entrailles [ ɑ̃traj ] n. f. pl.
• 1160; bas lat. intralia « ce qui est à l'intérieur », class. interanea;cf. a. fr. entraigne
1 ♦ Ensemble des organes enfermés dans l'abdomen de l'homme ou des animaux. ⇒ boyau, 2. intestin, tripe, viscère; abat. Les aruspices examinaient les entrailles des animaux sacrifiés. « l'affreux amas des viscères et des entrailles de tout le troupeau de Neptune que les pêcheurs avaient rejeté à la mer » (Valéry).
2 ♦ Vx Intestins. Des douleurs d'entrailles. ⇒ 1. et 2. colique. « je suis souffrant des entrailles » (Sainte-Beuve).
3 ♦ Vx ou littér. Organes de la gestation. ⇒ sein. « Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni » « (Je vous salue Marie », prière).
4 ♦ Fig. et littér. Partie la plus profonde, intime, essentielle (de qqch.). Un bruit « de balancier frappant à coups redoublés dans les entrailles du navire » (Fromentin). « Le bois leur manquait : ils ont creusé jusque dans les entrailles du sol » (Taine).
5 ♦ (XIIe) Fig. et littér. Partie profonde de l'être sensible, siège des émotions. ⇒ âme (II), cœur (II), sensibilité. J.-J. Rousseau donna « des entrailles à tous les mots » (Joubert). « j'intéressais en elle ce peu d'entrailles qui subsiste dans les femmes les plus insensibles » (F. Mauriac). Un homme sans entrailles, insensible.
● entrailles nom féminin pluriel (latin populaire intralia, du latin classique interanea, intestins) Viscères abdominaux, ensemble des organes contenus dans les cavités abdominale et thoracique. Littéraire. Ventre considéré comme siège de la faim : Nos entrailles criaient famine. Littéraire. Ventre maternel : L'enfant qu'elle avait porté dans ses entrailles. Littéraire. Siège des sentiments les plus profonds, de la sensibilité ; cœur : Un drame qui vous prend aux entrailles. ● entrailles (citations) nom féminin pluriel (latin populaire intralia, du latin classique interanea, intestins) Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 Et ses mains ourdiraient les entrailles du prêtre, À défaut d'un cordon, pour étrangler les rois. Poésies diverses Commentaire Diderot interprète ici le testament du curé Meslier. La Harpe, dans son Cours de littérature ancienne et moderne (troisième partie, livre IV, chapitre III), donne de ces deux vers une version différente, qu'il attribue également à Diderot : « […] Et des boyaux du dernier prêtre / Serrons le cou du dernier roi. » Le texte de Chamfort semble plus proche de cette seconde version que de la première. Robert Garnier La Ferté-Bernard 1545 ?-Le Mans 1590 Moi, j'ai toujours l'amour cousu dans mes entrailles. Antigone ● entrailles (difficultés) nom féminin pluriel (latin populaire intralia, du latin classique interanea, intestins) Nombre Ne s'emploie qu'au pluriel : les entrailles. ● entrailles (expressions) nom féminin pluriel (latin populaire intralia, du latin classique interanea, intestins) Littéraire. Les entrailles de la terre, les profondeurs du sol. ● entrailles (synonymes) nom féminin pluriel (latin populaire intralia, du latin classique interanea, intestins) Viscères abdominaux, ensemble des organes contenus dans les cavités abdominale...
Synonymes :
- boyaux
- intestins
- tripes
Littéraire. Ventre maternel
Synonymes :
- sein
- ventre
entrailles
n. f. pl.
d1./d Ensemble des viscères renfermés dans l'abdomen et dans la poitrine de l'homme et de l'animal; intestins, boyaux.
d2./d Litt. Sein de la mère. Le fruit de vos entrailles: votre enfant.
d3./d Litt. Lieux les plus profonds. Les entrailles de la Terre.
d4./d Fig., litt. Coeur, siège de la sensibilité, de l'affection. être sans entrailles, sans coeur, incapable d'affection.
⇒ENTRAILLES, subst. fém. plur.
A.— 1. Ensemble des organes contenus dans l'abdomen et dans la cage thoracique de l'homme et des animaux. Ils [les paysans] font bouillir ses entrailles [de la taupe tuée] dans du vin et en composent un remède contre l'épilepsie (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 230) :
• 1. On fit l'autopsie du dernier mort sans rien trouver. Les entrailles envoyées à Paris furent analysées et ne révélèrent la présence d'aucune substance toxique.
MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, Moiron, 1887, p. 1145.
— Spécialement
♦ ANTIQ. Consulter, examiner, interroger les entrailles des victimes (Ac. 1932).
♦ ART CULIN. Abats. On le [le « garum »] tirait par expression des entrailles marinées du scombre ou maquereau (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p. 92).
— Vieilli. Viscères abdominaux et en partic. intestins. Douleurs d'entrailles; avoir, mourir d'une inflammation d'entrailles (cf. SAND, Mauprat, 1837, p. 371). Des maux d'entrailles se déclarèrent (FLAUB., Bouvard, t. 1, 1880, p. 35) :
• 2. Il fit encore quelques pas en avant et courbé en deux, les tempes glacées, ouvrit la bouche pour vomir. Ses entrailles en révolte se soulevèrent d'un coup.
GREEN, Moïra, 1950, p. 43.
— Poét. L'estomac, le ventre (considéré comme le siège de la faim). Entendre crier ses entrailles. C'est comme la faim naturelle qui vous prend aux entrailles. On laisse tout en place pour aller se mettre à table (CLAUDEL, Soulier, 1944, 4e journée, 8, p. 907).
♦ Par brachylogie. Contenu de l'estomac :
• 3. Pendant la traversée, où mollement étendus dans l'entrepont, nous saurons distraire les nautonniers de Calais en expectorant, sous leurs yeux, nos entrailles, si nous daignons jouir du mal de mer.
VILLIERS DE L'ISLE-ADAM, Corresp., 1879, p. 265.
2. Littér. Les organes de la gestation. Écouter le tressaillement de ses entrailles. Un désespoir obstiné de mère, qui achève de mettre au jour l'enfant mal venu de ses entrailles (ZOLA, Joie de vivre, 1884, p. 1102). Madeleine confirma mes soupçons : les bébés se forment dans les entrailles de leur mère (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 86).
— [P. allus. à l'Évangile St Luc I, 42-43] Fruit des entrailles. Enfant considéré par rapport à la mère. Et Jésus le fruit de vos entrailles est béni (PÉGUY, Myst. charité, 1910, p. 7).
— P. méton., vx. Les enfants :
• 4. Ses dix-sept ans mutins et maigres,
...
Captivèrent mon cœur et dictèrent mon choix
De lui pour fils, puisque, mon vrai fils, mes entrailles
On me le cache en manière de représailles.
VERLAINE, Œuvres complètes, t. 2, Amour, 1888, p. 99.
B.— P. anal. [En parlant d'une chose] Partie la plus profonde. Les entrailles de la terre, du sol; les entrailles d'un bateau, d'une maison. Autour de la bombe, on voit pêle-mêle des briques brisées, des moellons, des plâtras, les entrailles de la voûte (HUGO, Rhin, 1842, p. 44).
— Littér. Partie essentielle et intime. Leurs œuvres [des grands écrivains] sont (...) les entrailles même de l'esprit humain (CHATEAUBR., Litt. angl., t. 1, 1836, p. 278) :
• 5. L'un [Hugo] commence par le détail, l'autre [Delacroix] par l'intelligence intime du sujet; d'où il arrive que celui-ci n'en prend que la peau, et que l'autre en arrache les entrailles.
BAUDELAIRE, Curiosités esthétiques, 1867, p. 76.
C.— Au fig., littér. [En parlant d'une pers.] Partie profonde de l'être sensible, siège des émotions et des sentiments. Être ému jusqu'au fond des entrailles; prendre qqn aux entrailles. Belette elle-même (...) sentait ses entrailles tordues par la haine de l'ennemi héréditaire (AYMÉ, Vouivre, 1943, p. 26).
♦ Avoir des entrailles. Être sensible. N'avoir pas d'entrailles, avoir des entrailles de fer. Être impitoyable. L'amour, voyez-vous, c'est dur, ça n'a pas d'entrailles, ça pourrait même rire de tout, comme une tête de mort (BERNANOS, Joie, 1929, p. 618) :
• 6. — À vous entendre, clama-t-il amèrement, on pourrait croire que je ne l'aime pas, cet enfant; on pourrait croire que je n'ai pas d'entrailles, que je suis une brute et un bourreau.
