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preuve

preuve [ prɶv ] n. f.
• v. 1200 « témoin »; prueve 1175; de prouver
1(XIIIe) Ce qui sert à établir qu'une chose est vraie. On prouve par des preuves, on démontre par des arguments ( démonstration) . Preuve d'une vérité ( établissement) et réfutation d'une erreur. « Les preuves ne convainquent que l'esprit » (Pascal). Donner qqch. comme preuve ( alléguer , attester) . Avoir, apporter, fournir des preuves. Faire la preuve de qqch. Démontrer preuve en main, par une preuve matérielle. Accuser, juger sans preuves. Manquer de preuves. Je n'en veux pour preuve que... Croire une chose jusqu'à preuve du contraire, jusqu'à ce qu'on ait la preuve qu'il faut croire le contraire. Charles de Valois « de qui la postérité mâle s'est éteinte, jusqu'à preuve contraire » (Balzac). Preuve matérielle, tangible, formelle, convaincante, évidente, indéniable, irrécusable, irréfragable. Preuve par l'absurde. Preuves de l'existence de Dieu; preuve ontologique, physicothéologique. Preuve de ce qu'on avance. justification.
Acte, chose, réalité qui atteste un sentiment, une intention. « Il n'y a pas d'amour, Hélène, il n'y a que des preuves d'amour » (Cocteau, « Les Dames du bois de Boulogne », film). 1. marque, signe. Preuve d'attachement, d'intérêt, de fidélité. assurance, gage, témoignage. L'obstination est la plus sûre preuve de bêtise. « Quoique ce soit une immense preuve d'infériorité chez un homme que de ne pas savoir faire de sa femme sa maîtresse » (Balzac). Fam. À PREUVE...; LA PREUVE... : en voici la preuve. « L'histoire démontre que l'amateur tombe souvent le professionnel. À preuve Pasteur » (Duhamel). Il se sent coupable, la preuve, il a rougi.
♢ LA PREUVE QUE (et l'indic.). Avoir, faire la preuve que. C'est la preuve que : j'en infère que. — La preuve en est que. À preuve que (cf. À telle enseigne que...). « Mais je ne me cache pas ! [...] à preuve que je viens de frapper chez elle » (Estaunié).
(1904) FAIRE PREUVE DE. montrer. Faire preuve de tolérance. « Le désintéressement dont il avait fait preuve » ( Courteline). — FAIRE SES PREUVES : montrer sa valeur, ses capacités. « À cette heure où chacun d'entre nous doit tendre l'arc pour refaire ses preuves » (Camus). Ce vaccin n'a pas encore fait ses preuves.
2Personne qui sert de preuve, d'illustration d'une thèse. J'en suis la preuve. « Vous êtes la preuve vivante qu'il n'est pas vrai qu'il faille plier ou briser » (Mirabeau).
3Dr. féod. Épreuve judiciaire. Preuve par jugement de Dieu ( ordalie) , par le combat singulier.
4Dr. « Démonstration de l'existence d'un fait matériel ou d'un acte juridique dans les formes admises par la loi » (Capitant). Faire la preuve de la fausseté d'un acte par l'inscription de faux. Sur la seule preuve de son identité. Preuve par témoins; par présomption.
Moyen employé pour faire la preuve. Preuve matérielle (cf. Pièce à conviction). « Des preuves matérielles qui démentent les dénégations de l'accusé » (Hugo). Preuve par écrit. Preuve par tous moyens. Le flagrant délit, preuve admise contre le prévenu. « Quelle preuve a-t-on ? Pas un témoin, pas une pièce à conviction » (Bernanos).
5Preuve d'une opération : opération autre, avec les mêmes données, et qui en vérifie le résultat. Preuve par neuf : démonstration de l'exactitude d'une multiplication; fig. preuve irréfutable. Faire la preuve par neuf.
6Rhét. Partie du discours (dite aussi confirmation ou réfutation) où est établie la véracité d'une assertion antérieure. Preuves oratoires.
7Techn. Essai par lequel on vérifie la richesse d'un liquide en alcool.

