CYBERNÉTIQUE
LE TERME «cybernétique» a été forgé à partir du grec kubernêsis , qui signifie, au sens propre, «action de manœuvrer un vaisseau», et, au sens figuré, «action de diriger, de gouverner». Utilisé pour la première fois, semble-t-il, par Ampère pour désigner l’art du gouvernement, il a été mis en circulation, dans sa signification actuelle, par le célèbre ouvrage de Norbert Wiener: Cybernetics or Control and Communication in the Animal and the Machine (1948). Wiener fait la synthèse de toute une série de recherches poursuivies dans le domaine des mathématiques pures (théorie de la prédiction statistique), dans le domaine de la technologie (machines à calculer, télécommunications), dans ceux de la biologie et de la psychologie, et jette les bases d’une science nouvelle, à support mathématique, destinée à couvrir tous les phénomènes qui, d’une manière ou d’une autre, mettent en jeu des mécanismes de traitement de l’information.
Derrière les développements théoriques de Wiener et des cybernéticiens, il y a bien entendu des problèmes concrets, relatifs par exemple au transport des messages à travers des réseaux de communication, ou à la prédiction – ceux que pose par exemple la défense antiaérienne –, ou encore à la régulation des systèmes biologiques. Ces problèmes sont eux-mêmes liés à l’apparition, depuis la fin du siècle dernier, de machines d’un nouveau genre, analogues par certains côtés au système nerveux.
Historiquement, on peut distinguer, dans l’évolution des machines, trois grandes périodes. Il y a d’abord les machines de type mécanique , capables d’effectuer des mouvements astreints à certaines conditions. Elles mettent en œuvre les principes de la statique et de la dynamique classiques. On trouve dans cette catégorie les engins capables de transmettre ou d’amplifier la force appliquée en un point – comme le levier, le treuil, la grue, les machines de siège de l’Antiquité – et aussi les machines à mouvement périodique régulier, comme les pendules et tous les mécanismes d’horlogerie. Cette sorte de machine correspond à une certaine métaphysique, dont on trouve les expressions les plus parfaites dans le mécanisme cartésien et dans les théodicées rationalistes qui font de Dieu le grand horloger de l’univers.
Viennent ensuite les machines énergétiques , capables de transformer une forme d’énergie en une autre et de rendre utilisables les énergies de la nature. Elles mettent en œuvre les principes de la thermodynamique, de l’électrodynamique et de la théorie atomique. On trouve dans cette catégorie la machine à vapeur, le moteur à explosion, les génératrices d’électricité, le moteur électrique, les différentes espèces de moteurs à réaction, le réacteur atomique. Certaines de ces machines, celles qui sont du type «moteur», sont destinées à fournir de l’énergie cinétique. D’autres fournissent des formes d’énergie susceptibles d’être consommées par des «moteurs»: ainsi un réacteur atomique transforme l’énergie de liaison intranucléaire en énergie calorifique, celle-ci peut être transformée en énergie électrique et celle-ci à son tour peut être «consommée» par un moteur électrique. Ce type de machine correspond lui aussi à une certaine vision du monde, dont on trouve des expressions dans les différentes formes d’«énergétisme», et même dans bien des théories évolutionnistes.
Plus récemment apparaissent des machines qui prolongent en quelque sorte le système nerveux et non, comme les précédentes, le système musculaire. Elles utilisent, en général, des réseaux électriques et mettent en œuvre différents types d’appareils qui peuvent intervenir dans un réseau électrique et qui y règlent la circulation du courant; résistances, capacités, bobines d’induction, tubes électroniques, transistors. Mais ce n’est pas ce qui fait le caractère essentiel de ces machines. Il existe des machines à calculer de nature entièrement mécanique. Ce qui est propre à ce genre de machines, c’est qu’elles utilisent et transforment de l’information.
