hanter [ 'ɑ̃te ] v. tr. <conjug. : 1>
• v. 1138 « habiter »; a. scand. heimta, rad. haim → hameau
1 ♦ Littér. Fréquenter (un lieu) d'une manière habituelle, familière. Hanter les tripots, les mauvais lieux.
2 ♦ Vieilli Fréquenter habituellement (qqn). « Je hante la noblesse » (Molière). PROV. Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es : on juge quelqu'un sur ses fréquentations habituelles.
3 ♦ (déb. XIXe; empr. angl.) Mod. (en parlant des fantômes, des esprits) Fréquenter (un lieu). On dit qu'un revenant hante cette ruine. « une maison hantée par des lémures » (Huysmans).
4 ♦ (XIXe) Fig. Habiter l'esprit de (qqn) en gênant, en tourmentant. ⇒ obséder, poursuivre. Ce souvenir le hantait. « L'idée du suicide le hante » (Suarès). Les rêves qui hantent son sommeil. ⇒ habiter, peupler(fig.).
⊗ CONTR. Fuir; éloigner (s').
⊗ HOM. Enté, enter.
hanter
v. tr.
d1./d Vx ou litt. Fréquenter de manière habituelle (une personne, un lieu).
— Prov. Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es.
|| Mod. Des fantômes hantent ce vieux château.
d2./d Fig. Obséder. Un triste souvenir le hante.
⇒HANTER, verbe trans.
A. — [Le suj. désigne un être animé]
1. Occuper de sa présence un lieu fréquenté ou désert. Elle apprit aussi qu'il menait une vie de moins en moins régulière, passant au dehors la plus grande partie de ses nuits, hantant des maisons publiques (ARLAND, Ordre, 1929, p. 356). Je hante la forêt et la bibliothèque, cette autre forêt (HUGO, Rhin, 1842, p. 308) :
• 1. ... Mais votre inquiétude, mais les tristes regards avec lesquels vous inspectiez ces lieux, pouvaient-ils échapper à celui qui depuis trois semaines les hante le jour et la nuit?
GIDE, Caves, 1914, p. 789.
— En partic. [En parlant de fantômes, d'esprits] Il y avait eu dans cette maison plusieurs victimes de la Terreur dont les ombres indignées hantaient les escaliers et les corridors (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 453).
2. Littér. Fréquenter assidûment. Hanter qqn, une société particulière, certains milieux. Quand on est riche et délicat, on ne hante plus les claques à quarante sous (ARNOUX, Solde, 1958, p. 208) :
• 2. À Nemours, il ne se trouve que trois ou quatre maisons de petite noblesse inconnue (...). Ces familles exclusives hantent les nobles qui possèdent des terres ou des châteaux aux environs...
BALZAC, U. Mirouët, 1841, p. 18.
Hanter chez :
• 3. Mais, surtout, je hante assez assidûment, contre ma coutume, attiré par je ne sais trop quel appât de curiosité, d'affection peut-être, si j'en suis capable, même à un degré crépusculaire, chez Mirlababi.
ARNOUX, Crimes innoc., 1952, p. 196.
♦ Emploi pronom. réciproque. Tout ce bon gibier de Grève, hérétiques, sorciers et voleurs, se hantent et frayent ensemble (MÉRIMÉE, Chron. règne Charles IX, 1829, p. 32).
— Proverbe. Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. La personnalité d'un individu se définit d'après ses fréquentations.
B. — [Le suj. désigne une chose] Occuper de façon obsédante la pensée, l'esprit, l'imagination, un moment de la vie de quelqu'un. Il (...) ouvrit sa fenêtre et regarda le ciel. La peur du mauvais temps le hantait. Il faisait beau (MAUPASS., Notre cœur, 1890, p. 350). Ni le spectre du percepteur, ni la hausse du prix du gigot, ne hantaient ces Françaises et Français parigotés, heureux de s'amuser en plein air (L. DAUDET, Rech. beau, 1932, p. 74) :
• 4. C'était comme la cuisson d'une blessure ancienne, non plus ce désir aveugle et immédiat, s'accommodant de tout, mais une passion jalouse de cette femme, un besoin d'elle seule, de ses cheveux, de sa bouche, de son corps qui le hantaient.
ZOLA, Nana, 1880, p. 1331.
REM. 1. Hantant, -ante, part. prés. en emploi adj. Ce type de la Salomé si hantant pour les artistes et pour les poètes, obsédait, depuis des années, Des Esseintes (HUYSMANS, À rebours, 1884, p. 73). 2. Hanteur, -euse, subst. et adj. a) Subst. Personne qui hante. Ce vénéneux [Hippolyte Maubec] est pour la vertu et ce hanteur de tripots pour la probité (BLOY, Désesp., 1886, p. 275). b) Emploi adj. Avec ça toujours ivre et hanteur de tavernes (MORAND, Londres, 1933, p. 21).
