DISCOURS
DISCOURS
Le terme de discours (du latin discurrere , «courir çà et là») n’est pas à l’origine directement lié au langage. Quand, dès la fin de la latinité (cf. Codex Theodosianus , IX, XXIV, 1), discursus prend le sens de discours, c’est d’abord comme chemin hasardeux de la conversation et de l’entretien, avant de renvoyer à toute mise en forme, parlée ou écrite de la pensée; les rhétoriques grecques du «logos», comme les rhétoriques latines de l’«oratio», deviennent alors pour nous rhétoriques du discours, de ses «parties» (verbes, attributs, etc.), de sa «disposition» (exorde, proposition, narration, etc.) et de ses «genres» (démonstratif, délibératif, judiciaire). L’histoire du terme et de ses emplois est parallèle à l’histoire de la pensée; ainsi, c’est au XVIIe siècle, qui devient par là même siècle de la transparence du langage et de la pensée dans la représentation, que Descartes peut écrire un «discours» de la méthode, au sens de ce «parcours» ordonné dont l’adjectif «discursif» maintient encore le sens. Cependant, déjà avec la rhétorique, le discours n’est pas seulement moyen d’expression de la pensée, mais d’abord instance autonome; «courant» d’un locuteur à un auditeur ou lecteur, c’est un acte qui vise à un certain effet, dont témoigne tout discours depuis celui des sophistes. La linguistique propose une définition élargie des discours, comme procès d’énonciation discrets et uniques, par lesquels le sujet parlant ou écrivant actualise la «langue» en «parole», au sens saussurien des termes (cf. Benveniste, Problèmes de linguistique générale ), et analyse, avec Austin par exemple, les divers actes (locutoire, illocutoire, perlocutoire ) qu’accomplit un discours. La psychanalyse et la sociologie font aujourd’hui porter sur tout discours l’éclairage efficace de l’inconscient ou de l’idéologie. Plus généralement, avec la prééminence du modèle linguistique, le discours est, par opposition à une parole commentée ou sacralisée, un objet de science et de critique et le «champ du discours» devient le thème de nombreuses recherches actuelles.
discours [ diskur ] n. m.
• 1503; lat. discursus, d'apr. cours
1 ♦ Vieilli Propos que l'on tient. ⇒ conversation, dialogue, entretien. Le discours qu'il m'a tenu. « C'est à vous, s'il vous plaît, que ce discours s'adresse » (Molière). Discours futiles, frivoles. ⇒ babil, bavardage. Faire de grands discours creux. ⇒ palabre. — Mod. (opposé à action, fait, preuve) Cela aura plus d'effet que tous les discours. Assez de discours, des faits !
2 ♦ Cour. Développement oratoire fait devant une réunion de personnes. ⇒ allocution, causerie, conférence, exposé, harangue, improvisation, proclamation; fam. laïus, speech, topo. Introduction, exposition, développement, conclusion d'un discours. Discours religieux. ⇒ homélie, instruction, prêche, 1. prédication, prône, sermon. Discours à la louange, pour la défense, la justification de qqn. ⇒ apologie, éloge, panégyrique, plaidoyer. Discours qui accuse. ⇒ catilinaire, philippique, réquisitoire. — Faire, lire, improviser, prononcer un discours. Discours prononcé du haut de la chaire (ex cathedra), d'une tribune. « Il se remémorait jusque dans le détail ce discours qu'il avait improvisé » (Romains). Discours politique télévisé. Les petites phrases, les allusions d'un discours (politique). Discours inaugural, de clôture. Discours du trône. Les discours d'une campagne électorale. Discours-programme d'un ministre. Discours de réception, prononcé par un nouvel académicien.
3 ♦ (1637) Écrit littéraire didactique qui traite d'un sujet en le développant méthodiquement. ⇒ exposé, traité. « Le Discours de la méthode », de Descartes.