preuve nom féminin (de prouver) Élément matériel (exemple document contractuel, attestation) qui démontre, établit, prouve la vérité ou la réalité d'une situation de fait ou de droit : La preuve d'un crime. Opération par laquelle on contrôle l'exactitude d'un calcul ou la justesse de la solution d'un problème. Être ou chose qui, par leur existence même, témoignent de la réalité de quelque chose : Vous êtes la preuve vivante de la réussite de ce traitement. Acte qui met en évidence la réalité d'une disposition, d'une aptitude, d'un sentiment : Des preuves d'amour. Essai pour connaître la richesse d'un liquide en alcool. ● preuve (citations) nom féminin (de prouver) Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Stupeur sacrée ! la preuve se fait par les abîmes. L'Âme (inédit) Stéphane Mallarmé Paris 1842-Valvins, Seine-et-Marne, 1898 L'Homme, puis son authentique séjour terrestre, échangent une réciprocité de preuves. Richard Wagner Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 Les preuves ne convainquent que l'esprit. La coutume fait nos preuves les plus fortes et les plus crues ; elle incline l'automate, qui entraîne l'esprit sans qu'il y pense. Pensées, 252 Commentaire Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée. Jeanne-Marie ou Manon Phlipon, Mme Roland de La Platière Paris 1754-Paris 1793 Quel dommage que les sentiments ne soient pas des preuves ! Lettre, à Sophie Cannet Jean Rostand Paris 1894-Ville-d'Avray 1977 Académie française, 1959 Ne pas croire qu'une chose existe parce qu'il serait trop horrible qu'elle n'existât pas. Il n'y a pas de preuve par l'horrible. Pensées d'un biologiste Stockpreuve (difficultés) nom féminin (de prouver) Registre Les constructions sans verbe à preuve que, preuve que, pour preuve que sont courantes dans l'expression orale relâchée. Recommandation Dans l'expression soignée, en particulier à l'écrit, préférer : c'est la preuve que, la preuve est que. ● preuve (expressions) nom féminin (de prouver) Familier. À preuve, la preuve (que), voici ce qui prouve (que) : Je n'ai pas pris ton stylo, la preuve, il est là. Faire preuve de quelque chose, montrer, manifester nettement qu'on a une qualité. Faire ses preuves, manifester sa valeur, ses capacités. Jusqu'à preuve du contraire, tant qu'on n'aura pas prouvé le contraire. Preuves en main, par des preuves matérielles. Preuve contraire, preuve qui dément les faits avancés par l'autre partie ou qui renverse l'effet d'une présomption simple. Preuve littérale ou par écrit, preuve résultant de la production d'un écrit. Preuve par commune renommée, preuve résultant de déclarations de personnes qui n'ont point été témoins du fait, mais en ont entendu parler. (Elle n'est admise qu'à titre exceptionnel.) ● preuve (synonymes) nom féminin (de prouver) Élément matériel (exemple document contractuel, attestation) qui démontre, établit, prouve...
Synonymes :
- critère
- démonstration
Être ou chose qui, par leur existence même, témoignent de...
Synonymes :
- témoin
Acte qui met en évidence la réalité d'une disposition, d'une...
Synonymes :
- témoignage

preuve
n. f.
d1./d Information, raisonnement destiné à établir la vérité (d'une proposition, d'un fait). Donner des preuves rigoureuses de ce qu'on avance.
Faire la preuve d'une opération, en vérifier le résultat par une autre opération.
Preuve par neuf: V. neuf.
|| DR Démonstration dans les formes requises de l'existence d'un fait ou d'un acte juridique. être acquitté faute de preuves.
Jusqu'à preuve du contraire: en attendant qu'on démontre le contraire.
d2./d Marque, signe. Chez lui, la colère est une preuve de fatigue.
d3./d Faire preuve de: montrer. Faire preuve d'indifférence.
Faire ses preuves: montrer ses capacités.

⇒PREUVE, subst. fém.
A.— 1. Fait, témoignage, raisonnement susceptible d'établir de manière irréfutable la vérité ou la réalité de (quelque chose). Le finaud savait très bien qu'un grand nombre de députés royalistes trahissaient la nation, puisqu'il était arrivé tout exprès d'Italie pour remettre au Directoire la preuve de leur conspiration (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 434). Le calviniste Viret, nous l'avons dit, donnait des preuves philosophiques de l'existence de Dieu (Théol. cath. t. 4, 1 1920, p. 764) :
1. On ne sait pas encore très bien pourquoi se forment les calculs dans les voies biliaires. On a invoqué la stase biliaire (...). De même l'infection a été incriminée (...). Mais nous ne possédons aucune preuve formelle en faveur de l'une de ces causes.