Prononc. et Orth. : [] init. asp. Att. ds Ac. dep. 1694. Homon. enter, à l'aspiration près. Étymol. et Hist. 1. a) Début XIIe s. « fréquenter » (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1708); b) 1121-34 « fréquenter, se tenir souvent en un lieu » (PH. DE THAON, Bestiaire, éd. E. Walberg, 1361); 2. a) 1800 des esprits hantaient chaque village (DELILLE, Homme des champs, p. 62); b) av. 1848 chambre hantée (CHATEAUBR., Mém., t. 4, pp. 195-196); 3. 1836 « obséder, poursuivre » (STENDHAL, H. Brulard, t. 1, p. 311). Empr. de l'a. scand. heimta « conduire à la maison », dér. de heim « à la maison » qui s'accorde bien avec l'ancienneté et la fréq. du mot en Normandie d'où il a gagné le reste du domaine d'oïl. Le sens 2 est peut-être dû à l'infl. de l'angl. to haunt « fréquenter, hanter (en parlant des spectres ou des fantômes) », lequel est issu de l'a. fr. hanter (1) [anglicisme introduit peut-être par les romans fantastiques d'Ann Radcliffe (1764-1823) et autres], ou plus vraisemblablement à celle du norm. hanté « fréquenté, visité par des spectres », hant « fantôme, revenant » (v. FEW t. 16, p. 191b). Fréq. abs. littér. : 629. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 129, b) 516; XXe s. : a) 1 660, b) 1 289. Bbg. GENAUST (H.). Vox rom. 1972, t. 31, pp. 387-388. - QUEM. DDL t. 7 (s.v. hanteux [lire hanteur]).
hanter [ɑ̃te] v. tr.
ÉTYM. V. 1138; au sens 2; de l'anc. scandinave heimta, de haim. → Hameau.
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1 (V. 1155). Littér. Fréquenter (un lieu) d'une manière habituelle, familière. — REM. Le mot était considéré comme vieux ou vulgaire au XVIIe s. (Brunot, H. L. F., t. IV, p. 254). Au XXe s., il est littéraire. — Hanter les palais (→ Asseoir, cit. 16), les églises (cit. 14), la taverne (→ Enivrer, cit. 16), les tripots, les mauvais lieux. || Hanter les ventes publiques. ⇒ Courir (→ Bric-à-brac, cit. 1).
1 (…) car tous les environs
Étaient hantés de brigands et larrons.
Ronsard, le Premier Livre des poèmes, « Le satyre ».
2 Il y avait alors aux environs des barrières de Paris des espèces de champs pauvres (…) Jean Valjean les hantait avec prédilection. Cosette ne s'y ennuyait point. C'était la solitude pour lui, la liberté pour elle.
Hugo, les Misérables, IV, III, VIII.
3 (Il) visitait les navires, interrogeait les capitaines, fréquentait chez les armateurs, hantait les salles de spectacles (…)
G. Duhamel, Inventaire de l'abîme, III.
♦ Vx. Habiter, vivre dans (un lieu). — Passif et p. p. || Des combes hantées par les bêtes sauvages (→ Graine, cit. 7).
4 (Quatre animaux divers)
Hantaient le tronc pourri d'un pin vieux et sauvage.
La Fontaine, Fables, VIII, 22.
5 (…) pourquoi, surtout depuis un certain temps,
Ne saurait-il souffrir qu'aucun hante céans ?
Molière, Tartuffe, I, 1.
2 (V. 1138). Vx (ou archaïsme littér.). Compl. n. de personne. Fréquenter habituellement (qqn). ⇒ Fréquenter, pratiquer. || Femme qui hante les comédiens (→ Gaupe, cit. 2).
6 Hantez les boiteux, vous clocherez, hantez les chiens, vous aurez des puces.
7 Lorsque je hante la noblesse, je fais paraître mon jugement, et cela est plus beau que de hanter votre bourgeoisie.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 3.
7.1 (…) vous hantez ces Anglais suspects que protège le cardinal ?
— C'est-à-dire que je hante une Anglaise, celle dont je vous ai parlé.
A. Dumas, les Trois Mousquetaires, t. II, p. 414.
♦ ☑ (1873). Prov. Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es : on peut juger de qqn d'après les gens qu'il fréquente.
