DHARMA
Le mot sanskrit dharma désigne la «disposition» normale de toutes choses (de la racine Dh face="EU Domacr" 句 , soutenir), ou l’Ordre, la Norme. La forme la plus ancienne du mot, la forme védique, est dharmán , la forme classique dharma , en moyen-indien (pâli, prâkrit) dhamma .
La notion du dharma s’oppose à celle de l’adharma , ou l’anormal. Elle s’apparente à celle du リta , l’ordre «véritable», plus commune en védique et qu’elle a remplacée couramment dans les littératures indiennes classiques.
Régularité naturelle et norme
La conception d’un ordre normal dans la nature est, depuis l’époque védique, liée à l’observation de la périodicité des pluies de mousson qui, après la saison sèche, assurent le renouveau de la végétation, l’alimentation des bêtes et des hommes et le maintien de la vie. La norme est la régularité de ces pluies, dont le manque ou l’excès rendent la famine et la mort inévitables. En outre, cette régularité correspond à celle du retour périodique des astres mobiles aux mêmes positions par rapport aux groupes d’étoiles fixes, retour qui n’est pas sujet à l’imprévu et qui est l’image de la constance des lois du cosmos. De bonne heure un calendrier astronomique a été établi qui fixe les dates des opérations rituelles destinées à assurer la prospérité des peuples en tentant de lier à la loi cosmique invariable les phénomènes inconstants de la Terre. Sur ces phénomènes les rites et formules védiques sont censés avoir prise et l’activité religieuse doit s’exercer en harmonie avec l’ordre de la nature. Le dharma revêt plusieurs formes particulières: à côté de l’ordre cosmique, il est l’ordre social, l’ensemble des lois civiles et criminelles, l’ordre moral, la doctrine religieuse. En conséquence, il est aussi le devoir et la vertu.
Le nom de dharma s’applique tout spécialement à l’objet des textes qui définissent la constitution fondamentale de l’univers, la structure de la société, formée de quatre classes fonctionnelles, les devoirs de ces quatre classes, les lois qui régissent les peuples. Ces textes sont dits Dharma ご stra (Traités du Bon Ordre ) ou Sm リti (Tradition rappelée à la conscience ). On en compte dix-huit fondamentaux, dont le plus célèbre est le M navadharma ご stra ou Manusm リti . Autour d’eux se groupent une foule de commentaires et d’ouvrages sur les mêmes sujets, qui incluent les textes législatifs de toute la tradition indienne. Ces textes sont théoriques et normatifs plutôt qu’ils ne décrivent des usages réels. Mais ils ont été effectivement mis en vigueur à maintes reprises par les souverains hindous, voire par l’administration britannique. Une partie de leurs enseignements ou prescriptions a été adoptée dans les pays du Sud-Est asiatique et ils ont ainsi contribué à la diffusion de la culture indienne à l’étranger.
L’ordre, condition de la vie
Tout en traitant des dispositions légales qui régissent la société, les traités de dharma ne laissent pas perdre de vue que le dharma est aussi la norme universelle cosmique. Ils professent une cosmologie d’après laquelle l’eau est la substance primordiale, ce qui correspond à la notion qu’elle est, dispensée par la régularité de la norme, la condition de la vie.
L’homme a quatre buts dans cette vie: dharma , la bonne disposition sociale et psychologique, ou la vertu; artha , l’intérêt; k ma , l’amour, et mok ルa , le salut. Un texte tamoul célèbre, les Tirukku face="EU Domacr" 句a ヤ , qui est composé de sentences sur les trois premiers de ces buts, commence par le dharma (sous le nom de a face="EU Domacr" 句am ) et exalte d’abord l’importance de la pluie qui conditionne toutes choses.
Les traités de dharma et la littérature sanskrite générale comparent le dharma à un taureau qui se serait tenu sur ses quatre pieds (p da , pied ou quart) pendant un premier âge d’or, puis au fur et à mesure d’une dégradation supposée des âges, aurait perdu un, puis deux, puis trois pieds et ne se tiendrait plus dans l’âge actuel de misère et de désordre (le kaliyuga ) que sur un pied.
Cette notion imagée est associée à des précisions d’apparence scientifique sur la durée des âges du monde et qui ont pour base des spéculations numérologiques et astronomiques anciennes. 10 800 étant le nombre des unités de temps dans l’année, son produit par 40, nombre des syllabes des stances du Verbe cosmique, donne une «grande année» de 432 000 ans, qui est le kaliyuga actuellement en cours. Pour englober dans la grande année un plus grand nombre de révolutions célestes simultanées, l’ensemble des quatre âges est évalué à 4 320 000. Le kaliyuga correspondant à 1, les autres répondent respectivement à 4, 3 et 2, d’où l’image de la perte des pieds du taureau.