QUILLET Méd. 1965, p. 146.
SYNT. Preuve évidente, indéniable, irrécusable, insuffisante, irréfutable, morale, matérielle, ontologique; apporter, fournir, récuser une/des preuve(s); accuser, croire, juger sans preuves; manquer de preuves; établir preuve en main la vérité.
Expr. constr. avec que ou de. Faire/citer/donner/vouloir qqc. comme/en/pour preuve de, que; avoir la preuve de, que; faire la preuve de, que; je n'en veux pour preuve que; c'est (la) preuve que; la preuve en est que. Deux pays, le Tell et le Sahara; et ils [les arabes] en donnent pour preuve que, d'un côté la montagne est noire et couleur de pluie, et de l'autre, rose et couleur de beau temps (FROMENTIN, Été Sahara, 1857, p. 5). Si les fermiers laissent une partie de leurs champs en jachère, c'est preuve qu'ils ont trop du tout pour vous payer (GIDE, Immor., 1902, p. 415) :
2. La preuve en est qu'en lisant les textes de cette fillette de quatorze ans, on y voit apparaître une morale qu'un humour lugubre tient en laisse...
ÉLUARD, Donner, 1939, p. 149.
Locutions
À preuve (que) (fam. ou pop.). La preuve (c'est que). Une ville [Barcelone] (...) où on aime la France. À preuve que la voie de son métro a le même écartement que celle du nôtre, tandis que le métro de Madrid a une voie plus étroite, par crainte de l'invasion (MONTHERL., Pte Inf. Castille, 1929, p. 598). Cela ne rimait à rien du tout de gagner de plus en plus d'argent, à preuve : c'est qu'il ne pouvait même pas se payer des vacances (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 45).
Preuve que (pop. et fam.). La preuve que. Mais je les ai perdus, monsieur le curé. Voilà ma veine! Preuve que je suis un honnête homme. Y a de la chance que pour la canaille et le parasite, c'est mon idée (BERNANOS, Imposture, 1927, p. 451).
Jusqu'à preuve (du) contraire. Jusqu'à ce que le contraire soit démontré. Il faut des certitudes pour condamner un homme, et les certitudes vous manquent. Jusqu'à preuve du contraire, je suis Ayrton, quartier-maître du Britannia (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 3, 1868, p. 205).
a) DR. CIVIL, COMM. ET PÉNAL. ,,Moyen tendant à établir la réalité d'un acte ou d'un fait juridique`` (LEMEUNIER 1969). Preuves accablantes; commencement de preuve. Preuve littérale (reposant sur un écrit); preuve testimoniale (reposant sur un témoignage). La preuve peut être faite par écrit (acte authentique ou sous seing privé), par témoins, par aveu, par serment ou par présomption (LEMEUNIER 1969:
3. On n'a pas oublié la superbe du général de Pellieux à la Cour d'assises, basant sur ces faux la démonstration irréfutable de la culpabilité de Dreyfus, et faisant, sur cette preuve, condamner Zola.
CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 120.
Preuve par présomption. ,,Inductions ou conséquences tirées de faits connus en vue d'établir le fait contesté`` (BARR. 1974). Preuve préconstituée. ,,Écrit qui, avant toute contestation, mais en prévision d'une contestation possible, est destiné à établir l'existence et le contenu du contrat`` (BARR. 1974).
b) Vieilli
RHÉT. ,,Chacune des parties constitutives d'un discours que l'on appelle aussi confirmation et réfutation`` (LITTRÉ). Preuves oratoires.
,,Titre, extrait, pièce que l'on met à la fin d'une histoire ou d'un autre ouvrage, pour prouver la vérité des faits qui y sont avancés. Il a ajouté à son histoire un volume de preuves`` (Ac.).
P. anal. Chose ou être constituant l'illustration, le témoignage de ce que l'on désire démontrer. Le médaillon grec, la plus belle preuve et le plus bel exemple de cette beauté pure (GONCOURT, Journal, 1856, p. 270) :
4. On avait bien chuchoté qu'ils [ma mère et mon père] s'étaient aimés du vivant du premier mari, mais on n'en avait aucune preuve. C'était moi la preuve, la preuve qu'on avait cachée d'abord, espéré détruire ensuite.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Parricide, 1884, p. 478.