DUHAMEL, Chronique des Pasquier, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 175.
♦ Avoir des entrailles (de père, de mère) pour qqn ou qqc. Aimer profondément. Annah est ma filleule : j'avais pour elle des entrailles de mère (NODIER, Fée Miettes, 1831, p. 118). Il n'y a que moi qui, dans le roman peuple, ait eu de la tendresse, des entrailles pour la canaille (GONCOURT, Journal, 1879, p. 16).
Prononc. et Orth. :[]. [] post. dans la majorité des dict., mais [a] ant. ds DG et DUB. (cf. aille). Enq. : /, (D)/. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. La docum. donne des ex. du mot employé au sing. (cf. CLAUDEL, Art poét., 1907, p. 126; BARRÈS, Cahiers, t. 11, 1917-18, p. 372; CLAUDEL, Poète regarde Croix, 1938, p. 213; ID., Guerre de 30 ans, 1945, p. 563). Étymol. et Hist. 1. 1re moitié XIIe s. fig. « partie la plus profonde (de l'être) » (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, 102, 1, p. 185); 2. id. plur. entrailles « ensemble des organes abdominaux » (ibid., 108, 19, p. 206). Du lat. vulg. intralia (VIIIe s. Gloss. Reichenau, éd. A. Labhardt, p. 197, 1691), issu par substitution de suff. du subst. plur. neutre interanea « les intestins » (d'où l'a. fr. entraigne « id. » XIIe s. A. DE PARIS, Alexandre, II, 956 ds Elliott Monographs, t. 2, p. 95) de l'adj. interaneus « intérieur, intestinal », dér. de inter « au milieu de » (entre). Fréq. abs. littér. : 1 362. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 2 237, b) 2 905; XXe s. : a) 1 993, b) 1 127.
entrailles [ɑ̃tʀɑj] n. f. pl.
ÉTYM. V. 1120, aussi sens B., 2.; du bas lat. intralia « ce qui est à l'intérieur », du lat. class. interanea (cf. anc. franç. entraigne), de l'adj. interaneus « intérieur; intestinal », de inter. → Entre.
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♦ Didactique, littéraire ou style soutenu.
1 Ensemble des organes enfermés dans l'abdomen de l'homme ou des animaux. ⇒ Boyau, intestin, tripe, viscère (→ Curée, cit. 3). || Entrailles de poisson, de volaille. ⇒ Abats, brouailles. — Vider les entrailles avant l'embaumement. || Consulter, examiner, interroger les entrailles des victimes (→ Aruspice, cit. 1; astrologie, cit. 2). — Rare. || De longues entrailles pendaient (→ Éventrer, cit. 3, Flaubert).
1 Il entendit un cri sec auprès de lui; c'étaient deux hussards qui tombaient atteints par des boulets (…) ce qui lui sembla horrible, ce fut un cheval tout sanglant qui se débattait sur la terre labourée, en engageant ses pieds dans ses propres entrailles; il voulait suivre les autres : le sang coulait dans la boue.
Stendhal, la Chartreuse de Parme, I, III.
2 Je reconnus avec horreur l'affreux amas des viscères et des entrailles de tout le troupeau de Neptune que les pêcheurs avaient rejeté à la mer.
Valéry, Variété III, p. 237.
♦ Sing. collectif (rare et littér.) :
2.1 Bien plus tard et sans que rien n'ait pu choquer la mélodie continue du plaisir, le roi saisit aux reins un impala et l'égorgea de son poignard, l'éventra, déploya avec agilité chaque corolle fruitée de la chair et noya son visage ouvert dans l'entraille vermeille et fumante.
P. Grainville, les Flamboyants, p. 167.
♦ ☑ Loc. fig. Vx. Déchirer ses entrailles, en parlant d'un peuple : être en proie aux discordes civiles. || C'est lui arracher (cit. 4) les entrailles !
3 Qu'elle-même (Rome) sur soi renverse ses murailles,
Et de ses propres mains déchire ses entrailles !
Corneille, Horace, IV, 5.
2 Vx. Spécialt. Intestins. || Avoir mal aux entrailles. || Des douleurs d'entrailles (→ Amollir, cit. 1; déterger, cit. 2). ⇒ Colique.
4 (…) je suis souffrant des entrailles et obligé en même temps par un travail de journal qui me presse.
Sainte-Beuve, Correspondance, I, p. 313.
