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hardiesse

hardiesse [ 'ardjɛs ] n. f.
• 1361; ardiesce fin XIIe; de hardi
ILittér.
1Qualité d'une personne hardie, de ce qui est hardi. assurance, audace, bravoure, cœur, courage, énergie, fermeté, intrépidité. Avoir, montrer de la hardiesse. Faire preuve de hardiesse. Répondre avec hardiesse. « Il faut une grande hardiesse pour oser être soi » (E. Delacroix). « Sa hardiesse ressemblait à la présomption, à la témérité » (Duhamel).
2Péj. Il a la hardiesse de soutenir cela ! effronterie, impudence, insolence, témérité.
3Hardiesse du style. nouveauté, originalité. Une grande hardiesse de pinceau. vigueur.
IIAction, idée, parole, expression hardie. Se permettre certaines hardiesses. liberté, licence. « Il a des hardiesses et des outrances de jeune » (Maurois). ⊗ CONTR. Lâcheté, timidité. Décence, modestie. Banalité, platitude.

hardiesse
n. f. Litt.
d1./d Caractère d'une personne hardie, de ce qui est hardi.
d2./d Franchise, originalité (se dit surtout à propos d'une oeuvre d'art). Tableau d'une grande hardiesse de coloris.
d3./d (Souv. Plur.) Parole, action hardie.

⇒HARDIESSE, subst. fém.
I. A. — [Avec valeur laudative]
1. a) Qualité de celui, de celle qui est hardi(e) (cf. hardi I A 1a). Démétrius (...)se mit en bataille dans une plaine découverte, avec une hardiesse qui, si elle ne dénotait pas une ignorance complète de l'art de la guerre, semblait témoigner de sa part la certitude de la victoire (MÉRIMÉE, Faux Démétrius, 1853, p. 110). Mademoiselle Laheyrard s'arrêta brusquement. Elle ne retrouvait plus sa hardiesse accoutumée, elle était pâle et agitait son éventail d'une façon nerveuse (THEURIET, Mar. Gérard, 1875, p. 84). Il n'est pas de geôle qui vaille devant un propos de fuite obstiné, pas de barrière ou de fossé que hardiesse et résolution ne franchissent (GIDE, Thésée, 1946, p. 1432) :
1. Dix fois au moins, enhardi par ma hardiesse même, je me mis en devoir d'éclater en aveux significatifs et tendres, lorsqu'à cet instant suprême, la rougeur me montant au visage, et l'émotion m'ôtant la parole, je remis l'affaire à un moment où je me trouverais sans rougeur et sans trouble.
TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 229.
SYNT. a) Faire preuve, manquer, user de hardiesse; montrer de la hardiesse; se signaler par sa hardiesse; admirer, envier qqn pour sa hardiesse; louer la hardiesse de qqn. b) Hardiesse aventureuse, chevaleresque, courageuse, étonnante, extraordinaire, fière, folle, généreuse, incroyable, inimaginable, passionnée, périlleuse, rare, superbe, tranquille.
[Avec un sens atténué] Liberté que l'on prend. J'avouerai que j'ai eu la hardiesse de laisser aux personnages les aspérités de leurs caractères (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 2). Excusez ma hardiesse, monsieur, mais il me semble que dans votre énumération des livres sacrés, il y a une lacune (PAILLERON, Monde où l'on s'ennuie, 1869, II, 1, p. 78). [Lettre au Gouverneur de la Guyane :] Vous priant de bien vouloir me pardonner la hardiesse que je prends en vous faisant parvenir directement ma requête (A.-L. DUSSORT, Mémoires, 1929-1934, dép. par G. Esnault, 1930, p. 13).
P. anal. [Le compl. de nom désigne un animal] Le pétrel ordinaire [mérite] par sa hardiesse le nom d'oiseau de la tempête (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 216). Pour que le prudent matou se fût décidé à cette hardiesse si peu habituelle à sa race, il fallait qu'il eût deviné quelque résolution suprême (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 46).
b) P. ext. Caractère de ce qui est hardi (cf. hardi I A 1 b).
[Le compl. de nom désigne la manière d'être physique ou morale d'une pers.] Il avait de l'élévation dans l'esprit et de la hardiesse dans le caractère (JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, p. 390). Un enfant d'une douzaine d'années, l'allure pleine de hardiesse et de vie, déjà presque un grand garçon (LOTI, Matelot, 1893, p. 5). Outre sa réputation musicale, la force de Christophe, sa hardiesse de façons en imposaient à Otto (ROLLAND, J.-Chr., Matin, 1904, p. 152).