2. Spécialement
a) MATH. Calcul permettant de vérifier l'exactitude du résultat d'une opération en faisant l'opération inverse. La preuve de la soustraction se fait par l'addition. Pour faire la preuve d'une division, on multiplie le diviseur par le quotient et l'on ajoute le reste; on doit retrouver le dividende (R. CHEZEL, A. ROUGEAUX, L'Arithm. au cours élém., Paris, Belin, 1949, p. 176).
Preuve par neuf (d'une multiplication). Opération arithmétique permettant, grâce à des rapports fixes où intervient la base 9, de vérifier l'exactitude d'une multiplication. Tant que les instituteurs enseigneront à nos enfants la règle de trois, et surtout la preuve par neuf, ils seront des citoyens considérés (PÉGUY, Argent, 1913, p. 1137).
Au fig. Démonstration flagrante, irréfutable. Tous les beaux discours sur l'âme vont recevoir ici, au moins pour un temps, une preuve par neuf de leur contraire (CAMUS, Sisyphe, 1942, p. 30).
b) TECHNOLOGIE
SUCR. Opération permettant de vérifier le degré de concentration du sucre afin de le faire se cristalliser dans de bonnes conditions. Preuve au thermomètre, à l'aréomètre, au filet, à l'écumoire, à la dent, à l'eau (LITTRÉ).
DISTILL. Vérification du degré de l'alcool au sortir de l'alambic; flacon éprouvette destiné à cette vérification ou à goûter l'alcool. Preuve de Hollande. Degré de concentration correspondant à 51° Gay-Lussac (autrefois 19° Cartier), atteint quand l'alcool perle si on l'agite dans la preuve. Cet alcool à 51o était capable d'enflammer la poudre à l'époque et avait été pris pour preuve en Hollande et [dans] de nombreux pays (Ch. MARILLER, Distill. agric. et industr., Paris, J.-B. Baillière et fils, 1951, p. 22).
B.— HIST., toujours au plur. Preuves de noblesse. Ensemble des titres qui établissent la noblesse d'une personne. Les preuves de noblesse exigées pour l'admission de Napoléon à une école militaire furent faites (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 296).
Loc. verb. Faire ses preuves de noblesse et, p. ell., faire ses preuves. Justifier par titres de son état de noble :
5. ... Albert était (...) vicomte : vicomte de nouvelle noblesse, c'est vrai; mais aujourd'hui qu'on ne fait plus ses preuves, qu'importe qu'on date de 1399 ou de 1815!
DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 472.
P. ext. Faire ses preuves
[Le suj. désigne une pers.] Témoigner de sa valeur, de son aptitude à. Tous les chevaliers armés (...) ont fait leurs preuves au champ d'honneur (GENLIS, Chev. Cygne, t. 2, 1795, p. 299). Or, Rochard est (...) un militant qui a fait ses preuves et je ne me reconnais pas le droit de suspecter son témoignage (AYMÉ, Uranus, 1948, p. 177).
[Le suj. désigne une chose] Démontrer sa valeur, son efficacité. La combinaison cours du soir-cours par correspondance a déjà fait ses preuves. Elle est néanmoins difficile à supporter (...), à cause de l'étalement des études qu'elle implique (Encyclop. éduc., 1960, p. 286). Décentraliser. Il existe pour cela plusieurs méthodes qui ont fait leurs preuves. La plus connue est la division de la société (Univers écon. et soc., 1960, p. 42-16).
C.— Marque, témoignage d'un sentiment, d'une disposition de l'esprit. Synon. indice, signe. Preuve d'amitié, d'amour, d'estime; preuves de bêtise, de compétence, de courage, de prudence, de sagesse. Il chérissait en lui l'obstination comme une preuve de caractère (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1937, p. 226). Cette preuve de solidarité, de fidélité, m'a procuré une minute de joie que je n'oublierai jamais (MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 833). Souvenez-vous de moi. Je vous ai donné la plus grande preuve de confiance (GRACQ, Beau tén., 1945, p. 166).