4 ♦ (v. 1613) Le discours : l'expression verbale de la pensée. ⇒ parole ; langage. Les parties du discours : les catégories grammaticales traditionnelles (nom, article, adjectif, pronom, verbe, adverbe; préposition, conjonction, interjection).
♢ Rhét. La suite des paroles ordonnées qui constituent un discours, un sermon. Les six parties traditionnelles du discours. ⇒ exorde, proposition; narration, preuve, réfutation; péroraison. « C'est la suite du discours qui fit seulement comprendre [...] que, par un procédé oratoire habile, le Père avait donné en une seule fois [...] le thème de son prêche entier » (Camus).
♢ (déb. XXe) Ling. Exercice de la faculté du langage. ⇒ parole (II, 2o). — Énoncé (2o) linguistique observable (phrase et suite de phrases prononcées; texte écrit), par opposition au système abstrait que constitue la langue. Occurrence d'un mot en discours. — Discours rapporté, direct, indirect. — Énoncé pris en charge explicitement par un narrateur. Opposition du discours et du récit.
♢ Didact. Analyse de (du) discours, prenant pour unité d'observation la phrase ou une unité plus étendue. ⇒ énonciation, stylistique.
5 ♦ Philos., log. Pensée discursive, raisonnement (opposé à intuition). — L'univers du discours : l'ensemble du contexte.
● discours nom masculin (bas latin discursus, avec l'influence de cours) Développement oratoire, sur un sujet déterminé, dit en public, et en particulier lors d'une occasion solennelle, par un orateur ; allocution : Discours de bienvenue. Propos tenus par quelqu'un, en général longs : Je me demande à qui s'adresse ton discours. Péjoratif. Développement lassant et inutile ; vaines paroles : Un bon exemple vaut mieux que de longs discours. Manifestation écrite ou orale d'un état d'esprit ; ensemble des écrits didactiques, des développements oratoires tenus sur une théorie, une doctrine, etc. : Le discours marxiste. Linguistique Le langage mis en action et assumé par le sujet parlant. (C'est la parole au sens saussurien du terme.) Tout énoncé supérieur à la phrase, considéré du point de vue des règles d'enchaînement des suites de phrases. Logique Ensemble d'énoncés liés entre eux par une logique spécifique et consistante, faite de règles et de lois qui n'appartiennent pas nécessairement à un langage naturel, et qui apportent des informations sur des objets matériels ou idéels. ● discours (citations) nom masculin (bas latin discursus, avec l'influence de cours) Roger Caillois Reims 1913-Paris 1978 Académie française, 1971 Il n'est pas pour la civilisation de danger plus redoutable que le fossé que l'on voit parfois s'élargir entre le discours et la coutume. Circonstancielles Gallimard Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 C'est à vous, s'il vous plaît, que ce discours s'adresse. Le Misanthrope, I, 2, Oronte Alfred de Musset Paris 1810-Paris 1857 Nu comme un plat d'argent, — nu comme un mur d'église, Nu comme le discours d'un académicien. Premières Poésies, Namouna Platon Athènes vers 427-Athènes vers 348 ou 347 avant J.-C. C'est la plus radicale manière d'anéantir tout discours que d'isoler chaque chose de tout le reste ; car c'est par la mutuelle combinaison des formes que le discours nous est né. Le Sophiste, 259e (traduction A. Diès) ● discours (expressions) nom masculin (bas latin discursus, avec l'influence de cours) Discours du trône, discours par lequel un souverain constitutionnel inaugure les sessions législatives. Analyse de (du) discours, discipline connexe de la linguistique qui étudie la structure d'un énoncé supérieur à la phrase (discours) en le rapportant à ses conditions de production. (Elle est née en France de la rencontre entre la linguistique et d'autres sciences humaines, notamment l'histoire et la sociologie.) ● discours (synonymes) nom masculin (bas latin discursus, avec l'influence de cours) Développement oratoire, sur un sujet déterminé, dit en public, et...