[Le compl. de nom désigne une chose] La troisième partie de la campagne (...) est d'une hardiesse inouïe. Napoléon, découvrant audacieusement Paris, se jetait sur les derrières des armées alliées (A. FRANCE, Vie littér., 1890, p. 188). Il souriait en marchant; la hardiesse de son projet subit l'amusait, car il était en mal d'aventure (GIDE, Caves, 1914, p. 722).
2. En partic. (cf. hardi I A 2)
a) Domaine de la vie intellectuelle. [Le compl. de nom désigne l'expression d'un écrivain, un style, une figure de style] Hardiesse de composition; hardiesse d'une image, d'une locution. [Lorsque Bossuet parle des pyramides d'Égypte] On ne sait qui l'emporte ici de la grandeur de la pensée ou de la hardiesse de l'expression (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 100). La hardiesse incroyable d'un style qui ne cesse jamais cependant d'être élevé, pittoresque, harmonieux (NODIER, Smarra, 1821, p. 24) :
2. À l'époque, (qui n'est pas révolue), où de grands débats se sont élevés entre les poètes, les uns tenant pour les vers que l'on nomme « libres », les autres pour les vers de la tradition, qui sont soumis à diverses règles conventionnelles, je me disais parfois que la prétendue hardiesse des uns, la prétendue servitude des autres n'étaient qu'une affaire de pure chronologie...
VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 251.
[À propos d'une thèse, d'une doctrine, d'un ouvrage] :
3. Ce livre [les Lettres persanes] est incroyable de hardiesse. On admire que l'auteur pour tout ennui n'ait eu que la crainte passagère de manquer son fauteuil à l'Académie; et ce ne fut qu'un léger nuage.
VALÉRY, Variété II, 1929, p. 69.
b) Domaine de l'art et des réalisations demandant une maîtrise particulière. Cette fougue d'imagination, (...) cette hardiesse de pinceau qui distinguent le chef de l'école flamande [Rubens] (JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p. 219). Sur le jambage d'une porte, je remarquai en passant une charmante petite statuette de la Vierge, d'une exécution délicieuse et d'une hardiesse d'idée extraordinaire (GAUTIER, Tra los montes, 1843, p. 43). Il faut remarquer aussi [dans l'introduction de l'allegro du quatuor op. 74] la hardiesse et le bonheur des modulations (MARLIAVE, Quat. Beethoven, 1925, p. 170) :
4. Il [Matisse] s'avoue un sensuel. L'imprévu continuel, l'ingéniosité, le goût suprême, la hardiesse jusqu'à la gageure, toutes les vertus antérieures [à son installation à Nice] sont vouées à la grâce féminine des odalisques et des jeunes musiciennes d'un Orient de son imagination.
Arts et litt., 1936, p. 18-09.
[Le compl. de nom désigne une œuvre, une réalisation] Défi aux lois du sens commun; caractère extraordinaire. Les figures de ce groupe ont des poses pleines de hardiesse et de grâce (Ac.). Derrière une brume bleue, le groupe des gratte-ciel se lève, grandit peu à peu, crève de la tête la brume, offre au soleil des fronts dont aucun édifice humain n'égale la hardiesse (COLETTE, Pays connu, 1949, p. 197) :
5. ... le splendide intérieur de l'hippodrome bâti par les ingénieurs de Fives-Lille; là, dans une prodigieuse altitude de cathédrale, des colonnes de fonte fusent avec une hardiesse sans pareille.
HUYSMANS, Art mod., 1883, p. 242.
P. anal. Je m'émouvais de la solitude des îles, de la hardiesse des caps, de la fragilité de cette langue de terre qui rattache les presqu'îles au continent (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 26).
B. — [Avec valeur péj.]
1. a) [Le compl. de nom désigne une pers.] Effronterie, insolence, témérité. Le vagabond s'avança au milieu du grand chemin avec la hardiesse d'un coquin qui se sent soutenu par un honnête homme (JANIN, Âne mort, 1829, p. 71). Allez-vous en! lui cria-t-elle, en reculant brusquement, car ce valet avait poussé la hardiesse, jusqu'à la saisir par le bras (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 275). Comment, marauds, vous avez la hardiesse de vous attaquer à moi? (CLAUDEL, Raviss. Scapin, 1952, préf., p. 1335) :
6. Il était agressivement bien habillé. Son costume trop soigné, son teint mat et olivâtre, son visage joli mais étranger, étonnaient. Ses nouveaux camarades le regardèrent avec un intérêt un peu moqueur. Il les dévisagea avec hardiesse et rendit regard pour regard. Il était décidé à faire front de tous côtés et à répondre, s'il le fallait, au mépris par l'insolence.
