épave [ epav ] n. f.
• espave « égaré » 1283; lat. expavidus « épouvanté », appliqué aux animaux effrayés, égarés
1 ♦ Dr. Objet mobilier égaré par son propriétaire. « L'épave n'est pas une chose sans maître [...] ; son maître ne peut pas la retrouver » (Planiol).
2 ♦ (1762; épave de mer 1581) Cour. Coque d'un navire naufragé; objet abandonné en mer ou rejeté sur le rivage. « Une épave éventrée et vide, bercée sur une mer silencieuse d'un gris rose » (Loti).
♢ Par ext. Véhicule irréparable. Mettre une épave à la casse (⇒ épaviste) .
3 ♦ Fig. et littér. Ce qui reste après une ruine, un cataclysme. ⇒ débris. « Nos comptoirs de l'Inde, maigres épaves de la grande entreprise de Dupleix » (Madelin). « Le plus beau souvenir ne m'apparaît que comme une épave du bonheur » (A. Gide). ⇒ vestige.
♢ Personne désemparée qui ne trouve plus sa place dans la société. ⇒ loque. « Une clientèle flottante d'épaves, de pauvres hères » (Martin du Gard).
● épave nom féminin (ancien français espave, égaré, du latin expavidus, épouvanté) Tout objet mobilier perdu et dont le propriétaire reste inconnu. Objet abandonné à la mer et flottant au gré des flots ; débris sur le rivage. Carcasse de navire échoué sur une côte. Automobile accidentée ou trop usagée pour pouvoir être réparée et qui est destinée à la casse. Personne qui, à la suite de revers, est désemparée, réduite à un état de misère et de détresse ; loque. ● épave (expressions) nom féminin (ancien français espave, égaré, du latin expavidus, épouvanté) Droit d'épaves, droit de s'approprier les épaves à l'issue d'un certain délai. ● épave (synonymes) nom féminin (ancien français espave, égaré, du latin expavidus, épouvanté) Objet abandonné à la mer et flottant au gré des...
Synonymes :
épave
n. f.
d1./d DR Objet ou animal perdu sur la voie publique.
d2./d Objet, débris provenant d'un navire naufragé.
|| Navire désemparé, abandonné par l'équipage mais qui flotte encore.
|| Navire coulé. Le cargo a heurté une épave.
|| Par ext. Véhicule automobile hors d'usage.
d3./d (Plur.) Débris, restes. Les épaves de sa fortune.
d4./d Fig. Personne déchue et misérable. L'alcool a fait de lui une épave.
⇒ÉPAVE, subst. fém.
I.— Rare (en constr. d'appos. avec valeur d'adj.). DR. [En parlant d'un animal ou d'un inanimé concr.] Qui est égaré, dont le propriétaire est inconnu. Un cheval épave; des bêtes épaves; biens épaves (Ac. 1835-1932).
— P. ext. (Quasi-)synon. épars. Le cochon, qui est corpulent et fainéant, — s'occupe (...) à glaner les feuilles épaves qui sont tombées des choux (BAUDEL., Nouv. Hist. extr., 1857, p. 254).
II.— Subst. fém.
A.— DR. et usuel. Objet mobilier égaré, abandonné, dont on ne connaît pas le propriétaire. Cet éventail, aussi, vendu, acheté, revendu, sali dans les tiroirs, brisé par les enfants, (...) finira peut-être dans un clair incendie, ou bien épave d'égouts, il descendra les rivières pour s'émietter, pourri, dans la mer immense (CROS, Coffret santal, 1873, p. 126).
1. En partic.
a) Domaine mar. Débris de navire, de cargaison, objet quelconque abandonné à la mer, coulé au fond, flottant ou rejeté sur le rivage (souvent à la suite d'un naufrage). Un lot d'épaves. Il y a quelque chose. On dirait une épave à demi enfoncée dans le sable. — Ah! s'écria Pencroff, je vois ce que c'est! — Quoi donc? demanda Nab. — Des barils, des barils, qui peuvent être pleins! répondit le marin (VERNE, Île myst., 1874, p. 221). L'épave d'un navire démâté qui flotte au gré des courants (CLAUDEL, Soulier, 1929, 1re journée, I, p. 652) :
• 1. Cette semaine-là, qui fut brumeuse, une grosse barque de Nantes se perdit sur un écueil de la chaussée de Sein. Des épaves arrivèrent à la côte : des rames, des morceaux de coque, un canot en bon état, des tonneaux d'eau potable, un baril de vin rouge, et trois cadavres...