Devoir propre et salut
En mythologie le Dharma est personnifié. Il est dit avoir une démarche subtile. On appelle svadharma le devoir propre de chacun, qui est en fait la disposition naturelle dans laquelle il se trouve et qu’il doit suivre. Par exemple c’est le devoir propre du guerrier de combattre, comme le proclame K リルユa dans la Bhagavad G 稜t . La notion est très importante, car elle a gardé une grande influence dans beaucoup de milieux professionnels traditionnels. L’honneur de l’individu et celui de son groupe sont attachés à la fidélité à leur devoir propre. En cas de défaillance, ils peuvent perdre tout droit à leur rang et à leur métier.
En outre, les noms de dharma en sanskrit et dhamma en pâli ont été consacrés comme désignations de la «loi» bouddhique, dite aussi saddharma , «bonne loi» ou «vraie loi», exprimée par l’enseignement du Buddha et consistant dans l’exposé de la vraie disposition des choses d’où découlent les principes du salut. À côté du Dharma , les textes bouddhiques connaissent les dharma qui sont les dispositions particulières des choses, c’est-à-dire les phénomènes, mais aussi parfois les dispositions psychologiques, phénomènes mentaux en lesquels consistent d’ailleurs toutes les réalités pour les philosophes bouddhistes professant que le monde n’est que représentations.
Dans les édits célèbres en prâkrit du roi A ごoka (IIIe siècle av. J.-C.), le dhamma est le Bon Ordre dans la société et la morale et non pas seulement le Bon Ordre bouddhique, bien qu’A ごoka ait été converti au bouddhisme. La victoire du Bon Ordre prime toute autre dans l’esprit du roi. Un édit bilingue (gréco-araméen) d’A ごoka trouvé en Afghanistan traduit dhamma en grec par piété et en araméen par vérité. Le roi faisait donc appel pour assurer le Bon Ordre aux notions révérées dans les milieux auxquels il s’adressait et non à une forme confessionnelle particulière. Dans l’esprit d’A ごoka, le dhamma reste d’ailleurs lié à l’ordre cosmique. C’est selon les données de l’astronomie brahmanique de son temps qu’il a calculé la durée d’une pérégrination religieuse bouddhique qu’il a effectuée.
● dharma nom masculin (mot sanskrit) Loi universelle de la nature qui s'exprime dans chaque être individuel (devoir moral) aussi bien que dans le cosmos par son mouvement cyclique et régulier. (C'est l'une des principales notions de l'hindouisme, du bouddhisme et du jaïnisme.)
dharma
n. m. Didac. Loi universelle régissant les êtres et les choses dans l'hindouisme et le bouddhisme, c'est l'une des notions essentielles de la civilisation indienne.
⇒DHARMA, subst. masc.
CIVILISATION INDIENNE. Tous les aspects de la loi considérée sous sa forme la plus noble; p. ext., ensemble des valeurs religieuses, morales, culturelles, etc., de la civilisation indienne. Notre éternel dharma védique est la vraie source et fontaine capitale de toutes les religions, cultures et civilisations (Philos., Relig., 1957, p. 5208).
Rem. Attesté ds Lar. 20e-Lar. encyclop. et QUILLET 1965.
Étymol. et Hist. 1929 (Lar. 20e). Mot skr. dharma« droit, justice, usage, ordre établi » ds BUCK, n° 21. 11; cf. Mânavadharma-çâstra, nom de l'ouvrage où sont exposés les préceptes de Manou, être supérieur de la religion indienne. Cf. le nom d'un ouvrage mentionné au XVIIe s. dans un texte port. de Noticias Ultramarinas, I ds DALG. : Darmá Kastra; cf. aussi 1796 W. JONES, tr. Inst. Hindu Law, p. VIII ds NED Suppl.2 : Our Menu with his divine Bull, whom he names as Dherma himself, or the genius of abstract justice. Fréq. abs. littér. :2.
dharma [daʀma] n. m.
ÉTYM. 1929, Larousse du XXe; mot sanscrit.
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♦ Didact. Ordre, disposition générale des choses, cosmiques, sociales et religieuses.
0 La « Loi » qu'enseigne le Buddha est celle de la Disposition générale des choses (dharma, en pāli dhamma) qui sont elles-mêmes des dispositions naturelles desquelles naît la douleur et qu'il faut connaître en leur essence et leurs modes de production pour pouvoir échapper à leur emprise. L'ordre des choses comprend une cosmologie concevant l'univers comme infini, mais cette cosmologie relève d'idées courantes déjà en dehors du bouddhisme et n'est pas entièrement et spécifiquement bouddhique.
Jean Filliozat, les Philosophies de l'Inde, p. 36-37.
Encyclopédie Universelle. 2012.