Synonymes :
- causerie
- conférence
- exposé
- harangue
- laïus (familier)
- topo
Développement lassant et inutile ; vaines paroles
Synonymes :
- palabre
- parlote (familier)
- tartine (familier)
discours
n. m.
d1./d Paroles (par oppos. à fait, à action). Pas tant de discours, au travail!
d2./d Exposé oratoire à l'intention d'un public sur un sujet déterminé. Prononcer, improviser, faire un discours.
d3./d Exposé écrit de caractère didactique; traité, essai. "Le Discours de la méthode", de Descartes.
d4./d Expression verbale de la pensée.
— Les parties du discours: les catégories de mots distinguées par la grammaire traditionnelle (article, nom, pronom, verbe, adjectif, adverbe, préposition, conjonction, interjection).
|| LING Ensemble des paroles, des énoncés (verbaux ou non). Langue et discours.
d5./d PHILO Entendement (par oppos. à intuition).
⇒DISCOURS, subst. masc.
A.— Vieilli
1. Écrit didactique traitant d'un sujet précis. Synon. usuel traité. Petit discours de Jansénius intitulé « De la réformation de l'homme intérieur » (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 475) :
• 1. Sa vision de l'univers, M. France nous la découvre ici en un long chapitre d'un rythme subtil, au cours duquel, à ce qu'il dit, on voit se dérouler les destinées du monde « en un discours aussi large et magnifique dans ses vues que le « discours sur l'histoire universelle » de Bossuet est étroit et triste dans les siennes ».
MASSIS, Jugements, 1923, p. 155.
2. Paroles adressées à une ou plusieurs personnes. Le bon ton, c'est le bon goût appliqué aux discours et à la conversation (CHAMFORT, Max. et pens., 1794, p. 68).
B.— Usuel
1. Développement oratoire sur un thème déterminé, conduit d'une manière méthodique, adressé à un auditoire; p. méton. texte écrit d'un discours. (Quasi-)synon. allocution, conférence. J'avais ce discours dans ma poche (COURIER, Pamphlets pol., 1822-24, p. 200). Écrire des articles de journaux, (...) prononcer des discours de meetings (GUÉHENNO, Journal « Révol. », 1937, p. 16) :
• 2. Mais il [Joseph] ira présider la distribution des prix et il prononcera un discours. Il prononce des discours presque tous les jours. Il ne donne que peu d'argent. Peu ou pas. Mais il ne refuse pas de prononcer des discours.
DUHAMEL, Chronique des Pasquier, La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 124.
• 3. Le marquis parle ou, plutôt, il entonne... Ce discours dure une heure. Je vous en fais grâce. Mais le speech du maire, l'homélie de l'évêque, le compliment des enfants des écoles, le laïus du chef de la branche aînée, à nous, on ne nous en fit pas grâce.
H. BAZIN, Vipère au poing, 1948, p. 238.
— En partic.
♦ Discours de réception. Discours prononcé par un membre nouvellement élu, lors de son entrée dans une Académie :
• 4. Je vais m'occuper, si je le puis, d'écrire mon discours de réception dans quelques semaines. On m'a envoyé force notes. Donnez-moi, je vous prie, les renseignements suivants à l'égard de tout ceci. Combien faut-il que dure ce discours? À quelle censure passe-t-il, et combien de temps y reste-t-il? Suffira-t-il que j'aille à Paris dix jours avant de le prononcer? (...) Lit-on le discours, ou le récite-t-on?
LAMARTINE, Correspondance, 1830, p. 4.
♦ Domaine homilétique. Sermon, prêche particulièrement élaborée en vue d'une circonstance donnée. Discours de mariage. Le discours de Jésus sur la montagne (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 749). Le curé (...) braille un discours pompier fait de tous les lieux communs patriotiques (BLOY, Journal, 1903, p. 170) :
• 5. ... on médite toute sa vie, on feuillette nuit et jour les « oraisons funèbres » de Bossuet, et les sermons de Bourdaloue et de Massillon. Les discours des orateurs chrétiens sont des livres, ceux des orateurs de l'antiquité ne sont que des discours.