MAUROIS, Disraëli, 1927, p. 21.
b) P. ext.
[Le compl. de nom désigne surtout la manière d'être extérieure d'une pers.] La hardiesse de ses manières me déplaît (LITTRÉ).
Caractère provocant. La hardiesse d'un décolleté. Des jeunes filles, décolletées, montraient leurs épaules (...). On en suivait une autre en souriant, tellement la hardiesse de ses jupes collantes semblait singulière (ZOLA, Nana, 1880, p. 1426).
2. En partic. [Le compl. de nom désigne des paroles, des écrits] J'ai souvent entendu parler de la hardiesse de la littérature moderne; mais je n'ai, pour mon compte, jamais cru à cette hardiesse-là (...). Demandez-leur [à tous les confesseurs] le nombre d'incestes (par exemple) enterrés dans les familles les plus fières et les plus élevées, et voyez si la littérature, qu'on accuse tant d'immorale hardiesse, a osé jamais les raconter, même pour en effrayer! (BARB. D'AUREV., Les Diaboliques, Paris, F. Bernouard, 1926 [1874], pp. 331-332).
II. — P. méton., le plus souvent au plur. Ce qui est hardi (acte, réalisation, comportement, parole, écrit). Avoir, oser, se permettre une, des hardiesse(s).
A. — [Avec une valeur laudative]
1. [Correspond à hardi I A 1] Elle se sauva, honteuse et heureuse d'être venue. L'innocence ose seule de telles hardiesses (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 123). Ces trembleurs traditionnels que toute hardiesse consterne et que toute généreuse tentative épouvante (DU CAMP, Hollande, 1859, p. 247) :
7. Comme il [le monstre Europe] appartient à un temps, à un continent qui ont vu tant d'inventions prodigieuses et tant de hardiesses heureuses dans tous les genres, il n'est de conquêtes scientifiques ni d'entreprises qu'il ne puisse rêver.
VALÉRY, Variété [I], 1924, p. 45.
2. [Correspond à hardi I A 2]
a) Le plus cour.,domaine de la vie intellectuelle. Un assez bon nombre de nos poètes ayant écrit en prose, le style ordinaire en a reçu un éclat et des hardiesses qu'il n'aurait point eus sans eux (JOUBERT, Pensées, t. 2, 1824, p. 81). Laisse à d'autres les ingéniosités de style, les hardiesses de syntaxe, la poursuite des épithètes rares (MARTIN DU G., Souv. autobiogr., 1955, p. LXXX) :
8. Il y a des auteurs originaux dont la moindre hardiesse révolte parce qu'ils n'ont pas d'abord flatté les goûts du public et ne lui ont pas servi les lieux communs auxquels il est habitué...
PROUST, Swann, 1913, p. 266.
b) Domaine de l'art. La cathédrale [de Tréguier] (...) avec ses nefs élevées, ses étonnantes hardiesses d'architecture (...) semblait faite exprès pour nourrir de hautes pensées (RENAN, Ma Sœur, 1862, p. 9). Beethoven (...) n'a jamais reculé devant une hardiesse harmonique dont il avait besoin pour traduire la pensée (R. LENORMAND, Harm. mod., 1913, p. 134) :
9. ... par sa patience naïve (...) et son coloris vif, avec des tendances inattendues, des hardiesses, des bigarrures, il [Belle] fait songer à Renoir très souvent.
MAUCLAIR, De Watteau à Whistler, 1905, p. 24.
B. — [Avec valeur péj.] Devant tout le monde je dois saluer et me taire. Quand je parle, c'est une hardiesse bien inconvenante, et dont je dois demander humblement pardon... (VIGNY, Chatterton, 1835, II, 4, p. 295). Un ouvrage farci de ces brutalités et de ces hardiesses provocantes que les jeunes gens ne ménagent pas à nos oreilles tournées vers le passé (ARNOUX, Rossignol napol., 1937, p. 225).
Prononc. et Orth. : [] init. asp. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin du XIIe s. ardïesce « manière d'être hardie; action, parole hardie » (Gl. d'Oxford ds T.-L.); 2. 1538 « témérité; effronterie » (EST., s.v. audentia); 3. 1669-74 « licence que se permet un écrivain » (BOILEAU, Art Poétique, IV ds LITTRÉ). Dér. de hardi, suff. -esse; cf. a. fr. hardement « hardiesse » (ca 1100, Rolland, éd. J. Bédier, 1710), hardiance « id. » (fin XIIe s., PIERRE DE MOLINS, Chansons ds Neuphilol. Mitt., t. 16, p. 91, 8), hardieté « id. » (fin XIVe s., J. FROISSART, Poésies, éd. A. Scheler, II, 300, 85). Fréq. abs. littér. : 735. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 295, b) 1 119; XXe s. : a) 763, b) 961.