Loc. verb. Faire preuve de. Témoigner de. À peine installé à son bureau, il fit aussi preuve d'une ardeur au travail que justifiait l'abondance des cas litigieux accumulés en son absence (ESTAUNIÉ, Ascension M. Baslèvre, 1919, p. 169). De quelle sottise, le plus souvent, le blanc fait preuve, quand il s'indigne de la stupidité des noirs! (GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 765).
Prononc. et Orth. :[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1160-74 « ce qui est susceptible d'établir la réalité, la vérité de quelque chose » (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, III, 397); 1265-66 faire preuve de (Livre de Jean d'Ibelin, LXVI ds Assises de Jérusalem, éd. Beugnot, t. 1, p. 109); 1283 faire la preuve (PHILIPPE DE BEAUMANOIR, Coutumes de Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 131); 1671 faire ses preuves de noblesse (POMEY); 2. 1580 « comportement témoignant d'une qualité, d'une capacité » donner preuve de sa bonté et de sa vertu (MONTAIGNE, Essais, II, VIII, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 386). B. 1. 1253 « épreuve » (ds Trésor des chartes de Rethel, éd. G. Saige et H. Lacaille, t. 1, p. 229); ca 1265 « expérience, épreuve » (BRUNET LATIN, Trésor, III, LXXV, 2, éd. J. Carmody, p. 393, 8); 2. spéc. a) 1765 sucr. « essai par lequel on s'assure que le sirop est assez concentré » (Encyclop. t. 13, p. 357b); b) 1832 distill. « petite bouteille de cristal où se collecte l'eau de vie pour en évaluer le degré » (RAYMOND); 1842 preuve de Hollande « eau-de-vie à 19° » (Ac. Compl.); 1875 « essai faisant connaître le degré d'un liquide en alcool » (Lar. 20e). Déverbal de prouver. Fréq. abs. littér. :6 260. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 10 973, b) 6 366; XXe s. : a) 9 329, b) 8 236.

preuve [pʀœv] n. f.
ÉTYM. V. 1200, « témoin »; prueve, v. 1155; des formes toniques anc. du v. prouver.
1 Ce qui sert à établir qu'une chose est vraie. || La preuve peut être un raisonnement, la présentation d'un fait, le fait lui-même ou l'objet qui le concrétise. || On prouve par des preuves, on démontre (cit. 3) par des arguments. Démonstration. || Preuve d'une vérité ( Établissement) et réfutation d'une erreur. || Les preuves ne convainquent que l'esprit (→ Entraîner, cit. 11, Pascal). || Expérience qui dispense de la preuve (→ Homme, cit. 27). || Amener à croire par des preuves. Convaincre, persuader (→ Méthodique, cit. 1). || Donner qqch. comme preuve. Alléguer, attester. || Avoir, apporter, fournir des preuves. || Faire la preuve de qqch. — ☑ Loc. Preuve en main : par une preuve matérielle. || Démontrer qqch. preuve en main (→ Faire toucher du doigt).Avoir des preuves sous les yeux (→ Légèreté, cit. 10). Constater. || Avancer (cit. 4), croire (→ Convaincre, cit. 2), accuser (cit. 10), juger sans preuves (→ Envie, cit. 4). || Manquer de preuves (→ Doute, cit. 24). || À défaut de preuves (→ Imposer, cit. 35). || Il n'en faut…, je n'en veux pour preuve que… (→ 1. Passé, cit. 3).Je crois, j'admets, j'admettrai ceci jusqu'à preuve du contraire.Var. || Jusqu'à preuve contraire (→ ci-dessous, cit. 4). || Preuve matérielle, tangible (→ Indication, cit. 3), formelle (→ Culpabilité, cit. 2), convaincante (cit. 1), sûre (→ Incartade, cit. 2), évidente (→ Homme, cit. 4), indéniable, irrécusable, irréfragable (cit. 2).Preuve par l'absurde.Preuve insuffisante, impuissante (cit. 13). || Preuves assez fortes pour le jaloux (→ Bagatelle, cit. 14).Preuves de l'existence (cit. 2) de Dieu (→ Merveille, cit. 4); preuve cosmologique, ontologique (cit.), physicothéologique (de l'existence de Dieu).Preuve de ce qu'on avance. Justification. || Preuve concernant la nature d'une chose. Critère. || Preuve d'un engagement. Caution. || Preuve a posteriori. Confirmation. || Preuve d'attachement (→ Aversion, cit. 8; dos, cit. 16), d'intérêt, de fidélité (→ Apporter, cit. 32) portée à qqn. Affirmation, assurance, 1. enseigne (vx), gage, témoignage. || Une grande preuve d'amour.Par ext. Acte, chose, réalité qui atteste un sentiment, une intention. Indice, marque, signe (et ci-dessous cit. 1, 3 et 5). || Donner la preuve d'une mesquine vanité (→ Détail, cit. 12). || L'obstination est la plus sûre preuve de bêtise (→ Âne, cit. 6). Accuser. — ☑ Par anal. Personne qui est la preuve, la preuve vivante d'une chose, qui est l'illustration de ce qu'on avance.