CHATEAUBRIAND, Génie du christianisme, t. 2, 1803, p. 106.
— P. méton., RÉTH. Genre littéraire auquel appartient le discours. Un genre [d'éloquence] authentiquement français, le discours académique (THIBAUDET, Réfl. litt., 1936, p. 51).
♦ Domaine scolaire, vieilli. Exercice écrit destiné à former les élèves à la composition. Synon. usuel dissertation. Prix de discours français au concours général (RENARD, Journal, 1902, p. 724).
SYNT. Discours d'apparat, d'inauguration, aux morts, d'ouverture, du trône; discours du chancelier, du député, du ministre, du président, du prince; discours édifiant, éloquent, étudié, improvisé, politique, préliminaire, véhément; discours écrits, insensés, officiels, passionnés, publics; un discours persuade; admirable, beau, fameux, petit, premier discours; interminables, vains discours; adresser, commencer, composer, improviser, poursuivre, tenir, suivre, terminer un discours.
2. Propos suivis, d'une certaine longueur, que l'on tient en conversation; p. ext. propos tenus dans un entretien. Entre deux cœurs charmés, il faut peu de discours (DESB.-VALM., Élégies, 1833, p. 196). Ce discours s'adressait à sa petite amie (QUENEAU, Pierrot, 1942, p. 29) :
• 6. Ainsi se termina cet entretien; il ne fut plus question de ces femmes, et Henri retomba bientôt dans un sombre abattement. Mais depuis ce jour nos relations furent moins fréquentes et nos conversations moins intimes. Il avait trouvé mes discours et plus encore mon silence cruels...
TOEPFFER, Nouvelles génevoises, 1839, p. 431.
• 7. La « Karabassen » allait de l'avant, piétinant les scrupules, ne s'occupant que d'assener sur son interlocuteur un long discours, une suite de phrases, l'empêchant de reprendre pied.
QUEFFÉLEC, Un Recteur de l'île de Sein, 1944, p. 84.
— Au plur., parfois péj. [Gén. p. oppos. à un acte ou à un fait concr.] Synon. bavardage (cf. argutie ex. 5). Je compris ce geste mieux que de longs discours (LAMART., Confid., 1849, p. 218). La petite-maîtresse qui fait des discours à son amour de chien (ALAIN, Propos, 1913, p. 157) :
• 8. Crois-tu donc que les dieux se soucient de tes discours? Tais-toi. Accomplis les rites, faiseur de phrases. Voilà tout ce qu'on te demande.
RENAN, Drames philos., Le Prêtre de Némi, 1885, IV, 2, p. 589.
— Loc., péj. Beaux discours. Propos en l'air ou propos flatteurs qui cherchent à persuader. Ce garçon (...) est venu vous faire de beaux discours, mais il ne faut pas vous laisser prendre (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 193).
♦ Perdre le fil de son discours. S'interrompre dans ses propos ou faire une digression. Cette apparition et cette disparition [d'une femme] impressionnèrent Volpatte qui en perdit le fil de son discours (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 65).
C.— Emplois partic.
1. LINGUISTIQUE
a) Actualisation du langage par un sujet parlant. P. méton. résultat de cette actualisation. Discours écrit, parlé :
• 9. Nous savons que tout système de signes est un langage : ajoutons maintenant que tout emploi d'un langage, toute émission de signes, est un discours; et faisons que notre grammaire soit l'analyse de toutes les espèces de discours. Puisque tout discours est la manifestation de nos idées, c'est la connaissance parfaite de ces idées qui peut seule nous faire découvrir la véritable organisation du discours...
DESTUTT DE TRACY, Éléments d'idéologie, Grammaire, 1803, p. 23.