QUEFFÉLEC, Un Recteur de l'Île de Sein, 1944, p. 25.
b) Domaine des transp. Colis en souffrance, qui n'est réclamé ni par son destinataire ni par son expéditeur. Avant d'être versés aux épaves, les objets abandonnés [dans les chemins de fer] sont soigneusement examinés par les soins de la S.N.C.F. (L'Œuvre, 27 janv. 1941).
— Locutions
♦ Droit d'épave(s). Droit de s'approprier des choses épaves. Ramassez-moi ce cavalier démonté. Il m'appartient vu que j'ai le droit d'épave sur cette route (SAND, Beaux MM. Bois-Doré, t. 1, 1858, p. 250). Il y a toujours dans une tempête un moment où vous avez droit d'épaves (TOULET, Demois. La Mortagne, 1920, p. 21).
♦ Aller aux épaves. Aller recueillir les épaves. Les plus audacieux (...) vont en même temps « au bois » et aux épaves. La mer n'a pu ne pas charrier sur la côte toutes sortes de débris (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 116).
♦ Au fig., vieilli. Ramasser son épave. Prendre un bénéfice, tirer parti de. Bixiou! (...) un diable enragé d'avoir dépensé tant d'esprit en pure perte, furieux de ne pas avoir ramassé son épave dans la dernière révolution (BALZAC, Mais. Nucingen, 1838, p. 593).
2. P. compar. et p. métaph. Des groupes animés se pressent devant les boutiques de victuailles, et je flotte comme une épave au gré de ces flots vivants (A. FRANCE, Bonnard, 1881, p. 302) :
• 2. ... je ne vois pas pourquoi on nous prêcherait d'obéir à la première sommation de la nécessité politique, quand l'homme navigue contre vent, par sa propre industrie, depuis tant de siècles. Sur cette mer politique, il serait bien lâche et bien au-dessous de l'homme de céder au premier flot, et d'aller d'abord comme une épave où le courant me mène, et non point où je veux aller. Encore mieux si je forme équipage avec des hommes qui vont justement où je vais. Hardi, donc, et tiens ta route.
ALAIN, Propos, 1927, p. 706.
B.— P. ext.
1. Domaine concr. Reste, débris, déchet. Des épaves de cuisine, des trognons de légumes et des morceaux d'affiches (HUYSMANS, En mén., 1881, p. 3).
— Avec une nuance métaph. Il s'emparait des derniers débris de pain traînant sur la table; mais quelquefois aucune épave ne restait pour lui. Tout avait été englouti (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 400).
2. Au fig.
a) Reste, débris qui subsiste après une ruine, un changement de situation, ou au terme d'une évolution.
— [À propos d'un inanimé] Il [Jean] guide l'abbé jusqu'à l'ancien salon, son cabinet, qu'il a meublé avec les épaves de sa vie active : ses bibliothèques, son bureau, et, sur la cheminée, seul et nu, le douloureux « Esclave enchaîné » (MARTIN DU G., J. Barois, 1913, p. 533) :
• 3. ... j'ai calculé approximativement que, toutes nos dettes payées, il nous resterait un capital de cent vingt à cent cinquante mille francs. Il est difficile qu'une fortune qui s'élevait à cinq millions ne nous laisse pas au moins cette épave.
FEUILLET, Le Roman d'un jeune homme pauvre, 1858, pp. 20-21.
— [À propos d'une pers.] Elle [la reine] lui montra [à Méraut] le pauvre infirme, blotti dans ses jupes, leur chef-d'œuvre écroulé, ce débris, cette épave d'une grande race (A. DAUDET, Rois en exil, 1879, p. 460). L'aristocratie mondaine en France survit aux révolutions et subsiste par des noms de famille d'une belle sonorité que l'on a toujours plaisir à entendre... On trouve encore des épaves royales à Lausanne et à Lisbonne (CHARDONNE, Ciel, 1959, p. 32).