En voici quelques exemples. Les machines à transmission (téléphone, radio, ondes dirigées, commande à distance) transportent une information d’un point de l’espace à un autre. Les machines à calculer, analogiques ou numériques, résolvent des problèmes, mathématiques ou logiques, conformément à des règles, à partir d’informations données. (Il faut y rattacher les machines à traduire, les machines à jouer aux échecs, les machines capables d’apprendre, etc.) Les machines à comportement s’adaptent à une situation extérieure et y répondent d’une manière appropriée conformément à certains critères. Un très bel exemple d’une machine de ce genre nous est fourni par les « tortues » de Grey Walter, petits automates capables d’un comportement fort complexe (doués de «réflexes conditionnés», ils peuvent «apprendre» de nouvelles conduites). Les types les plus importants de machines à comportement sont les dispositifs stabilisateurs et les machines téléologiques. Les stabilisateurs assurent la régulation de systèmes comportant un certain nombre de degrés de liberté: ils contrôlent une ou plusieurs des variables qui caractérisent le système et les maintiennent au voisinage d’une position d’équilibre, qui est assignée à l’avance. Un exemple fort intéressant de stabilisateur est fourni par l’homéostat d’Ashby, lequel est à vrai dire un autorégulateur: c’est un appareil constitué de circuits électriques, possédant un nombre élevé de degrés de liberté, et capable de reprendre lui-même sa position d’équilibre lorsque des perturbations lui sont appliquées de l’extérieur. Les machines téléologiques sont des systèmes capables d’accomplir une certaine tâche. Ici il ne s’agit plus de maintenir un équilibre, mais de poursuivre un but en s’adaptant aux situations. On peut proposer comme exemples la machine à lire (qui doit «reconnaître» des lettres, quelle que soit l’écriture adoptée), le poste de tir antiaérien automatique, la fusée chercheuse, la machine-transfert (qui accomplit une tâche complexe, faite d’une série ordonnée d’opérations).
La caractéristique la plus frappante de ces différentes machines, c’est qu’elles se présentent comme des automates: ce sont des systèmes matériels qui effectuent des opérations plus ou moins complexes, conformément à certaines normes, sans intervention humaine. Certains automates ont pour finalité de fournir de nouvelles informations à partir d’informations données: c’est le cas des calculateurs. D’autres ont des finalités de nature différente: par exemple la machine-transfert a pour fonction de façonner des pièces répondant à un modèle donné. Tous, cependant, utilisent de l’information dans leur fonctionnement. Un automate met en effet en œuvre un programme et doit être capable de contrôler ses opérations. Or un programme est une suite d’instructions, indiquant des opérations à effectuer dans un ordre donné: c’est bien un ensemble d’informations. Et, d’autre part, les mécanismes de contrôle sont basés sur la rétroaction. Or le schéma général de la rétroaction doit être décrit en termes d’information. Soit une opération consistant à transformer une variable a en une variable b (par exemple de l’énergie électrique en chaleur). Cette opération établit une certaine liaison entre a et b. On se propose de maintenir b au voisinage d’une valeur fixe v. Il faut pour cela un instrument de contrôle (Par exemple, si on veut maintenir à peu près constante la température d’un fer à repasser, on lui incorpore un thermostat). Cet instrument «mesure» à chaque instant la valeur prise par b et transmet cette information à un organe de commande qui, compte tenu de la liaison existant entre a et b , modifie a dans la proportion nécessaire pour faire varier la valeur de b dans le sens voulu (accroissement ou diminution).
C’est donc bien la notion d’information qui apparaît comme centrale. L’information intervient sous trois formes: en tant qu’objet soumis à des opérations (par exemple, dans un calculateur), en tant que programme, en tant que médium de la régulation. Mais, dans les trois cas, nous avons affaire à une élaboration transformatrice: dans le premier, il en est ainsi par définition; dans le deuxième, parce que l’automate transforme le programme fourni en configurations diverses (qui représentent des informations); dans le troisième, parce que tout dispositif de contrôle transforme des informations reçues en instructions pour un organe d’exécution, et donc en informations. Le problème scientifique essentiel qui se présente donc, dans l’étude des machines du troisième genre, est celui du traitement de l’information. Comme l’un des aspects importants de ce problème concerne l’analyse des mécanismes de régulation, on comprend qu’on ait donné le nom de cybernétique à la science chargée d’étudier le comportement des automates. Dans la mesure, en effet, où un système est muni de mécanismes de régulation, il peut contrôler son propre fonctionnement et donc se gouverner lui-même. C’est bien là la propriété essentielle de l’automate. On pourrait donc dire que la cybernétique est la science des actes contrôlés.