• 10. Honneur des hommes, saint langage,
Discours prophétique et paré,
Belles chaînes en qui s'engage
Le dieu dans la chair égaré...
VALÉRY, Charmes, 1922, p. 136.
♦ Partie du discours. Catégorie servant à classer les mots du point de vue du sens et de l'emploi grammatical :
• 11. On s'aperçoit moins de la rudesse de leur langue lorsqu'ils chantent. Je n'ai pu faire que très-peu d'observations sur les parties du discours, vu la difficulté de communiquer des idées abstraites par des signes : j'ai cependant reconnu qu'ils avaient des interjections pour exprimer les sentiments d'admiration, de colère, ou de plaisir; je ne crois pas qu'ils ayent des articles...
Voyage de La Pérouse, 1797, p. 212.
b) STYLE. Discours direct. Mode d'expression selon lequel un narrateur rapporte les propos d'autrui dans leur forme originale. (Lorsqu'il s'agit d'un texte écrit, ces propos sont généralement placés entre guillemets). Synon. style direct. Discours indirect. Mode d'expression selon lequel un narrateur rapporte les propos d'autrui en les faisant entrer dans la dépendance grammaticale de son propre énoncé (par la subordination, la substitution des pronoms, la transposition des personnes, des modes et des temps des verbes; la référence grammaticale est faite à la personne du narrateur). Synon. style indirect :
• 12. ... autant sa manière [à Françoise] d'écouter nos assertions témoignait de son incrédulité, autant l'accent avec lequel elle rapportait (car le discours indirect lui permettait de nous adresser les pires injures avec impunité) le récit d'une cuisinière qui lui avait raconté qu'elle avait menacé ses maîtres et, en les traitant devant tout le monde de « fumier », en avait obtenu mille faveurs, montrait que c'était pour elle parole d'évangile.
PROUST, Le Côté de Guermantes 2, 1921, p. 359.
2. LOG. Mode de pensée qui atteint son objet par une suite d'énoncés organisés. P. méton. Exposé de la pensée ainsi conduite, raisonnement. Synon. pensée discursive; anton. intuition. La mathématique (...), qui n'est après tout qu'un discours à règles exactes (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 170). Ce Dieu que le discours [apophatique] n'appréhende qu'en le niant (G. BATAILLE, Exp. int., 1943, p. 19).
3. P. anal. Le discours grave de l'orgue (PIRRO, J.-S. Bach, 1919, p. 7). Le discours musical est divisé en (...) phrases musicales (ROUGNON 1935).
Prononc. et Orth. :[]. On fait la liaison devant voyelle d'apr. FÉR. Crit. t. 1 1787, GATTEL 1841. D'apr. FÉL. 1851 et LITTRÉ on peut l'entendre mais rarement et ils ne la recommandent pas. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1503 [éd. 1534] « récit, exposé (écrit ou oral) » (Le Guidon en françoys, 151 d ds Rom. Forsch., t. 32, p. 48); av. 1613 « suite de mots qui constituent le langage » (RÉGNIER, Satire IX, 71, éd. G. Raybaud, p. 96). Empr. avec influence de cours au b. lat. discursus « discours, conversation, entretien » attesté en lat. class. au sens de « action de courir çà et là » (ce dernier sens attesté en fr. au XVIe s. ds HUG.). Fréq. abs. littér. :6 237. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 11 192, b) 6 660; XXe s. : a) 7 986, b) 8 602. Bbg. BARTHES (R.). Éléments de sémiologie. Communications. 1964, t. 4, pp. 91-135. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 343. — LA CHARITÉ (R. C.). The Concept of judgement in Montaigne. The Hague, 1968, passim.
discours [diskuʀ] n. m.
ÉTYM. 1503; lat. discursus, du supin de discurrere (→ Discourir), d'après cours.