— P. ext. [À propos d'un inanimé ou d'une pers.] Ce qui demeure, survit. Épave du bonheur. Elle partageait tout avec nous. (...). Elle savait toutes nos habitudes, elle avait connu toutes nos maîtresses. Elle était un morceau de notre vie, un meuble de notre appartement, une épave de notre jeunesse (GONCOURT, Journal, 1862, p. 1111). Les vestiges de la bourgeoisie. Qu'est-ce qu'une famille bourgeoise? (...) : c'est une famille riche, en ordre avec des domestiques... Chez nous, pas d'argent, pas d'ordre et pas de domestiques. (...) Mais les phrases et les principes tiennent bon. L'épave de la bourgeoisie! (COCTEAU, Par. terr., 1938, I, 2, p. 193). Son collier, là-haut... L'envie le prit de tenir entre ses doigts cette épave du passé (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 907).
b) Personne qui, à la suite de malheurs, de revers, est diminuée physiquement ou moralement. (Quasi-) synon. déchet, loque. Cet absurde instinct vital qui rive encore à l'existence les plus misérables épaves humaines (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1368). On y jugeait [à la correctionnelle] un pauvre bougre, une épave de la société. Il n'attirait plus la foule, il ne faisait pas attraction (ARNOUX, Paris, 1939, p. 14).
♦ Emploi adj. Pourtant je me sens ce matin un peu moins épave; j'écris sans trop de peine trois lettres (GIDE, Journal, 1929, p. 908).
— Souvent p. compar. ou p. métaph. Je reconnus des Anglaises. Car, de toutes les épaves, celles-là sont les plus ballottées. À tous les coins du monde, il en échoue, il en traîne dans toutes les villes où le monde a passé (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Épaves, 1881, p. 1219). Il était à peu près sans ressources, pour des années une épave qui surnage ou sombre au hasard du flot (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, préf., p. 211) :
• 4. Ce fut sur elle [Noémie], pendant huit autres jours, une de ces tempêtes morales qui démâtent une âme de toute sa réflexion et la livrent en proie, douloureuse épave, au plus léger reflux des événements.
BOURGET, L'Irréparable, 1884, p. 122.
Prononc. et Orth. :[epa:v]. Enq. : /epav/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1283 espave « chose égarée ou dont le propriétaire est inconnu » (PH. DE BEAUMANOIR, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, chap. 25, § 738); 2. 1581 « objet échoué après un naufrage » (FROUMENTEAU, Finances, 1er liv., p. 17 ds LITTRÉ). Substantivation de l'adj. espave « qui est égaré » (1283, PH. DE BEAUMANOIR, op. cit., § 737), du lat. class. expavidus « épouvanté, qui s'enfuit sous l'emprise de la peur » dér. de pavere « avoir peur ». Fréq. abs. littér. :490. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 29, b) 1 119; XXe s. : a) 975, b) 872.
épave [epav] adj. et n. f.
ÉTYM. 1283, espave « épouvanté »; du lat. expavidus « épouvanté », appliqué aux animaux effrayés, égarés, de ex-, et pavidus « effrayé », de pavere « être troublé ». → Peur.
❖
———
I Adj. (vx). Qui est égaré; dont le propriétaire est inconnu. || Un cheval épave. || Bêtes épaves. || Biens épaves. → aussi, ci-dessous II., 3., spécialt : voiture épave.
———
II N. f. (mod.).
1 Dr. Objet mobilier égaré par son propriétaire. || Découvrir une épave. || Épaves attribuées à l'inventeur. || L'attribution des épaves maritimes ou fluviales est réglée par des lois particulières. — Droit d'épaves, de s'approprier les épaves.
1 L'épave n'est pas une chose sans maître, susceptible d'être acquise par occupation; son propriétaire n'a pas renoncé à sa propriété; souvent même il ignore qu'il a perdu sa chose (…) Cependant, dans la plupart des cas, le propriétaire de l'épave est dans l'impossibilité de la réclamer parce qu'il ignore ce qu'elle est devenue. L'épave reste définitivement à l'inventeur (qui invenit), de telle sorte que l'invention des épaves apparaît comme un mode d'acquérir voisin de l'occupation. La chose est comme si elle était sans maître, puisque son maître ne peut pas la retrouver.