♦ Estomac. ☑ Entendre crier ses entrailles : avoir faim.
3 (1672). Vx ou littér. Organes de la gestation, chez la femme (et rare), les femelles de mammifères. ⇒ Sein (→ Déchirement, cit. 2). || Les entrailles qui vous ont portés.
5 Dès qu'Élisabeth entendit la voix de Marie qui la saluait, son enfant tressaillit dans son sein, et Élisabeth fut remplie du Saint-Esprit; Et s'écriant à haute voix, elle dit : Vous êtes bénie entre les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni.
Bible (Sacy), Luc, 41-42.
6 Elle détesta l'enfant, fruit des violences qu'elle avait subies, depuis l'heure où elle le sentit se débattre dans ses entrailles (…)
J. Green, Léviathan, p. 180.
♦ (1635). Vx. Par ext. Les enfants (d'une femme).
7 Madame, épargnez-les, épargnez vos entrailles.
Corneille, Médée, III, 4.
B Fig.
1 (1677). Fig., littér. Partie la plus profonde, intime, essentielle (de qqch.). || Les entrailles de la terre (→ Aride, cit. 2; cyclopéen, cit. 2). || Les entrailles du navire (→ Coup, cit. 33). || Les entrailles de la ville (→ Boulet, cit. 1).
8 Le bois leur manquait : ils ont creusé jusque dans les entrailles du sol, et les houillères de la Belgique sont aussi riches que celles de l'Angleterre.
Taine, Philosophie de l'art, t. I, p. 256.
9 Du fond du souterrain inférieur remontent tout à coup des prêtres d'Abyssinie, qui ont l'air d'être les anciens rois mages, sortant des entrailles de la terre (…)
Loti, Jérusalem, VII, p. 78.
♦ Fig. || Creuser une idée jusqu'aux entrailles (→ Absolu, cit. 19).
10 L'un (Hugo) commence par le détail, l'autre (Delacroix) par l'intelligence intime du sujet; d'où il arrive que celui-ci n'en prend que la peau, et que l'autre en arrache les entrailles.
Baudelaire, Curiosités esthétiques, Salon de 1846, IV.
2 Fig., littér. Partie la plus profonde de l'être sensible, siège des émotions. ⇒ Âme, cœur, sensibilité. || Être remué jusqu'au fond des entrailles (→ Craintif, cit. 3). || Émouvoir quelqu'un jusqu'aux entrailles (→ Déchiqueter, cit. 2). || Du fond des entrailles (→ Désespérer, cit. 24). || Histoire qui vous prend aux entrailles. ⇒ Pathétique. || Un homme sans entrailles. ⇒ Impitoyable, insensible. || Avoir pour quelqu'un des entrailles de mère, des entrailles de père.
11 Laissons-nous aller de bonne foi aux choses qui nous prennent par les entrailles (…)
Molière, Critique de l'École des femmes, 6.
12 (…) à l'aspect d'un accident tragique, l'objet, la sensation et l'effet se touchent; en un instant, les entrailles s'émeuvent, on pousse un cri, la tête se perd, les larmes coulent (…) Vous faites un récit en société; vos entrailles s'émeuvent, votre voix s'entrecoupe, vous pleurez. Vous avez, dites-vous, senti et très vivement senti.
Diderot, Paradoxe sur le comédien.
13 À Dieu ne plaise que je croie avoir besoin de prouver ici ce qu'un peu de bon sens et d'entrailles suffisent pour faire sentir à tout le monde !
Rousseau, le Gouvernement de Pologne, VI.
14 J.-J. Rousseau donna, si je puis ainsi m'exprimer, des entrailles à tous les mots, et y répandit un tel charme, de si pénétrantes douceurs, de si puissantes énergies, que ses écrits font éprouver aux âmes quelque chose d'assez semblable à ces voluptés défendues qui nous ôtent le goût et enivrent notre raison.
Joseph Joubert, Pensées, XXIV, XLII.
15 La pitié est dans les entrailles comme la tendresse est sur la peau.
France, le Lys rouge, III, p. 45.
16 Aujourd'hui, j'incline à penser qu'elle me montrait tout l'attachement dont elle était capable et que j'intéressais en elle ce peu d'entrailles qui subsiste dans les femmes les plus insensibles.
F. Mauriac, la Pharisienne, X, p. 155.
Encyclopédie Universelle. 2012.