hardiesse ['aʀdjɛs] n. f.
ÉTYM. V. 1361; ardiesce, fin XIIe; de hardi.
———
I Littér.
1 (XIIIe). Qualité d'une personne, d'une action hardie. Assurance, audace, bravoure, cœur, courage (cit. 19), énergie, fermeté, intrépidité. || Avoir, montrer de la hardiesse. Oser. || Hardiesse aveugle, folle. Imprudence, témérité. || Se lancer avec hardiesse dans une entreprise. || Hardiesse d'un écrivain qui combat les préjugés, qui brave l'opinion (→ Audace, cit. 7; esprit, cit. 93). || Attaquer avec vigueur et hardiesse. Affronter.
1 La hardiesse (…) se représente, quand il est besoin, aussi magnifiquement en pourpoint qu'en armes, en un cabinet qu'en un camp, le bras pendant que le bras levé.
Montaigne, Essais, I, XXIV.
2 Si d'Alexandre il a la hardiesse (…)
Du Bellay, Chanson.
3 Fortune aveugle suit aveugle hardiesse.
La Fontaine, Fables, X, 13.
4 (…) et la hardiesse française porte partout la terreur avec le nom de Louis.
Bossuet, Oraison funèbre deMarie-Thérèse.
5 Parler imprudemment et parler hardiment, c'est presque toujours la même chose, mais on peut parler sans prudence et parler juste; et il ne faut pas croire qu'un homme a l'esprit faux parce que la hardiesse de son caractère ou la vivacité de ses passions lui auront arraché, malgré lui-même, quelque vérité périlleuse.
Vauvenargues, Maximes, 205.
6 Il faut une grande hardiesse pour oser être soi : c'est surtout dans nos temps de décadence que cette qualité est rare.
E. Delacroix, Journal, 15 janv. 1860.
7 La hardiesse dans le guet, c'est la bravoure des timides.
Hugo, l'Homme qui rit, II, IV, IV.
8 (…) sa hardiesse ressemblait à la présomption, à la témérité.
G. Duhamel, la Pesée des âmes, II.
Vx (en amour). || Avoir de la hardiesse auprès des femmes. || Devoir des conquêtes à sa hardiesse. || Froideur (cit. 11) qui provoque à la hardiesse.
9 (…) un peu de hardiesse réussit toujours aux amants (…)
Molière, les Amants magnifiques, I, 1.
10 Cinq ou six ans qu'elle avait de plus que moi devaient, selon moi, mettre de son côté toute la hardiesse, et je me disais que, puisqu'elle ne faisait rien pour exciter la mienne, elle ne voulait pas que j'en eusse.
Rousseau, les Confessions, II.
11 J'avais de la hardiesse, mais dans l'âme seulement, et non dans les manières. J'ai su plus tard que les femmes ne voulaient pas être mendiées (…)
Balzac, la Peau de chagrin, Pl., t. IX, p. 83.
12 Elle se mit (…) à se promener très tard, dans le chemin de ronde, un bras d'homme autour de la taille. Toujours méchante, mais rieuse, et poussant à la hardiesse ceux qui se seraient contentés de l'aimer.
Colette, la Maison de Claudine, p. 112.
La hardiesse de (et inf.). || Avoir la hardiesse d'entreprendre, de résister (→ Effaroucher, cit. 6). || Prendre la hardiesse de dire. Liberté.
13 Avec cette permission, Madame, je prendrai la hardiesse de me défendre.
Molière, Critique de l'École des femmes, 6.
14 C'est au théâtre anglais que je dois la hardiesse que j'ai eue de mettre sur la scène les noms de nos rois et des anciennes familles du royaume.
Voltaire, Épître dédicacée à Falkener sur Zaïre.
Par ext. || Hardiesse dans le visage, l'expression.
15 (…) son nez que la nature avait effilé en bec d'oiseau, un nez curieux, sans hardiesse, prompt à se baisser sous les coups (…)
J. Green, Léviathan, I, X.
(1690, Furetière). Qualité de ce qui dénote de l'audace, du courage. || La hardiesse d'une entreprise, d'un projet, d'un plan de campagne, d'une manœuvre, d'un dessein (→ Amasser, cit. 9). || Réponse pleine de hardiesse, d'une grande hardiesse. || La hardiesse de sa thèse, de ses écrits a fait scandale.
