (qqn) de sa personne, de sa présence. ⇒ Contrarier, déranger, embêter, empoisonner, encombrer, engeancer (vx), ennuyer, gêner, incommoder, importuner; obstacle (mettre obstacle à); emmerder (fam.). || Je crains de vous embarrasser en restant chez vous plus longtemps. || Il embarrasse tout le monde. ⇒ Fâcheux (→ Contraint, cit. 12).
4 Ce qu'on appelle un fâcheux est celui qui, sans faire à quelqu'un un fort grand tort, ne laisse pas de l'embarrasser beaucoup (…)
La Bruyère, les Caractères de Théophraste, « D'un homme incommode ».
4 (Sujet n. de chose). Gêner (qqn) en dérangeant les projets, en troublant les idées. ⇒ Arrêter, déconcerter, décontenancer, dépayser, dérouter, désorienter, entraver, gêner, intriguer, troubler; fil (donner du fil à retordre); → Bourbier, cit. 1; déclencher, cit. 5. || Cette affaire, cette histoire m'embarrasse un peu.
5 On servit, pour l'embarrasser,
En un vase à long col et d'étroite embouchure.
La Fontaine, Fables, I, 18.
6 Une fois ou deux il (Barnave) parut embarrasser Mirabeau, et il eut l'honneur de le tenir en échec.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 8 avr. 1850, t. II, p. 23.
7 C'est surtout de la taquinerie. Il s'agit de nous embarrasser pour se divertir ensuite de notre gêne (…)
Paul Bourget, Un divorce, III, p. 124.
5 (Sujet n. de personne ou de chose). Jeter (qqn) dans une incertitude embarrassante (par une question difficile, un choix délicat, un cas douteux…). ⇒ Coller, interdire, interloquer; quia (réduire à). || Examinateur qui embarrasse un candidat. || Vous m'embarrassez beaucoup par une telle proposition. || Choix qui embarrasse. ⇒ Embarrassant.
8 Une telle déclaration (…) ne laisse pas d'embarrasser (…) et de jeter dans une vraie perplexité (…)
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 8 avr. 1850, t. II, p. 37.
9 Quand on obligeait les chefs des prêtres à s'expliquer nettement sur ce point, on les embarrassait fort.
Renan, Vie de Jésus, VI, p. 149.
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s'embarrasser v. pron.
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I S'embarrasser de…
1 S'encombrer, se gêner dans ses mouvements, dans le train de la vie. || S'embarrasser d'un paquet volumineux, d'un manteau, d'un parapluie. — Absolt. || Il n'aime pas (à) s'embarrasser inutilement.
♦ Vieilli. || S'embarrasser de dettes.
10 L'actrice (Florine), qui n'avait pas besoin d'être excitée, s'embarrassa de trente mille francs de dettes.
Balzac, Une fille d'Ève, Pl., t. II, p. 132.
♦ S'embarrasser de qqn. ⇒ Charger (se). || Il s'est embarrassé d'un compagnon de voyage. || Je ne vais pas m'embarrasser de ces marmots !
11 Et moi, je ne veux plus m'embarrasser de femme (…)
Molière, le Dépit amoureux, IV, 2.
2 (1663). Prendre souci, tenir compte exagérément de… ⇒ Inquiéter (se), préoccuper (se), soucier (se). || S'embarrasser des goûts, des préférences des autres. || Il s'embarrasse peu de ses devoirs, de son travail.
12 Quoi qu'il en soit, le public m'a été trop favorable pour m'embarrasser du chagrin particulier de deux ou trois personnes (…)
Racine, 1re préface d'Andromaque.
13 La France apprenait le gouvernement représentatif : comme j'avais la sottise de le prendre à la lettre et d'en faire, à mon dam, une véritable passion, je soutenais ceux qui l'adoptaient, sans m'embarrasser s'il n'entrait pas dans leur opposition plus de motifs humains que d'amour pur comme celui que j'éprouvais pour la Charte (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. IV, p. 109.
14 Le malheur des écrivains est qu'ils s'embarrassent peu de dire vrai, pourvu qu'ils disent.
A. de Vigny, Journal d'un poète, p. 90.
15 Je commence à voir qu'il faut très peu s'embarrasser de l'avenir pour être heureux ou seulement raisonnable.
Stendhal, Journal, p. 285.
♦ ☑ S'embarrasser de tout : se faire un grand souci des moindres choses (→ Se faire une montagne de, se noyer dans un verre d'eau).
16 (…) de mille soucis mon esprit s'embarrasse (…)
Molière, l'École des femmes, IV, 1.
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II S'embarrasser dans…
1 S'empêtrer, se prendre dans. || La mariée s'embarrasse dans sa traîne. || Animal qui s'embarrasse dans un fourré (→ Bélier, cit. 1), dans un piège. || Cheval qui s'embarrasse dans sa stalle (⇒ Embarrer [s']), dans la longe de son licou. ⇒ Enchevêtrer (s'). — Vx (en parlant d'un véhicule). → Embarras, cit. 1.
17 Comme en sa propre fourbe un menteur s'embarrasse.
Corneille, le Menteur, V, 7.
♦ S'embarrasser dans ses discours, dans ses explications. ⇒ Embarbouiller (s'), patauger. || S'embarrasser dans ses propres subtilités, en être la victime. — S'embarrasser dans ses habitudes, dans ses principes moraux, dans les liens sociaux (→ Captif, cit. 6). || S'embarrasser dans des mécanismes compliqués.
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III (1580). Absolt, vieilli. || S'embarrasser : se troubler, perdre le pouvoir de se mouvoir, de fonctionner. || Sa langue s'est embarrassée depuis son attaque, elle ne lui permet plus d'articuler distinctement. || Sa poitrine s'embarrasse. ⇒ Congestionner (se).