À première vue, seules les machines à calculer et les machines à comportement relèvent d’une telle étude. Cependant, les machines de transmission peuvent également utiliser la cybernétique, car leur action ne consiste pas simplement à déplacer une information d’un endroit dans un autre, mais à soumettre une information donnée à toute une série de transformations qui doivent être contrôlées pour que l’on puisse, à l’arrivée, reconstituer une information qui ne soit pas trop différente de l’information de départ. Par ailleurs, le transport d’information peut s’effectuer selon un programme: il existe des automates transmetteurs.
En tant qu’elle étudie les opérations contrôlées, la cybernétique permet de développer des analogies fort instructives entre les automates et d’autres systèmes: système nerveux, systèmes vivants, systèmes de comportement, szstèmes sociaux. Il ne s’agit, bien entendu, que d’analogies, car ces divers systèmes ont une constitution fort différente de celle des automates et possèdent des propriétés que l’on ne retrouve pas dans les automates. Mais on peut rapprocher ces systèmes en considérant leur mode de fonctionnement: ils présentent, de ce point de vue, une certaine communauté de structure qu’il appartient à une théorie générale de dégager. La cybernétique se trouve ainsi au point de rencontre de plusieurs disciplines: mathématiques, logique, électronique, physiologie, psychologie, sociologie. Mais si elle occupe cette position, ce n’est pas du tout en tant qu’elle fournirait des principes synthétiques permettant de rassembler ces diverses sciences dans un édifice théorique commun, c’est seulement en tant qu’elle isole un certain ordre de phénomènes que l’on retrouve dans les systèmes concrets étudiés par les sciences empiriques et pour l’étude desquels les mathématiques et la logique fournissent des outils d’analyse appropriés.
Le véritable objet de la cybernétique est d’ordre abstrait; elle ne s’intéresse pas aux systèmes concrets qui opèrent sur de l’information, en tant que tels, mais à la structure logique de leur fonctionnement. On pourrait définir cet objet comme la logique des automates, ou encore comme l’ensemble des propriétés formelles des automates. Il convient donc de distinguer la cybernétique , prise au sens strict, de la théorie de l’information , qui construit une définition quantitative, purement objective, de la notion d’information, et étudie, sur cette base, les problèmes relatifs à la manipulation effective de l’information dans des systèmes physiques (codage, décodage, stockage, transport, filtrage, etc.) Dans un automate concret, l’information traitée doit être représentée par des signaux de nature physique (par exemple, des impulsions électriques). L’étude de la transmission de ces signaux devra se faire à la lumière de la théorie de l’information. Mais on pourra étudier les transformations systématiques auxquelles sont soumises les informations représentées par ces signaux en faisant complètement abstraction de ces derniers: c’est là précisément le point de vue de la cybernétique.
On a créé, pour spécifier le champ propre de cette discipline, la notion d’automate abstrait. L’automate abstrait représente en quelque sorte l’aspect purement logique des automates concrets – et des systèmes qui leur sont analogues. C’est un système qui transforme (en un temps fini) un signal donné, appelé signal d’entrée, en un autre signal, appelé signal de sortie. C’est donc tout simplement un transformateur d’information. Les signaux d’entrée et de sortie peuvent être discrets ou continus. Mais, dans la plupart des cas, on peut donner une approximation convenable d’un signal continu par un signal discret. L’étude des automates à signaux discrets est donc particulièrement importante. Un signal discret peut être assimilé à un mot , c’est-à-dire à une suite de signes prélevés dans un ensemble fini de signes, appelé alphabet. Un automate de type discret est donc un dispositif qui transforme des mots en d’autres mots. L’analyse de ces transformations relève de la théorie des algorithmes (qui est elle-même une des branches de la logique mathématique). Un algorithme est une loi de correspondance, définie de façon constructive, qui associe à tout mot formé au moyen d’un alphabet déterminé un mot formé au moyen d’un autre alphabet (éventuellement identique au premier). Par ailleurs, certains outils analytiques (comme la théorie de l’intégrale de Fourier et de ses transformations, utilisée pour l’analyse des signaux de caractère périodique) permettent d’étudier les automates à signaux continus.
La cybernétique apparaît donc, finalement, comme la science des automates abstraits; comme telle, elle constitue simplement un développement de certaines branches relevant de la logique mathématique ou de l’analyse mathématique.
cybernétique [ sibɛrnetik ] n. f.