3 (1823, Hugo; angl. to haunt; → ci-dessous Hanté). Mod. (le sujet désigne un esprit, un fantôme). || On dit qu'un revenant hante ce château en ruine. Passif et p. p. || Cette maison est hantée par un esprit.
8 Autrefois, à en croire les discours populaires, chaque isthme avait son démon qui le hantait, chaque anse sa fée qui l'habitait, chaque promontoire son saint qui le protégeait (…)
Hugo, Han d'Islande, XVIII (1823), in Œ. compl., t. VI, p. 141.
9 Au temps de Théodoric (…) Saint Césaire débarrassa une maison hantée par des lémures.
Huysmans, Là-bas, p. 137.
♦ Fig. || Fantôme (cit. 12) qui hante la vie de qqn.
4 (1836, Stendhal). Sujet n. de chose abstraite; compl. n. de personne. ⇒ Obséder, poursuivre; hantise. || Cette idée, ce souvenir le hantait. || Les rêves, les obsessions qui hantent son sommeil. ⇒ Habiter, peupler (fig.). — Passif. || Être hanté par le remords, par des souvenirs pénibles (→ Estomac, cit. 17). — Au p. p. || Nuits hantées de visions, d'hallucinations. — Ennuis, soucis, désirs qui hantent la pensée, l'esprit de qqn. || Hanter l'imagination des hommes (→ Forêt, cit. 4).
10 C'est à elle en partie que je dois de bien parler, s'il m'échappait un mot bas elle disait : « Ah ! Henry ! » Et sa figure exprimait un froid dédain dont le souvenir me hantait (me poursuivait longtemps).
Stendhal, Vie de Henry Brulard, XXIX.
11 (…) l'abominable tête du crocodile (…) me regardait partout (…) et je restais là, plein d'horreur et fasciné. Et ce hideux reptile hantait si souvent mon sommeil que, bien des fois, le même rêve a été interrompu de la même façon (…)
Baudelaire, les Paradis artificiels, « Le mangeur d'opium », IV.
12 Il pleurait du matin au soir, l'âme déchirée d'une souffrance intolérable, hanté par le souvenir, par le sourire, par la voix, par tout le charme de la morte.
Maupassant, Clair de lune, « Les bijoux ».
13 Toujours ce vain désir inassouvi me hante
D'emporter avec moi tes yeux vivants d'amante (…)
Albert Samain, le Chariot d'or, « Élégies », p. 73.
14 Je ne goûte ici même plus la joie de la rendre heureuse; c'est-à-dire que je n'ai plus cette illusion; et la pensée de cette faillite hante mes nuits.
Gide, Et nunc manet in te, Journal intime, 26 janv. 1921.
15 L'idée du suicide le hante. Il tourne à l'hypocondrie. Il est rongé d'insomnies.
André Suarès, Trois hommes, « Dostoïevski », I.
16 Les soucis financiers, qui devaient par la suite hanter toutes nos pensées, harcelaient déjà Justin.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, V, VII.
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hanté, ée p. p. adj.
ÉTYM. (XIIe).
1 Vx. Fréquenté, visité.
17 Je ne crois pas que sur la terre
Il soit un lieu d'arbres planté
Plus célèbre, plus visité,
Mieux fait, plus joli, mieux hanté (…)
Que l'ennuyeux parc de Versailles.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Sur trois marches de marbre rose ».
17.1 Ainsi animé et hanté, l'atelier d'Anatole était encore visité, généralement sur le tard et vers les heures où commencent les exigences de l'estomac, par quelques femmes sans profession qui faisaient le tour des hommes qui étaient là, et cherchaient si l'un d'eux avait l'idée de ne pas dîner seul.
Ed. et J. de Goncourt, Manette Salomon, p. 72.
2 (Avant 1848, Chateaubriand; adapt. de l'angl. haunted). Visité par des fantômes, des esprits. || Maison hantée. || Château hanté.
18 Il est prouvé que les bêtes sentent le Diable (…) à ce point que les rats et jusqu'aux punaises délogent précipitamment d'une maison hantée.
Léon Bloy, la Femme pauvre, L, XXVIII.
19 Je sais ce qu'est en réalité un bourg hanté. Les batteries de cuisine qui résonnent la nuit dans les appartements dont on veut écarter le locataire, des apparitions dans les propriétés indivises pour dégoûter l'une des parties.
Giraudoux, Intermezzo, I, 4.
3 Des nuits hantées (de visions, de remords). → ci-dessus Hanter (4.). — || « Je suis hanté » (→ Azur, cit. 10, Mallarmé).
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DÉR. Hantant, hanteur, hantise.
HOM. Enter.
Encyclopédie Universelle. 2012.