❖
1 Vieilli. Ensemble d'énoncés produits par une personne ou un ensemble de personnes. ⇒ Conversation, dialogue, entretien, interlocution, parole; propos, monologue, soliloque; discoureur. || Le discours qu'il m'a tenu. || Discours sensé. || Discours audacieux, déplacé, blessant, injurieux, blasphématoire. || Discours futiles, frivoles. ⇒ Babil, badinage (cit. 1), palabre, sornette, sottise, tartine (fam.). || Un discours trompeur, flatteur (→ Baisser, cit. 18). ⇒ Baratin, boniment. || Discours ironique, moqueur. ⇒ Persiflage. || Discours dépourvus de sens, d'intérêt. ⇒ Logomachie, verbiage. || Discours en l'air. ⇒ Conte, faribole. || De grands discours prétentieux. ⇒ Laïus. — Mod. (Opposé à action, fait, preuve). || Faire des discours à perte de vue. || Pas de discours superflus ! || Trêve de discours ! || Couper un discours (→ Apophtegme, cit. 2). || Cela aura plus d'effet sur lui que tous les discours (→ Accès, cit. 5). || Faire des discours, de longs discours (⇒ Détour, périphrase). ☑ Il nous paye en beaux discours : il nous abreuve de vaines paroles. — Les Discours du Docteur O'Grady, roman de Maurois.
1 Et pour trancher enfin ces discours superflus (…)
Corneille, Horace, II, 3.
2 C'est à vous, s'il vous plaît, que ce discours s'adresse.
Molière, le Misanthrope, I, 2.
3 C'est un parleur étrange, et qui trouve toujours
L'art de ne vous rien dire avec de grands discours (…)
Molière, le Misanthrope, II, 4.
4 Tous les discours sont des sottises,
Partant d'un homme sans éclat;
Ce seraient paroles exquises
Si c'était un grand qui parlât.
Molière, Amphitryon, II, 1.
5 Oui, vos moindres discours ont des grâces secrètes (…)
Racine, Esther, III, 4.
6 À tous ces beaux discours j'étais comme une pierre.
Boileau, Satires, III.
7 Les réflexions naissent en foule quand on veut s'occuper de la formation du langage et des premiers discours des enfants.
Rousseau, Émile, I.
8 (…) le discours intérieur qu'elle se tenait à elle-même, au sortir de cet entretien.
Paul Bourget, Un divorce, II, p. 45.
9 Il avala sa salive et s'apprêta à poursuivre son discours.
P. Mac Orlan, la Bandera, XV, p. 184.
2 Spécialt et cour. Développement oratoire fait devant une réunion de personnes. ⇒ Adresse, allocution, briefing (anglic.), causerie, conférence, déclaration, exhortation, exposé, harangue, improvisation, jus (fam.), laïus (fam.), parénèse, proclamation, speech, topo (fam.). || Discours religieux. ⇒ Homélie, instruction, oraison, prêche, prédication, prône, sermon. || Discours à la louange, pour la défense, la justification de quelqu'un. ⇒ Apologie, compliment, éloge, louange, panégyrique, plaidoyer. || Discours qui accuse. ⇒ Catilinaire, philippique, réprimande, réquisitoire. || Discours politiques. || Discours démagogique. || Discours descriptif. || Discours convaincant, éloquent, incisif, pathétique, persuasif, sentencieux. || Discours amphibologique, ambigu (⇒ Antilogie), long, prolixe, pompeux (⇒ Phraséologie), confus (⇒ Cacologie, galimatias), soporifique… || Un discours trop orné (cit. 17). || Discours succinct.
10 Discours est le terme le plus général; il se dit de tout ce qui est prononcé avec une certaine méthode et une certaine longueur : discours dans les assemblées législatives; discours académiques; les discours de distribution des prix. La harangue est un discours qui a de la solennité, et qui s'adresse à un corps, à un roi, à un personnage constitué en dignité, à une armée (…) Oraison se dit ou plutôt s'est dit des discours des orateurs anciens : les oraisons de Démosthène, de Cicéron.