16 Nous avons beaucoup insisté sur cette audace et cette témérité de Cyrano, d'abord parce que, depuis Horace et même à dater de bien plus haut, les poètes se sont fait une réputation de couardise on ne peut plus méritée, et que nous sommes bien aise d'en trouver un qui ait du courage et soit homme quoique poète; ensuite, parce que cette audace et cette témérité n'abandonnaient pas Cyrano lorsqu'il quittait l'épée pour la plume; le même caractère de hardiesse extravagante et spirituelle se retrouve dans tous ses ouvrages; chaque phrase est un duel avec la raison (…)
Th. Gautier, les Grotesques, Cyrano de Bergerac.
2 (1546). Péj. Vieilli. Effronterie, impudence. || Je suis indigné de la hardiesse avec laquelle il parle à son père (Académie). || C'est une grande hardiesse de prétendre que… (→ Antipape, cit. 1). || Il a la hardiesse de soutenir cela ! Aplomb, culot, front, toupet.
17 N'ayez donc plus la hardiesse de dire que vos décisions sont conformes à l'Esprit et aux Canons de l'Église.
Pascal, les Provinciales, XIV.
18 Tu as une belle jappe (caquet) et une fière hardiesse, lui dit-elle, et on dirait que ta grand-mère t'a fait une leçon pour essayer d'enjôler le monde (…)
G. Sand, la Petite Fadette, XXI.
Spécialt. Inconvenance, indécence, licence. || Être gêné par la hardiesse de certains gestes, de certains propos.
19 Demandez-leur (aux confesseurs) le nombre d'incestes (par exemple) enterrés dans les familles les plus fières et les plus élevées, et voyez si la littérature, qu'on accuse tant d'immorale hardiesse, a osé jamais les raconter, même pour en effrayer !
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Vengeance d'une femme ».
20 Il a vu peu à peu les prostituées qu'il rencontrait devenir plus élégantes, d'une hardiesse plus voilée.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XV, p. 160.
3 (1669, Boileau). Dans un sens laudatif (dans les productions de l'esprit, de l'art). || Hardiesse du style, de l'expression, d'une image, de la composition. Originalité, nouveauté. || Cela manque d'élévation, de hardiesse (→ supra, cit. 6, Delacroix). || Une grande hardiesse de pinceau, de crayon, une grande franchise dans l'exécution. Vigueur. || La hardiesse de certaines constructions, de l'architecture gothique. || Pont, voûte dessinés avec beaucoup de hardiesse.
21 (…) et Lebrun, qui n'a que de la hardiesse combinée et jamais de la hardiesse inspirée (…)
Rivarol, Rivaroliana, III.
22 Jamais quand il (Bossuet) écrit pour lui, et pour ses religieuses, il ne craint le réalisme ou la hardiesse de l'image, et c'est ce qui le fait poète.
Gustave Lanson, l'Art de la prose, p. 107.
———
II (Fin XVIIe). (Une, des hardiesses). Action, idée, parole, expression hardie. || Se permettre certaines hardiesses. Liberté, licence. || L'Encyclopédie cache souvent des hardiesses dans des articles apparemment inoffensifs. Audace; → Grave, cit. 12. || Les hardiesses de la langue de Saint-Simon. || Les hardiesses d'un metteur en scène. Innovation. || Artiste sincère qui ne veut renoncer à aucune hardiesse (→ Érotisme, cit. 3).
23 (…) quant aux poètes, sachons-leur gré de leurs hardiesses, lorsqu'elles sont dictées par le goût et avouées par le bon sens.
D'Olivet, Remarques sur Racine, 42, in Littré.
24 Placez un tombeau dans Sémiramis, osez faire paraître l'ombre de Ninus (…) mais ne répétez pas ces hardiesses; qu'elles soient rares, qu'elles soient nécessaires (…)
Voltaire, Des divers changements arrivés à l'art tragique.
25 Quelques petites hardiesses de M. Clair, à l'occasion d'un panégyrique de Saint Louis.
Voltaire, Titre d'un opuscule, Œ., t. XLVI.
26 C'est surtout dans les hardiesses intellectuelles qu'était pour elle maintenant l'énergie de l'action.
Jaurès, Hist. socialiste…, t. V, p. 55.
27 Le chef qui a bâti toute sa carrière sur l'idée de jeunesse perd lui-même la jeunesse. Longtemps, comme le vieux loup, il essaie de cacher sa disgrâce. Il se maintient en bonne forme physique; il a des hardiesses et des outrances de jeune; il affecte une violence à laquelle il ne croit plus guère.
A. Maurois, Un art de vivre, V, 2.
CONTR. Couardise, crainte, lâcheté, pusillanimité, timidité. — Décence, modestie, réserve, respect. — Banalité, platitude.

Encyclopédie Universelle. 2012.