M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, t. I, p. 889.
♦ Colis qui n'est réclamé ni par l'expéditeur ni par le destinataire.
2 (1581, épave de mer; épave, 1690). Cour. Coque d'un navire naufragé ou objet abandonné en mer ou rejeté sur le rivage. || Rivage couvert d'épaves. ⇒ Herpe (herpes marines). || Naufragé qui s'accroche (cit. 12) à une épave. || Ramasser des épaves. || Naufrageurs et pilleurs d'épaves. || Flotter comme une épave.
2 (…) si, sur le radeau, il ne reste plus de tout l'équipage qu'un seul homme, rompu par les fatigues et les privations de toute espèce; si la lame le ballotte, comme une épave, pendant des heures plus prolongées que la vie d'homme (…)
Lautréamont, les Chants de Maldoror, IV, p. 172.
3 Et cela finissait par cette vision obsédante, toujours la même : une épave éventrée et vide, bercée sur une mer silencieuse d'un gris rose (…)
Loti, Pêcheur d'Islande, V, IX.
4 On doit considérer comme épaves maritimes les objets mobiliers dont leur propriétaire a perdu la possession et qui sont trouvés flottant en mer, ou tirés du fond de la mer, ou échoués sur la partie du rivage qui dépend du domaine public.
Lacour, Droit maritime, no 422 (éd. Dalloz, 1928).
♦ Par ext. (à propos d'une île de glace) :
4.1 De longues ondulations soulevaient doucement ce dernier morceau de terre et de glace qui restait de l'île Victoria. Il montait et descendait sans se déplacer, comme une épave, et ce n'était plus qu'une épave, en effet !
J. Verne, le Pays des fourrures, t. II, p. 311.
♦ Par métaphore :
5 Restait la toute petite (…) la dernière épave de ce long naufrage qui lui avait emporté, l'un après l'autre, tous les autres.
Loti, Mon frère Yves, LXIV, p. 150.
3 Fig. Ce qui reste après une destruction, après la ruine de qqch. ⇒ Débris. || Il eut bien de la peine à recueillir quelques épaves de sa fortune (Académie). || Les maigres épaves d'une entreprise autrefois florissante (→ Comptoir, cit. 2). — Par ext. Ce qui demeure, survit parmi des choses abandonnées, rejetées, oubliées, perdues. || Les Épaves, recueil de poèmes de Baudelaire (1866).
6 Le plus beau souvenir ne m'apparaît que comme une épave du bonheur.
Gide, les Nourritures terrestres, VIII, p. 171.
7 L'envie le prit de tenir entre ses doigts cette épave du passé, de palper ces grains qui devenaient si vite tièdes comme une chair, et dont l'odeur évocatrice était comme une présence (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 137.
♦ Spécialt. Véhicule accidenté considéré comme irrécupérable. || Ferrailleur qui fait le commerce des épaves. ⇒ Épaviste. — (1967). Spécialt. || Voiture épave : voiture hors d'usage abandonnée sur la voie publique.
4 Personne désemparée qui ne trouve plus sa place dans la société. ⇒ Déchet, loque. || Cet homme n'est plus qu'une épave, qu'une triste épave (→ Amorphe, cit. 4; dévaster, cit. 5). || Drogué, alcoolique devenu une épave. || Des clochardes, de vraies épaves.
8 Il y a aussi toute une clientèle flottante d'épaves, de pauvres hères charriés là par on ne sait quelles vagues de misère, de crime ou de déveine, et qui, heureux d'être assis, sans trop oser lever les yeux, courbant le dos sous un passé qui semble lourd, tassent longuement leur pain dans leur soupe avant d'y enfoncer la cuillère.
Martin du Gard, les Thibault, t. VIII, p. 125.
9 Ton Avoyer est une épave. Un individu louche. S'il a l'audace de se présenter à moi, je lui mettrai mon pied au derrière.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, XI, p. 113.
❖
DÉR. Épaviste.
Encyclopédie Universelle. 2012.