Littré, Dict., art. Discours.
♦ Faire, débiter, dire, lire, improviser, prononcer un discours, des discours. ⇒ Déclamation, éloquence; orateur. || Développer outre mesure, amplifier, gonfler son discours. || Commencer son discours. ⇒ Prendre (la parole). || Perdre, reprendre le fil de son discours; rentamer son discours. || Discours prononcé du haut de la chaire (→ Ex cathedra), d'une tribune, devant un microphone. || Discours radiodiffusé. || Discours haché d'applaudissements. || Ce discours fit une vive impression sur l'assemblée (→ Auditoire, cit. 7). || On trouvera un compte rendu, de larges extraits, un abrégé du discours, le discours in extenso, dans la presse.
11 On avait copié le discours au château, en supprimant quelques passages et en interpolant quelques autres.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. III, p. 24.
12 Le lendemain, à l'échoppe, il relisait dans son journal le résumé des discours; il le relisait tout haut (…)
R. Rolland, Jean-Christophe, p. 1294.
13 (…) l'homme monte à la tribune. Tumulte, — cris d'animaux, l'opposition « hargneuse », etc.
Il commence… Est-ce un discours ? — Mais peu à peu le travail de la pensée se montre, s'impose. C'est la pensée en travail qui se manifeste.
Valéry, Rhumbs, p. 106.
14 Suivant son habitude, il se remémorait jusque dans le détail ce discours qu'il avait improvisé. Il retrouvait même des pauses, ou des changements de timbre, qu'il avait eus.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXIV, p. 215.
♦ Discours d'ouverture (cit. 5), d'inauguration. || Discours inaugural, qui ouvre une session, un cours. ⇒ Leçon, 2. mercuriale. || Discours de clôture. || Averse, pluie de discours. || Adresse qui répond au discours de la couronne. || Discours du trône. — (Discours politiques). || Discours d'une campagne électorale. || Réunir les discours d'un ministre en recueil. || Les discours du candidat, du président. — Discours de bienvenue, de remerciement. || Discours d'apparat. || Discours académique. || Discours de réception, prononcé par un nouvel académicien. || Réponse au discours de réception.
15 Ceux qui, interrogés sur le discours que je fis à l'Académie française le jour que j'eus l'honneur d'y être reçu, ont dit sèchement que j'avais fait des caractères, croyant le blâmer, en ont donné l'idée la plus avantageuse que je pouvais moi-même désirer (…)
La Bruyère, Disc. de réception à l'Académie, Préface.
16 Le discours, dit-on d'avance, est étourdissant, est éblouissant, est resplendissant : ce sont les seules variantes. Salvandy dit qu'il est écarlate, et quel écarlate que celui qui semble tel à Salvandy ! C'est ce dernier qui répond à Hugo. Le discours de Hugo durera six quarts d'heure et même sept, en comptant un quart d'heure pour les applaudissements. Il y est moins question de Lemercier que de l'Empereur, lui ! toujours lui ?
Sainte-Beuve, Correspondance, IV, p. 100.
17 Un discours politique en France est une espèce de monologue (…) impersonnel (…)
Giraudoux, Bella, IV, p. 89.
18 Je me croyais puissant. Un homme qui par un discours peut renverser un ministère, donc modifier considérablement les destinées de son pays.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, XV, p. 181.
♦ Discours-programme. || « Le colloque de janvier (…) servira à la préparation de la loi de programmation sur la recherche et l'innovation technologique (…) ainsi que l'a confirmé le Premier ministre Pierre Mauroy, dans son discours-programme à l'Assemblée nationale, le 8 juillet. » (Sciences et Avenir, no 415, p. 102).