18 Sur les six heures du soir, sa tête s'est embarrassée, et insensiblement il est tombé dans le délire le plus effrayant (…)
♦ Son saisissement fut tel qu'il s'embarrassa. ⇒ Bafouiller, balbutier (→ Blanc, cit. 22).
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embarrassé, ée p. p. adj.
1 Où règne l'encombrement. || Rue embarrassée.
2 Encombré, gêné dans ses mouvements. || Avoir les mains embarrassées. || Écolier embarrassé dans sa longue pèlerine. — Dont le fonctionnement est gêné. || Cerveau, estomac embarrassé. || Langue embarrassée. — Prononciation embarrassée.
19 Et dès le premier mot ma langue embarrassée
Dans ma bouche vingt fois a demeuré glacée.
Racine, Bérénice, II, 2.
20 Nous avons suivi à toutes les stations de la voie douloureuse ce pauvre Edmond qui, aveuglé de larmes et soutenu sous les bras par ses amis, butait à chaque pas comme s'il eût eu les pieds embarrassés dans un pli traînant du linceul fraternel.
Th. Gautier, Portraits contemporains, p. 196.
3 a (En parlant du discours). Qui manque d'aisance ou de clarté. || Paroles embarrassées. ⇒ Ambages, circonlocution. || Discours embarrassé (→ Couper, cit. 33). || Se lancer dans des explications embarrassées. ⇒ Compliqué, confus, emberlificoté, obscur. || Raisonnement embarrassé. || Style embarrassé. ⇒ Lourd, pénible (→ Davantage, cit. 10).
21 (…) la langue française est embarrassée de mots louches et synonymiques, de constructions timides et traînantes, de locutions oiseuses et serviles : il faut l'en affranchir.
22 La langue qui lui (Sainte-Beuve) vient directement sous la plume est gauche, lourde, embarrassée; le vocabulaire chétif et pauvre; c'est une langue d'avare et de grippe-sou (…)
Émile Henriot, les Romantiques, p. 253.
b Qui est compliqué. || Situation embarrassée. || Affaires embarrassées. ⇒ Complexe, compliqué, embrouillé.
♦ Spécialt. || Pièce de théâtre embarrassée. || Action embarrassée, par la complication de l'intrigue.
23 C'est l'incommodité des pièces embarrassées, qu'en termes de l'art on nomme implexes, par un mot emprunté du latin, telles que sont Rodogune et Héraclius (…)
Corneille, Examen de Cinna.
4 (Personnes). Qui sent une gêne. || Il est embarrassé de ses mains, de sa personne. — Il est embarrassé de sa fortune, il n'en trouve pas l'emploi. || Il est un peu embarrassé (financièrement). ⇒ Gêné.
24 (Virgile) se dérobait très souvent, en rougissant, à la multitude qui accourait pour le voir. Il était embarrassé de sa gloire (…)
Voltaire, Essai sur la poésie épique, III.
25 Ainsi la puissance d'attirer magnétiquement la fortune fut adjugée à l'héritier unique d'une famille très riche, qui, n'étant doué d'aucun sens de charité, non plus que d'aucune convoitise pour les biens les plus visibles de la vie, devait se trouver plus tard prodigieusement embarrassé de ses millions.
Baudelaire, le Spleen de Paris, XX, « Les dons des fées ».
26 Car la vie spirituelle s'oppose dans l'homme à la vie corporelle (…) il se regarde comme une âme embarrassée d'un corps (…)
Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 300.
♦ Qui éprouve une impression d'inaptitude ou d'incertitude. ⇒ Incertain, indécis, perplexe (cf. Être entre deux selles; ne savoir sur quel pied danser, à quel saint se vouer). || Être bien embarrassé pour répondre (→ Ciel, cit. 2). || Traducteur embarrassé (→ Déchiffrer, cit. 1). || Je ne suis pas embarrassé pour choisir. || Je serais bien embarrassé de… (suivi d'un infinitif). ⇒ Peine (en peine de); → Asseoir, cit. 8. || Cruellement embarrassé.
27 Ma main de se donner n'est pas embarrassée (…)
Molière, le Misanthrope, V, 4.
28 (…) je serais bien embarrassé de donner tort ou raison à quelqu'un, car ce sont tous de bons partis.
G. Sand, la Mare au diable, XII, p. 102.
♦ Être embarrassé de, pour qqch. ⇒ Inquiet, préoccupé, soucieux. || Voyageur embarrassé de son logement (→ Couvert, cit. 2). || Il est embarrassé pour bien peu de chose, il se noie dans un verre d'eau (→ Bagatelle, cit. 6).
5 (Personnes; comportements). Qui, dans sa contenance, trahit une gêne, un malaise. ⇒ Confus, dépaysé, désorienté, gêné, honteux, humble, interdit, penaud, quinaud, timide, troublé (→ Être dans ses petits souliers). || Le voilà tout embarrassé, le malheureux ! — Air embarrassé. ⇒ Constipé (fam.), contraint, empoté, emprunté, forcé.
29 Corneille était d'une bonté et d'une douceur excellentes, timide et embarrassé dans le monde, d'une parole bégayante et basse.
Émile Faguet, Études littéraires, XVIIe siècle, p. 138.
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CONTR. Débarrasser. — Aider, aise (mettre à l'aise), alléger, dégager, éclaircir, faciliter. — Moquer (se), négliger. — Décidé, dégagé, hardi, libre, naturel, net, résolu.
DÉR. Embarras, embarrassant.
Encyclopédie Universelle. 2012.