• 1948; angl. cybernetics « science du gouvernement » (1834); gr. kubernêtikê, de kubernan; cf. gouverner
♦ Science constituée par l'ensemble des théories relatives au contrôle, à la régulation et à la communication dans l'être vivant et la machine. — Adj. Moyens cybernétiques.
● cybernétique nom féminin (grec kubernêtikê, de kubernân, gouverner) Science de l'action orientée vers un but, fondée sur l'étude des processus de commande et de communication chez les êtres vivants, dans les machines et les systèmes sociologiques et économiques. ● cybernétique adjectif Relatif à la cybernétique. Se dit d'une œuvre d'art ou d'un ensemble d'œuvres d'art dont les éléments, mobiles, sont condamnés par des dispositifs électroniques et informatiques. (N. Schöffer en a été le pionnier en France.)
cybernétique
n. f. Ensemble des théories et des études sur les systèmes considérés sous l'angle de la commande et de la communication. (La cybernétique trouve des applications dans l'industrie, en biologie, en art. L'informatique est une application de la cybernétique.)
⇒CYBERNÉTIQUE, subst. fém.
Science qui utilise les résultats de la théorie du signal et de l'information pour développer une méthode d'analyse et de synthèse des systèmes complexes, de leurs relations fonctionnelles et des mécanismes de contrôle, en biologie, économie, informatique, etc. La cybernétique mécaniste; les automates, les postulats de la cybernétique; un congrès de cybernétique. La cybernétique pose l'angoissante question des robots, capables de surpasser l'homme dans ses mécanismes mentaux (HUYGHE, Dialogue avec visible, 1955, p. 392). La cybernétique mécanise les problèmes neurologiques (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 661). Acquisitions de la cybernétique et de la sociologie des communications (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 424) :
• La cybernétique représente un des progrès les plus remarquables de la technique, de la science et de la philosophie contemporaines. Les postulats mécanistes abandonnés, on ne se trouve pas en présence de la cybernétique, moins quelque chose. On a au contraire la cybernétique, plus un procédé puissant pour explorer les problèmes de la vie et de la conscience...
RUYER, La Cybernétique, 1954, p. 236.
— Emploi adj. Propre à la cybernétique, relevant de la cybernétique. Opération cybernétique; conception, esprit, interprétation, pensée cybernétique; modèles cybernétiques. On notera enfin que les organes cybernétiques remplacent l'homme dans l'exécution d'opérations mentales : ce sont des « machines à penser » (COUFFIGNAL, Mach. penser, 1964, p. 67). Comme une machine l'est [« informée »], au sens cybernétique, par une autre machine (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 427). Le simulateur cybernétique va d'ailleurs beaucoup plus loin dans la déshumanisation (DAVID, Cybern., 1965, p. 94).
♦ P. plaisant. Finalement Charles (...) s'approche lentement de l'écouteur, puis (...) il profère ce mot cybernétique : Allô (QUENEAU, Zazie, 1959, p. 151).
Rem. 1. Ac. Compl. 1842, BESCH. 1845, Lar. 19e-Lar. encyclop., LITTRÉ, GUÉRIN 1892, QUILLET 1955, Lar. Lang. fr. attestent aussi le subst. fém. au sens vx de « partie de la politique qui s'occupe de l'art de gouverner, dans la classification d'Ampère ». 2. GILB. 1971 et la docum. attestent les dér. suiv. a) Cybernétiser, verbe trans. ,,Appliquer la cybernétique`` (GILB. 1971). Attesté par la docum. uniquement au part. passé en emploi adj. Le droit administratif est actuellement la partie la plus « cybernétisée » du droit (DAVID, Cybern., 1965, p. 141). b) Cybernétisation, subst. fém. ,,Application de la cybernétique (à une technique)`` (GILB. 1971). La cybernétisation de la gestion administrative (DAVID, op. cit., p. 140).