♦ Art de composer les discours. ⇒ Rhétorique. || Plan, division, points (1. Point, cit. 81) d'un discours. || Les six parties d'un discours, du discours : exorde, proposition, narration, preuve (ou confirmation), réfutation, péroraison. || Entrée en matière du discours. ⇒ Exposition, introduction, préambule, prologue, seuil (cf. Captatio benevolentiæ; → précautions oratoires). || Développement d'un discours. || Conclusion d'un discours. || Périodes du discours. || Lien entre les parties du discours. ⇒ Transition. || Réquisitoire qui achève un discours (→ Bref, cit. 5). — Corps de discours, du discours. → Autre, cit. 6.1. || Prosopopée qui donne de la vie au discours. || Sujet, thème du discours. || Discours qui traite à fond le sujet, qui va au fond des choses.
19 Le véritable orateur n'orne son discours que de vérités lumineuses, que de sentiments nobles, que d'expressions fortes et proportionnées à ce qu'il tâche d'inspirer. Il pense, il sent, et la parole suit.
Fénelon, Lettre à M. Dacier…, IV.
20 Il y a aussi des discours si brefs, et dont quelques-uns n'ont qu'un mot; mais si pleins, et qui dans leur nette énergie, répondent à tout si profondément, qu'ils paraissent concentrer des années de discussions internes et d'éliminations secrètes; ils sont indivisibles et décisifs comme des actes souverains. Les hommes vivront longtemps de ces quelques paroles.
Valéry, Eupalinos, p. 100.
21 Le réel d'un discours, c'est après tout cette chanson, et cette couleur d'une voix, que nous traitons à tort comme détails et accidents.
Valéry, Eupalinos, p. 21.
22 Logiquement, ce qui suivit ne semblait pas se raccorder à cet exorde pathétique. C'est la suite du discours qui fit seulement comprendre (…) que, par un procédé oratoire habile, le Père avait donné en une seule fois, comme on assène un coup, le thème de son prêche entier.
Camus, la Peste, p. 110.
3 Écrit littéraire didactique qui traite d'un sujet en le développant méthodiquement. ⇒ Exposé, traité. || Le Discours de la méthode, de Descartes. || Discours sur les passions de l'amour, attribué à Pascal. || Discours sur l'histoire universelle, de Bossuet. || Discours sur le style, de Buffon. || Discours préliminaire de l'Encyclopédie, de d'Alembert. || Discours sur l'universalité de la langue française, de Rivarol. — Discours en vers : sorte de dissertation sur un sujet moral. — Discours préliminaire en tête d'un livre. ⇒ Préface.
23 Ils attifent leurs mots, enjolivent leur phrase,
Affectent leur discours (…)
Mathurin Régnier, Satires, IX.
24 Voulez-vous du public mériter les amours,
Sans cesse en écrivant variez vos discours.
Boileau, l'Art poétique, I.
♦ (1637). Gramm., ling. || Parties du discours. || Les neuf parties (cit. 13) du discours : les neuf catégories grammaticales traditionnelles (nom, article, adjectif, pronom, verbe, adverbe, préposition, conjonction, interjection).
♦ (Déb. XXe). Ling. Exercice de la faculté du langage. ⇒ Parole (II., 2.). || Opposer la langue, l'usage (géographique, social) et le discours. || Stratégies de discours. ⇒ Discursif. || Discours sur le discours, discours sur la langue. ⇒ Métadiscours, et aussi métalangage. — Tout énoncé (3.) linguistique observable (phrase et suite de phrases énoncées; texte écrit), par opposition au système abstrait que constitue la langue (cit. 43.2 et supra). — Discours rapporté, discours direct, discours indirect, cité après un verbe de parole (ex. : dire).
♦ Analyse de (du) discours, prenant pour unité d'observation la phrase ou une unité plus étendue.
5 Philos., log. Pensée discursive, raisonnement (opposé à intuition). — L'univers du discours : l'ensemble du contexte.
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COMP. Métadiscours.
Encyclopédie Universelle. 2012.