1 Veuille le juste Ciel me garder en ce jour
De recevoir de vous cette preuve d'amour !
Molière, les Femmes savantes, IV, 5.
2 Les prophéties, les miracles mêmes et les preuves de notre religion ne sont pas de telle nature qu'on puisse dire qu'ils sont absolument convaincants (…)
Pascal, Pensées, VIII, 564.
3 Quand les peuples du Nord bravent les inconvénients de leur climat, ils s'endurcissent singulièrement contre tous les genres de maux : le soldat russe en est la preuve.
Mme de Staël, De l'Allemagne, I, II.
4 S'il existe des Valois, ils proviennent de Charles de Valois, duc d'Angoulême, fils de Charles IX et de Marie Touchet, de qui la postérité mâle s'est éteinte, jusqu'à preuve contraire, en la personne de l'abbé de Rothelin (…)
Balzac, la Vieille Fille, Pl., t. IV, p. 209.
5 (…) Pascal avait déjà aperçu, non sans une espèce d'épouvante, que les preuves théologiques de l'existence de Dieu sont des raisonnements puérils. Aussi disait-il : « Allez à la messe; abêtissez-vous; voilà la vraie preuve. »
Alain, Propos, 13 juil. 1913, Conversations chinoises.
Loc. fam. À preuve… : en donnant pour indice certain… Témoin (→ Fruste, cit. 6). → ci-dessous À preuve que…
6 L'histoire démontre que l'amateur tombe souvent le professionnel. À preuve Pasteur, qui n'était même pas médecin, et qui les a tous matés.
G. Duhamel, Salavin, Journal, 10 mars.
(Employé avec que). || Avoir la preuve que… (→ Impartial, cit. 3; 2. mèche, cit. 1). || Faire la preuve que… (→ Excommunication, cit. 4). || La preuve est faite que… (→ Factum, cit. 5). || La preuve que…, c'est que… (→ Gouache, cit. 1). || « La preuve qu'il ne fut jamais mon médecin, c'est que je suis encore en vie » (→ Assassin, cit. 10). || C'est la preuve que… : j'en infère que.La preuve en est que…Vx. || C'est la preuve combien…
7 Vous êtes la preuve vivante qu'il n'est pas vrai qu'il faille plier ou briser; qu'on peut atteindre à la plus haute considération, sans un respect superstitieux pour le monde et ses lois (…)
Mirabeau, Lettres à Chamfort, V, in Chamfort.
8 Hortense fut la femme et Valérie fut la maîtresse. Beaucoup d'hommes veulent avoir ces deux éditions du même ouvrage, quoique ce soit une immense preuve d'infériorité chez un homme que de ne pas savoir faire de sa femme sa maîtresse.
Balzac, la Cousine Bette, Pl., t. VI, p. 333.
À preuve que… (introduisant la preuve de ce qui précède). → Déprédation, cit. 3.
9 Mais je ne me cache pas ! repris-je avec impatience : à preuve que je viens de frapper chez elle (…) !
É. Estaunié, Tels qu'ils furent, II, 6.
Fam. || Preuve que… (indiquant que ce qui précède est la preuve de ce qui suit).
10 Bizarre amour, celui que la France inspire. Il m'a touché vers l'âge de vingt-deux ans, et m'a entraîné à toutes sortes d'actions imprudentes, preuve que c'est une passion.
J. Dutourd, les Taxis de la Marne, XXVIII.
Loc. (1094). Faire preuve de… 1. Montre; montrer. || Faire preuve de notre attachement (cit. 17) l'un pour l'autre. || Faire preuve de tolérance (→ Longanimité), d'indépendance (→ Débrailler, cit. 4), d'une adresse singulière (→ Bonheur, cit. 4). || Les scrupules dont ils ont fait preuve.