Prononc. :[]. Étymol. et Hist. I. 1834 « étude des moyens de gouvernement » (A.-M. AMPÈRE, Essai sur la philos. des sc., 1re part., Tableau synoptique des sc. et des arts). II. 1948, 28 déc. « étude des processus de contrôle et de communication chez l'être vivant et la machine » (Père Dubarle ds Le Monde, p. 3 d'apr. trad. de l'angl. de N. WIENER, Cybernétique et Société [Cybernetics and Society. The Human Use of Human Beings], Deux Rives, 1952, p. 258 : Une nouvelle science : La Cybernétique. Vers la machine à gouverner?). I empr. au gr. « art de piloter; art de gouverner ». II empr. à l'angl. cybernetics de même orig. que I, réintroduit par le mathématicien américain N. Wiener [1894-1964] attesté en 1948 (N. WIENER, Cybernetics, 19 ds NED Suppl.2 : We have decided to call the entire field of control and communication theory, whether in the machine or in the animal, by the name Cybernetics). Fréq. abs. littér. :14. Bbg. Ac. FR. Dict. de l'Ac. Préparation de la 9e éd. Banque Mots. 1973, n° 5, p. 98. — DUB. Dér. 1962, p. 51. — HEYDE (J. E.). Kybernetes = « Lotse »? Ein terminologischer Beitrag zur Kybernetik. Spr. Techn. Zeitalter. 1965, t. 15, pp. 1274-1286. — RAT (M.). Les Lettres de noblesse de la cybernétique. Vie Lang. 1955, p. 447.
cybernétique [sibɛʀnetik] n. f.
ÉTYM. V. 1945; angl. cybernetics, du grec (→ ci-après); « science du gouvernement », 1836, Ampère; grec kubernêtiké, de kubernaô. → Gouverner.
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♦ Science constituée par l'ensemble des théories groupant les études relatives aux communications et à la régulation dans l'être vivant et la machine (⇒ Automatique, II.). || « L'emploi du terme cybernétique doit être limité à la science des mécanismes régulateurs et servomécanismes, tandis que télétechnique comprendrait tout ce qui relève de la technique des télécommunications et de la théorie de l'information » (Comité consultatif du langage sc. de l'Académie des Sciences, in Sciences, nov.-déc. 1959). — Application de la cybernétique au moyen de l'électronique (⇒ Bionique, électronique; asservissement, autorégulation, commande, information, ordinateur, régulation, rétroaction, servomécanisme, signal, système).
1 Dans le groupe de Wiener, physiologistes et mathématiciens étaient gênés par l'absence d'un vocabulaire qui leur permît de bien s'entendre. Ils n'avaient même pas de terme qui exprimât l'unité essentielle des problèmes de communication et de contrôle dans les machines et chez les êtres vivants, cette unité dont ils s'étaient mutuellement persuadés. Tous les mots proposés mettaient trop l'accent du côté de la machine ou trop du côté de la vie; alors qu'on devait, au contraire, exprimer la dualité de la nouvelle science (…)
Qu'il évoque le pilote d'un bateau, les gouvernes d'une machine, le « governor » de Watt, ce vocable a donc été remarquablement choisi. Quelque jour lointain il retrouvera peut-être même son acception grecque de « gouvernement », car l'homéostat d'Ashby porte la promesse de « machines à gouverner ».
La définition de la « cybernétique » ressort donc du nom lui-même : la science du gouvernement, du « self-gouvernement » pourrait-on dire.
P. de Latil, la Pensée artificielle, I, p. 23.
2 (…) ceux des logiciens qui, dépassant les problèmes de pure formalisation, s'interrogent sur les relations entre les structures logiques et les activités du sujet s'orientent naturellement dans la direction des systèmes autorégulateurs qui sont susceptibles de rendre compte de l'autocorrection propre aux mécanismes logiques. Or, la cybernétique, susceptible de fournir de tels modèles, est une synthèse des théories de l'information ou communication et du guidage ou régulation.
J. Piaget, Épistémologie des sciences de l'homme, p. 352.
♦ Adj. || Moyens cybernétiques.
3 Il y a un mécanomorphisme de l'animal et de l'homme comme il y a un zoomorphisme de l'homme, et les frontières ne sont ni nettes, ni stables. On peut, dans une certaine mesure, expliquer l'humain par le mécanique et l'animal, mais c'est une dangereuse illusion que de voir le mécanique et l'animal à travers le prisme déformant de l'anthropomorphisme. Le rêve cybernétique s'évanouit devant l'épreuve du langage. C'est donc maintenant aux linguistes de dire leur mot.
Robert Escarpit, Théorie générale de l'information et de la communication, p. 77.
➪ tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
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DÉR. Cybernéticien, cybernétisation, cybernétiser.
Encyclopédie Universelle. 2012.