11 (…) rappelant ses états de service, le désintéressement dont il avait fait preuve (…)
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 6e tableau, I.
Faire ses preuves. (De faire ses preuves de noblesse). a Vx. Justifier, par titres ou témoins, de sa noblesse.
b Mod. Montrer sa valeur, son talent, ses capacités. || Avant d'être nommé, il doit faire ses preuves (→ aussi Démonstration, cit. 6).(Choses). || Ce procédé n'a pas encore fait ses preuves.
12 Les mots de passe qui ont fait leurs preuves, à quoi bon les compliquer ?
Camus, le Mythe de Sisyphe, p. 100.
13 À cette heure où chacun d'entre nous doit tendre l'arc pour refaire ses preuves, conquérir (…) ce qu'il possède déjà, la maigre moisson de ses champs, le bref amour de cette terre (…)
Camus, l'Homme révolté, p. 378.
2 Dr. féod. Épreuve judiciaire. || Preuve par jugement de Dieu. Ordalie; épreuve (judiciaire). || Preuve par le combat (cit. 9) singulier.
3 Dr. Démonstration de l'existence d'un fait matériel ou d'un acte juridique dans les formes admises par la loi (Capitant). || Jugement qui ordonne la preuve (→ Enquête, cit. 1). || Preuve juridique complète. Certificat (cit. 1). || Administrer une preuve. || Faire la preuve de la fausseté d'un acte par l'inscription de faux (→ Authenticité, cit. 1). || Sur la seule preuve de son identité (→ Bannir, cit. 35), de l'état (cit. 71) des personnes. || Preuve par témoins (→ Notoire, cit. 1); par des écrits; par présomption, par aveu de la partie, par serment, par la commune renommée.Par ext. Moyen employé pour faire la preuve. || Preuve matérielle. Conviction (pièce à), délit (corps du). || Preuve littérale. Document, écriture. || Preuve testimoniale. Témoignage. || Le flagrant délit, preuve admise contre le prévenu. || Preuves accablantes. Charge. || Police (cit. 8) qui rassemble les preuves. || Il fut relâché faute (cit. 8) de preuves. || Recueillir des preuves pour un recours en grâce (→ Intervalle, cit. 13).Commencement de preuve. Adminicule (→ Copie, cit. 3). || Preuve insuffisante qui fournit cependant des indices (cit. 10).
14 Je n'ai pas même besoin des présomptions morales et des preuves matérielles qui démentent les dénégations de l'accusé.
Hugo, les Misérables, I, VII, X.
15 Qui t'a vue sortir ? Qui t'a vue rentrer ? Quelle preuve a-t-on ? Pas un témoin, pas une pièce à conviction (…)
Bernanos, Sous le soleil de Satan, Prologue, IV.
4 (1677). || Preuve d'une opération : opération autre, avec les mêmes données, et qui en vérifie le résultat.Spécialt. || Preuve par neuf (preuve de la multiplication) : la somme des chiffres du produit des deux nombres obtenus en ôtant 9 (ou ses multiples) — chaque fois que cela est possible — de la somme des chiffres du multiplicateur et de celle du multiplicande doit être égale à la somme des chiffres du produit moins 9 (ou ses multiples), si la soustraction est possible. — ☑ Fig. Preuve par neuf : preuve irréfutable (→ Éventualité, cit. 3).
16 (…) du seul point de vue d'une morale plus banale ne serait-ce logique que ce livre entraînât mon corps et m'attirât en prison (…) par une fatalité qu'il contient, que j'y ai mise, et qui, comme je l'ai voulu, me garde comme témoin, champ d'expérience, preuve par 9 de sa vertu et de ma responsabilité ?
Jean Genet, Journal du voleur, p. 285.
5 Rhét. Partie importante du discours, où est établie la véracité d'une assertion antérieure; dite aussi confirmation ou réfutation. || Preuves oratoires.Par ext. Pièce, document figurant à la fin d'un livre pour établir la vérité de ce qu'on a avancé.
6 (1875; désignant le flacon contenant le liquide, 1842). Essai par lequel on vérifie la richesse d'un liquide en alcool.

Encyclopédie Universelle. 2012.